La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/08/2021 | FRANCE | N°19BX03745

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 30 août 2021, 19BX03745


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés sous le n° 19BX03745 le 25 septembre 2019, le 15 octobre 2019, le 15 décembre 2019, le 26 novembre 2020 et le 14 janvier 2021, l'Association Préservons nos villages et notre terre, M. E... F..., M. R... H..., M. K... A..., Mme S..., M. G... C..., Mme B... L... et M. P... D..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la Charente-Maritime portant autorisation unique pour l'exploitation d'une installation de production d'él

ectricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la com...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés sous le n° 19BX03745 le 25 septembre 2019, le 15 octobre 2019, le 15 décembre 2019, le 26 novembre 2020 et le 14 janvier 2021, l'Association Préservons nos villages et notre terre, M. E... F..., M. R... H..., M. K... A..., Mme S..., M. G... C..., Mme B... L... et M. P... D..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la Charente-Maritime portant autorisation unique pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Messac au bénéfice de la société Energie éolienne de Messac et l'arrêté modificatif en date du 2 août 2019 du préfet de la Charente-Maritime ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient de leur qualité et de leur intérêt à agir ;

- l'étude d'impact jointe au projet du pétitionnaire est insuffisante :

- concernant le volet acoustique, une seule direction du vent a été prise en compte et l'impact sonore cumulé avec les autres projets de parcs éoliens n'a pas été analysé ; aucun point d'écoute n'a été réalisé depuis les hameaux de Vanzac, Chambalon et Les Bardes situés entre le parc projeté et celui de Baignes ;

- concernant le volet biodiversité, les enjeux sur l'aire rapprochée sont qualifiés de faibles à modérés alors que le site regorge d'espèces d'avifaune et de chiroptères protégés ce qui caractérise une sous-estimation des enjeux notamment pour le vanneau huppé, le milan noir, l'œdicnème criard et la grue cendrée ; les effets cumulés avec le parc de Baignes-Sainte-Radegonde n'ont pas été étudiés ; les effets cumulés tant sur le plan paysager que celui de la biodiversité avec le projet de Baignes-Chantillac n'ont pas été étudiés ;

- le porteur du projet n'a pas effectué de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces prévues par l'article L. 411-1 du code de l'environnement alors qu'il induira des pertes d'habitat d'avifaune et de chiroptères ;

- le projet porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

- à la sécurité et salubrité publique compte tenu des nuisances sonores produites ;

- à la santé publique compte tenu de la proximité des hameaux Chez I..., Bran, Chantillac et Vanzac ;

- à l'intérêt touristique des lieux en particulier à la ville thermale de Jonzac ; le vignoble charentais est incompatible avec la présence d'éoliennes ;

- sur le plan paysager, au paysage naturel de la Haute-Saintonge, et il se trouvera en situation de covisibilité avec l'église de Mérignac ;

- les riverains appartenant à 39 hameaux proches du site d'implantation du projet subiront les nuisances engendrées par le parc ; l'effet de saturation visuelle sur les riverains induit par les trois parcs situés dans un rayon de 4 km existera ;

- en ce qui concerne la biodiversité, le site se situe à proximité de plusieurs ZNIEFF I et II, il se trouve également dans un couloir de migration des oiseaux, notamment des grues cendrées qui stationnent sur le site en période postnuptiale, et conduira à la destruction de l'œdicnème criard, du vanneau huppé et de la cigogne blanche ainsi qu'aux nombreuses espèces de chiroptères dont plusieurs sont sensibles à l'éolien.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2020 et le 14 janvier 2021, la société Energie éolienne de Messac, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2020 et le 26 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête, et à titre subsidiaire à ce que la cour sursoit à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté en litige.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir des requérants ; en outre l'association Préservons nos villages et notre terre ne justifie pas de sa qualité pour agir en l'absence d'identification de son président seule à-même de démontrer qu'il peut la représenter ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- si la cour estimait qu'un des moyens soulevés par les requérants était fondé, elle pourra sursoir à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté contesté.

II. Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés sous le n° 19BX03834 le 4 octobre 2019, le 14 octobre 2019, le 26 novembre 2020, le 23 février 2021 et le 2 avril 2021, M. Q... I..., M. J... I... et Mme O... I..., représentés par Me Thibaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la Charente-Maritime portant autorisation unique pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Messac au bénéfice de la société Energie éolienne de Messac et l'arrêté modificatif en date du 2 août 2019 du préfet de la Charente-Maritime ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir ;

- l'arrêté portant autorisation unique en litige a été signé par une autorité incompétente en l'absence de production de la délégation du préfet de la Charente-Maritime ;

- l'étude d'impact jointe au projet du pétitionnaire est insuffisante :

- les effets cumulés du projet en litige avec les parcs de Baignes-Sainte-Radegonde et de Baignes-Chantillac n'ont pas été étudiés autant sur le plan visuel que sur le plan acoustique en méconnaissance du guide relatif à l'élaboration des études d'impact des projets de parcs éoliens terrestres et en ce qui concerne la biodiversité notamment pour les chiroptères et les oiseaux migrateurs pourtant présents en nombre sur le site d'implantation du projet éolien ;

- concernant le volet acoustique, seule la direction ouest du vent a été prise en compte alors qu'il existe un vent dominant de direction nord-est ; la campagne de mesures qui a eu lieu sur une semaine en période hivernale est insuffisante car elle ne permet pas de prendre en compte les bruits résiduels ; la puissance des machines de 4,2 Mw n'a pas été prise en compte ; ces insuffisances ont porté atteinte au droit à l'information du public ;

- le projet porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

- le projet porte atteinte à la sécurité publique en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de la proximité de moins de 600 mètres des habitations les plus proches ; le risque de projection des pales en cas de vents violents, qui ne sont pas rares dans le département, constitue un danger pour les riverains et les agriculteurs ;

