La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°22BX00017

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 22BX00017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ranchère a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Martignas-sur-Jalle à lui rembourser la somme de 640 870, 73 euros correspondant au coût de la réalisation d'une voie de desserte prévue par le permis de construire qui lui a été transféré le 7 août 2015. Par un jugement n° 1602803 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX00167 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté

l'appel formé par la société Ranchère contre ce jugement.

Par une décision n° 438832 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ranchère a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Martignas-sur-Jalle à lui rembourser la somme de 640 870, 73 euros correspondant au coût de la réalisation d'une voie de desserte prévue par le permis de construire qui lui a été transféré le 7 août 2015. Par un jugement n° 1602803 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX00167 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Ranchère contre ce jugement.

Par une décision n° 438832 du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société Ranchère, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 décembre 2021 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Par des mémoires enregistrés les 17 janvier 2022 et 2 septembre 2022, la société Ranchère, représentée par Me Rousseau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2017 ;

2°) de condamner la commune de Martignas-sur-Jalle à lui verser la somme de 640 870, 73 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 2 mars 2016, avec capitalisation des intérêts échus à la date du 2 septembre 2022 ;

3°) au besoin, d'ordonner avant dire droit, une mesure d'expertise judiciaire, à ses frais avancés, portant sur la réalité et l'ampleur de son préjudice financier ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Martignas-sur-Jalle la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la fin de non-recevoir tirée du défaut de demande préalable opposée par la commune doit être écartée dès lors que la première demande préalable d'indemnisation précisait que le permis de construire délivré le 9 février 2015 avait été transféré à la société Ranchère et que l'indemnisation était sollicitée au nom de cette dernière ; en tout état de cause, une nouvelle demande préalable a été présentée en 2017 par la société Ranchère ; rien n'interdit à l'auteur d'une première demande d'indemnisation de faire évoluer le montant des sommes qu'il demande dans sa seconde réclamation.

- les prescriptions spécifiques du plan local d'urbanisme de la commune en termes de dimensionnement et d'aménagement de la voie primaire programmée et inscrite dans les orientations d'aménagement du plan, qui s'imposent quelles que soit les caractéristiques des opérations, n'avaient d'autre but que d'imposer la réalisation d'un ouvrage public structurant reliant deux routes départementales et traversant une vaste zone à urbaniser destiné à alléger le trafic dans le centre bourg ;

- la voie primaire qu'elle a réalisée est en tout point conforme aux dispositions de l'article AU1-3 du règlement du plan local d'urbanisme lequel prévoit en outre que cette voie soit aménagée afin de permettre son raccordement avec le projet voisin tacitement autorisé ; les dimensions de la voie en cause imposées par cet article excèdent les besoins propres de l'opération ; la voie structurante qui crée une liaison entre l'avenue du Colonel B... au nord et l'avenue du Maréchal de Lattre-de-Tassigny au sud, dénommée " Avenue des Dragons de l'Impératrice ", a été inaugurée en 2019 par le maire de Martignas-sur-Jalle ;

- dès lors que la réalisation de l'ouvrage excède les besoins de l'opération, elle ne peut, même pour partie, en supporter le coût ; la prise en charge du remboursement des sommes qu'elle a exposées incombe à la commune de Martignas-sur-Jalle sans qu'elle ne puisse utilement faire valoir que l'ouvrage n'aurait pas été rétrocédé ou qu'il aurait vocation à entrer dans le patrimoine de Bordeaux Métropole.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 23 mars 2022, Bordeaux Métropole, représentée par Me Sagalovitsch, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable dès lors que, compétente de plein droit en matière de " création, d'aménagement et entretien de voirie " sur le territoire de la commune de Martignas-sur-Jalle en application de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, elle justifie d'un intérêt au rejet de la requête de la société Ranchère ;

- la requête d'appel, qui n'est pas dirigée contre le bénéficiaire des travaux de voirie en litige, est irrecevable ; l'intégration de la commune de Martignas-sur-Jalle dans le périmètre de la communauté urbaine de Bordeaux le 1er juillet 2013, devenue Bordeaux Métropole, a eu pour effet de lui transférer l'ensemble des ouvrages de voirie ;

- les moyens soulevés par la société Ranchère ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars 2022 et 17 septembre 2022, la commune de Martignas-en-Jalle, représentée par Me Laveissière, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Ranchère en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le courrier censé régulariser l'absence de réclamation préalable, qui n'a pas mis à même la commune de vérifier que les sommes réclamées correspondaient bien aux travaux réalisés, est insuffisant pour permettre de lier le contentieux ; les sommes demandées ne concordent pas avec celles présentées dans les requêtes d'appel et de première instance ;

- la requête, qui n'est pas dirigée contre le bénéficiaire des travaux de voirie en litige, est irrecevable ; à la date de délivrance du permis de construire, les compétences en matière de voirie et d'urbanisme avaient été transférées à la communauté urbaine de Bordeaux devenue Bordeaux Métropole, laquelle est seule bénéficiaire des travaux de voirie ;

- les moyens soulevés par la société Ranchère ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 septembre 2022.

