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28/09/2020 | FRANCE | N°18BX01948

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 28 septembre 2020, 18BX01948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros majorée des intérêts au taux légal, au titre de son préjudice matériel, la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 10 000 euros au titre de la perte d'une chance d'accéder au grade supérieur, en réparation des préjudices causés par son absence de nomination au grade de brigadier-major.

Par un jugement n° 1700437 du 6 mars 2018, le tribunal admi

nistratif de la Martinique a condamné l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros majorée des intérêts au taux légal, au titre de son préjudice matériel, la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 10 000 euros au titre de la perte d'une chance d'accéder au grade supérieur, en réparation des préjudices causés par son absence de nomination au grade de brigadier-major.

Par un jugement n° 1700437 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de la Martinique a condamné l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2018, et des mémoires, enregistrés le 2 août 2018, le 19 mars, le 17 juillet, le 13 août, et le 2 septembre 2019 et par un mémoire en production de pièces complémentaires, enregistré le 18 septembre 2019, M. D..., représenté par Me F..., demande à la cour dans ses dernières écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 50 328 euros au titre de sa perte de chance, la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral subi et la somme de 22 827 euros en réparation de son préjudice matériel causés par son absence de nomination au grade brigadier-major ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- suite au jugement du 1er janvier 2017, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 5 février 2015 du directeur départemental de la sécurité publique de la Martinique rejetant sa demande de nomination au grade de brigadier-major en raison de l'irrégularité dont était entachée cette décision, il a par deux courriers du 9 mars 2017 restés sans suite, demandé la saisine de la commission administrative paritaire et a présenté une réclamation préalable ;

- cette irrégularité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;

- le refus de le présenter devant la commission, en dépit des décisions de justice qui sont intervenues, constitue un harcèlement moral, une volonté de nuire à sa carrière professionnelle, ce qui est confirmé par son abaissement illégal de sa notation et de ses appréciations depuis qu'il a entamé un recours devant la juridiction administrative ;

- il est fondé à demander la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, la somme de 50 328 euros au titre de la perte de chance d'accéder à un grade supérieur depuis 2008 et la somme de 22 827 euros au titre de ses pertes de salaires de 2009 à 2019 ;

- depuis 2008, il remplit les conditions pour que son dossier soit présenté en commission administrative paritaire, eu égard à sa réussite au grade de major le 10 juillet 2008, à l'ancienneté requise dans le corps et dans le grade de brigadier-chef, aux bonnes notations administratives, aux propositions de sa hiérarchie directe et de la souscription de fiches d'engagement ;

- eu égard à la qualité de son travail et à sa valeur professionnelle, il avait des chances sérieuses d'être inscrit au tableau d'avancement au grade de major de police ;

- il appartient au ministre de l'intérieur d'apporter la preuve que les autres candidatures étaient meilleures que la sienne et qu'il n'avait aucune chance sérieuse d'être nommé.

Par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2019, le ministre de l'intérieur, demande à la cour :

- à titre principal, de rejeter la requête de M. D... ;

- à titre subsidiaire, de ramener la somme allouée par le jugement du 6 mars 2018 du tribunal administratif de la Martinique à la somme de 500 euros.

Il indique s'en remettre à ses écritures de première instance et soutient qu'eu égard au nombre de demandes et aux mérites des autres candidats, son préjudice moral n'est pas certain.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., brigadier-chef de la police nationale, né en 1959, a obtenu l'annulation par un jugement du tribunal administratif de la Martinique du 20 décembre 2016, devenu définitif, de la décision du 5 février 2015 du directeur départemental de la sécurité publique de la Martinique refusant de le nommer au grade de brigadier-major, pour défaut de consultation de la commission administrative paritaire. Après avoir lié le contentieux indemnitaire par un courrier du 9 mars 2017, il a présenté un recours indemnitaire afin d'obtenir réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité dont était entachée la décision du 5 février 2015 et du fait de l'abstention de l'administration à exécuter le jugement du 20 décembre 2016. Il relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a limité le montant de la condamnation de l'Etat à la somme de 3 000 euros. Le ministre de l'intérieur présente, à titre subsidiaire, un appel incident.