- le projet porte atteinte à la santé publique en raison des nuisances sonores induites sur les hameaux environnants compte tenu de leur proximité et la puissance des machines de 4,2 Mw ; ce phénomène sera renforcé par l'encerclement du hameau Chez I... par plusieurs parcs éoliens ;

- en ce qui concerne la biodiversité, le site se situe à proximité de plusieurs ZNIEFF I et II et est fréquenté par de nombreuses espèces protégées de chiroptères et d'avifaune, il se trouve également dans un couloir de migration des oiseaux notamment des grues cendrées et de l'œdicnème criard, il est également fréquenté notamment par le vanneau huppé et le milan royal, le milan noir ainsi que par de nombreuses espèces de chiroptères dont plusieurs sont très sensibles à l'éolien ;

- le projet porte atteinte au paysage naturel de la Haute-Saintonge et se trouvera en situation de covisibilité avec l'église de Mérignac en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ; les riverains appartenant à 39 hameaux proches du site d'implantation du projet subiront les nuisances engendrées par le parc ; le parc entrainera un effet de saturation visuelle sur les riverains induit par les éoliennes des parcs de Messac, Baignes-Sainte-Radegonde et Baignes-Chantillac ; le paysage local sera profondément modifié ; le hameau Chez I... se trouvera en situation d'encerclement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2020, le 5 janvier 2021 et le 10 mars 2021, la société Energie éolienne de Messac, représentée par Me Versini-Campinchi conclut au rejet de la requête ainsi qu'à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que la cour sursoit à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté en litige.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir des requérants ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- si la cour estimait qu'un des moyens soulevés par le requérant était fondé, elle pourra sursoir à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté contesté.

III. Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés sous le n° 19BX03839 le 4 octobre 2019, le 5 décembre 2019 et le 10 août 2020, le Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC), représenté par Me Valdes, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la Charente-Maritime portant autorisation unique pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Messac au bénéfice de la société Energie éolienne de Messac, subsidiairement, d'abroger l'arrêté préfectoral susmentionné ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt à agir compte tenu de sa qualité d'organisme interprofessionnel reconnu par arrêté du 24 juillet 1989 tel que visé par l'article L. 632-1 du code rural et de ses missions telles que précisées dans ses statuts ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure : la commune de Messac appartenant à l'arrondissement de Jonzac, est située sur le territoire de l'Appellation d'origine contrôlée " Cognac " ou " Eau-de-vie de Cognac " ou " Eau-de-vie des Charentes " selon l'aire géographique définie par le cahier des charges de l'AOC ; dès lors le préfet était tenu en application de l'article L. 512-21 du code de l'environnement de saisir l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) pour avis dans les conditions prévues à l'article L. 512-6 du même code ; or l'arrêté contesté ne porte aucune mention de cet avis et le dossier soumis à enquête publique n'en fait pas non plus mention ;

- l'arrêté contesté ne pouvait se fonder, pour apprécier l'impact paysager du projet, sur un jugement du tribunal administratif de Poitiers rendu concernant le parc éolien de

Baignes-Sainte-Radegonde alors frappé d'appel et distant de 10 km du parc en litige ;

- le préfet ne pouvait, sans tenir compte du rapport du commissaire-enquêteur pointant notamment l'insuffisance d'examen dans l'étude d'impact des effets cumulés du parc éolien projeté avec les parcs éoliens de Baignes-Sainte-Radegonde et de Baignes-Chantillac localisés respectivement à 2,5 km et 4 km seulement, considérer que le projet du pétitionnaire, par ses dangers et inconvénients pour l'environnement ne méconnaissait pas l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact jointe au projet du pétitionnaire est insuffisante en l'absence d'examen des effets cumulés du projet avec les parcs éoliens situés à proximité et notamment les parcs éoliens de Baignes-Sainte-Radegonde et de Baignes-Chantillac ;

- l'étude d'impact ne prend pas en compte l'impact sur les paysages compte tenu du caractère viticole de la zone d'implantation du projet de parc éolien qui est compris dans le périmètre de l'AOC Cognac tel que défini dans le cahier des charges de l'AOC ainsi que les distilleries et des chais présents ; elle se fonde en outre sur des données anciennes de 2010 sans prendre en compte l'augmentation de l'activité viticole sur la commune de Messac qui est passée de 20 hectares en 2010 à 48 hectares en 2018 ;

- il n'a jamais été informé du projet de parc éolien de Messac ni contacté par le porteur du projet et n'a pas davantage été associé à une procédure de concertation en amont du projet alors que ce parc porte atteinte à l'image de l'AOC Cognac.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2020 et le 14 novembre 2020, la société Energie éolienne de Messac, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir du bureau national interprofessionnel du Cognac et que sur le fond, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que la cour sursoit à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté en litige.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir et de qualité pour agir du requérant ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- si la cour estimait qu'un des moyens soulevés par le requérant était fondé, elle pourra sursoir à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté contesté.

Par courrier du 14 avril 2021, les parties des trois affaires précitées ont été invitées à produire des observations sur l'application par la cour de l'article L. 181-18 du code de l'environnement afin de permettre à la société Energie éolienne de Messac d'obtenir une autorisation modificative régularisant les vices tirés de l'irrégularité de l'insuffisance de l'étude d'impact concernant le volet acoustique et le volet relatif à l'étude des effets cumulés des parcs éoliens environnants.

Par un mémoire enregistré le 16 avril 2021, l'association Préservons nos villages et notre terre et autres, représentés par Me Cadro, ont produit des observations. Ils font valoir que la mesure envisagée ne se justifie pas compte tenu des vices substantiels dont est entachée l'étude d'impact, qu'elle prive de portée utile le droit à la participation et à l'information du public et prive le préfet de la possibilité de décider de refuser le projet au regard de ses inconvénients pour l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 23 avril 2021, MM. et Mme I..., représentés par Me Thibaud, ont produit des observations. Ils font valoir que la mesure envisagée ne se justifie pas compte tenu des vices substantiels dont est entachée l'étude d'impact, qu'elle prive de portée utile le droit à la participation et à l'information du public et prive le préfet de la possibilité de décider de refuser le projet au regard de ses inconvénients pour l'environnement et reprennent leurs précédentes conclusions et moyens.

