La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2021 | FRANCE | N°19BX03088

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 21 octobre 2021, 19BX03088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune d'Angoulême à lui verser la somme de 601 827,83 euros en réparation du préjudice résultant de la carence de la commune à prendre les mesures de police permettant d'assurer la tranquillité publique sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1700527 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune d'Angoulême à verser à M. C... une somme de 527 353,08 euros et a mis à la c

harge de la commune une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune d'Angoulême à lui verser la somme de 601 827,83 euros en réparation du préjudice résultant de la carence de la commune à prendre les mesures de police permettant d'assurer la tranquillité publique sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1700527 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune d'Angoulême à verser à M. C... une somme de 527 353,08 euros et a mis à la charge de la commune une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juillet 2019 et 17 septembre 2021, sous le n° 19BX03088, la commune d'Angoulême, représentée par Me Ramel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 mai 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers par M. C... tendant à la condamnation de la commune ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est fondé sur les dispositions des articles L. 2212-2 et suivants du code général des collectivités territoriales et sur l'article R. 1336-4 du code de la santé publique alors que les dispositions de l'article R. 571-25 du code de l'environnement instaurent une police administrative spéciale de diffusion de musique amplifiée à titre habituel dans des établissements recevant du public ; il ressort des dispositions de l'article R. 571-28 du code de l'environnement que l'autorité de police compétente pour contrôler le respect des prescriptions en matière de diffusion de musique amplifiée dans les établissements recevant du public, comme la discothèque " le Privilège " est le préfet et non le maire ; c'est à tort que le tribunal a retenu que seul le maire pouvait intervenir sur son territoire pour mettre un terme aux supposés bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le maire n'avait pas agi alors qu'il a saisi à plusieurs reprises le préfet, qu'il a organisé des réunions de travail partenariales avec la préfecture ainsi qu'une rencontre dans l'établissement afin de suivre l'avancée des travaux d'insonorisation ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les nuisances sonores étaient établies alors que la quasi-totalité des signalements ont été réalisés par M. C..., qui n'habite pas l'immeuble, et que l'étude d'impact réalisée en 2013 met en avant l'absence de dépassement des valeurs de consignes globales et des fréquences dans l'établissement ;

- c'est à tort que le tribunal n'a retenu ni la faute du mandataire judiciaire, qui a procédé à la cession du fonds de commerce à la société Pasteur, ni celle de M. C..., qui a nécessairement, en tant que bailleur, autorisé le changement d'activité de restaurant-bar-billard à celle de discothèque, comme cause exonératoire de la responsabilité de la commune ; de même la faute de l'État aurait dû être retenue comme cause exonératoire de la responsabilité de la commune ;

- l'absence de perception des loyers ne présente pas de lien de causalité direct avec les nuisances sonores alléguées G... lors que M. C... ne rapporte pas la preuve qu'il a essayé, à compter du congé de certains locataires, de relouer les appartements alors que les travaux de mise en conformité règlementaire de l'impact sonore ont été finalisés le 16 novembre 2011 ; M. C... ne pouvait prétendre à l'intégralité du préjudice lié à la perte des loyers G... lors que l'immeuble était en indivision avec Mme E... C... G... le 21 mars 2011 et jusqu'en 2014 ;

- les dégradations de l'immeuble ne sont pas liées à l'inoccupation des locaux mais relèvent d'un défaut d'entretien ou d'un vice de conception ;

- la commune ne pouvait être condamnée à rembourser le coût des procès-verbaux G... lors que ces derniers n'étaient pas probants ;

- c'est à tort que le tribunal a évalué à 10 000 euros le préjudice subi par M. C... en raison des prétendus troubles dans les conditions d'existence subis, en l'absence de tout justificatif probant sur la nature de ces troubles.

Par un mémoire, enregistré le 8 août 2021, M. C..., représenté par Me Fournier-Pieuchot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Angoulême d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019, sous le n° 19BX03089, la commune d'Angoulême, représentée par Me Ramel, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1700527 du tribunal administratif de Poitiers du 23 mai 2019.

Elle soutient que les conditions du sursis à exécution énoncées par les articles R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies et que le sursis à exécution du jugement du 23 mai 2019 doit être accordé.

Par un mémoire, enregistré le 9 août 2021, M. C..., représenté par Me Fournier-Pieuchot, conclut au non-lieu à statuer sur la requête.

