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28/09/2020 | FRANCE | N°18BX01906

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 28 septembre 2020, 18BX01906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ecobat a demandé au tribunal administratif de Poitiers de déclarer irrégulière et fautive la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le président du syndicat mixte des eaux de la Vienne (SIVEER) a prononcé la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 31 août 2012 avec le groupement composé de M. A..., la société Ecobat, la société Lamalle Ingénierie et la société Ites, bureau d'études fluides, et de condamner le SIVEER à lui verser la somme de 12 431,30 euros à raison d

es conséquences fautives pour elle de cette résiliation.

Par un jugement n° 1502820 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ecobat a demandé au tribunal administratif de Poitiers de déclarer irrégulière et fautive la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le président du syndicat mixte des eaux de la Vienne (SIVEER) a prononcé la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 31 août 2012 avec le groupement composé de M. A..., la société Ecobat, la société Lamalle Ingénierie et la société Ites, bureau d'études fluides, et de condamner le SIVEER à lui verser la somme de 12 431,30 euros à raison des conséquences fautives pour elle de cette résiliation.

Par un jugement n° 1502820 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mai 2018 et le 25 mai 2020, la société Ecobat, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 mars 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le SIVEER à lui verser la somme de 12 431,30 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de 2 points et capitalisés, à raison des conséquences fautives pour elle de cette résiliation et la somme de 10 000 euros en réparation de son manque à gagner ;

3°) de mettre à la charge du SIVEER la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a adressé un mémoire en réclamation le 6 août 2015 pour avoir paiement de 1 861,61 euros pour l'indemnité de résiliation, 5 813,17 euros pour les frais et investissements en exécution du marché, 106,76 euros d'intérêts moratoires et 4 639,67 euros en paiement d'une facture n° 15.0347 ;

- la mention dans le cahier des clauses administratives particulières à l'article 27-1 de ce que " il vaut mieux déroger à cet article et dire qu'il n'y aura pas d'indemnité " est une erreur matérielle, est contraire aux articles 34.2.2.4 du CCAG-PI et 30 du CCAP en tout état de cause il s'agit d'une clause léonine contraire à l'équilibre du marché ; d'ailleurs les autres membres du groupement ont été indemnisés ;

- sa présence aux réunions de chantier des 5 février 2015 et 5 mars 2015 ainsi que les frais logistiques et travaux réalisés à la demande du SIVEER doivent être indemnisés ;

- la facture n° 15.0347 correspond aux missions qu'elle a exécutées ;

- elle a été informée tardivement de la résiliation et a réalisé des prestations inutiles, son manque à gagner est de 10 000 euros sur ce point.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, le SIVEER, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Ecobat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- rien ne lui imposait de lister les dérogations au cahier des clauses administratives particulières dans les pièces du marché ; il n'est pas démontré que les autres membres auraient perçu une indemnité de résiliation et en tout état de cause cela ne le lierait pas sur ce point avec la société Ecobat ;

- la mission " EXE " n'a jamais été réalisée et la facture présentée ne correspond donc à aucun travail ;

- aucun manque à gagner ne sera indemnisé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles,

- le code des marchés publics,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Ecobat.

Considérant ce qui suit :

1. En vue de la réalisation de la 2ème phase des travaux de restructuration de son siège situé à Poitiers (Vienne), le syndicat mixte des eaux de la Vienne (SIVEER) a confié, par marché du 31 août 2012, une mission de maitrise d'oeuvre à un groupement conjoint composé de M. A..., architecte, mandataire du groupement, de la société Ecobat, de la société Lamalle Ingénierie et de la société Ites, bureau d'études fluides. Par une décision du 8 juillet 2015, le président du SIVEER a prononcé la résiliation de ce marché pour un motif d'intérêt général. La société Ecobat, économiste de la construction et exerçant une mission " ordonnancement, pilotage, coordination " (OPC) du projet, a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une contestation de la validité de la résiliation et a sollicité la condamnation du syndicat mixte à lui verser la somme de 12 431,30 euros HT à raison des conséquences fautives de celle-ci et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. Le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande et elle relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires et demande à la cour de condamner le SIVEER à lui verser la somme de 12 431 euros ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de son manque à gagner.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les juges de première instance ont répondu au point 6 du jugement au moyen soulevé par elle et tenant à ce qu'une clause de résiliation sans indemnité serait illégale. Dès lors, la société Ecobat n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, il résulte des stipulations de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI) applicable au marché en cause : " Résiliation pour motif d'intérêt général - Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations reçues, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. (...) ". Selon l'article 34.2.2.4 de ce même CCAG, si " la résiliation est prise en application de l'article 33, une somme forfaitaire calculée en appliquant un pourcentage à la différence entre le montant hors TVA non révisé du marché et le montant hors TVA non révisé des prestations réceptionnées " est inscrite au crédit du titulaire. L'article 27-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de ce marché prévoit que : " Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché (...) selon les dispositions des articles 29 à 34 du CCAG-PI avec les précisions suivantes : Pour la fixation de la somme forfaitaire figurant au crédit du maître d'oeuvre, à titre d'indemnisation, le pourcentage est prévu à l'article 34.2.2.4 du CCAG-PI. Il vaut mieux déroger à cet article et dire qu'il n'y aura pas d'indemnité. ".