Par des mémoires enregistrés le 23 avril 2021, dans les trois affaires, la société Energie éolienne de Messac, représentée par Me Versini-Campinchi a produit des observations. Reprenant leurs précédentes écritures, elle fait valoir que l'étude d'impact n'est entachée d'aucune insuffisance tant sur son volet acoustique que sur l'étude des effets cumulés, qu'à supposer que tel ne serait pas le cas, il peut être sursis à statuer en vue de la régularisation de ces vices.

Par des mémoires enregistrés le 3 mai 2021, dans les trois affaires, la ministre de la transition écologique a produit des observations. Elle reprend ses précédentes écritures et demande, dans l'hypothèse où un sursis à statuer serait prononcé, compte tenu des contraintes et délais d'instruction et de consultation d'une autorisation modificative régularisant les vices tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact, que la cour fixe un délai de douze mois pour la régularisation de l'arrêté en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

- Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles ;

- le règlement (CE) n° 110/2008 du parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) no 1576/89 du Conseil ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n°2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le décret n° 2015-10 du 7 janvier 2015 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme M... N...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,

- les observations de Me Cadro, représentant l'association Préservons nos villages et notre terre et autres, requérants ;

- les observations de Me Thibaut, représentant MM. et Mme I..., requérants ;

- les observations de Me Valdes, représentant le bureau national interprofessionnel du Cognac, requérant ;

- et les observations de Me Versini-Campinchi, représentant la société Energie éolienne de Messac, défendeur.

Des notes en délibéré ont été enregistrées dans chaque dossier le 17 mai 2021, présentées pour la société Energie éolienne de Messac par Me Versini-Campinchi.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 mai 2019, le préfet de la Charente-Maritime a délivré à la société Energie éolienne de Messac une autorisation unique pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Messac.

2. Par trois requêtes distinctes qu'il convient de joindre dès lors qu'elles sont dirigées contre le même acte, d'une part, l'association Préservons nos villages et notre terre, M. E... F..., M. R... H..., M. K... A..., Mme S..., M. G... C..., Mme B... L... et M. P... D..., d'autre part M. Q... I..., M. J... I... et Mme O... I... et de troisième part, le Bureau national interprofessionnel du Cognac demandent à la cour, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, d'annuler l'autorisation unique du 28 mai 2019 accordée à la société Energie éolienne de Messac pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Messac ainsi que l'arrêté préfectoral modificatif du 2 août 2019.

Sur la jonction et les fins de non-recevoir opposées en défense :

3. En premier lieu, lorsqu'une requête collective est présentée, la circonstance que l'ensemble des requérants n'aurait pas intérêt à agir n'entache pas d'irrecevabilité la requête dès lors que l'un d'eux justifie d'un tel intérêt.

4. L'association Préservons nos villages et notre terre a pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts de : "1- Protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, les sites et les paysages du département de Charente-Maritime et des départements limitrophes, plus particulièrement des communes de Messac et de Mérignac et des communes avoisinantes/.

2- Lutter contre toutes les atteintes qui pourraient être portées à l'environnement, aux hommes, à la faune et à la flore et notamment chaque fois qu'elles seront susceptibles de toucher aux caractères naturels des espaces et des paysages, aux équilibres biologiques et, d'une façon générale, à la santé et à la sécurité des hommes, des animaux et des choses.(...)./ 3- Lutter par toutes actions, y compris en justice, contre les projets d'installations industrielles dédaigneuses des intérêts de la nature, des gens, du patrimoine paysager et bâti, et donc notamment contre les ensembles industriels d'aérogénérateurs dits "parcs éoliens".". Cet objet, qui est suffisamment précis tant sur le plan matériel que géographique, donne à l'association, un intérêt suffisant pour contester l'arrêté d'autorisation unique du 28 avril 2019 qui porte sur une installation susceptible de porter atteinte aux intérêts défendus par cette dernière. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense, tirée de l'absence d'intérêt à agir de l'Association Préservons nos villages et notre terre doit être écartée.

5. Il ressort par ailleurs de l'article 10 des statuts de l'association que : " Le Président représente et agit au nom de l'association dans ses rapports avec la justice, les médias, l'administration et tous les autres tiers. ". Il en résulte que son président en exercice " es qualité ", sans qu'il soit besoin de justifier de son identité, d'un mandat ou d'une habilitation spéciale, est habilité à représenter l'association en justice. Par suite, le moyen tiré ce que le président de l'association " ne serait pas identifié " ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non-recevoir opposées à l'encontre des autres requérants, la requête n° 19BX03745 est recevable.

7. En second lieu, dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans plusieurs requêtes que la juridiction décide de joindre, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour que le juge puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui-ci, faire droit à ces conclusions communes.

Sur le cadre juridique :

8. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " I. - A titre expérimental (...) sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement sur le territoire des régions de

Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais Picardie et Poitou-Charente. ". Aux termes de l'article 2 de cette ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement (...) permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement (...). L'autorisation unique tient lieu des permis, autorisation (...) mentionnés à l'alinéa précédent pour l'application des autres législations lorsqu'ils sont requis à ce titre. (...) ".

9. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales (...) avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables (...) / 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".

10. L'ordonnance du 26 janvier 2017 n'a ni pour objet ni pour effet de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance des autorisations uniques prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014.

11. Aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2014 : " L'autorisation unique (...) est instruite et délivrée dans les conditions prévues aux sous-sections 1, 2 et 4 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre V (partie réglementaire) du code de l'environnement (...) ".Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " (...) les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement (...) 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre VI du titre IV du livre Ier, du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme (...) ". En vertu de l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2014, l'autorisation unique est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il revient au juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre une autorisation unique, d'en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance. Lorsqu'il estime qu'une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n'est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, créé par l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai qu'il fixe afin de permettre à l'administration de régulariser l'illégalité par une autorisation modificative.

