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29/11/2022 | FRANCE | N°20BX02824

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 29 novembre 2022, 20BX02824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alizarine Proximity a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction en droits, pénalités et majoration, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 avril 2015 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801438 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Bor

deaux, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la soci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alizarine Proximity a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction en droits, pénalités et majoration, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 avril 2015 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801438 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Alizarine Proximity à concurrence d'un dégrèvement accordé en cours d'instance, pour un montant de 257 euros en droits, pénalités et majoration, d'autre part, a déchargé la société de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée, en tant qu'elle s'applique aux rappels de TVA qui proviennent des déductions non justifiées ou effectuées par anticipation, enfin, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, la société Alizarine Proximity, représentée par Me Dedieu, demande à la cour :

1°) de joindre la présente requête à la requête n° 20BX02825 ;

2°) d'annuler le jugement n° 1801438 du tribunal administratif de Bordeaux du 26 juin 2020 ;

3°) de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction, en droits, pénalités et majoration des rappels de TVA mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 avril 2015 ;

4°) de prononcer la compensation avec la TVA collectée réclamée ou qui sera due au cours du mois suivant l'arrêt de la cour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre sur sa demande de jonction des requêtes n° 1801434 et 1801438 ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- la procédure d'imposition est irrégulière pour violation de la garantie liée à un débat oral et contradictoire dès lors que l'administration ne conteste pas avoir négocié directement le taux de 25 % appliqué sur les frais de restauration inscrits en comptabilité avec l'expert-comptable, qui ne disposait pas d'un mandat pour ce faire, et non avec la gérante de la société, seule habilitée à négocier au nom et pour son compte ; l'expert-comptable ne disposait pas d'un mandat pour suivre les opérations de vérification de comptabilité ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée au regard des textes applicables ;

- l'administration ne pouvait fonder les rappels en litige sur l'article 54 du code général des impôts ou sur la théorie de l'acte anormal de gestion qui ne sont pas applicables en matière de TVA ; les rehaussements liés aux comptes 606310, 606400 et 625720 sont ainsi privés de base légale ;

- les bons de caisse délivrés par des restaurants doivent être admis comme justificatifs de la déductibilité de la TVA correspondante ;

- la TVA mentionnée sur les factures délivrées par l'enseigne Métro, correspondant à des frais exposés pour les besoins d'une réception qui s'est tenue en mars 2012, est déductible ;

- le montant de TVA déduite par anticipation rectifié par le service a été surestimé de 734,28 euros dès lors que les factures émises par les sociétés CPBC et Gaea ont bien été réglées ; en tout état de cause, il doit être procédé à une compensation entre la TVA collectée et n'ayant pas été acquittée dans les délais et la TVA qui n'a pu être déduite, correspondant à ces factures ;

- la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée n'est pas justifiée ;

- elle doit être regardée comme partiellement gagnante en première instance, dès lors que les premiers juges ont annulé la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée à la TVA déductible ; c'est donc à tort que le tribunal a rejeté sa demande de mise à la charge de l'Etat des frais irrépétibles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dedieu, représentant la société Alizarine Proximity.

Une note en délibéré présentée par la société Alizarine Proximity a été enregistrée le 16 novembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société Alizarine Proximity, qui exerce une activité de conseil en communication, promotion, publicité et marketing, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2014, étendue en matière de TVA jusqu'au 30 avril 2015. A l'issue des opérations de contrôle, elle s'est vue notifier, par une proposition de rectification du 4 décembre 2015, des rappels de TVA résultant d'une insuffisance de déclaration de taxe collectée ainsi que de la remise en cause de la TVA déduite à tort sur des charges non justifiées, non engagées dans l'intérêt de l'exploitation ou déduite par anticipation. La société Alizarine Proximity relève appel du jugement du 26 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à concurrence d'un dégrèvement accordé en cours d'instance, pour un montant, en droits pénalités et majoration de 257 euros, a déchargé la société de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée, en tant qu'elle s'applique aux rappels de TVA qui proviennent des déductions non justifiées ou effectuées par anticipation et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à décharge ou, à défaut, à la réduction, en droits, pénalités et majoration, des rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 avril 2015.

