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08/02/2021 | FRANCE | N°19BX00089

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 février 2021, 19BX00089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le " Réseau Canopé " à lui verser la somme de 318 000 euros ou, à tout le moins, de 312 000euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions dans lesquelles cet établissement public l'a employé puis a mis fin à ses fonctions.

Par un jugement n° 1600368 du 7 novembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le " Réseau Canopé " à verse

r à M. I... la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis du fait d'un r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le " Réseau Canopé " à lui verser la somme de 318 000 euros ou, à tout le moins, de 312 000euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions dans lesquelles cet établissement public l'a employé puis a mis fin à ses fonctions.

Par un jugement n° 1600368 du 7 novembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le " Réseau Canopé " à verser à M. I... la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis du fait d'un recours abusif à une succession de contrats à durée déterminée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 janvier 2019, 1er mars 2019 et 16 décembre 2020, M. I..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 novembre 2018 en ce qu'il a limité à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité devant lui être versée par le " Réseau Canopé " ;

2°) de condamner le " Réseau Canopé " à lui verser la somme de 496 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions dans lesquelles cet établissement l'a employé puis a mis fin à ses fonctions ;

3°) de mettre à la charge du " Réseau Canopé " la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'illégalité fautive ayant consisté à ne pas transformer son contrat en contrat à durée indéterminée ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'illégalité fautive ayant consisté à rompre illégalement son contrat ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les préjudices résultant de la perte de rémunération et consécutivement de la perte de pension de retraite allégués ne présentaient pas un caractère certain.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2020, le " Réseau Canopé ", représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. I... de la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. I... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant le " Réseau Canopé ".

Considérant ce qui suit :

1. M. A... I..., journaliste, a été recruté en 2001 en qualité de vacataire par le centre national de documentation pédagogique (CNDP), devenu le " Réseau Canopé ", établissement de création et d'accompagnement pédagogiques, pour réaliser, jusqu'en 2015, des travaux éditoriaux. Par un courrier en date du 26 octobre 2015, M. I... a saisi le " Réseau Canopé " d'une demande indemnitaire préalable tendant au versement de la somme de 318 000 euros ou, à tout le moins, de 312 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions dans lesquelles cet établissement public l'a employé puis a mis fin à ses fonctions. En l'absence de réponse, il a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le " Réseau Canopé " à l'indemniser de ses préjudices. M. I... relève appel du jugement du 7 novembre 2018 par lequel ce tribunal a limité à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité devant lui être versée par le " Réseau Canopé ". M. I... demande à la cour de porter cette indemnité à la somme de 496 000 euros.

Sur la responsabilité :

2. En premier lieu, ainsi qu'il a été jugé par le tribunal administratif, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point, d'une part, en n'appliquant pas à M. I... les dispositions du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat et, d'autre part, en recourant abusivement à une succession de contrats à durée déterminée, le " Réseau Canopé " a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à l'égard de cet agent.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat (...) sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) ". L'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, issu de l'article 12 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'appelant soutient que le contrat aurait dû être conclu, dispose : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A (...) lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que M. I... a été employé par le CNDP, devenu le " Réseau Canopé ", en qualité d'agent vacataire, pour réaliser des missions ponctuelles de travaux éditoriaux entre 2001 et 2015. Il résulte des contrats de travail dits " de commande " ou " de vacation " produits par l'intéressé qu'ils avaient pour objet la préparation de copies et la réalisation de travaux de corrections des revues " TDC " et " Technologie " et que M. I... était rémunéré à la vacation. Si ce dernier soutient qu'il exerçait ainsi les fonctions de " secrétaire de rédaction " de la revue " Technologie ", emploi assimilable à l'un des emplois types relevant du corps des ingénieurs d'études du ministère chargé de l'enseignement supérieur qui, en vertu de l'article 23 du décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 fixant les dispositions statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur, est classé dans la catégorie A, il résulte notamment de la fiche de poste correspondant à l'emploi de " secrétaire de rédaction " que les missions confiées à M. I... n'étaient pas celles d'un tel agent auquel il incombe " de prendre en charge la mise au point et la validation des contenus des productions réalisées dans le cadre de la politique éditoriale de l'établissement, en veillant à leur cohérence éditoriale avec les autres composantes des publications et des sites ". La circonstance que le rédacteur en chef de la revue " Technologies " a attesté que M. I... " assurait le secrétariat de direction " ne suffit pas à établir l'intention de l'établissement de le recruter en cette qualité.

5. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, M. I... n'est dès lors pas fondé à soutenir que son engagement devait être renouvelé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conformément aux dispositions citées au point 3 de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 et que le CNDP, devenu le " Réseau Canopé ", a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le recrutant dans le cadre d'un nouveau contrat à durée déterminée à compter de 2007.

6. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la décision par laquelle le directeur général du " Réseau Canopé " a décidé de mettre fin aux fonctions de M. I... ne saurait être analysée comme la rupture d'un contrat à durée indéterminée mais comme le non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée. Or, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat. Le directeur général du " Réseau Canopé " a ainsi pu légalement décider, au terme du dernier contrat, de ne pas le renouveler au motif de l'intérêt du service tenant à sa réorganisation liée au remplacement du CNDP par le " Réseau Canopé " à compter du 1er janvier 2015.

7. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, M. I... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le CNDP, devenu le " Réseau Canopé ", a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en rompant illégalement son contrat de travail.

Sur les préjudices :

8. En premier lieu, en l'absence d'illégalité fautive résultant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation des préjudices qui en seraient résultés.

9. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été précédemment exposé, M. I..., qui n'était pas titulaire d'un contrat à durée indéterminée et dont le contrat à durée déterminée n'a pas été renouvelé au terme convenu par les parties, n'a pas fait l'objet d'un licenciement en cours de contrat. C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation des préjudices qui seraient résultés d'une rupture illégale du contrat de travail de M. I....

10. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, le tribunal administratif a notamment jugé qu'en n'appliquant pas à M. I... les dispositions du décret du 17 janvier 1986, le " Réseau Canopé " a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de cet agent.

11. D'abord, aux termes de l'article 10 du décret du 17 janvier 1986 : " I.- L'agent non titulaire en activité a droit, compte tenu de la durée de service effectué, à un congé annuel dont la durée et les conditions d'attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires prévu par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 susvisé. / II.- En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire ou à la fin d'un contrat à durée déterminée, l'agent qui, du fait de l'administration en raison notamment de la définition par le chef de service du calendrier des congés annuels, n'a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice de congés annuels. / L'indemnité compensatrice de congés annuels est égale au 1/10 de la rémunération totale brute perçue par l'agent au cours de sa période d'emploi, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année en cours. L'indemnité est proportionnelle au nombre de jours de congés annuels dus non pris. (...) ".

12. Il ne résulte pas de l'instruction que M. I... n'a pu bénéficier de l'ensemble de ses congés annuels. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de congés annuels.

13. Ensuite, selon l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986, issu de l'article 3 du décret n° 2007-1829 du 24 décembre 2007 : " La rémunération des agents employés à durée indéterminée fait l'objet d'un réexamen au minimum tous les trois ans, notamment au vu des résultats de l'évaluation prévue à l'article 1-4 ".

14. Si M. I... se plaint d'avoir été privé de la possibilité de bénéficier de la procédure de réexamen prévue par les dispositions précitées, celles-ci ne sont applicables qu'aux agents employés à durée indéterminée. Or, ainsi qu'il a été précédemment exposé, M. I... n'a jamais été titulaire d'un contrat à durée indéterminée. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.

15. Enfin, les préjudices allégués résultant de la perte de rémunération et de la perte de pension de retraite ne trouvant pas leur origine dans la faute ci-dessus relevée, les conclusions indemnitaires de M. I... ne peuvent, sur ce point, davantage être accueillies.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a limité à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité devant lui être versée par le " Réseau Canopé ".

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du " Réseau Canopé ", qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. I... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. I... la somme de 800 euros au titre des frais exposés par le " Réseau Canopé " et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : M. I... versera au " Réseau Canopé " la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... I... et au " Réseau Canopé ".

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme D... H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2021.

Le rapporteur,

Karine B...

Le président,

Dominique Naves

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00089


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00089
Date de la décision : 08/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP DROUINEAU COSSET BACLE LE LAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-08;19bx00089 ?
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