Un mémoire présentée pour la société Ranchère, a été enregistré le 29 septembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2014-1599 du 23 décembre 2014 portant création de la métropole dénommée " Bordeaux Métropole " ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Laveissière, représentant la commune de Martignas-sur-Jalle, de Me Rousseau, représentant la société Ranchère, et de Me Le Baube, représentant Bordeaux Métropole.

Une note en délibéré présentée par Me Rousseau, pour la société Ranchère, a été enregistrée le 29 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 février 2015, le maire de Martignas-sur-Jalle (Gironde) a délivré à la société Les Hauts de Martignas un permis de construire un ensemble immobilier de quatre-vingt logements répartis en dix maisons individuelles et plusieurs bâtiments collectifs sur un terrain situé avenue du colonel B..., permis qui a été transféré à la société Ranchère par un arrêté du 7 août 2015. Estimant que la voie principale de circulation prévue par ce permis constituait un équipement public et non un équipement propre, cette société a sollicité le remboursement d'une somme de 640 870,73 euros correspondant au coût des travaux de réalisation de cette voie. Le maire ayant rejeté cette demande le 9 mai 2016, la société Ranchère a saisi le tribunal administratif de Bordeaux qui, par un jugement du 21 décembre 2017, a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 18BX00167 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Ranchère contre ce jugement. Saisi d'un pourvoi présenté pour la société Ranchère, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur l'intervention de Bordeaux Métropole :

2. L'arrêt à rendre sur la requête de la société Ranchère est susceptible de préjudicier aux droits de Bordeaux Métropole. Dès lors, son intervention est recevable.

Sur les conclusions tendant à la répétition de la somme de 640 870, 73 euros :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. ". Il résulte de ces dispositions que l'action en répétition de l'indu doit être exercée contre la personne bénéficiaire des contributions aux dépenses d'équipements publics imposées aux constructeurs sous la forme de participations financières ou de réalisation de travaux, qui peut notamment être l'autorité concédante d'un service public.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales, sans sa rédaction applicable au litige : " I. - La communauté urbaine exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (...) / 2° En matière d'aménagement de l'espace communautaire : (...) / b) (...) création, aménagement et entretien de voirie (...) ". Aux termes de l'article L. 5217-5 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : " Les biens et droits à caractère mobilier ou immobilier situés sur le territoire de la métropole et utilisés pour l'exercice des compétences transférées mentionnées au I de l'article L. 5217-2 sont mis de plein droit à disposition de la métropole par les communes membres. (...) ".

5. Il résulte des pièces du dossier que par un arrêté du préfet de la Gironde du 7 mars 2013, la commune de Martignas-sur-Jalle a été intégrée à la communauté urbaine de Bordeaux à compter du 1er juillet 2013. Il est constant que par application de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales, la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole en vertu du décret du 23 décembre 2014, s'est vu transférer de plein droit les compétences attribuées aux communes en matière de voirie. Par ailleurs, en application de l'article L. 5217-5 du code général des collectivités territoriales précité, les biens à caractère mobilier et immobilier situés sur le territoire de la métropole et utilisés pour l'exercice de ses compétences sont entrées dans son patrimoine. Ainsi, Bordeaux Métropole pourrait seule être susceptible d'être regardée comme bénéficiaire des travaux dont la société Ranchère demande le remboursement alors même que le permis de construire du 9 février 2015 a été instruit et délivré sur le fondement du plan local d'urbanisme de la commune approuvé en 2005. Dès lors, et ainsi que le fait valoir Bordeaux Métropole elle-même, les conclusions de la société Ranchère tendant à la condamnation de la commune de Martignas-sur-Jalle à lui restituer la somme de 640 870, 73 euros correspondant à la réalisation de la voirie sont mal dirigées.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Ranchère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Martignas-sur-Jalle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Ranchère au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Ranchère une somme de 1 500 euros au titres des frais exposés par la commune de Martignas-sur-Jalle et non compris dans le dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de Bordeaux Métropole est admise.

Article 2 : La requête de la société Ranchère est rejetée.

Article 3 : La société Ranchère versera une somme de 1 500 euros à la commune de Martignas-sur-Jalle en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ranchère, à la commune de Martignas-sur-Jalle et à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Bouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

Birsen C...La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00017
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL LEX URBA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-17;22bx00017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award