Sur la demande de jonction :

2. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de joindre la requête, objet du présent arrêt, avec la requête n° 20BX02825 déposée par la société Alizarine Proximity.

Sur la régularité du jugement :

3. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des impositions ou des contribuables distincts. Toutefois, la jonction ou l'absence de jonction sont, par elles-mêmes, insusceptibles d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peuvent, par suite, être contestées, en tant que telles, devant le juge d'appel. En outre, si les parties peuvent suggérer à la juridiction de procéder à la jonction d'affaires dont elle est saisie et qui leur apparaissent présenter un lien de connexité, il appartient au juge d'apprécier l'opportunité de procéder à cette jonction et il n'est tenu ni de répondre à la suggestion qui lui est faite, ni d'exposer les raisons pour lesquelles il décide de ne pas joindre. Il résulte de ces principes que la société Alizarine Proximity, en reprochant aux premiers juges de n'avoir pas suivi sa suggestion de joindre l'examen du dossier avec celui d'une autre affaire pendante le concernant et de n'avoir pas justifié leur décision sur ce point, ne critique pas utilement la régularité du jugement dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". Si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, dans des conditions permettant la tenue d'un débat oral et contradictoire entre le vérificateur et le représentant du contribuable ou son mandataire, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de celle-ci, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée. Dans cette hypothèse, il appartient au requérant d'apporter la preuve que l'entreprise a été privée des garanties ayant pour objet d'assurer aux contribuables la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 24 juin 2015, la gérante et unique associée de la société Alizarine Proximity, Mme A..., a demandé, en réponse à l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité du 2 juin 2015, que la poursuite de l'examen de sa comptabilité soit effectuée dans les locaux de son conseil, le cabinet d'expertise comptable Figeco Torres. Dès lors, quand bien même l'expert-comptable ne disposait pas d'un mandat exprès, la vérification de la comptabilité de la société a pu valablement se dérouler hors les locaux du siège de la société. Par ailleurs, il est constant qu'une première intervention sur place s'est déroulée le 23 juin 2015 dans les locaux de la société, en présence de Mme A... et de l'expert-comptable, alors que deux autres réunions, dont la seconde a constitué la réunion de synthèse, se sont tenues en présence de la gérante de la société dans les locaux du cabinet d'expertise comptable les 24 septembre et le 1er décembre 2015. La circonstance que d'autres interventions du vérificateur auraient été menées au sein du cabinet d'expertise comptable hors la présence de Mme A... et sans qu'elle ne soit informée de ces visites est, à la supposer avérée, sans incidence sur la régularité des opérations de contrôle. Si l'appelante soutient, en outre, que l'expert-comptable n'a pas reçu mandat pour négocier directement avec le service, comme il l'aurait fait, le taux de 25 % appliqué sur les frais de restauration inscrits en comptabilité dont la déductibilité était remise en cause, elle n'établit pas, alors que l'administration le conteste, que cette dernière aurait discuté avec l'expert-comptable du principe ou du montant de tout ou partie des rappels de TVA litigieux. Il en résulte que la société requérante, qui n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la vérificatrice se serait opposée par son comportement à tout échange, n'a pas été privée des garanties ayant pour objet d'assurer aux contribuables des possibilités d'un débat oral et contradictoire durant le contrôle et le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit ainsi être écarté en toutes ses branches.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler de façon utile ses observations.

7. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 4 décembre 2015 fait mention des dispositions dont elle fait application et notamment les articles 271 et 289 du code général des impôts. Elle indique qu'au titre de la période contrôlée, qui est précisément identifiée, certaines dépenses ne sont pas déductibles en ce qu'elles correspondent à des achats personnels, à des achats non facturés au nom de la société elle-même ou à des achats dont la nature et le détail ne sont pas indiqués sur les tickets de caisse ou de carte bancaire présentés lors du contrôle et que d'autres dépenses ont été déduites par anticipation dès lors que les factures correspondantes n'ont pas encore été réglées. Cette proposition qui détaille, en outre, le montant de la TVA collectée et non déclarée par la société requérante au titre de chaque exercice vérifié, était suffisamment précise pour permettre à l'intéressée d'engager une discussion contradictoire avec l'administration, ce qu'elle a d'ailleurs fait, quand bien même la vérificatrice a fait référence, de manière superfétatoire, aux dispositions de l'article 54 du code général des impôts ou à la théorie de l'acte anormal de gestion. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