12. Il appartient au juge du plein contentieux de l'autorisation unique d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 mai 2019 :

En ce qui concerne la compétence :

13. D'une part, par un arrêté du 31 août 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 1er septembre 2017, M. Pierre Emmanuel Portheret, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, sous-préfet de l'arrondissement chef-lieu, a reçu délégation à l'effet de signer, à compter du 4 septembre 2017 " tous arrêtés, décisions, circulaires, actes, correspondances et documents, à l'exception :/ des actes pour lesquels délégation a été confiée à un chef des service de l'Etat dans le département, des arrêtés de conflit, de la réquisition du comptable ". Il ne ressort d'aucun élément de l'instruction que l'arrêté en cause serait au nombre des actes exclus de cette délégation. Par suite le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'autorisation en litige doit être écarté.

14. D'autre part, la circonstance que le préfet de la Charente-Maritime a fait référence dans l'autorisation en litige, au jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mars 2018 relatif à un autre parc éolien du même secteur en tant qu'" éclairage sur l'appréciation de l'impact paysager " ne permet pas d'estimer que le préfet se serait senti lié par le sens de cette décision ou par l'analyse de l'impact paysager retenu par le tribunal. Par suite, le préfet ne s'est pas mépris sur sa propre compétence en citant ce jugement du tribunal et cette motivation ne révèle pas plus une erreur de droit ou de qualification juridique.

En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :

15. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version applicable en l'espèce : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en œuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés (...) ; / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact :/-ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ;/-ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. (...) ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; (...) / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes (...) ".

16. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant de la biodiversité :

17. L'étude d'impact comporte des développements détaillés sur les intérêts faunistiques en jeu. Elle recense les enjeux du projet sur les différentes espèces d'oiseaux selon une méthodologie précisément expliquée. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce recensement serait incomplet ou sous-estimerait les enjeux et qu'une étude d'incidence plus poussée aurait été nécessaire. En particulier si les requérants font état du passage de cigognes blanches sur le site d'implantation du projet, constaté en septembre 2020 et non recensé par l'étude d'impact, aucun élément du dossier à caractère scientifique ne permet d'attester d'une présence continue ou habituelle. L'étude relève en effet la présence des diverses espèces migratoires et d'oiseaux nicheurs, analyse les populations et leurs mouvements ou territoires et procède ensuite à une analyse détaillée des enjeux pour l'avifaune. L'étude mentionne notamment que le projet situé dans une zone caractérisée par des paysages de bocage et de prairies n'aura pas d'incidence sur les sites classés en ZNIEFF I et II situés dans un rayon de dix kilomètres du projet et que si le site se situe dans un couloir migratoire secondaire, les espèces qui s'y trouvent s'adapteront globalement au site, notamment le vanneau huppé, peu présent sur le site et présentant une très faible sensibilité au risque de collision, de même que le milan noir dont la présence a été recensée sur le site mais dont l'aptitude au vol lui permet d'éviter une collision avec les pales. Par ailleurs, l'étude indique que le projet ne constitue pas un risque pour la grue cendrée peu présente sur le site dès lors que les habitudes de vol en haute altitude de cet oiseau migrateur lui permettent d'éviter le parc, de taille modeste et en milieu ouvert, très visible, en période de migration. Par ailleurs l'oedicnème criard, également recensé ne présente pas de sensibilité marquée à l'éolien.

S'agissant de la prise en compte du caractère viticole de la zone :

18. Il ressort de la rubrique " flore et végétation " de l'étude d'impact que les parcelles viticoles proches du site d'implantation du projet ont été identifiées sur une carte consacrée à la végétation dans l'aire d'étude rapprochée et que le porteur du projet s'est attaché à éviter tout risque d'empiètement sur les parcelles viticoles de même qu'à privilégier un projet dont les chemins d'accès ne longent aucune parcelle viticole. Sur le plan paysager, l'étude paysagère après avoir décrit précisément le paysage viticole dans la zone d'implantation du parc éolien consacre une partie à l'analyse de l'impact du projet depuis les paysages de coteaux viticoles situés principalement au Nord du projet et comporte plusieurs photomontages qui permettent de visualiser la perception des éoliennes. L'étude qui conclut que les éoliennes dont la perception demeure discrète, s'intègrent facilement dans le paysage de l'aire éloignée et intermédiaire n'a pas omis de prendre en compte l'environnement viticole du site d'implantation. Enfin il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de toute donnée plus récente, que l'étude d'impact fondée sur les données Agreste 2010 ainsi que sur les données Corine Land Rover de 2012 aurait pris en compte des données relatives à l'occupation des sols par les cultures viticoles obsolètes ni que ces données auraient été de nature à fausser les résultats de l'étude.

S'agissant de l'étude acoustique :

19. Il résulte de l'étude d'impact que sept points de mesure ont été retenus selon une méthodologie explicitée par l'étude dans toutes les directions et en fonction de la topologie du site et de la végétation, dans les hameaux de Chez Bailleux, la Guillonnerie, La Champagne, Le Paradis, Chez Martinaud, Chez I... et Courcouteaux situés autour du parc, afin de permettre une évaluation de l'incidence sonore du projet sur les habitations les plus proches, ces hameaux ayant été considérés comme représentatifs de l'ensemble des situations. Les mesures ont été effectuées entre le 10 février et le 17 février 2017 par référence à la norme NF-31-114, dans un angle compris entre 90° et 360° couvrant tout le secteur Ouest, considéré comme la direction de vent dominante. Toutefois, l'autorité environnementale dans son avis du 6 juin 2018, de même que l'inspection des installations classées, ont relevé que cette étude était lacunaire dès lors qu'elle ne prenait nullement en compte la présence dans la zone du projet d'un vent de direction Nord-Est. Ainsi et alors qu'aucun élément de l'instruction ne permet de remettre en cause la présence de ce vent dont la vitesse pourrait atteindre 130 km/heure, une étude sur ce point était nécessaire pour éviter tout risque de dépassement des émissions sonores du parc. D'ailleurs le préfet a prescrit dans l'autorisation unique contestée de réaliser la modélisation de l'impact brut, le plan de bridage et la modélisation de l'impact net correspondant aux vents d'Est, au plus tard six mois avant la mise en exploitation.

