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05/05/2021 | FRANCE | N°19BX00441

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 05 mai 2021, 19BX00441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Anglet a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société Atelier d'architecture Philippe Madec, la société Suzanne, la société Batut structure bois, la société Socotec, la société Tribu et la société Guichard à l'indemniser, sur le fondement de la responsabilité décennale, des préjudices résultant des désordres affectant la Maison de l'environnement du parc écologique Izadia en lui versant les sommes de 221 309,91 euros, de 54 531,80 euros, de 23 906,23 euros, de 5

580 euros et de 10 080 euros, ainsi que de mettre à la charge in solidum de ces so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Anglet a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société Atelier d'architecture Philippe Madec, la société Suzanne, la société Batut structure bois, la société Socotec, la société Tribu et la société Guichard à l'indemniser, sur le fondement de la responsabilité décennale, des préjudices résultant des désordres affectant la Maison de l'environnement du parc écologique Izadia en lui versant les sommes de 221 309,91 euros, de 54 531,80 euros, de 23 906,23 euros, de 5 580 euros et de 10 080 euros, ainsi que de mettre à la charge in solidum de ces sociétés le paiement des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1700865 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2019, la commune d'Anglet, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 6 décembre 2018 ;

2°) de condamner la société Atelier d'architecture Philippe Madec, la société Suzanne, la société Batut structure bois, la société Socotec, la société Tribu et la société Guichard à l'indemniser, sur le fondement de la responsabilité décennale, des préjudices résultant des désordres affectant la Maison de l'environnement du parc écologique Izadia en lui versant les sommes de 221 309,91 euros, de 54 531,80 euros, de 23 906,23 euros, de 5 580 euros et de 10 080 euros, ainsi que de mettre à la charge in solidum de ces sociétés le paiement des frais d'expertise, sommes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge in solidum des sociétés la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a produit les délibérations habilitant le maire à ester en justice par note en délibéré du 26 novembre 2018 qui aurait dû conduire le tribunal à rouvrir les débats ;

- l'ouvrage est impropre à sa destination et sa solidité est compromise ;

- en ce qui concerne l'origine des désordres, s'agissant de la Maison de l'environnement : la pourriture des bois s'explique par des solives non conformes au DTU 31.1 et par un choix d'essence d'un bois non adapté ; s'agissant du parc écologique : les désordres ont pour origine l'épaisseur insuffisante des lames circulables ;

- en ce qui concerne l'imputabilité des désordres, s'agissant de la Maison de l'environnement, les désordres sont imputables à la société Suzanne qui a posé des solives en douglas, qui a posé les platelages sans respecter ni la bonne pratique ni les prescriptions du guide technique, qui a cloué les lames de platelages avec des pointes en acier galvanisé qui s'oxydent alors qu'une visserie inox 316 L (A4) était préconisée au CCTP. Ils sont également imputables au bureau d'études Batut structure bois qui a disposé ces solives sur son plan d'exécution sans respecter ni la bonne pratique ni les prescriptions du guide technique et qui n'a pas signalé les non conformités. Ils sont également imputables à la société Atelier d'architecture Philippe Madec, mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, qui n'a pas relevé les non conformités. Ils sont encore imputables au bureau de contrôle Socotec qui, dans le cadre de sa mission LP, relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements dissociables et indissociables, n'a pas contrôlé les risques d'accumulation d'eau ni alerté les intervenants sur la problématique de bois en contact avec le terrain naturel recouvert de végétaux très absorbants ; s'agissant du parc écologique, les désordres sont imputables à la conception et au suivi des travaux effectués par le bureau d'études Tribu et à la mise en oeuvre des platelages au sol effectuée par la société Bidart, intervenant en sous-traitance pour la société Guichard.

- les travaux de remise en état s'élèvent aux sommes de 122 057,73 euros HT soit 146 469,27 euros TTC pour la Maison de l'environnement, de 45 443,17 euros HT soit 54 531,80 euros TTC pour le parc écologique, de 8 400 euros HT soit 10 080 euros TTC pour la consultation des entreprises et le suivi des travaux de remise en état soit à la somme totale de 211 080,90 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2019, la société Socotec construction, venant aux droits de la société Socotec France, représentée par Me I..., conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire au rejet de la requête en tant qu'elle tend à sa condamnation et, à titre infiniment subsidiaire à ce qu'elle soit garantie et relevée indemne de toute condamnation éventuellement prononcée contre elle par les sociétés Suzanne, Batut structure bois et Atelier d'architecture Philippe Madec, Tribu et Guichard. Elle demande également qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Anglet au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête était irrecevable à défaut d'habilitation du maire à ester en justice produite avant la clôture de l'instruction ;