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " Le corps d'encadrement et d'application comprend quatre grades : -gardien de la paix ; -brigadier de police ;-brigadier-chef de police ;- major de police ". Aux termes de l'article 18 du même décret : " Peuvent être inscrits au tableau d'avancement pour l'accès au grade de major de police : 1. Après avoir satisfait aux obligations d'un examen des capacités professionnelles dont le contenu et les modalités sont fixés par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la fonction publique : 1-1. Les brigadiers-chefs de police qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement a été arrêté, comptent dix-sept ans au moins de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps, dont quatre ans au moins dans leur grade (...) ". Aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement sur une notice qui comporte : 1.Une liste d'éléments d'appréciation non chiffrée permettant d'évaluer les qualités personnelles, professionnelles et les aptitudes manifestées dans l'exercice des fonctions ; 2.Une grille de notation par niveau de 1 à 7 qui rend compte de la situation du fonctionnaire ; 3.Une appréciation non chiffrée qui rend compte de l'évolution de la valeur du fonctionnaire. ". Aux termes de l'article 17 du même décret : " - Sous réserve de dispositions contraires des statuts particuliers, l'avancement de grade des fonctionnaires actifs des services de la police nationale est subordonné à une sélection professionnelle préalable dont les modalités pour chacun des corps sont fixées par arrêté interministériel. Pour l'établissement du tableau d'avancement de grade qui est soumis à l'avis des commissions administratives paritaires, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d'être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l'appréciation dans les emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l'ancienneté ".

3. Si M. D..., qui était titulaire du grade d'adjudant-chef, avait vocation à une promotion au grade de major à compter du 2 octobre 2008 dès lors qu'il remplissait les conditions pour figurer au tableau d'avancement, il ne disposait toutefois d'aucun droit à obtenir un tel avancement. Pour établir qu'il justifiait d'une chance sérieuse d'être promu dès le 1er janvier 2009 au grade de major, M. D... produit ses fiches de notation, ses fiches d'engagement, le bordereau de réussite à l'examen professionnel dit des " 4 UV " permettant l'accès au grade de brigadier, des procès-verbaux de la commission administrative paritaire locale des 25 mars 2015, 30 novembre 2016 et 13 mars 2019, ainsi que la liste des candidats retenus par la commission administrative paritaire nationale le 4 juin 2019, notamment ceux en poste à la direction départementale de la sécurité publique de la Martinique. Toutefois, il résulte de l'instruction que si M. D... a réussi son examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major le 10 juillet 2008, il n'a, contrairement à ce qu'il soutient pour justifier ses préjudices, présenté des demandes en vue d'être promu au grade de major qu'à partir du 11 septembre 2014. En se bornant à produire les documents précités, M. D... qui n'apporte aucun élément permettant de comparer ses mérites avec ceux des agents se trouvant dans une situation identique, ne justifie pas d'une chance sérieuse de bénéficier de l'avancement dont il se prévaut. Par suite, les préjudices matériels dont il demande réparation, ne sont pas en lien direct avec le vice de procédure entachant la décision du 5 février 2015 du directeur départemental de la sécurité publique de la Martinique refusant de le nommer au grade de brigadier-major, et tenant au défaut de consultation de la commission administrative paritaire locale.

4. Pour les mêmes motifs, les préjudices matériels dont il demande réparation sont sans lien avec le défaut de présentation de son dossier devant la commission administrative paritaire locale en exécution du jugement du 20 décembre 2016. Par ailleurs, M. D... n'établit pas que le tribunal administratif de la Martinique aurait fait une inexacte appréciation de son préjudice moral en l'évaluant à 3 000 euros. Enfin, il n'établit par aucune pièce le harcèlement moral dont il prétend avoir été victime, ni les actes manifestant une volonté de nuire à sa carrière.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions du ministre de l'intérieur présentées à titre subsidiaire, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de sa demande. Il y a lieu par voie de conséquence, de rejeter sa requête y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Délibéré après l'audience du 31 août 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme C... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah B...Le président,

Dominique NavesLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01948
Date de la décision : 28/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement - Avancement de grade.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : MONOTUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-28;18bx01948 ?
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