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07/06/2022 | FRANCE | N°20BX00435

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 07 juin 2022, 20BX00435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge partielle des rappels d'impôt sur les revenus auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et de l'année 2011.

Par un jugement n° 1700435, 1800051 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a conclu au non-lieu à statuer au titre des années 2010 et 2011 à hauteur des sommes respectives de 652 225 euros et 3 000 euros et rejeté le surplus de leurs demandes.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2020, et un mémoire enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge partielle des rappels d'impôt sur les revenus auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et de l'année 2011.

Par un jugement n° 1700435, 1800051 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a conclu au non-lieu à statuer au titre des années 2010 et 2011 à hauteur des sommes respectives de 652 225 euros et 3 000 euros et rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2020, et un mémoire enregistré le 31 mars 2021, M. et Mme A... représentés par Me Hoarau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 26 novembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'exercice clos en 2011 à concurrence de la somme de 630 998 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la preuve de l'homologation du rôle supplémentaire au titre de l'année 2011 n'étant pas rapportée, les rappels en litige sont prescrits eu égard aux dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve de l'appréhension des sommes supposément distribuées par les sociétés Desto-K et Marques Diffusion ; elle se prévaut sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de ce que pour les distributions issues de la SARL Austral Import, l'absence de preuve de leur appréhension a été formellement reconnue et a conduit à l'abandon des impositions correspondantes ;

- le montant des sommes distribuées est excessif compte tenu de reconstitutions de recettes sommaires et erronées ;

- les pénalités de 40 % sont infondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 août 2020 et le 2 novembre 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de vérifications de comptabilité réalisées en 2013 sur les sociétés Austral Import, Marques Diffusion et Destocash devenue Desto-K, pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le service vérificateur a procédé à des rappels de TVA collectée et à la rectification de l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2010 et 2011 à raison de minorations de leurs chiffre d'affaires. Ces rehaussements constitutifs de revenus réputés distribués à M. A..., leur gérant, ont été imposés au nom du foyer fiscal de celui-ci dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts par proposition de rectification du 22 octobre 2013. Par une décision du 13 décembre 2017, le directeur départemental des finances publiques de La Réunion a prononcé le dégrèvement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales de l'année 2010 et des pénalités correspondantes pour des montants respectifs de 523 897 euros et de 128 328 euros. Par une décision du 28 juin 2018, le directeur départemental des finances publiques de la Réunion a prononcé le dégrèvement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes au titre de l'année 2011 pour un montant de 3 000 euros. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 26 novembre 2019 qui, après avoir conclu au non-lieu à statuer au titre des années 2010 et 2011 à hauteur des sommes respectives de 652 225 euros et 3 000 euros, a rejeté le surplus de leurs demandes.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ". Aux termes de l'article 1659 du même code : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables. (...) ". Selon l'article 376-0 bis de l'annexe II du code général des impôts : " Le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 du code général des impôts est celui d'administrateur des finances publiques adjoint ". L'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, dispose enfin que " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ".

3. D'une part, c'est sans portée utile que les requérants font valoir qu'à la date du 18 janvier 2017 à laquelle ils ont reçu l'avis d'imposition supplémentaire les concernant, la prescription des impositions en litige était acquise, dès lors que ce document destiné à l'information du contribuable postérieurement à l'établissement des rôles de l'impôt et adressé en principe par courrier simple, est sans influence sur le décompte du délai de reprise.

4. D'autre part, les impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les revenus et de contributions sociales contestées par M. et Mme A..., qui trouvent leur origine dans la proposition de rectification n° 2120 datée du 22 octobre 2013, interruptive de prescription, résultent du rôle n° 933 du 31 décembre 2016, dans lequel figure le montant des impositions supplémentaires mises à la charge des époux A... au titre de l'année 2011, la date d'homologation au 1er décembre 2016, la date de mise en recouvrement de ces impositions fixée au 31 décembre 2016, ainsi que le nom et la signature de l'administrateur des finances publiques adjoint ayant reçu une délégation à l'effet de signer ce rôle. La mise en recouvrement est donc régulièrement intervenue avant l'expiration du délai de reprise imparti à l'administration fiscale. Dès lors, le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

