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11/10/2021 | FRANCE | N°19BX00477

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 octobre 2021, 19BX00477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de l'Ile d'Oléron a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner la société Missenard-Quint B à lui verser les sommes de 132 631,38 euros TTC et 10 000 euros en réparation, d'une part, des désordres affectant le système de chauffage-ventilation-climatisation de son bâtiment destiné à accueillir des collections muséales et, d'autre part, des conséquences de ces désordres en terme de surconsommation électrique. A titre subsidiaire, la commun

auté de communes a demandé au tribunal de condamner solidairement les sociétés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de l'Ile d'Oléron a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner la société Missenard-Quint B à lui verser les sommes de 132 631,38 euros TTC et 10 000 euros en réparation, d'une part, des désordres affectant le système de chauffage-ventilation-climatisation de son bâtiment destiné à accueillir des collections muséales et, d'autre part, des conséquences de ces désordres en terme de surconsommation électrique. A titre subsidiaire, la communauté de communes a demandé au tribunal de condamner solidairement les sociétés Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie à lui verser les sommes de 132 631,38 euros TTC et 10 000 euros à raison de ces désordres.

Par un jugement n° 1602443 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la société Missenard-Quint B à verser à la communauté de communes de l'Ile d'Oléron la somme de 34 140,03 euros en réparation des désordres litigieux, condamné les sociétés Bègue-Peyrichon-Gérard et Yac Ingénierie à garantir cette société à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée et mis à la charge des sociétés Bègue-Peyrichon-Gérard et Yac Ingénierie, d'une part, et de la société Missenard-Quint-B, d'autre part, les frais d'expertise à hauteur, respectivement, de 80 % et 20 % de leur montant.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 février 2019, le 25 mars 2020 et le 28 avril 2020, la communauté de communes de l'Ile d'Oléron, représentée par Me Veyrier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1602443 du tribunal en tant qu'il a limité à 34 140,03 euros le montant de la condamnation prononcée ;

2°) à titre principal, de condamner la société Missenard-Quint B à lui verser la somme de 132 631,38 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres et la somme de 10 000 euros au titre de la surconsommation électrique ; d'assortir ces sommes des intérêts à compter de l'ordonnance du tribunal du 27 mars 2012 désignant l'expert ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société Bègue-Peyrichou-Gérard et la société Yac Ingénierie à lui verser la somme de 132 631,38 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres et la somme de 10 000 euros au titre de la surconsommation électrique ; d'assortir ces sommes des intérêts à compter de l'ordonnance du tribunal du 27 mars 2012 désignant l'expert ;

4°) de mettre à la charge de la société Missenard-Quint B la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ; à titre subsidiaire, de mettre ces frais à la charge de la société Bègue-Peyrichou-Gérard et de la société Yac Ingénierie.

Elle soutient que :

- les désordres qui affectent le système de climatisation et de chauffage du bâtiment, qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination, nécessitent le remplacement des armoires de climatisation comme l'a relevé l'expert dans son rapport ;

- ces désordres sont dus à un positionnement surélevé des armoires de climatisation ; le système de climatisation ne fonctionne plus depuis l'été 2011 ;

- les désordres n'étaient pas apparents au moment des opérations de réception ;

- aucune faute du maître de l'ouvrage ne peut être retenue en vue d'une diminution de la responsabilité pesant sur les constructeurs ;

- compte tenu de leur position haute, il n'est pas possible d'assurer une maintenance des armoires ; les constructeurs ne sont ainsi pas fondés à soutenir qu'une simple maintenance permettrait d'assurer le fonctionnement du système ; c'est à tort que le tribunal a jugé que les dommages pouvaient être réparés par un simple aménagement de l'accès aux armoires de climatisation qui ne permet pas de réparer intégralement le préjudice existant ; de plus, les désordres trouvent aussi leur origine dans l'inadaptation des armoires aux volumes des salles dès lors qu'elles n'offrent pas un débit de ventilation suffisant ; seul le remplacement des armoires permettra la réparation intégrale du préjudice subi ;

- il existe un autre préjudice résultant à la surconsommation électrique dont la communauté de communes de l'île d'Oléron doit assumer le coût en raison de la puissance excessive des armoires ;

- ces désordres engagent la responsabilité de la société Missenard-Quint B chargée de l'installation des armoires de climatisation ; subsidiairement, la communauté de communes de l'île d'Oléron est fondée à rechercher la responsabilité des maîtres d'œuvre, les sociétés Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie, qui ont validé un positionnement des armoires non conforme au cahier des clauses techniques particulières et ont manqué à leur devoir de conseil du maître de l'ouvrage lors des opérations de réception.

