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14/12/2020 | FRANCE | N°18BX03152

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 14 décembre 2020, 18BX03152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois recours distincts, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés des 3 juillet et 7 août 2015, ainsi que les arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016, par lesquels le président de la communauté de communes des Portes du Poitou l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé, et l'arrêté du 5 février 2016 par lequel le même président a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre.

Par un jugement n

1600161, 1600660, 1601579 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers, aprè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois recours distincts, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés des 3 juillet et 7 août 2015, ainsi que les arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016, par lesquels le président de la communauté de communes des Portes du Poitou l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé, et l'arrêté du 5 février 2016 par lequel le même président a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre.

Par un jugement n° 1600161, 1600660, 1601579 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir joint les trois recours, a annulé l'arrêté du 3 juillet 2015 du président de la communauté de communes des Portes du Poitou en tant qu'il place Mme A... en disponibilité d'office du 15 janvier 2015 au 2 juillet 2015, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 juin 2018, en tant qu'il a rejeté, d'une part, son recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2016 par lequel le président de la communauté de communes des Portes du Poitou a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, d'autre part, son recours tendant à l'annulation des arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016, par lesquels le même président l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2016 par lequel le président de la communauté de communes des Portes du Poitou a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, d'autre part, les arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016, par lesquels le même président l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé ;

3°) d'enjoindre à la communauté de communes des Portes du Poitou de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Portes du Poitou la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre est bien en lien direct avec le servie ; elle a souffert d'un conflit avec son chef de service et de très nombreux dysfonctionnements, tels que l'établissement très tardif des plannings de juillet-août 2013 ; elle a tenté d'alerter la hiérarchie sur ces deux points ; son chef lui faisait sans arrêt des remarques et des rappels à l'ordre, si bien qu'elle se sentait stigmatisée et déconsidérée ; la dégradation de ses conditions de travail, par exemple le changement de son adresse mail et l'impossibilité d'utiliser l'imprimante, s'est accompagnée de l'attitude vexatoire de son chef ; en particulier, ses congés de décembre 2013 lui ont été refusés ; son entretien d'évaluation du 6 janvier 2014 a eu une durée anomale de 6 heures et son chef a cherché à la rabaisser ; elle a été mise en arrêt de travail pour burn-out le 15 janvier 2014 et son état a nécessité une hospitalisation en milieu spécialisé ; elle n'avait aucun antécédent de maladie psychique ; la commission de réforme était d'ailleurs d'avis de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service ;

- par voie de conséquence, et en vertu de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dont son état relève, les arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016 la plaçant en disponibilité d'office pour raisons de santé sans traitement doivent être annulés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 92-368 du 1er avril 1992 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., titulaire du grade d'opérateur territorial des activités physiques et sportives, est employée par la communauté de communes des Portes du Poitou en qualité de chef de bassin de la piscine de Dangé-Saint-Romain depuis le 1er janvier 2013. Elle est placée, depuis le 15 janvier 2014, en arrêt de travail en raison d'un syndrome anxio-dépressif. Le 3 juin 2015, le comité médical a donné un avis favorable à la prolongation de son congé maladie ordinaire au-delà de six mois, jusqu'à épuisement des droits statutaires de l'intéressée, et a considéré celle-ci apte à la reprise de ses fonctions. Par un arrêté du 3 juillet 2015, le président de la communauté de communes a ensuite placé Mme A... en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 15 janvier 2015, date à laquelle elle avait épuisé ses droits statutaires à congé maladie ordinaire, pour une durée de 6 mois et 15 jours. Mme A... ayant adressé un nouvel arrêt de travail à son employeur, le président a, par un arrêté du 7 août 2015, prolongé sa mise en disponibilité d'office jusqu'au 25 septembre suivant. Parallèlement, l'administration a instruit la demande de Mme A... tendant à ce que sa pathologie soit reconnue imputable au service. Cette demande a fait l'objet d'un avis favorable de la commission de réforme du 19 novembre 2015. Mais, par un arrêté du 5 février 2016, le président de la communauté de communes des Portes du Poitou a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Enfin, le président de la communauté de communes des Portes du Poitou a, par deux arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016, de nouveau placé Mme A... en disponibilité d'office pour raisons de santé pour la période du 26 septembre 2015 au 13 juin 2016. Mme A... a, par trois recours distincts, demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler tant les quatre arrêtés des 3 juillet 2015, 7 août 2015, 29 avril 2016 et 31 mai 2016 l'ayant placée en position de disponibilité d'office pour raisons de santé, que l'arrêté du 5 février 2016 ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir joint les trois recours, a annulé l'arrêté du 3 juillet 2015 du président de la communauté de communes des Portes du Poitou en tant qu'il place Mme A... en disponibilité d'office du 15 janvier 2015 au 2 juillet 2015, et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme A... fait appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté, d'une part, son recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2016 par lequel le président de la communauté de communes des Portes du Poitou a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, d'autre part, son recours tendant à l'annulation des arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016, par lesquels le même président l'a placée en disponibilité d'office sans traitement pour raisons de santé.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 février 2016 :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date des décisions en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