7. Pour motiver les impositions supplémentaires mises à la charge de M. et Mme A... dans la proposition de rectification du 22 octobre 2013, le service vérificateur a notamment relevé que M. A... exerçait en droit et en fait la gérance des sociétés Austral Import, Destocash (devenue Desto-K) et Marques Diffusion, qu'il se comportait en seul maître de l'affaire de celles-ci et qu'il existait une confusion de patrimoine des trois sociétés précitées. Pour déterminer sa qualité de maître de l'affaire à l'égard de ces trois sociétés, le vérificateur a notamment relevé que M. A... disposait de la signature des comptes bancaires de chaque entreprise, procédait aux achats du groupe et prenait l'intégralité de décisions de gestion. Ensuite, après avoir cité les articles 109-1 1° et 111 c du code général des impôts et rappelé que ces articles établissent une présomption légale de distribution à l'égard de toutes les sommes qui ne sont pas demeurées investies dans l'entreprise quelle que soit la forme de la distribution, le vérificateur a relevé que M. A..., en sa qualité de seul maître de l'affaire de la SARL Austral Import, pouvait disposer sans contrôle des fonds sociaux. Cette dernière argumentation, propre à la gestion de fait et de droit de la société Austral Import pour laquelle la plupart des redressements concernant M. A... ont été abandonnés, ne traduit pas une volonté de l'administration de ne pas retenir la qualité de maître de l'affaire de M. A... à l'égard des sociétés Desto-K et Marques Diffusion. Il suit de là que la proposition de rectification, qui ne comporte pas d'ambiguïtés qui la rendrait incohérente, est suffisamment motivée en droit et en fait.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de refus des rehaussements par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve tant de l'existence et du montant des distributions que de leur appréhension par le contribuable. Elle est toutefois dispensée de démontrer que ce dernier a effectivement disposé des sommes distribuées, lorsqu'il est établi qu'il est le seul maître de l'affaire, au sens où il exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds.

S'agissant de la qualité de bénéficiaire des distributions :

9. D'une part, pour justifier que M. A... doit être regardé comme le seul maître de l'affaire dans chacune des affaires en litige, le tribunal a jugé par des motifs qu'il convient d'adopter que " l'administration relève que le requérant est associé unique de chacune des sociétés, qu'il en assure la gérance de droit, ainsi que la gestion effective en les représentant dans toutes les relations avec les tiers, en arrêtant les principales décisions de gestion, notamment liées à la politique tarifaire et commerciale et qu'il dispose seul de la signature sur l'ensemble des comptes des sociétés Marques diffusion et Desto-K. ". Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration n'aurait pas démontré qu'il a bénéficié des sommes réputées distribuées en vertu des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts, à la suite des vérifications opérées au titre des exercices clos en 2010 et 2011 sur les comptabilités des sociétés Marques diffusion et Desto-K.

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; ".

11. Les distributions notifiées à M. A... ont pour origine des procédures de contrôle indépendantes les unes des autres puisqu'elles sont issues de vérifications générales de comptabilité menées distinctement à l'encontre des sociétés Austral Import, Desto-K et Marques Diffusion et par trois vérificateurs différents. Nonobstant la similitude des conditions d'exercice des trois sociétés, les époux A... ne peuvent donc utilement invoquer une position formelle prise par l'administration dans le cadre de l'admission partielle consentie à l'égard de la SARL Austral Import.

S'agissant de l'existence et du montant des revenus distribués :

12. Pour déterminer le montant des recettes omises, les services fiscaux ont appliqué aux achats réalisés par les sociétés Desto-K et Marques Diffusion, des marges moyennes pondérées calculées sur la base d'un échantillon représentatif de l'activité de ces sociétés et appliqué aux achats revendus par les sociétés, dont le détail méthodologique est précisé dans les arrêts du même jour rendus par la cour administrative d'appel de Bordeaux sous les n° 20BX00434 et 20BX00437. Ces méthodes ne sont ni viciées ni sommaires. Il suit de là que l'administration fiscale a établi l'existence et le montant des revenus distribués.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ".

14. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, le service a relevé l'omission de déclaration des revenus provenant des sociétés de M. A..., l'importance des sommes en cause et la maîtrise d'affaire des sociétés Desto-K et Marques Diffusion par l'intéressé à qui a été imputée la responsabilité des insuffisances constatées dans les résultats déclarés par les sociétés dont les rehaussements sont à l'origine des revenus distribués litigieux. Ces éléments établissent effectivement que M. A... ne pouvait ignorer l'existence de recettes non déclarées par ces sociétés et leurs distributions à son profit.

15. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

Nicolas C... La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00435


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00435
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL DAVID HOARAU - MATHIEU GIRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-07;20bx00435 ?
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