Il demande la jonction des deux instances et soutient que les conclusions afin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 mai 2019 sont devenues sans objet.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Aderno, pour la commune d'Angoulême, et de Me Fournier-Pieuchot, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C... est devenu propriétaire d'un ensemble immobilier situé 19 au 25 boulevard Pasteur et 5 rue du Chat à Angoulême comprenant, au rez-de-chaussée, un local à usage commercial et, sur quatre étages, un local professionnel et neuf appartements à la suite du décès de son père Jean-Pierre C..., intervenu le 11 novembre 2010. À la suite d'une procédure de liquidation judiciaire de l'exploitant du local commercial de cet ensemble immobilier, le mandataire liquidateur a procédé, par acte du 28 janvier 2011, à la cession du fonds de commerce au bénéfice de la société à responsabilité limitée (SARL) Pasteur. M. C... a, par une réclamation préalable du 29 décembre 2015, demandé à la commune d'Angoulême le versement d'une somme de 279 290,82 euros en réparation des préjudices résultant de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police pour mettre fin aux nuisances sonores induites par l'activité de la discothèque " Le Privilège " exploitée par la société Pasteur. Par une requête enregistrée sous le n° 19BX03088, la commune d'Angoulême relève appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers l'a condamnée à verser à M. C... une somme de 527 353,08 euros. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 19BX03089, la commune d'Angoulême demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les (...) les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'État seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage ". D'autre part, aux termes de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'État, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière : (...) - de lutte contre les bruits de voisinage (...) ". Aux termes de l'article R. 1336-4 du même code : " Les dispositions des articles R. 1336-5 à R. 1336-11 s'appliquent à tous les bruits de voisinage (...) ". Aux termes de l'article R. 1336-5 du même code : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ". L'article R. 1336-6 du même code dispose : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle (...) ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article ". Il résulte de l'article R. 1336-7 du même code que : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de (...) de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) ". Alors même que le préfet dispose de pouvoirs de police spéciale sur le fondement des articles R. 571-25 et suivants du code de l'environnement issus du décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, il résulte de ces dispositions qu'il appartient au maire, même dans les communes où la police est étatisée, de faire usage des pouvoirs de police qu'il détient sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour faire cesser les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les bruits de voisinage.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. C... a alerté à plusieurs reprises les 2 février, 4 et 15 mars, 27 juin 2011, 29 octobre 2012, 22 mai 2015, 5 octobre 2016 et 1er mai 2017, le maire d'Angoulême des nuisances sonores provenant de la discothèque " Le Privilège " et lui a demandé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police pour y mettre un terme. Le maire a, par ailleurs, reçu une plainte des locataires de l'immeuble de M. C... le 6 mai 2011 et ce dernier a déposé plainte le même jour. La circonstance que M. C... ne résidait pas dans l'immeuble dont il est propriétaire ne fait pas obstacle à ce que le maire prenne en compte les constats d'huissier, établis à sa demande, mettant en exergue les nuisances sonores subies par certains locataires de l'immeuble en cause. En deuxième lieu, il résulte des études d'impact sonore des 11 mars 2011 et 22 octobre 2013, du rapport d'expertise du 14 mars 2012 et du rapport de mesurage acoustique du 20 juillet 2017 que l'émergence globale du bruit issu de l'activité de l'établissement " Le Privilège " et perçu par certains locataires est supérieure aux valeurs définies par l'article R. 1336-7 du code de la santé publique, essentiellement dans les basses fréquences. Si la société Pasteur établit, par la production de factures, avoir effectué des travaux en 2011 afin d'améliorer l'isolation du bâtiment, il ressort notamment de l'expertise du 14 mars 2012 que les travaux effectués dans l'établissement ne répondent pas à la règlementation. En outre, si des limiteurs acoustiques garantissant, dans chacun des deux clubs, l'absence de dépassement des valeurs de consignes en valeur globale pondérée A, ont été installés depuis 2012, les niveaux de diffusion ont dû être réduits à chaque contrôle dans le domaine des basses fréquences afin de permettre le respect des valeurs règlementaires. Ainsi, et alors même qu'un bar à bières à l'enseigne le Bock'n Roll a, de plus, été ouvert en 2015 au 25 boulevard Pasteur, il résulte de l'instruction que les émergences constatées sur les bandes d'octaves normalisées centrées sur 125 Hz, provenant de la discothèque " Le Privilège ", ne respectaient pas les valeurs règlementaires imposées par l'article R. 1336-7 du code de la santé publique. En troisième lieu, le maire d'Angoulême, informé de la non-conformité de l'établissement à la règlementation sur les bruits de voisinage, s'est contenté d'adresser des courriers à M. C..., d'organiser des réunions avec les services de l'État et des rencontres avec le gérant sans prendre aucune autre mesure de nature à faire cesser les nuisances sonores. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que la carence du maire a présenté, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

