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15/03/2021 | FRANCE | N°19BX02253

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 mars 2021, 19BX02253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... a demandé au tribunal administratif de La Guadeloupe d'annuler la décision du 1er décembre 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a accordé au Crédit Lyonnais l'autorisation de procéder à son licenciement et d'ordonner sa réintégration.

Par un jugement n° 1800088 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 1er décembre 2017 et a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître le

s conclusions de Mme F... tendant à ce que sa réintégration soit ordonnée.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... a demandé au tribunal administratif de La Guadeloupe d'annuler la décision du 1er décembre 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a accordé au Crédit Lyonnais l'autorisation de procéder à son licenciement et d'ordonner sa réintégration.

Par un jugement n° 1800088 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 1er décembre 2017 et a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de Mme F... tendant à ce que sa réintégration soit ordonnée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 mai 2019 et le 16 décembre 2020, la SA Le Crédit Lyonnais, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Guadeloupe du 29 mars 2019 en tant qu'il a annulé la décision du 1er décembre 2017 de l'inspectrice du travail ;

2°) de rejeter la demande de Mme F... ;

3°) de mettre à la charge de Mme F... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation en ce qu'il n'explique pas les raisons pour lesquelles l'inspectrice du travail a méconnu le principe du contradictoire.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que Mme F... n'avait pas disposé du temps nécessaire pour émettre ses observations ;

- le principe du contradictoire a été respecté et la procédure de licenciement suivie est régulière ;

- ainsi que l'a à juste titre considéré l'inspectrice du travail, les faits reprochés à Mme F... sont constitutifs d'une faute grave de nature à justifier le licenciement pour motif disciplinaire de cette salariée ;

- ainsi que l'a à bon droit jugé le tribunal administratif, les autres demandes de Mme F... doivent être rejetées.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2020, Mme F..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la SA Le Crédit Lyonnais n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2021, le ministre du travail conclut à l'annulation du jugement attaqué et à ce qu'il soit fait droit à la demande de la SA Le Crédit Lyonnais.

Il soutient que :

- le principe du contradictoire a été respecté ;

- les faits reprochés à la salariée sont matériellement établis et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A..., présidente,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre en date du 4 octobre 2017, reçue le 6 octobre suivant, l'inspectrice du travail a été saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de Mme F..., conseillère clientèle au Crédit Lyonnais, par ailleurs représentante syndicale au comité d'établissement. Par une décision du 1er décembre 2017, l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation de procéder au licenciement de Mme F.... Par un jugement du 29 mars 2019, le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 1er décembre 2017 et a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de Mme F... tendant à ce que sa réintégration soit ordonnée. La SA Le Crédit Lyonnais relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 1er décembre 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il résulte des termes du jugement attaqué qu'après avoir notamment relevé que Mme F... a été convoquée à un entretien fixé au 30 novembre 2017 au cours duquel lui ont été remis de nouveaux documents dont un rapport de contrôle du 26 juin 2017 sur la base duquel la procédure disciplinaire a été engagée, les premiers juges ont indiqué qu'en prenant la décision autorisant le licenciement de cette salariée le lendemain même de la remise de ces documents, l'administration ne lui a pas accordé le temps nécessaire pour lui permettre d'émettre ses observations en toute connaissance de cause. Dès lors, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de défense, ont suffisamment motivé leur décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. A l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-4 du code du travail prévoit que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, procède à une enquête contradictoire.

5. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées du code du travail impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation.

6. Ces mêmes dispositions imposent également à l'inspecteur du travail de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

7. Pour annuler la décision de l'inspectrice du travail du 1er décembre 2017 ayant autorisé le licenciement de Mme F..., le tribunal administratif de La Guadeloupe a estimé que le caractère contradictoire de l'enquête avait été méconnu dès lors que cette salariée n'avait pas disposé du temps nécessaire pour émettre ses observations en toute connaissance de cause sur certains des éléments recueillis par l'inspectrice du travail au cours de l'enquête.

8. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier qui lui a été remis en mains propres le 2 août 2017, Mme F... a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 septembre 2017. A la suite de cet entretien, une mise à pied conservatoire lui a été notifiée le jour même, date à laquelle le comité d'établissement a également été convoqué pour se prononcer, le 19 septembre 2017, sur le projet de licenciement la concernant. En raison du passage d'un cyclone, la réunion du comité d'établissement a été reportée au 3 octobre 2017 par un courrier daté du 25 septembre 2017. Par une lettre en date du 4 octobre 2017, reçue le 6 octobre suivant, l'inspectrice du travail a été saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de Mme F.... Dans le cadre de l'enquête contradictoire à laquelle l'inspectrice du travail a procédé, Mme F... a été invitée à se présenter le 15 novembre 2017 puis, compte tenu des éléments recueillis au cours de l'enquête, le 30 novembre 2017. A cette dernière date, de nouveaux documents ont été donnés à Mme F... qui a signé une attestation de remise mentionnant qu'un délai de 15 jours lui était laissé pour d'émettre ses observations sur ces documents, au nombre de sept, parmi lesquels figurait un rapport du contrôle permanent de la direction du réseau Antilles du 26 juin 2017 sur la base duquel il est constant que la procédure disciplinaire a été engagée, et dont il ressort des pièces du dossier qu'il n'avait pas été produit par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement.

9. La décision de l'inspectrice du travail accordant l'autorisation de procéder au licenciement de Mme F... étant intervenue le 1er décembre 2017 soit le lendemain de la remise de ce document déterminant, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la salariée n'avait pas été mise à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces auxquelles elle devait pouvoir accéder et en ont déduit que le caractère contradictoire de l'enquête administrative avait été méconnu par l'inspectrice du travail.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Le Crédit Lyonnais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 1er décembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant, d'une part, au paiement des entiers dépens de l'instance, laquelle au demeurant n'en comporte aucun, et, d'autre part, à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à Mme F... sur le fondement de ces dernières dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Le Crédit Lyonnais est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme F... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F..., à la SA Le Crédit Lyonnais et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 8 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme B... A..., présidente,

Mme H..., première conseillère,

Mme C... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2021.

L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau,

H...

La présidente-rapporteure,

Karine A...

La greffière,

Cindy Virin

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02253
Date de la décision : 15/03/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SELARL MOCK - FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-15;19bx02253 ?
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