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18/12/2020 | FRANCE | N°18BX02283

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 18BX02283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser, au titre des préjudices issus du défaut d'application au corps des greffiers des services judiciaires du " nouvel espace statutaire " créé en vue de l'amélioration des carrières des fonctionnaires de catégorie B, une somme de 4 926 euros au titre de sa période d'activité, d'une part, et une somme de 26 835,48 euros au titre de sa pension de retraite, d'autre part, soit une somme totale de 31 761,48 euros.

Par

un jugement n° 1501157 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Pau a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser, au titre des préjudices issus du défaut d'application au corps des greffiers des services judiciaires du " nouvel espace statutaire " créé en vue de l'amélioration des carrières des fonctionnaires de catégorie B, une somme de 4 926 euros au titre de sa période d'activité, d'une part, et une somme de 26 835,48 euros au titre de sa pension de retraite, d'autre part, soit une somme totale de 31 761,48 euros.

Par un jugement n° 1501157 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 6 avril 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, au titre des préjudices issus du défaut d'application au corps des greffiers des services judiciaires du " nouvel espace statutaire " créé en vue de l'amélioration des carrières des fonctionnaires de catégorie B, une somme de 4 926 euros au titre de sa période d'activité, d'une part, et une somme de 26 835,48 euros au titre de sa pension de retraite, d'autre part, soit une somme totale de 31 761,48 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration a engagé sa responsabilité du fait de son abstention fautive à lui appliquer les décrets n° 2009-1388 et n° 2009-1389 du 11 novembre 2009 emportant création d'un " nouvel espace statutaire ", alors que ces textes auraient dû être étendus par l'Etat aux greffiers des services judiciaires dans un délai raisonnable et, en tout état de cause, avant le 31 décembre 2011 ;

- l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas le principe de 1'ordre hiérarchique des catégories professionnelles ;

- l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas l'engagement pris, dans le cadre du relevé de conclusions signé entre l'Etat et différentes organisations syndicales, le 21 février 2008, d'améliorer la grille indiciaire des greffiers avant le 31 décembre 2011, alors qu'elle s'était engagée à réformer les grilles indiciaires de tous les agents de la fonction publique avant cette date, et que la loi de finances pour 2012 prévoyait une enveloppe de 5,95 millions d'euros afin de revaloriser les régimes indemnitaires des magistrats et des fonctionnaires des services judiciaires ;

- les greffiers et les secrétaires administratifs étant considérés comme appartenant au même niveau de catégorie professionnelle, l'atteinte fautive au principe d'égalité, à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 § 4 de la charte sociale européenne, qui prohibent toute discrimination dans les niveaux de rémunération à travail et recrutement égal, doit être retenue ;

- son préjudice financier doit être indemnisé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte sociale européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;

- le décret n° 2008-836 du 22 août 2008 ;

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2009-1389 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2011-1252 du 7 octobre 2011 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... F...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., greffier des services judiciaires, admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mars 2015, a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de la fonction publique, par une lettre du 23 mars 2015, que lui soit appliquée la revalorisation indiciaire instituée par les décrets n° 2009-1388 et n° 2009-1389 du 11 novembre 2009 fixant le " nouvel espace statutaire " et de l'indemniser du préjudice financier qu'il a subi en raison du retard pris dans l'application de ces décrets. Sa demande a été rejetée par décision du 28 avril 2015. M. B... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 31 761,48 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, les fonctionnaires, qui sont vis à vis de l'administration dans une situation statutaire et réglementaire, ne sauraient se prévaloir d'un préjudice résultant pour eux de ce que l'Etat ne leur aurait pas étendu le bénéfice de dispositions statutaires relatives à d'autres corps.

3. En deuxième lieu, par son article 1er, le décret n° 2009-1389 du 11 novembre 2009, a inséré un article 8-1 au sein du décret n° 2008-836 du 22 août 2008 qui n'est applicable qu'aux seuls corps régis par le décret susvisé n° 2009-1388 du 11 novembre 2009, parmi lesquels ne figure pas le corps des greffiers des services judiciaires. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat aurait commis une illégalité fautive en ne lui faisant pas bénéficier des dispositions de ce décret n° 2009-1389.

