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30/11/2022 | FRANCE | N°20BX03887

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 novembre 2022, 20BX03887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association UCPA sports loisirs a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler le marché public relatif à l'exploitation, la maintenance et le développement de la base de loisirs et de pleine nature des rives du Gave, conclu le 20 novembre 2017 entre la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées et la société Aygo et, subsidiairement, à sa résiliation, d'autre part, et dans le dernier état de ses écritures, de condamner la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées à

lui verser la somme de 534 163,51 euros en réparation du préjudice subi du fait de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association UCPA sports loisirs a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler le marché public relatif à l'exploitation, la maintenance et le développement de la base de loisirs et de pleine nature des rives du Gave, conclu le 20 novembre 2017 entre la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées et la société Aygo et, subsidiairement, à sa résiliation, d'autre part, et dans le dernier état de ses écritures, de condamner la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées à lui verser la somme de 534 163,51 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'attribution irrégulière du marché à la société Aygo.

Par un jugement n° 1702626 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 novembre 2020 et les 3 juin et 9 septembre 2021, l'association UCPA sports loisirs, représentée par Me Laffite, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 septembre 2020 ;

2°) d'annuler le marché public précité et, subsidiairement, de prononcer sa résiliation ;

3°) en toute hypothèse, de condamner la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées à lui verser la somme de 534 163,51 euros ou toute autre somme que la cour estimera appropriée au titre du préjudice qu'elle a subi du fait de l'attribution irrégulière du marché ;

4°) d'ordonner le paiement des sommes dues dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Pau Béarn une somme de

5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association UCPA sports loisirs soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle justifie avoir été lésée dans ses intérêts par la passation irrégulière du contrat en litige ;

- le tribunal a estimé à tort que la communauté d'agglomération Pau Béarn n'avait manqué ni à ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence ni au principe d'égalité de traitement des candidats au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

- il a commis une erreur de droit et de fait quant aux obligations d'information pesant sur la communauté d'agglomération en matière de reprise des salariés ;

- le tribunal a estimé à tort que l'offre de la société Aygo n'était pas irrégulière au motif que l'obligation de reprise des personnels prévue à l'article L. 1224-1 du code du travail n'était pas applicable en l'espèce ;

- il a estimé à tort que la communauté d'agglomération n'avait pas à rejeter l'offre de la société Aygo comme étant anormalement basse, ni n'avait méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats en retenant l'offre de ladite société ; cette offre aurait dû prendre en compte les coûts liés à la reprise des employés de l'ancien titulaire ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas reconnu l'illégalité de facto du marché en litige, pourtant reconnue par la communauté d'agglomération Pau Béarn elle-même qui a accepté d'indemniser partiellement la société titulaire du précédent marché, dans le cadre d'un protocole transactionnel, des sommes que cette dernière a versées à quatre de ses anciens salariés non repris par le nouveau titulaire, à la suite d'une procédure engagée devant le conseil des prud'hommes ;

- la candidature et l'offre de la société Aygo étaient irrégulières, cette société ayant pour seul objet social les activités de restauration sans lien avec l'objet du marché ; à cet égard, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait en estimant que le pouvoir adjudicateur n'avait pas à vérifier la capacité juridique du candidat pour exploiter un centre de loisirs lors de la remise de son offre ; il a également commis une erreur de droit et une erreur de fait en estimant que la création ultérieure par la société Aygo d'une société dédiée dont l'objet coïncide avec l'objet du marché était suffisante pour justifier de la régularité de son offre ; au contraire, cette offre aurait dû être éliminée en application de l'article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le tribunal a estimé à tort que les stipulations de l'article 8.2 du cahier des clauses administratives particulières autorisaient l'attributaire à céder son marché à une société tierce ; la cession du marché à la société SAS Stade d'eaux vives exploitation (SEVE) qui n'est pas une société dédiée est donc illégale et méconnaît l'article 139 du décret du 25 mars 2016 ;

- les sous-critères 1 à 5 du règlement de la consultation manquaient de précision et ont permis au pouvoir adjudicateur de survaloriser l'offre de la société attributaire au regard du critère relatif à la qualité, cette société ayant eu recours à des sous-traitants spécialisés ;

- la communauté d'agglomération Pau Béarn a commis une erreur manifeste d'appréciation en attribuant la meilleure note à la société Aygo en ce qui concerne les sous-critères 1.1, 1.3 et 1.6 qui représentaient plus de la moitié de la note du critère relatif à la qualité de l'offre, lequel représentait lui-même 60% de la note globale ;