Par un mémoire, enregistré le 25 avril 2019, la société Baudment Technology, représentée par la SCP KPL, demande à la cour de constater qu'aucune demande n'a été formulée à son encontre en première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 avril 2019 et le 07 avril 2020, la société Missenard-Quint B, représentée par Me Van Robais, conclut :

1°) au rejet de la requête de la communauté de communes de l'Ile d'Oléron ;

2°) au rejet des conclusions présentées par les sociétés Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie ;

3°) à la confirmation du jugement attaqué ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes de l'ïle d'Oléron la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la communauté de communes de l'île d'Oléron doivent être écartés comme non fondés ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2019, la société Atelier d'Architecture Bègue-Peyrichou-Gérard et la société Yac Ingénierie, représentées par Me Czamanski, concluent :

1°) au rejet de la requête de la communauté de communes de l'Ile d'Oléron ;

2°) à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a laissé à la charge de la société Missenard-Quint B 20 % des conséquences dommageables des désordres et laissé à leur charge 80 % de ces conséquences ;

3°) à la condamnation de la société Missenard-Quint B à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 80 % ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la partie succombante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par la communauté de communes de l'île d'Oléron doivent être écartés comme infondés ;

- c'est à tort que le tribunal a laissé à leur charge 80 % des conséquences dommageables des désordres ; la société Yac Ingénierie n'est intervenue qu'au stade de la conception des armoires et pas sur le chantier ; le cahier des clauses techniques particulières qu'elle a rédigé n'a pas été remis en cause par l'expert ; la société Bègue-Peyrichou-Gérard n'était pas chargée de la conception technique de l'ouvrage qui relevait de la responsabilité de la société Missenard-Quint B.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Perotin, représentant la Communauté de communes de l'Ile d'Oléron, et de Me Gondouin, représentant la SARL Yac Ingienerie et l'atelier d'architecture BPG et Associés.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes de l'île d'Oléron a souhaité faire construire, sur le territoire de la commune de Dolus d'Oléron, un bâtiment destiné à accueillir des collections muséales dont la protection nécessite d'équiper ce bâtiment d'un système de chauffage, de ventilation et de climatisation assurant le renouvellement de l'air, une température constante et une hygrométrie contrôlée. Le 5 novembre 2006, la communauté de communes de l'île d'Oléron a signé un marché de maîtrise d'œuvre avec un groupement conjoint composé de la société Yac Ingénierie, chargée de la conception du lot " chauffage/ventilation/climatisation ", et du cabinet Bègue-Peyrichou-Gérard, responsable de la direction du chantier. Par un acte d'engagement du 20 novembre 2007, la communauté de communes de l'île d'Oléron a confié à la société Missenard-Quint B l'exécution du lot n°11 " chauffage/ventilation/climatisation " pour un montant de 177 923,78 euros TTC.

2. Postérieurement à la réception des travaux, prononcée le 14 novembre 2008 avec des réserves levées le 15 mars 2009, des dysfonctionnements du système de chauffage/ventilation/climatisation sont apparus et ont conduit la communauté de communes de l'île d'Oléron à demander au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers la désignation d'un expert chargé de décrire les désordres existants, de déterminer leur origine, de définir les travaux permettant d'y remédier ainsi que leur coût. Après le dépôt de ce rapport le 27 janvier 2014, la communauté de communes de l'île d'Oléron a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner la société Missenard-Quint B à lui verser les sommes de 132 631,38 euros TTC et de 10 000 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les désordres litigieux et, à titre subsidiaire, la condamnation solidaire des maîtres d'œuvre Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie à lui verser ces mêmes sommes à raison de ces désordres.

