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09/11/2022 | FRANCE | N°20BX02359

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 09 novembre 2022, 20BX02359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2010 et à titre subsidiaire, de reconnaître son droit à bénéficier de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts au titre de l'année 2011 ou 2012.

Par un jugement n° 1403400 du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
>Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, M. D..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2010 et à titre subsidiaire, de reconnaître son droit à bénéficier de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts au titre de l'année 2011 ou 2012.

Par un jugement n° 1403400 du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, M. D..., représenté par Me Naim, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 mai 2020 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2010, subsidiairement de faire droit au bénéfice de la réduction d'impôt au titre de l'année suivante où une demande de raccordement complète a été déposée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors d'une part, qu'elle ne lui a pas communiqué l'intégralité des documents visés dans la proposition de rectification, et notamment les copies des demandes de communication, qui ont pourtant bien été sollicitées et d'autre part, qu'elle n'a pas indiqué l'origine et la teneur d'informations recueillies dans le cadre de la vérification de comptabilité d'autres sociétés ou auprès de tiers et qui ont servi de fondement aux redressements ; elle a pour les mêmes raisons méconnu le principe de loyauté ;

- l'administration estime à tort qu'une installation dans le secteur photovoltaïque ne doit être considérée comme constitutive d'un investissement productif qu'à compter de la date à laquelle elle est raccordée au réseau EDF ou qu'une demande complète de raccordement au réseau ait été formulée pour permettre le bénéfice de la réduction d'impôt majorée ; la réponse ministérielle du 4 juin 2013 n°18868 en ce qu'elle affirme que la réduction d'impôt est attribuée l'année de raccordement de la centrale photovoltaïque au réseau électrique est contraire à la loi fiscale ; selon la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, la réduction d'impôt est acquise au titre de l'année de souscription au capital social d'une société qui a pour objet tout projet d'investissement dans le domaine des énergies renouvelables ;

- une réponse ministérielle du 24 mars 2014, un rescrit n° 2012/36 du 29 mai 2012 et l'instruction administrative du 9 décembre 2011 référencée 7-S-5-11 valident son interprétation de la définition d'un investissement productif ;

- subsidiairement, le bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies B aurait dû lui être reconnu au titre de l'année 2011 ou 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est associé de la société en participation (SEP) " Hedios Sun 168 " dont l'objet est la réalisation d'investissements défiscalisés ultramarins en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Cette société en participation est gérée par la SAS Hedios Rendement 174. M. D... a imputé au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt du fait d'investissements outre-mer réalisés par cette SEP, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à la SAS Hedios Rendement 174 en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. A l'issue d'un contrôle sur pièces, cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Electricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements en cause n'étaient pas réalisés et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 mai 2020 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2010 et, à titre subsidiaire, le report au titre des années 2011 ou 2012 du bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contenaient ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

3. D'une part, il résulte de l'instruction que les rectifications litigieuses mentionnées dans la proposition de rectification du 17 mai 2013 adressée à M. D... procèdent de la constatation, révélée par le droit de communication exercé le 4 décembre 2012 auprès de la société EDF sur le fondement des articles L. 81, L. 83, L. 85 du livre des procédures fiscales, que les centrales photovoltaïques acquises par la SEP dans laquelle ce contribuable a investi et mises à la disposition de la SAS exploitante, n'avaient fait l'objet d'aucun dossier de demande de raccordement auprès d'EDF et que cette centrale n'avait d'ailleurs pas reçu l'attestation de conformité du Consuel. Cette proposition de rectification, à laquelle étaient annexées les attestations d'EDF, indiquait la teneur des informations reçues avec une précision suffisante et mentionnait l'identité du tiers qui avait communiqué à l'administration les renseignements demandés. L'administration n'était pas, à cet égard, tenue de porter à la connaissance de M. D... le contenu de sa demande auprès d'EDF que le contribuable n'a d'ailleurs pas sollicitée, contrairement à ce qu'il prétend.

4. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que, pour établir les motifs et le montant de la rectification contestée, le service aurait exploité d'autres renseignements ou documents que ceux identifiés dans la proposition de rectification, en particulier des informations issues des procédures de contrôle mises en œuvre à l'encontre de la société Hedios Patrimoine ou des SAS exploitant les panneaux photovoltaïques, des informations communiquées par d'autres tiers ou des informations figurant dans une instruction interne du 11 mars 2013 de l'administration centrale aux services déconcentrés. Par suite, le requérant ne saurait faire grief à l'administration de ne pas avoir porté à sa connaissance d'autre documents que les attestations communiquées par EDF.

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. Pour les mêmes motifs que ceux précités, le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu le principe de loyauté en ne lui communiquant pas des pièces qu'elle détenait pour fonder les redressements litigieux ne peut également qu'être écarté.

Sur la charge de la preuve :

6. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si le contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) ". L'article 95 K de l'annexe II au code général des impôts prévoit que : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article. ", alors que l'article 95 Q de la même annexe précise que : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée (...) au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 199 undecies B et 95 Q du code général des impôts que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue par ces dispositions est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. S'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et, par suite, productives de revenus qu'à compter de cette date.

8. D'une part, il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que soutient M. D..., la réponse ministérielle du 4 juin 2013 n°18868 en ce qu'elle affirme que la réduction d'impôt est attribuée l'année de raccordement de la centrale photovoltaïque au réseau électrique n'est pas contraire à la loi fiscale. Au demeurant, les rehaussements litigieux ne procèdent que des dispositions mentionnées au point 7 du présent arrêt.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction que les centrales photovoltaïques dans lesquelles avaient investi la SEP Sun Hedios 168 dont M. D... était associé, n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010 et ne pouvaient donc ni être effectivement exploitées ni être productives de revenus à la date du 31 décembre 2010. C'est à ce titre, sans portée utile, que le requérant fait valoir qu'un kit photovoltaïque constitue au sens des dispositions précitées du code général des impôts, un ensemble d'immobilisations corporelles neuf, qui, une fois livré est capable de fonctionner dès la livraison et se prévaut à ce titre, d'un constat rédigé le 28 mars 2015 par un expert judiciaire dans le domaine des énergies, selon lequel les panneaux sont capables de produire de l'énergie de manière autonome nonobstant l'absence de raccordement à un réseau de distribution. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort nullement de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 que la réduction d'impôt serait nécessairement acquise au titre de l'année de souscription au capital social d'une société qui a pour objet tout projet d'investissement dans le domaine des énergies renouvelables. L'administration a donc estimé à bon droit que les investissements déclarés par les requérants ne pouvaient pas être regardés comme ayant été effectivement réalisés au cours de l'année 2010 et elle a pu valablement remettre en cause, pour ce motif, la réduction d'impôt imputée par l'intéressé au titre de la même année.

S'agissant du bénéfice de la doctrine administrative :

10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales: " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été à 1'époque, formellement admise par 1'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

11. M. D... n'est fondé à se prévaloir ni d'une réponse ministérielle du 24 mars 2014 ni du rescrit n° 2012/ 36 du 29 mai 2012 ni de l'instruction administrative du 9 décembre 2011 référencée 7-S-5-11 lesquels ne comportent aucune interprétation contraire de la loi fiscale qui lui a été appliquée et sont, au demeurant, postérieurs à l'année d'imposition sen litige.

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Sur la demande de report de la réduction d'impôt :

12. Aux termes du dix-neuvième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction issue du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 : " Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8, à l'exclusion des sociétés en participation (...) ". Il résulte de ces dispositions, applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 en vertu du II du même article, que les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation n'ouvrent plus droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts depuis le 1er janvier 2011. Par suite, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, M. D... n'est pas fondé à solliciter le report de la réduction d'impôt au titre de l'année 2011 ou 2012 à raison des investissements réalisés par la SEP dont il était associé.

13. Il résulte de tout ce qui précède M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

Le rapporteur,

Nicolas C...

La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02359


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02359
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET F. NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-09;20bx02359 ?
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