- les manquements commis par le pouvoir adjudicateur dans la procédure de passation justifient l'annulation ou la résiliation du marché public ;

- elle est fondée à demander la réparation des préjudices résultant de son éviction irrégulière du marché à hauteur des sommes de 38 551,58 euros au titre des frais de remise de son offre, de 12 591,93 euros au titre des frais exposés pour la restitution du site, de 240 000 euros au titre du manque à gagner pour les prestations de gestion services centraux et de 243 020 euros au titre du manque à gagner lié à la perte d'intéressement sur chiffre d'affaires net, cumulés sur une période de six ans, soit une somme totale 534 163,51 euros ;

- le comportement dilatoire de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées justifie que soit prononcée une astreinte pour le paiement de cette somme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mars, 29 juin et 21 septembre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la communauté d'agglomération de Pau Béarn Pyrénées, représentée par le cabinet Richer et associés droit public, avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que l'éventuelle condamnation indemnitaire dont elle ferait l'objet soit limitée aux seuls frais exposés par l'association UCPA sports loisirs pour la préparation de son offre, à titre très subsidiaire, à ce que l'éventuelle annulation ou la résiliation du marché public soit prononcée avec effet différé de six mois, et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l'association UCPA sports loisirs la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour l'association UCPA sports loisirs de justifier d'avoir été lésée dans ses intérêts de façon directe et certaine par le prétendu manquement résultant de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

- la prétendue irrégularité de la procédure de passation au regard de l'obligation de reprise du personnel prévue à l'article L. 1224-1 du code du travail ne présente pas de lien direct avec la notation de l'offre de la requérante et donc avec son éviction ; en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions n'est pas fondé dès lors que l'obligation de reprise du personnel n'était pas applicable en l'absence de transfert d'une entité économique autonome et de poursuite d'activité ; en outre, elle a communiqué aux candidats les informations relatives à la reprise du personnel et n'avait pas à se prononcer sur l'application de cette obligation en l'espèce ;

- le moyen tiré de ce que la communauté d'agglomération aurait reconnu l'illégalité du marché en signant un protocole transactionnel avec l'ancien titulaire du marché est inopérant ;

- les autres moyens tendant à contester la régularité de la passation du contrat ne sont pas fondés ;

- l'association requérante n'avait aucune chance d'emporter le marché de sorte qu'elle ne saurait prétendre à une indemnisation ; à titre subsidiaire, l'indemnisation qui pourrait lui être allouée ne pourrait se limiter qu'aux seuls frais qu'elle a exposés pour présenter son offre, les autres préjudices invoqués par la requérante n'étant justifiés ni dans leur principe ni dans leur quantum ;

- l'annulation ou la résiliation du contrat emporterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; à titre subsidiaire, une telle mesure ne pourrait être prononcée qu'avec un effet différé de six mois.

Par un mémoire, enregistré le 18 février 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Stade d'eaux vives exploitation, représentée par Me Rouvière, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association UCPA sports loisirs la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance par le pouvoir adjudicateur des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'est pas susceptible d'avoir lésé les intérêts de l'association UCPA sports loisirs ; en tout état de cause, le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient dû être appliquées n'est pas fondé ;

- les autres moyens soulevés par l'association UCPA sports loisirs tirés de l'irrégularité de l'offre de la société Aygo, de la cession irrégulière du marché à la société Eve et de l'imprécision des critères et sous-critères de sélection des offres ne sont pas fondés ;

- eu égard aux nombreuses actions qu'elle a engagées en vue de réaliser son projet, l'annulation du marché aurait pour elle des conséquences excessives qu'elle ne serait pas en mesure de supporter.

Par des lettres des 16 septembre et 5 octobre 2022, la cour a invité l'association UCPA sports loisirs à produire, d'une part, l'offre qu'elle a présentée dans le cadre de la procédure de passation du marché en litige, faisant ressortir notamment les comptes d'exploitation annuels prévisionnels, d'autre part, tout élément permettant de déterminer le taux de marge qu'est susceptible de lui procurer une activité comparable à celle correspondant au marché en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme B...,

