La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2021 | FRANCE | N°19BX01284

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 30 mars 2021, 19BX01284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1700148 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a réduit les bases du revenu imposable de M. et Mme B... au titre de l'année 2015 à hauteur de 44 136 euros et prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des contribut

ions sociales correspondant à cette réduction.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1700148 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a réduit les bases du revenu imposable de M. et Mme B... au titre de l'année 2015 à hauteur de 44 136 euros et prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondant à cette réduction.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 3 avril 2019 sous le n° 19BX01284 et un mémoire enregistré le 14 décembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 décembre 2018 ;

2°) de rétablir M. et Mme B... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 pour un montant en base de 44 136 euros.

Il soutient que :

- le tribunal, en considérant que l'opération d'attribution des parts de la société HPE en 2015 ne constituait pas une distribution de revenus mobiliers mais la seconde partie de l'attribution de titres suite à une scission au sens de l'article 115 du code général des impôts, a fait une mauvaise appréciation des faits conduisant à une application inexacte de la législation applicable.

Par mémoires en défense enregistrés le 14 août 2019 et le 30 novembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 décembre 2020 à 12h.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... E...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant M B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ancien salarié de la société de droit américain Hewlett Packard (HP), était propriétaire de 3 508 actions de cette société. Le 1er novembre 2015, cette société a fait l'objet d'une restructuration en scindant ses activités en deux entités. La société HP a ainsi transféré sa branche d'activités dédiées aux entreprises à une nouvelle société dénommée Hewlett Packard Entreprise (HPE) et elle a gardé l'ensemble des activités relatives à la conception et la vente des ordinateurs personnels et imprimantes en modifiant sa dénomination sociale pour devenir Hewlett Packard Inc (HPI). Dans le cadre de cette opération de restructuration, Monsieur B... qui détenait 3508 actions d'une valeur de 24,51 euros de la société Hewlett Packard, s'est vu attribuer, d'une part, 3508 actions de la société HPI, d'une valeur unitaire de 12,46 euros, et, d'autre part, 3508 actions à titre gratuit de la nouvelle société HPE, d'une valeur unitaire de 12, 58 euros, soit 44 136, 32 euros. Cette somme a donné lieu par l'intermédiaire de l'établissement bancaire gestionnaire du portefeuille des titres, à un prélèvement forfaitaire à la source non libératoire de l'impôt sur le revenu prévu à l'article 117 quater du code général des impôts, au taux de 21 % pour un montant de 9 268,61 euros et à des prélèvements sociaux au taux global de 15,50 %, d'un montant de 6 841,10 euros. Dès lors, l'administration a établi le 28 juillet 2016 l'avis d'imposition sur le revenu de M. et Mme B... au titre de l'année 2015, conformément à leur déclaration de revenu, en intégrant d'une part des revenus d'actions et de parts d'un montant de 44 136 euros et, d'autre part, un crédit d'impôt égal à 9 268,61 euros correspondant au prélèvement forfaitaire précité. Par courrier du 22 octobre 2016, M. et Mme B... ont demandé à l'administration d'être exonéré d'impôt sur le revenu sur ces distributions d'actions. Cette réclamation a été rejetée le 14 décembre 2016. M. et Mme B... ont alors saisi le tribunal administratif de Poitiers afin d'obtenir la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu établies au titre de l'année 2015 correspondant à l'imposition de la somme de 44 136 euros. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 11 décembre 2018, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a réduit les bases du revenu imposable de M. et Mme B... au titre de l'année 2015 à hauteur de 44 136 euros et prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondant à cette réduction.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 115 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. En cas de fusion ou de scission de sociétés, l'attribution de titres, sommes ou valeurs aux membres de la société apporteuse en contrepartie de l'annulation des titres de cette société n'est pas considérée comme une distribution de revenus mobiliers. / 2. Les dispositions du 1 s'appliquent également sur agrément délivré à la société apporteuse dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, en cas d'attribution de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse, lorsque cette attribution, proportionnelle aux droits des associés dans le capital, a lieu dans un délai d'un an à compter de la réalisation de l'apport. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 117 quater du code général des impôts relatif aux prélèvements sur les dividendes, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - 1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et 120 à 123 bis sont assujetties à un prélèvement au taux de 21 %. / Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa du présent 1 sont retenus pour leur montant brut. / (...) / Ce prélèvement s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle il a été opéré. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. (...) ". Aux termes de l'article 120 de ce code, dans sa rédaction applicable relatif aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France et aux revenus assimilés : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article: / 1° Les dividendes, intérêts, arrérages et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateur des sociétés, compagnies ou entreprises financières, industrielles, commerciales, civiles et généralement quelconques dont le siège social est situé à l'étranger quelle que soit l'époque de leur création ; / (...) / 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission (...) ". Aux termes de l'article 121 du même code : " 1. (...) Les dispositions prévues au 1 de l'article 115 sont applicables en cas de fusion ou de scission intéressant des sociétés dont l'une au moins est étrangère. Les dispositions prévues au 2 de l'article 115 sont applicables en cas d'apport partiel d'actif par une société étrangère et placé sous un régime fiscal comparable au régime de l'article 210 A. (...) ".

