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05/05/2021 | FRANCE | N°20BX02892

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 05 mai 2021, 20BX02892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1905623 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée l

e 1er septembre 2020, M. F..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1905623 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020, M. F..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal de lui délivrer le titre de séjour sollicité, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplissait les conditions prévues par ces dispositions ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplissait les conditions prévues par ces dispositions ;

Sur la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement.

Par un mémoire enregistré le 4 décembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est tardive et confirme les termes de son mémoire de première instance.

Par une ordonnance du 7 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2021 à 12 heures.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., ressortissant marocain né le 2 janvier 1988, est entré en France le 1er septembre 2007 avec un visa long séjour portant la mention " étudiant ". Il a obtenu la délivrance de plusieurs titres de séjour en cette qualité dont le dernier a expiré le 8 décembre 2014. Le 28 octobre 2014, il a sollicité la délivrance d'un premier titre de séjour " commerçant " sur le fondement de l'article L. 313-10-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de sa qualité de directeur général de la SAS Alter Finance. Un premier titre de séjour valable du 3 avril 2015 au 2 avril 2016 lui a été délivré sur ce fondement. Le 26 août 2016, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. La légalité de cette décision a été confirmée le 28 novembre 2016 par le tribunal administratif de Bordeaux puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 10 avril 2017. Le 4 mai 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 août 2019, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. F... a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 1905623 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. M. F... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans (...) ". L'article 9 du même accord prévoit que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ".

3. M. F... soutient que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il en remplit les conditions. Toutefois, l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, sous réserve d'un contrat visé par les autorités compétentes et, traitant de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. F... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions qui ne sont pas applicables aux ressortissants marocains.

4. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale ". (...) ".

5. Il résulte des termes de la décision en litige que la préfète de la Gironde a spontanément examiné le droit au séjour de M. F... au regard des dispositions précitées du 3° de l'article L. 313-10 du code précité. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. F... un titre de séjour sur ce fondement, la préfète s'est fondée sur la circonstance, non contredite par M. F..., que ce dernier ne justifiait pas tirer de son activité des ressources suffisantes dans le respect de la législation en vigueur pour les années 2015, 2016, 2017 et sur la circonstance que la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a émis, le 14 juin 2019, un avis défavorable. Cet avis indique notamment que M. F... n'a pas produit de business plan prévisionnel sur trois ans et que les comptes annuels sur l'année 2018 ne sont pas présents au dossier alors qu'ils ont été demandés par la préfète. Si M. F... soutient avoir transmis à la préfète ces documents, il ne le démontre pas. Le document qu'il produit comme étant une " étude prévisionnelle sur trois exercices de 01/2018 à 12/2020 " a été édité le 13 janvier 2020, soit postérieurement à la décision en litige. En outre, si l'intéressé se prévaut d'une attestation en date du 15 octobre 2018 établie par le comptable de la société Alter Finance, celle-ci indique seulement que la société souhaite embaucher M. F... et lui verser un salaire de 2 282 euros bruts mensuels et n'est ainsi pas de nature à établir qu'elle en a les moyens financiers. Les factures produites au titre des années 2018 et 2019 ne sont pas de nature, à elles seules, à établir que l'activité de la société était économiquement viable. Par conséquent, l'appelant n'établit pas qu'il justifiait, à la date de la décision en litige, tirer de son activité économique des moyens d'existence suffisants.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

7. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

8. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

9. La décision en litige vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code précité et indique qu'il ressort de l'examen de la situation de l'intéressé au regard du huitième alinéa du III du même article que, bien qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, il a déjà fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière non exécutée et se maintient en France en infraction à la mesure d'éloignement du 26 août 2016. Elle mentionne en outre que M. F... n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans et où vivent ses parents et l'ensemble de sa fratrie. Elle indique enfin qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Dès lors, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige est insuffisamment motivée et que la préfète n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle.

10. M. F... se borne à soutenir qu'il n'a fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement. Toutefois il ressort des pièces du dossier que ce dernier a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 26 août 2016 qu'il n'a pas exécutée. Comme l'ont relevé les premiers juges, M. F... ne justifie pas de liens particuliers en France alors qu'il n'est pas dépourvu de tels liens au Maroc où résident ses parents et l'ensemble de sa fratrie. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions du III l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la préfète de la Gironde, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2019. Sa requête doit, par voie de conséquence, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. D... B..., président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme E... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 05 mai 2021.

Le président-rapporteur,

Didier B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02892 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02892
Date de la décision : 05/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : KATOU KOUAMI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-05;20bx02892 ?
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