4. En troisième lieu, il ressort du relevé de conclusions signé le 21 février 2008 entre l'Etat et certains syndicats, dont l'union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilées, que : " afin de dynamiser les parcours professionnels, il y a lieu en vue des discussions sur la période 2009/2011, d'engager un examen des déroulements des carrières (...) cet examen devra répondre aux objectifs suivants : (...) reconstruire complètement les grilles indiciaires en tenant compte de l'allongement des carrières effectuées par les agents en commençant par les catégories A et B (...) ". Si ce document, dépourvu de valeur juridique et de force contraignante, fixe un cadre à l'action de l'Etat pour la refonte globale des statuts des corps de fonctionnaires de catégorie B, il ne formalise aucun engagement ferme de l'Etat de procéder à une telle refonte, au plus tard le 31 décembre 2011, et dont la méconnaissance serait de nature à engager sa responsabilité.

5. En quatrième lieu, la circonstance que l'Etat ait prévu par la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 d'accorder une somme d'un million d'euros au corps des greffiers des services judiciaires, n'a créé aucune obligation pour lui de soumettre ce corps au " nouvel espace statutaire " précité dans le courant de l'année 2012.

6. En cinquième lieu, si le principe de l'égalité de traitement s'applique aux agents appartenant à un même corps, il n'impose pas que des corps de fonctionnaires même présentant entre eux des analogies soient soumis à des règles uniformes. Par suite, la circonstance que le " nouvel espace statutaire " fixé par les deux décrets n° 2009-1388 et 2009-1389 du 11 novembre 2009 ait été étendu aux secrétaires administratifs des services judiciaires, par un décret n° 2011-1252 du 7 octobre 2011, n'imposait pas qu'il en soit de même pour les greffiers des services judiciaires qui, bien que pouvant exercer des fonctions pour partie similaires à celles des secrétaires administratifs, relèvent d'un corps de fonctionnaires différent.

7. En sixième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa version applicable : " Les fonctionnaires appartiennent à des corps qui comprennent un ou plusieurs grades et sont classés, selon leur niveau de recrutement, en catégories. Ces corps groupent les fonctionnaires soumis au même statut particulier et ayant vocation aux mêmes grades. Ils sont répartis en quatre catégories désignées dans l'ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C et D. Les statuts particuliers fixent le classement de chaque corps dans l'une de ces catégories ". Ce texte ne fixe aucun ordre hiérarchique entre les grades professionnels au sein d'une catégorie et n'interdit pas que les membres d'un corps de fonctionnaires recrutés au niveau du baccalauréat puissent être mieux rémunérés que les membres d'un corps de fonctionnaires ouvert aux candidats titulaires d'un diplôme sanctionnant deux années d'études supérieures, dès lors qu'ils appartiennent à la même catégorie. Par suite, il ne saurait être reproché à l'Etat d'avoir méconnu un tel principe en appliquant, dès le 7 octobre 2011, aux secrétaires administratifs des services judiciaires, recrutés au niveau du baccalauréat, le " nouvel espace statutaire ", tandis qu'à cette même date, la grille indiciaire du corps des greffiers des services judiciaires n'avait pas encore été revalorisée.

8. En septième lieu, aux termes de l'article 4 § 4 de la charte sociale européenne : " En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à une rémunération équitable, les parties s'engagent : (...) 4. A reconnaître le droit des travailleurs, masculins et féminins à une rémunération égale pour un travail égal ". Ces stipulations, qui traitent de l'égalité de rémunération à travail égal entre les hommes et les femmes, ne sauraient être interprétées comme fixant également un principe d'égalité de traitement à travail équivalent entre corps de fonctionnaires distincts.

9. Enfin, en dernier lieu, la définition de règles différentes pour les corps des secrétaires administratifs et des greffiers correspond à une différence de situation et n'institue aucune des discriminations de la nature de celles qui sont visées par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Ainsi, en l'absence d'illégalité fautive commise par l'Etat, les conclusions tendant à ce qu'il soit condamné à verser à M. B... une indemnité en réparation du préjudice financier, résultant pour lui du retard pris à appliquer au corps des greffiers des services judiciaires le " nouvel espace statutaire " issu des décrets susvisés n° 2009-1388 et n° 2009-1389 du 11 novembre 2009, doivent être rejetées. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme C... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02283
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Questions d'ordre général.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ETCHEVERRY-ETCHEGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-18;18bx02283 ?
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