8. En premier lieu, aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures (...) ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / (...) / 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxe et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable (...) ". Au sens de ces dispositions, il faut entendre par " facture " tout document, suffisamment précis et détaillé, permettant de connaître la nature des fournitures et prestations, l'identité du débiteur et celle du créancier. Si la désignation précise de la nature des prestations sur la facture établie à destination d'un client assujetti à la TVA par un fournisseur ou un prestataire permet de présumer que les biens ou les services lui ont été livrés ou rendus, et de vérifier qu'ils l'ont été pour les besoins de ses opérations taxées, l'absence de mention de ces informations ou leur caractère erroné sur la facture qui lui est remise peut ne pas faire obstacle à ce que la taxe soit déductible de celle à laquelle il est soumis en raison de ses propres affaires, dans le cas seulement où il apporte la preuve par tout moyen du règlement effectif par lui-même de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables.

9. De première part, le service a remis en cause la déduction de TVA opérée par la société requérante pour des dépenses de restaurant dont les justificatifs présentés lors du contrôle consistaient en des tickets de caisse ou de carte bancaire sur lesquels figure un nombre variable de convives dont l'identité n'est pas mentionnée. Il a néanmoins admis en déduction, par souci de réalisme économique, un pourcentage de 75 % du montant de ces dépenses. En se bornant à produire ces tickets de caisse ou de carte bleue, dont les mentions imprécises ne permettent pas de rattacher les dépenses correspondantes à des frais engagés pour les besoins de l'activité de la société, cette dernière ne justifie pas de leur caractère déductible à une hauteur supérieure de celle admise par l'administration.

10. De deuxième part, l'administration a refusé d'admettre la déduction de taxe opérée par la société Alizarine Proximity à raison de frais de réception facturés par l'enseigne Métro les 12 et 14 mars 2012 au nom de la société Alexandrie, dès lors que ces dépenses n'ont pas été engagées par l'appelante elle-même. Si la requérante produit une attestation du 2 février 2016 de la gérante de la société Alexandrie indiquant que ces dépenses auraient, dans les faits, été effectuées par Mme A... pour le compte de la société Alizarine Proximity, ce seul document, établi postérieurement aux opérations de contrôle, de même que l'encart publicitaire versé au dossier faisant état d'un tournoi de billard organisé le 15 mars 2012 par Alizarine Proximity, ne suffisent pas à l'établir.

11. De dernière part, la circonstance que, dans la proposition de rectification du 4 décembre 2015, la vérificatrice a fait référence, de manière superfétatoire, aux dispositions de l'article 54 du code général des impôts ou à la théorie de l'acte anormal de gestion est sans influence sur le bien-fondé des rappels de TVA procédant des points 9 et 10 qui, ainsi qu'il vient d'être exposé, sont valablement fondés sur les dispositions pertinentes du code général des impôts citées au point 8, applicables en matière de TVA et également mentionnées au sein de la proposition. Il en est de même des autres rappels de TVA liés aux comptes 606310 " achat petit matériel " et 606400 " achats fournitures bureau " pour lesquels la société requérante n'établit ni même n'allègue, à hauteur d'appel, avoir fourni les justificatifs nécessaires permettant de regarder les dépenses correspondantes comme présentant un caractère déductible.