20. Dans ces conditions, alors que cette lacune a eu pour effet de priver le public de son droit à l'information et a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision contestée, les requérants sont fondés à soutenir que la décision en litige est entachée pour ce motif d'illégalité.

S'agissant des effets cumulés visuels, acoustiques et sur la biodiversité avec les autres parcs :

21. Il résulte des dispositions de l'article R. 122-5 4° du code de l'environnement précitées que l'étude d'impact doit comporter une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui ont notamment fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public.

22. Si l'étude d'impact comprend une analyse des effets cumulés visuels et sur la biodiversité du parc éolien de Messac avec le parc de Baignes-Sainte-Radegonde (2,5 km) et les parcs de Fief du Moulin (11 km) et d'Allas-Nieul (15 km), en revanche, le parc éolien de Baignes-Chantillac, situé à 4 km du parc projeté et pour lequel un avis de l'autorité environnementale a été rendu en juin 2016 n'a pas été pris en compte dans cette étude. Or si la société pétitionnaire fait valoir qu'elle a déposé son dossier en mai 2016 soit avant que l'autorité environnementale ne rende son avis sur le projet de parc éolien de Baignes-Chantillac, il résulte de l'instruction qu'elle a complété son étude d'impact notamment sur le volet paysager et sur le volet acoustique, en novembre 2016, janvier 2017 et octobre 2017. Compte tenu de l'importance des compléments qui ont été apportés, il convient de prendre en compte la date de leur dépôt pour apprécier les projets dont les effets cumulés devaient être étudiés. Ainsi, contrairement à ce que la société Energie éolienne de Messac soutient, ce projet, situé à moins de 5 km du parc éolien de Messac, devait être inclus dans l'étude des effets cumulés visuels, acoustiques et sur la biodiversité de l'étude d'impact. En réponse à l'avis du commissaire-enquêteur, la société a produit une étude complémentaire relative à l'impact cumulé visuel avec le projet de Baignes-Chantillac. Toutefois cette étude demeure lacunaire dès lors d'une part, qu'elle se borne à étudier l'impact cumulé paysager sur le hameau de Vanzac alors que plusieurs autres hameaux tels que le hameau Chez I... sont susceptibles de se trouver en situation d'encerclement et de saturation visuelle, d'autre part, qu'elle ne comprend aucune analyse de l'impact cumulé visuel incluant le parc de Baignes-Chantillac, alors que le paysage environnant du projet, relativement plat, sans éléments naturels ni constructions verticales, inclut déjà deux parcs situés à proximité, composés chacun de six éoliennes de 180 mètres en bout de pale, distants de seulement 2,5 km et 4 km du lieu d'implantation du projet litigieux. Cette lacune a eu pour effet de nuire à l'information complète du public. De plus, sur le plan acoustique, alors qu'il résulte de l'instruction que la zone est soumise à des vents forts notamment d'Ouest et de Nord-Est, l'absence d'analyse de l'impact sonore cumulé pour les hameaux situés entre le projet et le parc de Baignes-Sainte-Radegonde, dont le hameau Chez I... situé à moins de 600 mètres du parc en litige et à seulement 1,5 km du parc de Baignes-Sainte-Radegonde, au Nord-Est du projet, et à 4 km du parc de Baignes-Chantillac, à l'Est du projet, a eu également pour effet de nuire à l'information du public. Enfin compte tenu des enjeux forts en termes de biodiversité identifiés dans l'étude d'impact et rappelés par l'autorité environnementale, l'absence d'inclusion du parc de Baignes-Chantillac dans l'étude des effets cumulés des parcs environnants sur la biodiversité a également nui à l'information complète du public.

23. Dans ces conditions, dès lors que les insuffisances de l'étude d'impact ont privé le public de son droit à l'information et ont été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision contestée, les requérants sont fondés à soutenir que la décision en litige est entachée pour ce motif d'illégalité.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'avis de l'INOQ dans le dossier de demande présenté par le pétitionnaire et soumis à enquête publique :

24. En vertu de l'article 15, alinéa 2, de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, portant sur les dispositions transitoires, précise : " 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n°2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; ".

25. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement auquel renvoie l'article R. 512-14 du même code : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Le dossier comprend au moins : (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme (...) ". Aux termes de l'article R. 512-21 du code de l'environnement alors applicable : " I.- Le préfet communique, pour avis, un exemplaire de la demande d'autorisation à l'Institut national de l'origine et de la qualité dans les conditions prévues par l'article L. 512-6 et, le cas échéant, à l'établissement public du parc national concerné, qui se prononce dans le délai de trente jours, faute de quoi l'avis est réputé émis. Ces avis sont adressés au préfet et à l'autorité environnementale. (...). Aux termes de l'article L. 512-6 du code de l'environnement : " Dans les communes comportant une aire de production de vins d'appellation d'origine, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation consulte l'Institut national de l'origine et de la qualité (...) Il est également consulté, sur sa demande, lorsqu'une installation soumise à l'autorisation visée ci-dessus doit être ouverte dans une commune ou une commune limitrophe d'une commune comportant une aire de production d'un produit d'appellation d'origine contrôlée autre que le vin (...) ".