4. La société Ecobat soutient que la clause précitée selon laquelle l'indemnité de résiliation est supprimée, résulte d'une erreur matérielle, n'a pas été appliquée aux autres membres du groupement et est léonine donc illégale.

5. D'une part, il résulte clairement des stipulations précitées du marché conclu entre le SIVEER et le groupement conjoint composé notamment de la société Ecobat, et donc de la commune intention des parties, que celles-ci ont entendu exclure toute indemnité de résiliation par le pouvoir adjudicateur, quand bien même cette dérogation au CCAG-PI n'aurait pas été expressément listée par l'article 30 du CCAP. En outre, il ne résulte pas de la seule circonstance que le SIVEER aurait conclu des accords transactionnels avec les autres membres du groupement, que le syndicat ait entendu renoncer à l'application de ladite clause.

6. D'autre part, les principes généraux applicables aux contrats administratifs permettent aux personnes publiques, sans qu'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation contractuelle ne le prévoit, de résilier un contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve de l'indemnisation du préjudice éventuellement subi par le cocontractant. Ces mêmes principes ne s'opposent pas à ce que des stipulations contractuelles écartent, comme en l'espèce, tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique. Dès lors, c'est à bon droit que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les conclusions indemnitaires de la société Ecobat au titre d'une indemnité de résiliation dès lors que les parties avaient renoncé contractuellement à cette indemnisation.

7. En deuxième lieu, la société Ecobat demande, en règlement du marché, le paiement d'une somme de 5 813,17 euros en règlement des frais et investissement qu'elle aurait engagés pour le marché avant résiliation. Toutefois, et ainsi que l'ont décidé les juges de première instance, si la société Ecobat a bien été convoquée à des réunions dans le cadre du marché en cause, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait effectivement participé aux réunions de chantier des 5 février et 5 mars 2015 et pas davantage qu'elle aurait réalisé des travaux pour une réunion du 19 février 2015.

8. En troisième lieu, la société Ecobat soutient que sa mission " EXE " a été entièrement réalisée, et que les missions DET et OPC ont été réalisées à 25 % du total du marché initial. En conséquence elle demande le paiement de la facture n° 15.0347 d'un montant de 4 639,67 euros assortie des intérêts. Cependant, il ne résulte d'aucune des pièces de dossier, que la mission EXE, telle que décrite à l'annexe II au CCAP aurait été entièrement réalisée par la société requérante. De même la société ne contestant pas sérieusement que seulement 4 % des travaux envisagés ont été réalisés, elle ne peut revendiquer avoir effectué les missions DET et OPC, qui sont directement liés à la réalisation des travaux, pour 25 % du montant du marché. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de la société Ecobat en règlement de la facture n° 15.0347.

9. Enfin, en dernier lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 6, dès lors que les parties ont contractuellement renoncé à toute indemnité de résiliation, la société Ecobat ne peut revendiquer un manque à gagner du fait de la résiliation du marché en cause pour un motif d'intérêt général.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Ecobat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 14 mars 2018 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du SIVEER au titre des frais non compris dans les dépens exposés dès lors qu'il n'est pas dans la présente instance la partie perdante. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Ecobat, une somme de 1 500 euros qu'elle versera au SIVEER sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ecobat est rejetée.

Article 2 : La société Ecobat versera la somme de 1 500 euros au SIVEER au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ecobat et au syndicat mixte des eaux de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 31 août 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.

La rapporteure,

Fabienne F... Le président,

Dominique NAVESLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX01906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01906
Date de la décision : 28/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP DROUINEAU COSSET BACLE LE LAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-28;18bx01906 ?
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