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17/12/2020 | FRANCE | N°18BX00555

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 17 décembre 2020, 18BX00555


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière du 29 Esprit des Lois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1504166 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2018, la société du 29 Esprit des Lois, représentée par Me A..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 décembre 2017 ;

2°) de prono...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière du 29 Esprit des Lois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1504166 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2018, la société du 29 Esprit des Lois, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, en ce qu'il n'a pas été donné suite à sa demande de rendez-vous avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, en méconnaissance de la charte des droits du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure est également irrégulière en raison de la motivation inintelligible de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable ;

- s'agissant du bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux et, plus particulièrement, du rappel relatif à la taxe sur la valeur ajoutée déduite, l'administration n'a subi aucun grief du fait que la vente de l'immeuble concerné n'a pas été soumise, par erreur, à la taxe sur la valeur ajoutée, en raison de ce qu'elle l'a été aux droits d'enregistrement ; du reste, le bien est aujourd'hui donné à la location à des assujettis redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- par ailleurs, l'article 257 bis du code général des impôts permettait la cession en dispense de taxe, sans que la mention erronée figurant dans l'acte de vente soit de nature à la priver de cette faculté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société du 29 Esprit des Lois ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière du 29 Esprit des Lois, qui exerce l'activité d'acquisition et la location d'immeubles nus à usage commercial et professionnel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service l'a informée, par proposition de rectification du 22 juillet 2014, de son intention de procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2012 relativement à la taxe déduite lors de l'acquisition d'un immeuble dont la revente n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu'à l'absence de régularisation de la taxe qui a grevé les dépenses de travaux relatives à cet immeuble.

2. La société du 29 Esprit des Lois relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2012 et qui trouve son origine dans le contrôle précité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable qui lui ont été adressés, en ce que ces documents ne permettaient pas de comprendre le motif des rappels litigieux, la société appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

4. En second lieu et aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Et le paragraphe 5 du chapitre III de la charte prévoit : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal. (...) Si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". Ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur dans les conditions qu'elles précisent.

5. La société appelante soutient que l'administration n'a pas donné suite à sa demande de rendez-vous avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, adressée par courrier du 14 octobre 2014, et joint à cet effet une copie de cette demande accompagnée d'un accusé de réception numéroté 1A10601521347. Le ministre fait quant à lui valoir que cet accusé de réception correspond à un courrier du 14 octobre 2014 reçu par le service par lequel la société a répondu à une lettre de la vérificatrice du 8 octobre 2014 concernant un autre litige et, plus précisément, l'application de l'amende de 100 % pour défaut de désignation des bénéficiaires de distributions de revenus, en produisant le pli concerné, qui porte le numéro précité. Si la société soutient qu'elle aurait adressé en même temps, sous le même accusé de réception, les deux courriers, elle n'apporte aucune justification de nature à établir l'exactitude de cette allégation, le courriel produit devant les premiers juges ne pouvant être regardé, eu égard à son contenu, comme constituant un courrier d'accompagnement de la lettre du 14 octobre 2014 à laquelle elle se réfère.

Sur le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux :

6. D'une part, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 261 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 5. (Opérations immobilières) : (...) 2° Les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans (...) ". Et aux termes de l'article 271 de ce même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) III. À cet effet, les assujettis, qui sont autorisés à opérer globalement l'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée, sont tenus de procéder à une régularisation : (...) b) Lorsque l'opération n'est pas effectivement soumise à l'impôt (...) ".

7. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 260 du code général des impôts : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 5° bis Les personnes qui réalisent une opération visée au 5 de l'article 261 (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts : " une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est opéré : 1° lorsqu'il est cédé ou apporté, sans que cette opération soit soumise à la taxe sur le prix total, sur la valeur totale (...) ". Selon les termes du 2 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts : " Cette régularisation est égale à la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation en application des 1, 2, 3 et 5 du II en considérant que pour chacune des années restantes de cette période : 1° Dans les cas visés au 1° du 1, le coefficient de taxation est égal à zéro (...) ".

8. Par ailleurs, aux termes de l'article 257 bis du code général des impôts : " Les livraisons de biens, les prestations de services et les opérations mentionnées aux 6° et 7° de l'article 257, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens. Le bénéficiaire est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, ainsi que, s'il y a lieu, pour l'application des dispositions du e du 1 de l'article 266, de l'article 268 ou de l'article 297 A ".