Sur les causes exonératoires :

4. D'une part, il résulte de l'acte de cession du fonds de commerce du 28 janvier 2011 que la destination des lieux loués à la société Pasteur est identique à celle prévue dans le bail commercial du 2 mars 2006 accordée à la société Aupetit ainsi qu'à celle prévue dans l'acte de cession de fonds de commerce du 23 septembre 2009 conclu avec M. D.... L'acte du 28 janvier 2011 prévoit la mention selon laquelle " le preneur aura la faculté de signifier au bailleur par acte extra-judiciaire, une demande aux fins d'être autorisé à exercer dans les lieux, de nouvelles activités non interdites ci-après (...) il ne pourra exercer d'activité qui, par le bruit (...) entrainerait une gêne quelconque aux immeubles loués ". Par suite, la responsabilité du mandataire liquidateur, invoquée par la commune d'Angoulême du fait de la conclusion de l'acte de cession du 28 janvier 2011, ne peut, en tout état de cause, être recherchée et regardée comme une cause exonératoire de responsabilité.

5. D'autre part, s'il ressort de l'ordonnance de référé du 6 juillet 2011 du tribunal de grande instance d'Angoulême qu'à la suite de l'ordonnance du juge commissaire en date du 28 mai 2010 autorisant la cession du fonds de commerce comprenant le bail, au profit de la société Pasteur, un projet de bail visant expressément l'activité de discothèque a été établi entre Jean-Pierre C..., alors propriétaire des lieux et M. A... F..., cogérant de la SARL Pasteur, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... C... aurait accepté le changement de destination des lieux loués à la société Pasteur à la suite de l'acte de cession du fonds de commerce du 28 janvier 2011. En outre, il résulte de l'instruction que M. B... C... et sa sœur Christine C... ont fait délivrer, G... le 21 mars 2011, un commandement de cesser dans le délai d'un mois, l'activité qui par le bruit et les vibrations entraine une gêne dans l'immeuble loué, à défaut de quoi le bail sera résilié de plein droit par application de la clause résolutoire prévue dans le contrat. Après suspension de cette clause par une ordonnance de référé du 6 juillet 2011, le tribunal de grande instance d'Angoulême, dans son jugement du 10 mars 2016, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 12 novembre 2018, a jugé que le bailleur échouait à justifier d'un motif grave et légitime qui lui aurait permis de s'exonérer du paiement d'une indemnité d'éviction. Ainsi, au regard des actions intentées par M. C... devant le juge judiciaire, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la victime n'avait pas commis de faute de nature à exonérer la commune d'Angoulême de sa responsabilité. Enfin, la circonstance, postérieure aux faits litigieux, que M. C... a signifié à la société Pasteur, le 14 mai 2019, son droit de repentir et a renouvelé le bail ne suffit pas à caractériser une cause exonératoire de la responsabilité de la commune d'Angoulême.

Sur les préjudices :

6. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2011, plusieurs locataires de M. C... ont demandé la résiliation de leur bail en raison des nuisances sonores résultant de l'activité de la discothèque " Le Privilège ". Toutefois, il résulte de l'instruction que des travaux d'amélioration de l'isolation du bâtiment et de modification du système de sonorisation ont été réalisés au cours de l'année 2011 et, ainsi que l'a indiqué le jugement du tribunal de grande instance d'Angoulême du 10 mars 2016, sur sommations interpellatives du 1er octobre 2012, deux locataires de M. C... dont les appartements se situaient au deuxième étage de l'immeuble, indiquent ne s'être pas plaints auprès de l'huissier d'une gêne provoquée par l'exploitation de la discothèque, l'un des deux locataires ajoutant qu'il envisage de quitter son appartement en raison d'un manque d'isolation thermique. En outre, par des attestations du 28 septembre 2012, ces deux locataires précisent qu'ils ne ressentent plus de vibrations dans les murs de l'immeuble et qu'ils éprouvent moins voire plus aucune nuisance sonore résultant de la discothèque depuis la réalisation des travaux en 2011. Ainsi, la perte des loyers de ces deux locataires ne peut être regardée comme présentant un lien de causalité direct avec les nuisances sonores résultant de l'activité de la discothèque. Par ailleurs, même après la réalisation des travaux d'isolation en 2011, il est constant que M. C... n'a pas essayé de relouer les appartements et les études d'impact sonore réalisées en 2012, 2013 et 2017 n'ont mesuré que l'émergence globale de certains appartements situés au premier et deuxième étage. Par suite, au-delà de l'année 2011, seules les pertes de loyers concernant les appartements situés au premier et deuxième étage de l'immeuble en cause peuvent être regardées comme en lien direct et certain avec les nuisances sonores résultant de l'activité de la discothèque exploitée par la société Pasteur. Enfin, G... lors que M. C... aurait pu refuser le renouvellement du bail commercial de la société Pasteur à son terme soit neuf années à compter du 1er janvier 2006 sous réserve du versement à la société Pasteur d'une indemnité d'éviction, les pertes de loyers ne peuvent être indemnisées au-delà du 1er janvier 2015 en l'absence de lien de causalité direct entre la carence du maire dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police et la poursuite de l'activité de la discothèque. Par suite, l'indemnité destinée à réparer le préjudice lié à la perte de loyers est fixée à la somme de 44 157,81 euros. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. B... C... était propriétaire indivis du 21 mars 2011 jusqu'au 26 juin 2014. Par suite, l'indemnité lui revenant sera réduite à concurrence de 24 895,4 euros.

