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08/02/2021 | FRANCE | N°20BX01939

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 février 2021, 20BX01939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902406 du 9 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2020, Mme G..., représenté

e par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902406 du 9 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2020, Mme G..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 du préfet de la Dordogne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé de renouvellement portant autorisation de travail, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a omis d'examiner les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure ; elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit, son époux bénéficiant d'un titre de séjour portant mention vie privée et familiale à la date de la décision ; elle méconnait les dispositions de L.511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 5 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2020 à 12H00.

Un mémoire enregistré le 7 janvier 2021 a été présenté par le préfet de la Dordogne.

Par une décision du 20 février 2020, le bureau d'aide a admis Mme G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante albanaise née le 18 mars 1973, déclare être entrée en France le 15 septembre 2016 afin d'y solliciter le bénéfice de l'asile. Par décision 20 octobre 2016, l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande, confirmée par décision de la cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 29 novembre 2017. Le 10 septembre 2018, elle a sollicité un titre de séjour mention " étranger malade " auprès du préfet de la Dordogne. À la suite de l'avis du 27 novembre 2019 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet de la Dordogne a, par un arrêté du 29 avril 2019, rejeté sa demande de titre de séjour, prononcé une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination. Mme G... relève appel du jugement du 9 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui étaient soulevés dans le mémoire complémentaire d'instance à l'encontre de l'arrêté du 29 avril 2019. Par suite, Mme G... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et doit pour ce motif, être annulé.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon les dispositions de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...). ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'adoption de la décision en litige, le préfet de la Dordogne a consulté le collège de médecins du service médical de l'OFII, dont l'avis du 27 novembre 2018, visé dans l'arrêté attaqué, a été produit en première instance. S'il ressort de cet avis que le médecin rapporteur n'a pas convoqué la requérante, aucune disposition de ce code, ni du code des relations entre le public et l'administration invoqué par la requérante, n'impose une telle convocation. En se bornant à faire valoir que les médecins de l'OFII n'ont pas pu personnellement constater son état de santé, la requérante n'établit pas le vice de procédure qu'elle allègue.

6. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. L'avis du 27 novembre 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mentionne que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'entrainera pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'état de santé de l'intéressée lui permettant de voyager sans risque vers son pays d'origine.

8. Pour contester cette affirmation, Mme G... fait valoir qu'elle souffre de pathologies somatiques et psychiatriques pour lesquelles une prise en charge satisfaisante sera difficile en Albanie, son pays d'origine. Toutefois, le certificat médical établi le 17 juillet 2019 par un médecin psychiatre attestant qu'elle souffre d'une dépression anaclitique et d'un état de stress post traumatique pour lesquels un traitement médicamenteux lui est administré ainsi qu'un suivi psychiatrique, ainsi que le document établi par un médecin généraliste à l'intention de l'OFII en date du 4 octobre 2018, qui indique que les troubles intestinaux et urinaires dont souffre l'intéressée pourraient nécessiter des soins chirurgicaux qui sont compliqués en Albanie et " des conditions de vie protégées ", ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du 27 novembre 2018 du service médical de l'OFII. Il n'est par ailleurs pas établi que l'état de santé de l'appelante ne lui permettrait pas de voyager sans risque jusqu'en Albanie. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur son état de santé ne peut être accueilli.

9. En troisième lieu, la requérante se prévaut de ce que son époux et leurs deux enfants majeurs résident sur le territoire français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces derniers font également tous trois l'objet d'une mesure d'éloignement, leurs demandes de titres de séjour ayant été rejetées. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie, où vivent les parents, ainsi que les frères et soeurs de la requérante. Au regard de ces circonstances, notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme G..., le préfet de Dordogne, en rejetant sa demande de titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français qui constitue une simple mesure d'éloignement.

12. En troisième lieu, pour les motifs énoncés aux points 8 et 9, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902406 du 9 octobre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé

Article 2 : La demande et le surplus des conclusions d'appel de Mme G... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme B... A..., présidente-assesseure,

Mme D... F..., premier-conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2021.

Le rapporteur,

Sylvie F...

Le président,

Dominique Naves

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01939
Date de la décision : 08/02/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-08;20bx01939 ?
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