9. Il résulte de l'instruction que, le 7 février 2005, la société du 29 Esprit des Lois, par une convention de crédit-bail immobilier, a pris en location avec option d'achat un immeuble à usage de commerce et de bureaux, pour une durée de 15 ans, puis que, dans le cadre de son activité de location immobilière, elle a donné cet immeuble en location en optant pour l'assujettissement des loyers à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a ensuite, par acte du 12 octobre 2012, procédé à la levée anticipée de l'option d'achat de cet immeuble pour un prix TTC de 1 838 965 euros, incluant une taxe sur la valeur ajoutée de 301 368 euros. À cette occasion le vendeur a déclaré dans l'acte de vente qu'il avait la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 A du code général des impôts, que la vente entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée mais en était exonérée comme portant sur un immeuble de plus de cinq ans et que, néanmoins, il déclarait opter, conformément aux dispositions de l'article 260-5 bis du code général des impôts, pour la soumission de la présente mutation à la taxe sur la valeur ajoutée. Parallèlement, dans la déclaration CA3 de taxe sur la valeur ajoutée du mois d'octobre 2012, la société du 29 Esprit des Lois a déduit la taxe relative à l'acquisition de cet immeuble, alors que, dans le même temps, elle procédait à la division de l'immeuble en lots et à leur vente à trois acheteurs, par actes du 12 octobre 2012 et du 31 octobre 2012. Les trois actes de vente portent la mention selon laquelle " le vendeur et l'acquéreur déclarent être assujettis à la TVA au sens de l'article 256 A du CGI " et chacun d'entre eux précise que " la levée d'option d'achat de l'immeuble par le vendeur ne remplit pas les conditions de la dispense de TVA prévues par les dispositions de l'article 257 bis du CGI " et qu'en conséquence " le vendeur déclare faire son affaire personnelle de toute régularisation de TVA par vingtièmes auquel il pourrait être tenu et de toutes formalités déclaratives de manière à garantir l'acquéreur que ce dernier ne pourra en aucune manière être recherché ni inquiété de ce chef ".

10. La société appelante n'ayant pas exercé l'option de soumission à la taxe sur la valeur ajoutée prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts pour les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans, l'administration a, d'une part, procédé au rappel de la taxe, d'un montant de 301 368 euros, déduite par la société du 29 Esprit des Lois à l'occasion de l'achat de l'immeuble, à la suite de l'acte de levée de l'option d'achat du 12 octobre 2012, en estimant, sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article 271 du code général des impôts et de l'article 205 de l'annexe II audit code, que le coefficient de déduction était nul au motif que la dépense grevée de taxe sur la valeur ajoutée n'avait pas été utilisée pour les besoins d'une opération imposable puisque la revente ultérieure de l'immeuble n'a pas été soumise à ladite taxe. Elle a, de plus, considéré que la société appelante était tenue de régulariser la taxe déduite en amont sur les travaux effectués dans l'immeuble, soit une taxe sur la valeur ajoutée de 32 469 euros, au motif que le fait de ne pas soumettre la vente de l'immeuble à la taxe sur la valeur ajoutée modifiait le coefficient de déduction de référence et entraînait par voie de conséquence une régularisation de la taxe initialement déduite.

En ce qui concerne la remise en cause de la déductibilité de la TVA concernant l'opération immobilière :

11. Si la société appelante conteste, en premier lieu, que la remise en cause de la taxe déductible grevant le prix d'acquisition de l'immeuble au motif que l'absence de soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de cette opération ne ferait pas grief à l'administration en raison de ce que le Trésor public percevra des droits d'enregistrement sur une base totale de 5 100 000 euros, ce moyen, qui ne remet pas en cause le caractère non déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé l'acquisition de l'immeuble en question, est strictement sans aucune influence sur le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux.

12. En deuxième lieu, la société appelante soutient que la dispense de taxation prévue par l'article 257 bis du code général des impôts lors de la transmission d'une universalité de biens devait s'appliquer puisque la vente de l'immeuble portait sur une unité autonome entre deux assujettis. Toutefois et d'une part, il ressort des actes de vente du 12 octobre 2012 et du 31 octobre 2012 que " la levée d'option d'achat de l'immeuble par le vendeur en date du 12 octobre 2012 ne remplit pas les conditions de la dispense de TVA prévues par les dispositions de l'article 257 bis du CGI, en application du rescrit du 26 décembre 2006 (n°2006/58 TCA) ", cette mention attestant de l'intention claire des parties de ne pas solliciter la dispense désormais revendiquée par la société du 29 Esprit des Lois, qui ne saurait à cet égard invoquer la commission d'une simple erreur, d'autre part et en tout état de cause, il résulte de l'instruction et notamment des dires non contestés de l'administration que l'acquéreur de l'immeuble concerné a déclaré de pas être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence, la société ne saurait utilement revendiquer la dispense qu'elle invoque.

En ce qui concerne la régularisation de taxe sur la valeur ajoutée sur travaux immobiliers :

13. La société du 29 Esprit des Lois soutient qu'il convient, s'agissant également du rappel relatif à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée sur travaux immobiliers, d'appliquer la dispense de taxation prévue par l'article 257 bis du code général des impôts lors de la transmission d'une universalité de biens. Cependant, comme cela a déjà été dit au point précédent, cette cession ne peut pas bénéficier de la dispense de taxation revendiquée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société du 29 Esprit des Lois n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société du 29 Esprit des lois est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière du 29 Esprit des Lois et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00555
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS QUESNEL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-17;18bx00555 ?
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