7. Par ailleurs, aucune expertise n'est produite permettant d'identifier précisément les dégradations dont se prévaut M. C..., ni d'expliquer leurs causes, l'intimé s'étant contenté de présenter un constat d'huissier aux termes duquel son immeuble présente des traces d'humidité avec des moisissures notamment sur certains murs, plafonds et au pieds de fenêtres et la cour et les balcons sont recouverts de fientes d'oiseaux, de mousse et de lichens. Dans ces conditions et en l'absence de preuve du lien de causalité entre la faute du maire d'Angoulême et les dégradations subies par l'immeuble de M. C..., c'est à tort que le tribunal, en se fondant sur un simple devis et alors même qu'il a appliqué un coefficient de vétusté, a condamné la commune à verser à M. C... la somme de 85 036,05 euros au titre de la réparation de la dégradation des appartements.

8. Alors même que les constats d'huissier n'ont pas permis de mesurer l'émergence globale du bruit perçu par les locataires de l'immeuble appartenant à M. C..., telle que définie à l'article R. 1336-7 du code de la santé publique, ils ont mis en exergue les nuisances sonores subies par lesdits locataires et ont été utiles à la solution du litige porté devant la juridiction administrative. Dans ces conditions, la commune d'Angoulême n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a mis les frais d'huissier d'un montant de 2 989,25 euros à sa charge.

9. Il résulte de l'instruction que M. C... est fondé à se prévaloir de troubles dans les conditions d'existence directement liés à la carence du maire d'Angoulême, en raison notamment des nombreuses démarches effectuées et des procédures qu'il a été contraint d'introduire pour faire valoir ses droits. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Angoulême est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a fixé à 527 353,08 euros l'indemnité qu'il l'a condamnée à verser à M. C.... Il y a lieu de réformer l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Poitiers afin de ramener à 32 884,65 euros la somme que la commune d'Angoulême est condamnée à verser à M. C....

Sur l'appel en garantie :

11. Il résulte de l'instruction que si le préfet n'est pas resté totalement inactif, il n'a pas fait cesser les atteintes à la tranquillité publique résultant des nuisances sonores de l'activité de la discothèque " Le Privilège " alors qu'il ne pouvait ignorer la méconnaissance par cet établissement des valeurs imposées par l'article R. 1336-7 du code de la santé publique et que le maire de la commune le tenait informé de la situation à laquelle il était confronté. Ainsi, par sa carence dans l'usage de ses pouvoirs de police spéciale, le représentant de l'État doit être regardé comme ayant contribué aux dommages subis par M. C.... Il y a donc lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit à l'appel à garantie présenté par la commune d'Angoulême et de condamner l'État à garantir celle-ci à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Angoulême, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... une somme en application de ces mêmes dispositions.

Sur la requête n° 19BX03089

13. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la commune d'Angoulême tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 19BX03089 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19BX03089.

Article 2 : L'indemnité que la commune d'Angoulême a été condamnée à verser à M. C... par l'article 1er du jugement n°1700527 du tribunal administratif de Poitiers du 23 mai 2019 est ramenée à la somme de 32 884,65 euros.

Article 3 : L'État est condamné à garantir, à concurrence de 50 %, la commune de la condamnation prononcée à l'article 2 du présent dispositif.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune d'Angoulême et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de la Charente en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03088, 19BX03089


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03088
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-04-02-05 Police. - Police générale. - Tranquillité publique. - Activités bruyantes.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-21;19bx03088 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award