- et les observations de Me Laffite, représentant l'association UCPA sports loisirs.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées (CAPBP) a lancé une procédure concurrentielle avec négociation, passée en application du 2° du I de l'article 25 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, en vue du renouvellement du marché public ayant pour objet l'exploitation, la maintenance et le développement de la base de loisirs et pleine nature des rives du Gave (Pyrénées-Atlantiques). Par un courrier du 25 octobre 2017, elle a informé l'association UCPA sport loisirs du rejet de son offre, arrivée en seconde position, le marché ayant été attribué, par un acte d'engagement notifié le 20 novembre 2017, à la société Aygo. L'association UCPA sport loisirs a demandé au tribunal administratif de Pau, en sa qualité de concurrent évincé, l'annulation de ce marché et la condamnation de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées à lui verser en dernier lieu la somme totale de 534 163,51 euros en réparation des préjudices subis liés à son éviction. Par un jugement n° 1702626 du 30 septembre 2020 dont elle relève appel, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité.

3. A l'appui de sa contestation de la validité du contrat en litige, l'association UCPA sport loisirs, dont l'offre, classée en seconde position, a été écartée et qui a la qualité de concurrente évincée, fait valoir notamment que le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de mise en concurrence dès lors qu'il aurait dû éliminer l'offre de la société Aygo qui ne respectait pas les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail en matière de reprise du personnel de l'ancien titulaire. Il ressort du courrier du 25 octobre 2017 informant la requérante du rejet de son offre que la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées a privilégié l'offre de la société Aygo dont le prix n'intégrait pas le coût correspondant à la reprise de ce personnel et a valorisé la qualité de cette offre qui proposait de sous-traiter certaines prestations pour assurer un niveau de professionnalisme élevé. Ainsi, l'association requérante justifie avoir été lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation du marché en litige. La fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées tiré du défaut d'intérêt à agir de l'association requérante doit donc être écartée.

Sur la validité du contrat en litige :

4. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui d'un recours de plein contentieux contre un contrat, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

5. Aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, alors en vigueur et applicable au marché en litige : " I. - L'acheteur vérifie que les offres qui n'ont pas été éliminées en application du IV de l'article 43 sont régulières, acceptables et appropriées. / Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. / (...) Une offre inappropriée est une offre sans rapport avec le marché public parce qu'elle n'est manifestement pas en mesure, sans modification substantielle, de répondre au besoin et aux exigences de l'acheteur formulés dans les documents de la consultation. (...) / III. - Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables à l'issue de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Ces dispositions trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que la mission d'exploitation, de maintenance, de développement et d'animation de la base de loisirs et de pleine nature des rives du Gave, assurée par la société LS Pau Pyrénées dans le cadre de l'exécution du marché conclu avec la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017, est identique à celle confiée par la société Stade d'eaux vives exploitation (SEVE), créée par la société Aygo, dans le cadre du marché en litige qui a été attribué à cette dernière, à compter du 1er janvier 2018, nonobstant la différence d'intitulé d'objet. A cet égard, si le nouveau titulaire du marché n'assure plus la gestion du camping de la porte des Gaves et se voit en revanche confier la gestion, l'entretien et la maintenance des hangars de stockage extérieur, le PC course, les cabines de départ et de VTT ainsi qu'une aire de pique-nique, ces différences n'affectent pas les missions confiées au titulaire du marché en matière d'activités sportives et d'animation, de développement touristique et de gestion des équipements inclus dans le périmètre du marché, notamment en termes de sécurité des installations et des usagers, de respect des normes d'hygiène et d'entretien général ainsi que de maintenance courante, qui restent identiques à celles assurées par le précédent exploitant et ne sont pas de nature à faire perdre à l'activité économique son objectif propre. De même, si la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées fait valoir qu'elle a souhaité confier au futur titulaire de nouveaux équipements, il résulte de l'article 6 bis du cahier des clauses techniques particulières que les équipements envisagés, à savoir un plan d'eau " canotable ", une aire de service camping-car, un espace de jeux pour enfants et un parcours de BMX " pourrai[ent] être intégré[s] dans les années à venir " et n'existaient donc pas à la date de l'attribution du marché au nouvel exploitant et du transfert de l'activité.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'exploitation, la maintenance, le développement et l'animation de la base de loisirs et de pleine nature des rives du gave était assurée, dans le cadre du précédent marché, par une équipe de six personnes, employées de la société LS Pau Pyrénées, ancien exploitant, composée du directeur du complexe sportif, d'un responsable des activités, d'un responsable de la communication et de l'évènementiel, d'un responsable de l'accueil, d'un technicien de maintenance et d'un moniteur, entièrement dédiée à l'exécution de ces prestations et permettant à l'exploitant de fonctionner de façon autonome.