4. Enfin, il est précisé à l'article 210-0A du code général des impôts que les dispositions relatives aux fusions et scissions prévues par l'article 115 du code général des impôts sont applicables : " (...) / 2° S'agissant des scissions, aux opérations par lesquelles la société scindée transmet, par suite et au moment de sa dissolution sans liquidation, l'ensemble de son patrimoine à deux ou plusieurs sociétés préexistantes ou nouvelles, moyennant l'attribution aux associés de la société scindée, proportionnellement à leurs droits dans le capital, de titres des sociétés bénéficiaires des apports et, éventuellement, d'une soulte ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale de ces titres ; (...). II. Sont exclues des dispositions prévues (...) aux articles 115 (...), les opérations de fusion, de scission et d'apport partiel d'actif n'entrant pas dans le champ d'application de la directive n° 2009/133/ CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents, (...) lorsqu'une société, apporteuse ou bénéficiaire d'un apport, a son siège dans un Etat ou territoire n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ".

5. Pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal a estimé que l'opération de restructuration de la société HP devait être regardée comme une scission au sens de l'article 115 du code général des impôts, applicable " dès lors qu'il est constant que la condition prévue à l'article 121 du même code est satisfaite, les sociétés ayant bien leur siège dans un Etat qui a conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales " et qu'ainsi c'était à tort que l'administration avait considéré comme une distribution de revenus mobiliers les titres de la nouvelle société HPE attribués à M. B... en contrepartie des titres de la société Hewlett Packard qu'il détenait en tant qu'actionnaire.

6. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la société HPCo, qui a uniquement changé de dénomination, aurait été dissoute. En outre, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., les titres de la société HPCo qui ont uniquement reçu un nouveau code dans le cadre des transactions effectuées sur le marché boursier, n'ont pas été annulés. Il suit de là qu'ainsi que le fait valoir le ministre, l'opération concernée ne relève pas des dispositions du 1 de l'article 115 du code général des impôts.

7. D'autre part, si l'opération de restructuration en cause doit s'analyser comme un apport partiel d'actif, il est constant qu'elle n'a fait l'objet d'aucun agrément. Or, les dispositions du 2 de l'article 115 du code général des impôts subordonnent expressément le bénéfice de la neutralité fiscale pour les actionnaires de la société effectuant un apport partiel d'actif à la délivrance d'un agrément à cette société apporteuse, quel que soit son Etat de rattachement, lorsque celui-ci n'est pas un Etat membre de l'Union européenne, quand bien-même une convention d'assistance administrative a été conclue en vue notamment de prévenir la fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu. L'agrément étant, par ailleurs, exigé par ces dispositions pour toute société apporteuse, quel que soit le lieu de son siège, les contribuables ne sont, en tout état de cause, pas fondés à invoquer l'arrêt C-14/16 Euro Park Service de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2017 qui sanctionne, au regard du droit de l'Union européenne, une différence de traitement entre les opérations de fusion réalisées en France entre entreprises françaises et les opérations de fusion impliquant une entreprise d'un autre Etat membre de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accueilli le moyen tiré de ce que l'opération de scission en cause entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 115 du code général des impôts, pour prononcer la décharge des impositions auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 44 136 euros correspondant à l'attribution de titres de la société HPE.

9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Poitiers et devant la cour :

10. En premier lieu, la circonstance que l'organisme bancaire gestionnaire du portefeuille de titres des contribuables ne les ait pas préalablement informés des conséquences fiscales de l'opération financière réalisée est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

11. En second lieu, les vices qui peuvent entacher la décision par laquelle le directeur départemental des finances publiques rejette la réclamation dont il est saisi par un contribuable sont sans influence sur la régularité ou sur le bien-fondé des impositions contestées. Ainsi, sont inopérants les moyens tirés par M. et Mme B... de ce que la décision de rejet de leur réclamation à l'encontre des impositions en litige aurait été signée par une autorité incompétente et serait insuffisamment motivée.

12. Enfin, la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009, invoquée par M. et Mme B..., régit, ainsi que l'énonce son article 1er, le régime fiscal commun applicable aux opérations de fusion, de scission, de scission partielle, d'apport d'actifs et échange d'actions qui concernent des sociétés de deux ou plusieurs Etats membres ainsi qu'aux opérations de transfert du siège statutaire, d'un Etat membre à un autre, des sociétés européennes et des sociétés coopératives européennes. Dès lors que l'opération d'apport partiel d'actifs en cause concerne exclusivement la société HP, devenue HPI, dont le siège est situé aux Etats-Unis, de même que la société HPE créée dans le cadre de la restructuration des activités de cette société, le moyen que les contribuables tirent de l'incompatibilité du droit interne avec cette directive, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé la décharge des impositions auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 44 136 euros correspondant à l'attribution de titres de la société HPE.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les impositions auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015, à raison de la taxation de la somme de 44 136 euros correspondant à l'attribution de titres de la société HPE, sont remises à la charge de ces derniers.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme A... B....

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. F... E..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01284
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : VACHER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-30;19bx01284 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award