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17/11/2020 | FRANCE | N°18BX04544

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 novembre 2020, 18BX04544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de fait du Domaine de la Deymarie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016, l'annulation de l'acte de poursuite émis à son encontre et d'enjoindre à l'Etat de recalculer le montant de la cotisation due et de lui restituer le trop-perçu de cotisation.

Par un jugement n° 1605482 du 24 octobre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

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Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, la société de fait du Domaine de la Deyma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de fait du Domaine de la Deymarie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016, l'annulation de l'acte de poursuite émis à son encontre et d'enjoindre à l'Etat de recalculer le montant de la cotisation due et de lui restituer le trop-perçu de cotisation.

Par un jugement n° 1605482 du 24 octobre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, la société de fait du Domaine de la Deymarie, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 24 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'obligation de payer les sommes mises en recouvrement et les actes de poursuite ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de recalculer la cotisation foncière des entreprises dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a commis une irrégularité en ne répondant pas à son moyen tiré de ce que l'activité exercée par la société ne présentait pas un caractère professionnel et n'était pas assujettie en conséquence à la cotisation foncière des entreprises.

Elle soutient, au fond, que :

- son activité ne présente pas un caractère professionnel et ne pouvait par suite être assujettie à la cotisation foncière des entreprises ;

- la valeur locative retenue par l'administration, pour calculer le montant de la cotisation foncière des entreprises due, est erronée ; l'administration aurait dû tenir compte du fait que l'immeuble est resté inhabité entre 1975 et 1995, qu'il n'était alors raccordé à aucun réseau d'équipement public, qu'il était en ruine, qu'il était impropre à toute habitation et assujetti à ce titre à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; ce n'est qu'en 1995 que son propriétaire a entamé des démarches afin que l'immeuble soit raccordé aux réseaux d'équipement ; ce n'est qu'en 1999 qu'une partie de l'immeuble a été restaurée en vue d'une location ; dès lors, en retenant une valeur locative de 1 660 euros en 1980 et en revalorisant celle-ci chaque année pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, l'administration a commis une erreur de droit ;

- l'administration ne pouvait fixer la valeur locative par comparaison avec le local-type n°17 qui est un hôtel, soit un bâtiment qui ne présente pas les mêmes caractéristiques que le meublé de tourisme qu'elle exploite ; de plus, l'hôtel est situé dans le bourg alors que son meublé de tourisme se trouve dans un hameau isolé ; le terme de comparaison choisi n'est donc pas pertinent ; de plus, l'administration a commis une erreur dans le calcul de la superficie du bâtiment ;

- en toute hypothèse, dès lors que son chiffre d'affaires était compris entre 32 601 euros et 100 000 euros pour l'exercice 2016 en litige, le montant de l'imposition de la société devait être compris entre 210 euros et 2 119 euros en application de l'article 1467 D du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la contestation dirigée contre l'acte de poursuite est irrecevable faute de réclamation préalable ; elle est également irrecevable car tardive ;

- les conclusions en injonction qui tendent au prononcé de mesures qu'il n'appartient pas au juge de prononcer, ne sont pas recevables ;

- les moyens invoqués à l'appui des conclusions en décharge doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 19 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de fait du Domaine de la Deymarie, qui exerce une activité de location de biens meublés à Rouffignac-Saint-Cernin (Dordogne), a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2016 pour un montant de 1 771 euros. Elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de décharge de cette cotisation et relève appel du jugement rendu le 24 octobre 2018 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort du dossier de première instance que le moyen soulevé par la société de fait du Domaine de la Deymarie, tiré de ce qu'elle n'était pas assujettie à la cotisation foncière des entreprises en raison du caractère non professionnel de son activité de loueur de meublés, a été soulevé pour la première fois dans son mémoire du 28 septembre 2018, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée par le tribunal, en dernier lieu, au 13 juillet 2018. Un tel moyen ne constituait pas une circonstance de droit nouvelle dont la société n'était pas en mesure de se prévaloir avant la clôture de l'instruction. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en ne communiquant pas ce mémoire du 28 septembre 2018 et en s'abstenant de répondre au moyen soulevé.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En premier lieu, au motif qu'elle n'exercerait pas une activité professionnelle, la société requérante fait valoir qu'elle ne relève pas du champ d'application de la cotisation foncière des entreprises défini à l'article 1447 du code général des impôts. Toutefois, l'activité de location de biens meublés exercée habituellement par la société consiste, pour elle, à fournir à des preneurs une prestation d'hébergement dans des locaux d'habitation meublés dont il ne résulte d'aucun élément de l'instruction et dont il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'ils ne seraient pas placés sous son contrôle. Ainsi, la société requérante exerce une activité professionnelle au sens des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts et le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi fiscale doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ". Aux termes de l'article 1494 du même code : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes de l'article 1495 dudit code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes de l'article 1498 de ce code : " La valeur locative de tous les biens (...) est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". Aux termes de l'article 1518 de ce code : " I. - Dans l'intervalle de deux révisions générales, les valeurs locatives (...) sont actualisées tous les trois ans au moyen de coefficients correspondant à l'évolution de ces valeurs, entre la date de référence de la dernière révision générale et celle retenue pour l'actualisation. (...) III. - L'incorporation dans les rôles d'impôts directs locaux, autres que la taxe professionnelle, des résultats de la première actualisation des valeurs locatives foncières est fixée au 1er janvier 1980. La date de référence est fixée au 1er janvier 1978. (...)". Enfin, l'article 1518 bis du code général des impôts dispose que " Dans l'intervalle de deux actualisations prévues par l'article 1518, les valeurs locatives foncières sont majorées par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers (...) ".