4. En l'espèce, il est constant que Mme A... a été placée en arrêt de travail à compter du 15 janvier 2014 en raison d'un syndrome anxio-dépressif (" burn-out "). Il ressort des pièces du dossier, et notamment de nombreuses pièces produites pour la première fois en appel, que ce placement en arrêt de travail a été prononcé dans un contexte conflictuel entre l'agent et son chef de service, né au cours de l'été 2013, en raison de dysfonctionnements concernant notamment l'élaboration des plannings de travail de l'intéressée, l'octroi de ses congés annuels et les tâches qui lui étaient assignées, qui ont conduit tant le sous-préfet de Châtellerault, par deux lettres des 16 janvier et 23 février 2014, que le syndicat UNSA, par lettre du 23 janvier 2014, à intervenir auprès du président de la communauté de communes des Portes du Poitou afin qu'il y soit remédié. A cet égard, si la communauté de communes indique, dans l'arrêté litigieux, que l'enquête administrative, diligentée à la suite d'une demande de protection fonctionnelle formée par l'agent contre son chef de service, a démontré qu'il n'existait aucune relation conflictuelle au sein du service, ce document n'est pas produit au dossier, de sorte qu'elle ne remet pas utilement en cause les pièces apportées par l'appelante sur ce point. En outre, il n'est pas sérieusement contesté qu'à son retour de congé maladie, Mme A... s'est vue assigner des tâches de nettoyage et de manutention dans un local non chauffé, dont elle fait valoir sans être contredite qu'elles n'entraient pas dans les missions dévolues à son grade en vertu de l'article 2 du décret sus-visé du 1er avril 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des opérateurs territoriaux des activités physiques et sportives, ce qui ne pouvait qu'accentuer le sentiment de déconsidération qu'elle éprouvait déjà et qui est corroboré par l'attestation d'un autre agent du service du 17 septembre 2014. Enfin, alors que le certificat du docteur Sannier du 30 décembre 2014 avait mentionné qu'à la fin de l'année 2013, Mme A... a présenté une décompensation psychique avec syndrome de désadaptation socio-professionnelle, dont l'évolution a nécessité une hospitalisation en milieu spécialisé le 21 janvier 2014, le certificat du 24 septembre 2015 du docteur Falcon, psychiatre ayant rendu une expertise à la demande du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Vienne et sur lequel la commission de réforme compétente s'est fondée pour rendre un avis favorable à la demande de l'agent, a formellement conclu à l'existence d'un lien entre la pathologie de la requérante et ses conditions de travail. Au surplus, ce médecin souligne que Mme A... ne présente aucun antécédent psychopathologique personnel, qu'elle paraît équilibrée et de bon contact et ne relate aucune difficulté personnelle sur le plan familial ou affectif. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'a indiqué la communauté de communes dans son mémoire en défense de première instance, il n'est pas établi que le comportement de l'agent aurait constitué un fait personnel de nature à détacher la survenance de sa maladie du service. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux du 5 février 2016 est entaché d'erreur d'appréciation et encourt l'annulation pour ce motif

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016 :

5. L'annulation de l'arrêté du 5 février 206 entraîne, par voie de conséquence, celles des arrêtés des 29 avril et 31 mai 2016, par lesquels le président de la communauté de communes des Portes du Poitou a placé Mme A... en disponibilité d'office sans traitement pour raisons de santé.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 5 février, 29 avril et 31 mai 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. En conséquence des annulations prononcées par le présent arrêt et eu égard à leur motif, il y a lieu d'enjoindre au président de la communauté de communes des Portes du Poitou de placer, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, Mme A... en position de congé maladie imputable au service, à compter du 15 janvier 2014, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes des Portes du Poitou la somme de 2 000 euros que demande Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1600161, 1600660, 1601579 du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation des arrêtés des 5 février, 29 avril et 31 mai 2016.

Article 2 : Les arrêtés des 5 février, 29 avril et 31 mai 2016 du président de la communauté de communes des Portes du Poitou sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au président de la communauté de communes des Portes du Poitou de placer Mme A... en position de congé maladie imputable au service, à compter du 15 janvier 2014, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : La communauté de communes des Portes du Poitou versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la communauté de communes des Portes du Poitou.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme Karine Butéri, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2020.

Le Président,

Dominique Naves

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03152
Date de la décision : 14/12/2020
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP B C J - BROSSIER - CARRE - JOLY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-14;18bx03152 ?
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