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15/11/2022 | FRANCE | N°20BX04080

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 novembre 2022, 20BX04080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Caraïbes développement a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 200 000 euros, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des informations erronées délivrées par le préfet de la Martinique aux maires, concernant l'enlèvement des véhicules hors d'usage.

Par un jugement n° 1900649 du 15 octobre 2020, le tribunal a

dministratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Caraïbes développement a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 200 000 euros, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des informations erronées délivrées par le préfet de la Martinique aux maires, concernant l'enlèvement des véhicules hors d'usage.

Par un jugement n° 1900649 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 décembre 2020 et le 12 juillet 2021, la société Caraïbes Développement, représentée par Me Hourcabie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 octobre 2020 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 200 000 euros, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des informations erronées délivrées par le préfet de la Martinique aux maires, concernant l'enlèvement des véhicules hors d'usage ;

3°) d'enjoindre par un arrêt avant dire droit à toute personne susceptible de les produire, de produire les informations utiles à l'instruction et notamment les contrats, avenants, délibérations décisions et autres actes concernant les véhicules hors d'usage ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier à défaut pour les premiers juges, d'avoir prononcé une mesure d'instruction tendant à la production des documents nécessaires à la solution du litige ;

- il est insuffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la diffusion, par le préfet de la Martinique, dans le guide pratique de traitement des véhicules hors d'usage, d'informations imprécises, erronées et contraires à la règlementation résultant de l'application du code de l'environnement et du code de la route ainsi qu'à la convention de délégation de service public conclue avec la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, est constitutive d'une faute ;

- elle subit un préjudice financier, résultant d'une perte d'exploitation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2021, le ministre de la transition écologique, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé, la responsabilité de l'Etat n'étant pas engagée, en l'absence de toute faute qui lui serait imputable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- le code de la route,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hourcabie, représentant la société Caraïbes développement.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours du mois de décembre 2013, le préfet de la Martinique a diffusé, principalement à l'intention des maires, un guide pratique relatif au traitement des véhicules hors d'usage en Martinique. La société Caraïbes développement, qui exploitait depuis le 1er septembre 2008, et jusqu'au 1er avril 2016, la fourrière de Mangot Vulcin dans le cadre d'une délégation de service public conclue avec la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 200 000 euros, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des informations erronées contenues dans ce guide paru fin 2013. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments de la requête, ont suffisamment motivé le jugement. En outre, le motif tiré de ce que le raisonnement du tribunal serait erroné relève du seul bien-fondé du jugement. Par suite, le moyen susvisé doit être écarté.

3. En second lieu, le tribunal administratif, qui dirige seul l'instruction, n'était pas tenu de répondre aux conclusions de la société Caraïbes développement tendant à ce qu'il enjoigne à toute personne susceptible de les produire, les informations ou documents utiles à l'information du tribunal. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour ce motif doit être écarté.

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 543-154 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " (...) Pour l'application de la présente section, est regardé comme hors d'usage un véhicule que son détenteur remet à un tiers pour qu'il le détruise ou qu'il a l'obligation de détruire. " Aux termes de l'article R. 543-156 du même code : " Les véhicules hors d'usage ne peuvent être remis par leurs détenteurs qu'à des centres VHU titulaires de l'agrément prévu à l'article R. 543-162. ".

5. La société Caraïbes développement soutient que le guide relatif au traitement des véhicules hors d'usage diffusé en décembre 2013 par le préfet de la Martinique est incomplet et imprécis en raison de l'absence de distinction de traitement entre les véhicules identifiables, lesquels devraient selon elle être remis à une fourrière, et les véhicules non identifiables. Toutefois, il résulte des dispositions précitées qu'un véhicule hors d'usage ne peut être remis qu'à un centre de traitement des véhicules hors d'usage agréé par la préfecture et non à une fourrière. En outre, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment du code de l'environnement et du code de la route, que le caractère identifiable ou non d'un véhicule hors d'usage modifie le régime applicable, à savoir son placement en fourrière ou en centre de traitement des véhicules hors d'usage agréé. Enfin, la circonstance que les stipulations de l'article II-1-1-2 de la convention signée par la société Caraïbes développement avec la communauté d'agglomération du centre de la Martinique opère une telle distinction est inopposable à l'Etat compte tenu de l'effet relatif du contrat. Par suite, le moyen tiré de ce que les informations contenues dans ce guide pratique relatif au traitement des véhicules hors d'usage en Martinique seraient incomplètes et imprécises doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par déchet toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ". Aux termes de la rubrique 16 01 04 de l'annexe II de l'article R. 541-8 du même code, en vigueur à la date de diffusion du guide pratique en litige, sont qualifiés de " déchets dangereux " les " véhicules hors d'usage ". Aux termes de l'article L. 541-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de diffusion du guide pratique en litige : " Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et [...] peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette règlementation dans un délai déterminé. Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours : [...] 2° faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites ".

7. D'une part, il résulte de l'instruction que le guide pratique diffusé aux maires par le préfet de la Martinique mentionne que " les véhicules hors d'usage abandonnés sur la voie publique, partiellement désossés, ne doivent pas être mis en fourrière " et préconise aux maires, sur le fondement des dispositions précitées du code de l'environnement, de mettre en demeure les propriétaires de ces véhicules de les éliminer puis, en cas de carence du propriétaire, de faire procéder à l'exécution d'office de cette mesure, dans un centre de traitement agréé. Ce guide qui reprend ainsi les dispositions précitées du code de l'environnement fait une exacte application de ces dispositions. La société Caraïbes développement n'est pas fondée à soutenir que ces véhicules devraient faire préalablement l'objet d'une mise en fourrière, sur le fondement des dispositions des articles L. 325-1 et suivants du code de la route lesquelles n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer une telle obligation. D'autre part, la société Caraïbes développement ne peut utilement soutenir que la procédure préconisée par le guide pratique méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 541-21-3 du code de l'environnement, dès lors que ces dispositions ont été introduites par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont l'entrée en vigueur est largement postérieure à la diffusion du guide pratique en litige, paru fin 2013. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les informations contenues dans le guide pratique relatif au traitement des véhicules hors d'usage en Martinique sont erronées doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que, en l'absence de toute faute imputable au préfet de la Martinique, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée. Par suite, et sans qu'il soit besoin de prescrire une mesure d'instruction, la société Caraïbes développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Caraïbes développement au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Caraïbes développement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Caraïbes développement et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

Caroline B...

La présidente,

Karine ButériLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX04080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04080
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SELARL HOURCABIE-PAREYDT-GOHON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-15;20bx04080 ?
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