6. Il résulte des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts que, dans l'hypothèse où la valeur locative d'un local est déterminée par comparaison, les termes de comparaison retenus doivent être constitués par des immeubles précisément identifiés, situés par priorité sur le territoire de la commune, et dont la valeur locative a été déterminée au moyen de l'une des deux méthodes prévues au b. du 2° de l'article 1498.

7. Les règles servant à déterminer la valeur locative des biens visent à définir un loyer normal que le bien était susceptible de produire à la date de dernière révision des valeurs locatives, soit le 1er janvier 1970 et ce indépendamment de la date d'achèvement des immeubles. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne saurait être déduit de cette règle le caractère erroné de la valeur locative retenue par l'administration au seul motif que les travaux de restauration de son bien n'ont été achevés qu'en 2002.

8. Pour déterminer la valeur locative du bien appartenant à la société, l'administration a eu recours à la méthode de la comparaison avec le local-type n° 17. Dans ce cadre, elle a appliqué au bien à évaluer une surface pondérée de 606 m2 puis calculé sa valeur locative par comparaison avec celle du local-type n° 17 retenu qui était de 2,74 euros/m2. L'administration a calculé la valeur locative contestée en se fondant sur les données fournies par la société elle-même dans sa déclaration CBD n° 6660 du 21 juillet 2005, laquelle faisait apparaître les différents locaux servant à son activité de location de biens meublés et leur superficie. Il en est résulté, pour le bien en cause, au 1er janvier 1970, une valeur locative de 1 660 euros, à laquelle l'administration a appliqué une majoration concernant l'année 2016 pour aboutir à une base imposable de 5 113 euros au titre de cette même année.

9. L'administration a produit au dossier le procès-verbal, daté du 21 juillet 1972, des évaluations foncières des propriétés bâties situées sur le territoire de la commune de Rouffignac. Il résulte de ce document que le local-type n° 17 ayant servi de terme de comparaison correspond à un hôtel-restaurant, seul établissement d'hébergement hors camping figurant au procès-verbal d'évaluation. Si la société appelante soutient que le terme de comparaison retenu n'est pas pertinent dès lors qu'il concerne un hôtel-restaurant offrant des prestations plus diverses que celles de son meublé de tourisme, il résulte des mentions portées sur le procès-verbal que l'évaluation du local-type n° 17 a seulement porté sur la " partie hôtel " de l'établissement. Dans ces conditions, le terme de comparaison retenu par l'administration doit être regardé comme pertinent sans qu'importe le seul fait que l'hôtel correspondant au local-type n°17 soit situé dans le centre-bourg alors que le meublé de tourisme exploité par la société se trouve dans un hameau.

10. En troisième lieu, en vertu de l'article 1647 D du code général des impôts, les redevables de la cotisation foncière des entreprises sont assujettis à une cotisation minimum établie au lieu de leur principal établissement et cette cotisation est calculée sur une base dont le montant est fixé par le conseil municipal selon un barème figurant sur un tableau annexé audit article. La cotisation minimum instituée par ces dispositions n'est due, dans la commune où ils ont leur principal établissement, que par les redevables de la taxe professionnelle dont les bases d'imposition, déterminées selon les règles de droit commun fixées par les articles 1467 et suivants du code général des impôts, sont, dans cette commune, d'un montant inférieur à celui de la base minimum d'imposition calculée par le conseil municipal dans les limites définies au I de l'article 1647 D.

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les bases d'imposition de la société appelante sont, au titre de l'année 2016 en litige, de 5 113 euros. Elles sont donc supérieures à la base minimale fixée pour 2016, en application de l'article 1647 D du code général des impôts, à 819 euros sur le territoire de Rouffignac-Saint-Cernin où se trouve le siège social de la requérante. Dans ces conditions, la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû être soumise à la cotisation minimale de l'article 1647 D.

Sur la contestation d'un acte de poursuite :

12. Il ne résulte pas de l'instruction que, préalablement à la saisine du juge, la société appelante ait adressé une réclamation préalable au directeur départemental des finances publiques compétent comme le lui imposent les dispositions de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales. En particulier, la réclamation que la société a adressée à l'administration le 9 novembre 2016 ne formule aucune contestation d'un acte de recouvrement qui n'est d'ailleurs pas produit au dossier. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'administration doit être accueillie.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société de fait du Domaine de la Deymarie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions en injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 18BX04544 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société de fait du Domaine de la Deymarie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. C... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04544
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Questions communes - Valeur locative des biens.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELARL BOIREAU FICAMOS VAN RUYMBEKE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;18bx04544 ?
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