26. L'article 1er du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement précise : " L'autorisation unique mentionnée à l'article 2 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée est instruite et délivrée dans les conditions prévues aux sous-sections 1, 2 et 4 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre V (partie réglementaire) du code de l'environnement et, le cas échéant, pour les installations mentionnées à l'article R. 515-58 du code de l'environnement, à la section 8 du chapitre V du même titre, sous réserve des dispositions du présent titre ". Selon l'article 17 du titre Ier du décret précité : " Nonobstant toute disposition réglementaire contraire, notamment les dispositions des I et II de l'article R. 512-21 du code de l'environnement, le représentant de l'Etat dans le département, s'il le juge nécessaire, peut consulter les organismes mentionnés au I de cet article (...) ".

27. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'article R. 512-21 du code de l'environnement précité prévoit la transmission de la demande à l'INOQ pour avis, le décret pris pour l'application de l'ordonnance du 20 mai 2014 instaurant le régime transitoire des autorisations uniques rend cette saisine facultative.

28. En outre et en tout état de cause, il résulte de l'article 1er du décret n° 2015-10 du 7 janvier 2015 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Cognac " ou " Eau-de-vie de Cognac " ou " Eau-de-vie des Charentes " que la commune de Messac se situe dans l'arrondissement de Jonzac compris dans l'aire de production de Cognac, d'eaux-de-vie de Cognac et d'Eau-de-vie des Charentes. Cette appellation concerne des eaux-de-vie de vin et des vins de liqueur obtenus par mélange de moût de raisin et d'eaux-de-vie, qui ne constituent pas des vins, eu égard aux définitions de ces différents produits résultant notamment du règlement européen susvisé du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses, et du règlement européen du 17 décembre 2013, dont la partie II de l'annexe VIII dispose que : " On entend par " vin " le produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisins ". Ces produits doivent être regardés comme des " produits autres que le vin " au sens de l'article L. 512-6 précité du code de l'environnement. Par suite, l'Institut national de l'origine et de la qualité n'était pas au nombre des organismes devant être obligatoirement consultés et l'absence au dossier d'enquête de son avis ne traduit dès lors pas une méconnaissance des articles R. 512-21 et R. 123-8 précités du code de l'environnement.

29. Par suite le moyen tiré d'un vice de procédure et de l'incomplétude du dossier d'enquête publique doit être écarté.

En ce qui concerne l'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 et à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

30. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

31. L'arrêté du 28 mai 2019 en litige autorise la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres en bout de pales implantés sur deux lignes (2 et 2) allant du Sud-Est au Nord-Ouest d'une longueur de 600 mètres.

S'agissant de l'atteinte aux paysages :

32. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

33. Il résulte de l'instruction que soixante-sept photomontages ont été annexés à l'étude paysagère afin de présenter les impacts visuels du parc éolien sur son environnement rapproché (3 km), semi-éloigné (10 km) et éloigné (16 km). Les éoliennes projetées doivent être implantées dans les coteaux de Lary, au sein d'un environnement vallonné marqué par la vallée de la Seugne au sud-ouest où de vastes espaces sont partagés entre cultures et vignobles entrecoupés de boisements, dans un secteur identifié comme favorable au développement éolien par le schéma régional éolien de la Charente-Maritime. Dans l'aire d'étude rapprochée du projet, les paysages environnants se présentent sous la forme d'un plateau agricole et viticole ponctué par des haies et des bois de taille variable. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des éléments produits au dossier, quand bien même le site se trouve dans la zone d'appellation d'origine contrôlée du Cognac, que les paysages environnant le projet présenteraient un intérêt ou des caractéristiques particuliers auxquels le projet de parc éolien porterait une atteinte significative. S'agissant du patrimoine bâti, ni l'avis de l'autorité environnementale ni les éléments de l'instruction ne font apparaître une atteinte à l'un des six monuments historiques identifiés comme présentant une sensibilité à l'éolien. Par ailleurs, il résulte du carnet de photomontage que si l'église de Mérignac, ainsi que le soutiennent les requérants, sera en situation de co-visibilité avec les éoliennes, cet édifice qui ne fait l'objet ni d'une inscription ni d'un classement, ne sera que faiblement impacté compte tenu de la présence des éoliennes uniquement à l'Est et en arrière-plan de l'édifice et de la végétation présente. Par suite la branche du moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article L. 511-1 du code de l'environnement pour ce motif doit être écartée.

S'agissant de l'atteinte à la commodité du voisinage :

34. Les requérants soutiennent que les effets cumulés des parcs éoliens environnants et plus précisément les parcs de Baignes-Sainte-Radegonde et de Baignes-Chantillac sont de nature à induire un effet de saturation visuelle et d'encerclement sur les hameaux situés entre ces différents parcs. Dans l'aire d'étude rapprochée, selon l'étude d'impact, seront maintenues des séquences de respiration significative, aux abords ou depuis les hameaux, où les éoliennes seront filtrées, tronquées et finalement peu prégnantes visuellement. Depuis les séquences ouvertes, à proximité immédiate du projet, les vues seront modifiées significativement et donc le paysage quotidien des riverains. Toutefois, l'implantation relativement simple et compacte du projet permet une inscription lisible des éoliennes et une emprise visuelle relativement faible ce qui modère l'impact lié à l'introduction d'un parc éolien. Parmi les hameaux qui sont les plus concernés, si la situation du hameau Chez I... au centre des parcs de Baignes-Sainte-Radegonde, Baignes-Chantillac et du parc projeté est la plus sensible, l'étude d'impact mentionne que pour ce hameau, comme pour les hameaux Chez Geneuil, Courcouteau, et la commune de Mérignac, la végétation des jardins privatifs filtrera efficacement les éoliennes. En outre l'autorisation contestée prévoit plusieurs mesures de réduction des effets telles que la plantation de haies afin de réduire les visibilités vers le parc éolien et planifie la mise en œuvre des travaux d'implantation. Ainsi si la zone d'implantation du projet est composée d'un paysage agricole relativement plat où les vues lointaines sont dégagées, dans une aire proche, il ne résulte pas de l'instruction et notamment des photomontages produits par les requérants qui ne sont pas suffisamment probants, que le parc projeté, composé de quatre éoliennes disposées en quadrilatère sur deux lignes, même avec les autres parcs éoliens proches, sera de nature à caractériser une atteinte à la commodité du voisinage au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Dès lors en l'état de l'instruction et sous réserve des vices que la procédure de régularisation pourrait révéler sur les effets cumulés visuels de différents parcs à proximité, cette branche du moyen doit être écartée.