12. En second lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".

13. Au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 avril 2015, l'administration a remis en cause la déduction par anticipation de la TVA facturée par la société Gaea pour des prestations de services d'un montant de 3 325,68 euros dès lors que le compte fournisseur de la société Alizarine Proximity faisait apparaître qu'au 30 avril 2015, le montant correspondant n'avait pas encore été acquitté. En se bornant à fournir des extraits du compte banque 5121-CIC des mois de janvier 2015 ainsi que des mois de mai à septembre 2015, sur lesquels apparaît la mention " vir Gaea " pour un montant mensuel de 1 000 euros, sans autre précision, la société requérante ne produit pas d'élément suffisamment probant de nature à rattacher ces sommes au montant susmentionné des factures non encore acquittées au 30 avril 2015, dès lors qu'il résulte de l'instruction que Mme A..., également gérante de la société Gaea, versait par ailleurs à cette dernière un loyer mensuel pour le logement qu'elle occupait. En outre, l'appelante ne peut utilement contester la remise en cause de la déduction de la TVA facturée par la société CPBC pour des prestations de services d'un montant de 1 080 euros dans la mesure où le rappel de TVA correspondant, en droits, pénalités et majoration, a fait l'objet d'une décision de dégrèvement en date du 23 novembre 2018.

En ce qui concerne la demande de compensation :

14. Aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ". La compensation en matière de taxes sur le chiffre d'affaires doit s'effectuer entre impositions dues et payées au cours de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement en litige.

15. La société Alizarine Proximity soutient qu'elle a procédé à la déduction d'un montant de TVA déductible inférieur à celui auquel elle pouvait prétendre au titre de la période du 1er janvier au 30 avril 2015, pour un montant de 778,73 euros, correspondant à la TVA facturée par les société Gaea et CPBC, dont elle demande la compensation avec les rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la TVA collectée et non acquittée pour la même période ou avec la taxe collectée qui sera due au cours du mois suivant le présent arrêt. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 13, la requérante n'établit pas s'être acquittée, au 30 avril 2015 ni même, en tout état de cause, à la date du présent arrêt, des prestations de services d'un montant de 3 325,68 euros dû à la société Gaea et, partant, le caractère déductible de la TVA facturée par cette société. Par ailleurs, ainsi qu'il a également été exposé, la TVA facturée par la société CPBC a finalement été admise en déduction par décision du 23 novembre 2018. Par suite, l'intéressée n'établit pas la surimposition dont elle se prévaut et n'est pas fondée à en demander la compensation.

En ce qui concerne le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

17. Le service a appliqué la majoration pour manquement délibéré sur les rappels non contestés de TVA collectée et non déclarée s'élevant, au titre de l'exercice clos en 2014, à 12 026 euros sur un montant total de TVA dû de 102 516 euros et, au titre de l'exercice en cours à la date du 30 avril 2015 à 25 766 euros sur un montant total de taxe dû au titre de la période de 60 467 euros. Il résulte des termes de la lettre du 5 février 2016 adressée par la société Alizarine Proximity à l'administration, en réponse à la proposition de rectification du 4 décembre 2015, que la requérante admet avoir parfaitement eu connaissance, au fur à mesure des exercices concernés, de l'existence de montants conséquents de TVA collectée et non déclarée, qui étaient d'ailleurs régulièrement comptabilisés au passif du compte 4457 " TVA collectée ", et justifie le non-paiement de cette dette de TVA par l'absence de trésorerie disponible pour y faire face. Ainsi, contrairement à ce qu'elle allègue en se prévalant de la complexité du régime de la TVA collectée et d'un défaut d'information qu'elle impute à son cabinet d'expertise comptable, la société disposait de l'ensemble des éléments lui permettant d'appréhender l'existence d'une dette de TVA en cours et c'est en toute connaissance de cause qu'elle a délibérément choisi de s'y soustraire. Dans ces conditions, en tenant compte de l'importance des minorations ainsi opérées dans les déclarations de TVA déposées au titre de la période vérifiée et de leur caractère répété sur les exercices contrôlés, l'intention délibérée de la société Alizarine Proximity d'éluder l'impôt doit être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme établie par l'administration fiscale.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

19. En application de ces dispositions, les premiers juges ont pu à bon droit estimer, compte tenu du montant des impositions initialement contestées et de ceux correspondant au dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration ainsi qu'à la décharge partielle prononcée par le tribunal, que l'Etat n'était pas pour l'essentiel la partie perdante et qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme au titre des frais exposés par la société Alizarine Proximity et non compris dans les dépens.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alizarine Proximity n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés à la présente instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Alizarine Proximity demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Alizarine Proximity est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alizarine Proximity et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

Michaël C... La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02824

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02824
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DEDIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;20bx02824 ?
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