3. Par un jugement rendu le 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné, sur le fondement de la garantie décennale, la société Missenard-Quint B à verser à la communauté de communes de l'île d'Oléron la somme de 34 140,03 euros. Il a par ailleurs jugé que les maîtres d'œuvre Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie garantiraient la société Missenard-Quint B à hauteur de 80 % du montant de la réparation. La communauté de communes de l'île d'Oléron relève appel de ce jugement dont elle demande la réformation en tant qu'il a condamné le titulaire du lot n° 11 à lui verser 34 140,03 euros au lieu des 132 631,38 euros demandés. Les maîtres d'œuvre Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie demandent à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a laissé à leur charge 80 % des conséquences dommageables des désordres et demandent à être garanties par la société Missenard-Quint B à hauteur de 80 % du montant de la réparation. Quant à la société Missenard-Quint B, elle conclut au rejet des conclusions présentées à son encontre par les autres parties et à la confirmation du jugement attaqué.

Sur l'appel de la communauté de communes de l'île d'Oléron :

4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure ou de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne l'origine des désordres :

5. Dans un rapport établi le 26 août 2009, soit quelques semaines après la réception des travaux, le centre de recherche et de restauration des musées de France a constaté que certaines parties du bâtiment étaient affectées par une importante humidité, que le taux de renouvellement de l'air y était important, ce qui pouvait être à l'origine de variations hygrométriques conséquentes. Il a par ailleurs été constaté que l'installation de chauffage/ventilation/climatisation se mettait automatiquement en position de sécurité avant de s'arrêter de fonctionner.

6. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 27 janvier 2014, que les armoires de climatisation qui assurent le traitement individuel de chacune des salles du bâtiment ont été placées dans les locaux en position surélevée, si bien que leur hauteur est plus importante que celle de la porte d'accès en conséquence de quoi leur partie supérieure est inaccessible. L'installation en surélévation des armoires n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 5.2 du cahier des clauses techniques particulières qui impliquaient la pose des armoires à même le sol. Compte tenu de la disposition retenue, le tableau électrique de chacune des armoires se trouve de fait derrière la cloison, empêchant la maintenance de l'installation alors qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ce type d'installation et les armoires de climatisation, particulièrement, nécessitent une maintenance périodique afin de vérifier leur fiabilité. C'est donc le manque d'entretien régulier d'un système d'une grande technicité assurant simultanément le chauffage, la ventilation et l'hygrométrie, rendu impossible par le positionnement surélevé des armoires, et qui entraîne la mise à l'arrêt automatique des machines, qui est à l'origine des désordres en litige.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que le débit de ventilation assuré par les armoires de climatisation n'est pas adapté au volume des salles du bâtiment, le taux de brassage de l'air étant selon les cas trop important ou trop faible.

En ce qui concerne les travaux propres à remédier aux désordres :

8. Afin de remédier aux désordres constatés, dont il est établi au dossier qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination dès lors que les dysfonctionnements du système de climatisation altèrent la conservation des œuvres d'art, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté en défense, l'expert a envisagé trois options : le remplacement des armoires par des éléments posés au sol et ainsi accessibles par la face avant sur toute leur hauteur, la conservation des armoires existantes avec la réalisation de panneaux amovibles dans la partie haute de la cloison, enfin la surélévation des portes d'accès aux armoires qui seraient ainsi conservées.

9. Les premiers juges ont estimé que la conservation des armoires dans leur position actuelle avec la réalisation de panneaux amovibles dans la partie haute de la cloison permettrait à l'installation de fonctionner dans les conditions attendues à la condition qu'une maintenance périodique soit effectuée. Après avoir retenu que le caractère instable et dangereux de la position surélevée des armoires n'était pas absolument établi, les premiers juges ont fixé à 26 088,99 euros, soit l'évaluation la moins onéreuse proposée par l'expert, le montant des réparations nécessaires.

10. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des remarques réitérées de l'expert que l'option consistant à conserver les armoires de climatisation ne règle pas le problème de leur instabilité due à leur position surélevée alors que les prescriptions de l'article 5.2 du cahier des clauses techniques particulières impliquaient leur pose au sol. Il résulte ainsi de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les armoires de climatisation ne peuvent être entretenues normalement par une entreprise de maintenance dès lors que certaines de leurs composantes électriques sont inaccessibles et que leur position surélevée est même dangereuse pour les techniciens chargés des interventions. Il ne s'agit pas, comme l'a d'ailleurs rappelé l'expert, d'apporter aux installations en cause une amélioration par rapport aux prévisions du marché mais de permettre d'y accéder normalement pour assurer une maintenance régulière sans laquelle le système de climatisation ne peut fonctionner. De plus, il résulte du point 7 ci-dessus, que les dysfonctionnements affectant le système de climatisation trouvent aussi leur origine dans l'inadaptation du débit de ventilation offert par les armoires au volume de certaines des salles du bâtiment. A cet égard, la société Missenard-Quint B n'est pas fondée à soutenir qu'une simple maintenance des installations, qu'elle a proposée à la communauté de communes mais qui n'était pas réalisable dans des conditions satisfaisantes compte tenu du positionnement des armoires, aurait suffi à prévenir les désordres en litige. Il résulte de l'instruction, et notamment des affirmations de l'expert en p. 34 de son rapport, que le remplacement des armoires est justifié techniquement.

11. Dans ces conditions, la communauté de communes de l'île d'Oléron est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a regardé la solution consistant à conserver les armoires dans leur position actuelle, en réalisant des panneaux amovibles en partie haute des cloisons pour leur maintenance, comme permettant la réparation des désordres litigieux. La communauté de communes de l'île d'Oléron est au contraire en droit, eu égard au principe selon lequel un préjudice doit être réparé intégralement, à demander le remplacement des armoires de climatisation existantes par de nouvelles armoires posées au sol et ainsi accessibles dans des conditions normales conformément aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières.

En ce qui concerne la faute alléguée du maître de l'ouvrage :

12. Il ne résulte ni du rapport d'expertise ni des autres éléments de l'instruction que le maître de l'ouvrage aurait commis une faute en ne donnant pas suite aux propositions de la société Missenard-Quint B de souscription d'un contrat de maintenance alors que, comme il vient d'être dit, d'une part, cette maintenance était rendue impossible ou au moins très difficile du fait du positionnement surélevé des armoires empêchant un accès normal à leur tableau de bord alors qu'en outre, une partie de leurs équipements électriques restait inaccessible. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que la maintenance proposée par la société Missenard-Quint B aurait remédié à l'inadaptation du débit de ventilation offert par les armoires au volume de certaines des salles du bâtiment. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la communauté de communes de l'île d'Oléron, maître de l'ouvrage, n'avait pas commis de faute de nature à exonérer, même partiellement, le constructeur de sa responsabilité.

En ce qui concerne le montant de la réparation :

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le coût des travaux de remplacement des armoires s'élève à 124 580,34 euros. Par suite, il y a lieu de porter à 124 580,34 euros la somme que la société Missenard-Quint B, à laquelle les désordres sont imputables au titre de la garantie décennale dès lors qu'elle a procédé à l'installation des armoires en sa qualité de titulaire du lot n° 11 " chauffage/ventilation/climatisation ", devra verser à la communauté de communes de l'île d'Oléron.

14. En revanche, les tableaux et factures produits par l'appelante ne permettent pas d'estimer que la surconsommation d'électricité observée au sein du bâtiment est imputable au fonctionnement du système de climatisation, l'expert ayant relevé à cet égard que celui-ci ne fonctionnait pas au début des années 2012 et 2013, périodes durant lesquelles des surconsommations significatives ont pourtant été observées. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à solliciter la condamnation du constructeur à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de ce chef de préjudice.

15. Enfin, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit aux conclusions de la communauté de communes de l'île d'Oléron tendant à la condamnation du constructeur à lui verser les sommes de 3 011,91 euros et 5 039,13 euros représentant les coûts de la remise en état du groupe d'eau glacée et de remise en service de l'installation. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à demander de nouveau en appel le versement de ces sommes.

16. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes de l'île d'Oléron est seulement fondée à demander que la somme de 26 088,99 euros que le tribunal a mise à la charge de la société Missenard-Quint B soit portée à 124 580,34 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 26 octobre 2016, date de saisine du tribunal administratif. Le jugement du tribunal doit être réformé dans cette mesure.

Sur l'appel provoqué des sociétés Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie incidents :

17. La société Yac Ingénierie était chargée en tant que bureau d'études techniques de la conception du système de climatisation/ventilation/chauffage et c'est elle qui, à ce titre, a rédigé le cahier des clauses techniques particulières du lot n°11, lequel prescrivait la pose des armoires de climatisation au sol. Il résulte de l'instruction qu'avant le début du chantier, la société Missenard-Quint B, compte tenu de la configuration des lieux et de contraintes techniques, a sollicité l'avis de la société Yac Ingénierie sur la possibilité d'installer en surélévation les armoires de climatisation. Ce procédé a été validé par Yac Ingénierie ainsi que l'atteste son avis technique du 22 mai 2008 en dépit des prescriptions du cahier des clauses techniques particulières. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la société Bègue-Peyrichou-Gérard, autre membre du groupement de maîtrise d'œuvre, ne s'est pas opposée au procédé mis en œuvre alors qu'elle était chargée de la direction de l'exécution des travaux et de la surveillance du chantier et qu'elle a, en particulier, fait exécuter une ouverture de la cloison au-dessus des portes de chaque armoire afin d'accéder aux tableaux électriques tout en sachant que l'ensemble des équipements électriques ne seraient pas accessibles pour la maintenance. Toutefois, ces considérations ne sauraient suffire à justifier que soit mis à la charge des seuls maîtres d'œuvre, comme l'a jugé le tribunal, 80 % du montant de la réparation dès lors que la société Missenart-Quint B, qui a été à l'initiative de la demande de modification de la pose des armoires, ne pouvait ignorer en sa qualité d'entreprise spécialisée les difficultés qu'engendrerait la disposition de ces équipements en surélévation du sol.

18. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en laissant à la charge des maîtres d'œuvre Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie 60 % des conséquences dommageables des désordres en litige. Par suite, les sociétés Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac ingénierie sont fondées à solliciter la réformation sur ce point du jugement attaqué.

Sur les frais d'expertise :

19. Il résulte de ce qui précède que les maîtres d'œuvre Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie prendront à leur charge 60 % de la somme de 21 446,77 euros correspondant aux frais de l'expertise et la société Missenard-Quint B 40 % de cette somme.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. En application de ces dispositions, la société Missenard-Quint B versera à la communauté de communes de l'île d'Oléron la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

21. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions des autres parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La somme que la société Missenard-Quint B a été condamnée à verser à la communauté de communes de l'île d'Oléron par le jugement n° 1602443 du tribunal administratif de Poitiers est portée à 124 580,34 euros toutes taxes comprises. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016.

Article 2 : La société Missenard-Quint B versera à la communauté de communes de l'île d'Oléron la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la communauté de communes de l'île d'Oléron est rejeté.

Article 4 : La société Missenard-Quint B garantira les maîtres d'œuvre Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie à hauteur de charge 40 % de la somme mentionnée à l'article 1er du présent dispositif.

Article 5: Le surplus des conclusions présentées par la société Bègue-Peyrichou-Gérard et par la société YAC Ingénierie est rejeté.

Article 6 : Les frais de l'expertise d'un montant de 21 446,77 euros sont mis à la charge des maîtres d'œuvre Bègue-Peyrichou-Gérard et Yac Ingénierie à hauteur de 60 % et à hauteur de la société Missenard-Quint B à hauteur de 40 %.

Article 7 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n°1602443 du 13 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Les conclusions présentées la société Missenard-Quint B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de l'ïle d'Oléron, à la société Missenart-Quint B, à la société Bègue-Peyrichou-Gérard, à la société Yac Ingénierie et à la société Baudment Ingénierie.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2021.Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX00477


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