S'agissant de l'atteinte à la santé, salubrité et sécurité publique :

35. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article L. 515-44 du code de l'environnement : " (...) Les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation. (...) La délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités (...) Elle est au minimum fixée à 500 mètres. (...) ". En vertu de l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011, cette distance est mesurée à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur.

36. En ce qui concerne l'atteinte à la santé humaine, l'étude acoustique réalisée à la demande du pétitionnaire montre que les émergences sonores liées au fonctionnement des éoliennes ne dépasseront pas de jour la réglementation applicable. Les mesures ayant montré un risque de dépassement en période nocturne, le porteur du projet a prévu la mise en place d'un plan de bridage ainsi que des mesures de suivi en phase d'exploitation. Si les requérants font valoir que le bruit engendré par les éoliennes est susceptible de porter atteinte à la santé humaine, les études les plus récentes, telles que celle de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) datant de mars 2017 ou de l'Académie nationale de médecine établie en mai 2017 n'ont pas montré que l'exposition aux bruits des éoliennes produirait des effets sanitaires nocifs. A cet égard, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'ANSES, que le respect des distances minimales d'éloignement des éoliennes par rapport aux habitations constitue un élément qui contribue à prémunir les riverains contre les nuisances potentielles liées aux bruits engendrés par ces installations. Or, il est constant que les éoliennes projetées doivent être implantées à plus 500 mètres des habitations du secteur, conformément aux exigences de l'arrêté ministériel du 26 août 2011. En outre il ne résulte ni de ces données ni d'autres éléments de l'instruction que la puissance des aérogénérateurs de 4,2 Mw qui disposeront de certifications européennes et nationales, induirait en elle-même une augmentation significative du niveau d'émissions sonores du parc.

37. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'autorisation en litige porte atteinte à la sécurité publique protégée par l'article L. 511-1 du code de l'environnement du seul fait qu'elle concerne une installation située en zone agricole fréquentée par les cultivateurs et entourée de plusieurs hameaux. A cet égard, le risque de projection de pales invoqué par les requérants n'a pas été omis par le pétitionnaire qui a veillé à implanter son projet à une distance suffisante pour réduire à un seuil proche de zéro un tel danger. Enfin la circonstance que des agriculteurs peuvent travailler à proximité des éoliennes ne suffit pas à retenir que le préfet a méconnu les dispositions des articles R. 11-2 du code de l'urbanisme et L. 511-1 du code de l'environnement en délivrant cette autorisation. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction et sous réserve des vices que la procédure de régularisation pourrait révéler, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet porte atteinte à la santé, salubrité et sécurité publique.

S'agissant de l'atteinte à la biodiversité :

38. Au titre de la biodiversité, les requérants font état du risque de mortalité par collision qui pèse sur au moins six espèces protégées de chiroptères dont la pipistrelle commune, la pipistrelle de nathusius, la pipistrelle de kuhl, la noctule commune, la noctule de leisler et la sérotine commune présentes sur le site. Ce risque a été reconnu par le pétitionnaire et a été qualifié par celui-ci de " moyen à très fort " en période de travaux et d'exploitation. Pour diminuer ce risque, la société pétitionnaire a prévu des mesures consistant, lors des phases de travaux, à éviter tout défrichement et à conserver un éloignement d'au minimum 100 mètres des boisements. La société s'engage en outre à entamer les travaux en dehors de la période de reproduction, d'élevage des jeunes et d'hibernation. En phase d'exploitation, des actions de défrichement des haies situées dans la zone surplombée par les l'éoliennes sont prévues ainsi que la mise en œuvre des mesures d'asservissement des éoliennes selon les résultats d'une observation des chiroptères avant toute mise en service du parc. Toutes ces actions, doivent permettre de réduire l'attractivité que les éoliennes peuvent avoir sur les chiroptères et réduisent à un niveau globalement faible le risque de collision. L'arrêté d'autorisation unique en litige prévoit dans son article 1er la mise en place obligatoire du plan d'asservissement des machines avant le début de la mise en service et impose au pétitionnaire des mesures de suivi de l'activité des chiroptères.

39. S'agissant de l'avifaune, les requérants font état du risque de mortalité par collision notamment pour la grue cendrée, l'oedicnème criard, le vanneau huppé et le milan noir, espèces d'oiseaux protégées présentes sur le site. La société a regardé ce risque comme " modéré à moyen " compte tenu que le site se situe dans un couloir migratoire secondaire et que les espèces qui s'y trouvent, selon les données connues, s'adapteront globalement aux éoliennes, notamment le vanneau huppé et l'oedicnème criard, présents sur le site mais considérés comme faiblement sensibles au risque de collision. Il en va de même pour le milan noir et la grue cendrée dont la présence a été recensée sur le site mais dont l'aptitude au vol, leur permet d'éviter une collision avec les pales. Pour diminuer au maximum ce risque, la société a positionné les éoliennes en quadrilatère sur deux lignes d'une longueur de 600 mètres facilitant la visibilité et l'évitement du parc pour l'avifaune et a enterré les réseaux électriques. Lors des phases de travaux, elle s'est engagée ainsi qu'il a été dit à conserver un éloignement notamment de l'éolienne E1 d'au minimum 100 mètres du bois dans lequel un nid de milan noir a été observé ainsi qu'à mettre en place des mesures d'asservissement des éoliennes pour tenir compte de l'activité de nicheurs. En outre les travaux auront lieu en dehors de la période de reproduction d'élevage et d'hibernation. En phase d'exploitation, la société mettra en place des mesures de suivi de mortalité notamment pour les nicheurs. Ces actions, permettront de réduire à un niveau globalement faible le risque de collision. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction et sous réserve des vices que la procédure de régularisation pourrait révéler, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet aurait méconnu pour ce motif les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

S'agissant de l'atteinte à l'activité touristique :

40. Par ailleurs si la commune de Jonzac, située à 17 km de Messac, constitue une place touristique notamment en sa qualité de ville thermale, il ne résulte pas de l'instruction que la présence des éoliennes à proximité serait de nature à induire des conséquences négatives sur cette activité. Par suite cette branche du moyen doit être écartée.

41. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état de l'instruction et sous réserve des vices que la procédure de régularisation pourrait révéler, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2, et R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne l'absence de demande dérogatoire à la destruction d'espèces protégées ou de leurs habitats :

42. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".

43. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

44. Les requérants soutiennent que le parc éolien risque de porter atteinte à l'avifaune et aux chiroptères présents dans l'aire immédiate du site et que le préfet aurait dès lors dû demander au pétitionnaire de déposer un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées en application des dispositions précitées.

45. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet qui se situe à proximité d'un boisement, l'éolienne E1 n'étant qu'à 100 mètres du bois, constitue une réserve importante de biodiversité, riche en espèces protégées dès lors qu'il compte 80 espèces d'oiseaux rares ou protégées et 16 espèces de chauves-souris dont 7 ont un statut particulier de protection et 6 sont très sensibles à l'éolien. La société a pris en compte ces données et s'est engagée, afin de préserver l'avifaune et les chiroptères, en phase de travaux, à mettre en œuvre un calendrier de travaux afin d'éviter les périodes de reproduction de ces espèces et d'être assisté d'un écologue pour éviter la destruction d'animaux ou de nids. Cependant, ces mesures, qui ne permettent pas d'éviter tout risque de destruction d'individus ou d'habitats, constituent des mesures de réduction. En ce qui concerne la phase d'exploitation, l'étude d'impact mentionne une sensibilité " forte ou très forte " pour certaines espèces de chiroptères et " modéré à moyen " notamment pour la grue cendrée, le milan noir et le vanneau huppé et le tableau des " risques cumulés avec les autres parcs " après mesures d'évitement ou de réduction présenté en page 341 de l'étude fait apparaître un risque résiduel " globalement faible ", donc persistant, pour la mortalité de ces espèces. Les seules mesures prévues en cours d'exploitation sont des mesures de réduction, telles que le bridage des machines (mesures d'asservissement), ou des mesures de suivi qui ne sont pas de nature à éviter tout risque de destruction. D'ailleurs le commissaire-enquêteur et la mission régionale de l'autorité environnementale ont émis plusieurs réserves concernant la préservation de la biodiversité. Dans ces conditions, le projet doit être regardé comme étant susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales protégées et de leurs habitats. Par suite, le pétitionnaire était tenu de présenter, pour la réalisation de son projet de parc éolien, un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d'espèces protégées prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement.

46. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'autorisation délivrée par l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code l'environnement et en demander pour ce motif l'annulation partielle en tant qu'elle ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées prévue à l'article L. 411-1 du code de l'environnement.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

47. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II. - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées.

48. Il résulte de ce qui a été dit aux points 42 à 46, qu'il y a lieu d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 modifié le 2 août 2019 en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement. Il y a lieu en conséquence pour la cour de mettre en œuvre les pouvoirs résultant des dispositions précitées et de suspendre l'exécution des travaux autorisés par l'arrêté portant autorisation unique du préfet de la Charente-Maritime, devenue autorisation environnementale, en tant qu'il ne comporte pas la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et jusqu'à la délivrance de cette dérogation.

49. Sur le surplus des conclusions présentées par les requérants, les vices tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact, rappelés aux points 19 à 23 du présent arrêt, qui entachent l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la Charente-Maritime sont, en l'état de l'instruction, susceptibles d'être régularisés par une autorisation modificative. Cette autorisation modificative ne pourra être accordée que sous réserve que soient respectées les conditions fixées par l'article R. 122-5 du code de l'environnement et des vices que la procédure de régularisation pourrait révéler. La délivrance d'une telle autorisation modificative impliquera également l'organisation préalable d'une nouvelle enquête publique afin de soumettre ces nouveaux éléments à la connaissance du public.

50. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, l'éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de douze mois à compter du présent arrêt. Il y a lieu par suite, de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions des requêtes jusqu'à l'expiration de ce délai afin de permettre cette régularisation.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 mai 2019 modifié le 2 août 2019 portant autorisation unique, devenue autorisation environnementale, est annulé en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destructions des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 28 mai 2019 modifié le 2 août 2019 portant délivrance de l'autorisation unique, devenue autorisation environnementale, est suspendue jusqu'à la délivrance de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur le surplus de conclusions des requêtes de l'association Préservons nos villages et notre terre et autres, de MM. et Mme I... et du Bureau national interprofessionnel du Cognac jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la société Energie éolienne de Messac ou à l'État pour notifier à la cour une autorisation environnementale modificative.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Préservons nos villages et notre terre, désignée en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative, à la société Energie éolienne de Messac, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime et à la commune de Messac.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente de la cour,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme M... N..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2021.

La rapporteure,

Caroline N...La présidente,

Brigitte PhémolantLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 19BX03745, 19BX03834, 19BX03839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03745
Date de la décision : 30/08/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

44-02-02-005-02-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Actes affectant le régime juridique des installations. - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS;CABINET LPA-CGR AVOCATS;CABINET LPA-CGR AVOCATS;SCP KAPPELHOFF-LANCON THIBAUD VALDES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-08-30;19bx03745 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award