- la demande était prescrite ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2019, la société Atelier d'architecture Philippe Madec, représentée par Me A..., conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre elle et, à titre infiniment subsidiaire, à ce que les sociétés Batut structure bois, Suzanne, Tribu, Guichard et Socotec la garantissent et la relèvent indemne de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre. Elle demande également qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Anglet au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête était irrecevable à défaut d'habilitation du maire à ester en justice produite avant la clôture de l'instruction ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2021, la société Guichard, représentée par Me H..., conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre elle et, à titre infiniment subsidiaire, à ce que les sociétés Batut structure bois, Suzanne, Tribu, Atelier d'architecture Philippe Madec, et Socotec la garantissent et la relèvent indemne de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre. Elle demande également qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Anglet au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête était irrecevable à défaut d'habilitation du maire à ester en justice produite avant la clôture de l'instruction ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J... K...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,

- et les observations de Me F..., représentant la société Atelier d'architecture Philippe Madec, de Me C..., représentant la société Socotec, et de Me E..., représentant la société d'exploitation de l'entreprise Guichard.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération Bayonne Anglet Biarritz, a conclu un marché public pour la réalisation, sur la commune d'Anglet, d'un parc écologique dénommé " Izadia " comprenant notamment la construction d'une " maison de l'environnement ". Après réception des travaux en décembre 2006, l'installation a été remise à la commune d'Anglet pour assurer l'ensemble des missions d'entretien et de maintenance des espaces. Estimant que les installations subissaient des dégradations inquiétantes, notamment sur l'état des bois de construction, la commune d'Anglet a saisi le tribunal administratif de Pau pour faire condamner les sociétés ayant participé aux travaux publics à l'indemniser dans le cadre de la garantie décennale des désordres apparus postérieurement à la réception des ouvrages. Toutefois, par un jugement du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la commune d'Anglet. Cette dernière relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de la commune d'Anglet en première instance :

2. En vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser ". Selon l'article R. 611-1 du même code, la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans des conditions définies notamment par l'article R. 611-3. Aux termes de cet article : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) ". Selon l'article R. 611-8-2 du même code : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier. Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance, à la régulariser et il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception. La communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi que le mémoire en défense a été reçu par l'intéressé.

4. Dans l'hypothèse de l'absence de production dans la demande devant le tribunal administratif de l'habilitation donnée au maire, cette absence de production est régularisable, notamment lorsqu'une fin de non-recevoir est opposée en défense, jusqu'à la clôture de l'instruction.

5. Il ressort des pièces du dossier, que la société Socotec construction, la société Tribu et la société Atelier d'architecture Philippe Madec, dans leurs mémoires en défense respectifs des 17 septembre 2018, 24 septembre 2018 et 26 septembre 2018, ont soulevé la fin de non-recevoir tirée de l'absence de délibération autorisant le maire de la commune d'Anglet à ester en justice. Il ressort également des pièces du dossier de première instance, et notamment des indications portées sur l'application télérecours, que la commune d'Anglet a eu connaissance dès le 21 septembre 2018, de la fin de non-recevoir, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception délivré par l'application informatique. Faute pour la commune d'Anglet d'avoir produit, avant la clôture de l'instruction, intervenue le 27 septembre 2018, et alors qu'aucun obstacle ne l'empêchait de le faire, la délibération du conseil municipal habilitant le maire à présenter une requête ou lui donnant une délégation permanente pour saisir le tribunal administratif, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a accueilli la fin de non-recevoir et a rejeté la requête de la commune d'Anglet comme étant irrecevable. Cette irrecevabilité est insusceptible de faire l'objet d'une régularisation en appel.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Anglet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté pour irrecevabilité sa demande. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le bien-fondé de la requête, la demande présentée en appel par la commune d'Anglet est également irrecevable et doit être rejetée.

Sur les appels en garantie :

7. La requête de la commune d'Anglet étant rejetée, il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie présentés par la société Atelier d'architecture Philippe Madec, la société Socotec France, aux droits de laquelle vient la société Socotec construction, la société Tribu, et la société Guichard.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Atelier d'architecture Philippe Madec, la société Suzanne, la société Batut structure bois, la société Socotec France, aux droits de laquelle vient la société Socotec construction, la société Tribu et la société Guichard, qui ne sont pas les parties perdantes, versent une somme au titre des frais exposés par la commune d'Anglet et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune d'Anglet, une somme à verser aux sociétés Atelier d'architecture Philippe Madec, Socotec construction, Tribu et Guichard sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Anglet est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des sociétés Atelier d'architecture Philippe Madec, Socotec construction, Tribu et Guichard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Anglet, à la société Atelier d'architecte Philippe Madec, à la société Suzanne, à la société Batut structure bois, à la société Socotec construction, à la société Tribu et à la société Guichard.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme J... K..., présidente-assesseure,

Mme G... D..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 05 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00441
Date de la décision : 05/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-05-005 Procédure. Introduction de l'instance. Qualité pour agir. Représentation des personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-05;19bx00441 ?
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