9. Ensuite, il résulte certes des stipulations de l'article 10-8 du cahier des clauses techniques particulières du marché en cause que le titulaire est tenu, à l'instar d'ailleurs du précédent exploitant, d'assurer l'acquisition et le renouvellement des équipements informatiques et de bureautique, notamment l'achat et la mise en place du système informatique de réservation et de facturation, le renouvellement courant des matériels et mobiliers, hormis pour le matériel directement lié aux compétitions sportives, les équipements et matériels nécessaires aux opérations de nettoyage et d'entretien, les équipements et outillages nécessaires aux opérations de maintenance courante, le suréquipement individuel des personnels d'exploitation, les petits matériels et mobiliers nécessaires à l'exploitation courante et les dispositifs de protection et de sécurisation du site et des ouvrages inclus au périmètre du marché, ces équipements devant appartenir à la collectivité en fin de contrat. Toutefois, l'article 6 de ce même cahier prévoit que le titulaire exécutera le marché en bénéficiant de la mise à disposition par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées des ouvrages, installations et biens nécessaires à l'exécution du marché, à savoir le stade d'eaux vives comprenant notamment un bassin de départ et d'arrivée, un parcours de compétition, des espaces verts et des bâtiments techniques, le club house, abritant notamment le stockage du matériel, les vestiaires, un restaurant panoramique, des bureaux affectés à la gestion administrative du site, et une aire de pique-nique, de tels biens devant, selon l'article 7.2 du cahier, permettre de " donner les moyens matériels à la collectivité ou à tout exploitant de continuer, à tout moment, l'exploitation du service public sans interruption et dans des conditions strictement identiques ". De tels moyens matériels, qui ont fait l'objet d'un transfert de mise à disposition par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées au profit du nouvel exploitant, ne sont pas résiduels, comme le soutiennent les défendeurs, mais significatifs et nécessaires à l'exécution de l'activité d'exploitation, de maintenance, de développement et d'animation de la base de loisirs et de pleine nature des rives du Gave.

10. Enfin, les circonstances que le nouveau marché ne viserait pas la même clientèle et que la rémunération du titulaire du marché comprend un intéressement calculé désormais en fonction du chiffre d'affaires et non plus selon la fréquentation des usagers payants ne sont de nature ni à faire obstacle à la poursuite de l'activité ni à faire perdre son identité à l'entité économique.

11. Par suite, l'activité transférée à la société Aygo, attributaire du marché, doit être regardée comme constituant un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre et donc une entité économique autonome, au sens des dispositions citées au point 6, et ayant conservé son identité. Dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail trouvaient à s'appliquer au contrat en litige. Il s'ensuit que la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées était tenue, en application de l'article 59 du décret du 25 mars 2016, d'éliminer l'offre finale de la société Aygo qui ne respectait pas l'obligation, posée par ces dispositions du code du travail, de reprise du personnel de l'ancien titulaire, alors même qu'une telle reprise n'était pas prévue par la convention collective applicable à ce marché.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens qu'elle soulève à l'encontre de la procédure de passation du contrat en litige, que l'association UCPA sport loisirs est fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence dans l'attribution du marché litigieux, un tel manquement étant, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, en rapport direct avec l'éviction de la requérante.

Sur la nature et les conséquences de l'illégalité commise :

13. Saisi par un tiers dans les conditions rappelées au point 2, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.

14. L'irrégularité de la procédure qui a eu une incidence directe sur le choix de l'attributaire, n'a pas entraîné un vice de consentement de la personne publique et n'affecte pas le bien-fondé des prestations de service objet du marché. En l'absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, elle ne justifie pas, à elle seule, que soit prononcée la résolution du marché. Par sa gravité et en l'absence de régularisation possible, ce vice implique cependant que soit ordonnée aux parties de résilier le contrat en litige. Toutefois, l'intérêt général tenant à la continuité du service public justifie que la résiliation ne prenne effet que dans un délai de six mois suivant la notification du présent arrêt afin que la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées puisse mener à bien la procédure légalement requise de choix d'un cocontractant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que l'association UCPA sport loisirs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la résiliation du marché en litige.

Sur les conclusions indemnitaires de l'association requérante :

16. Le juge du contrat peut, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

17. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. En outre, si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. Ce manque à gagner doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu'aurait procuré ce marché à l'entreprise.

18. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'irrégularité commise par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées dans l'attribution du marché en litige est à l'origine de l'éviction de l'association UCPA sport loisirs. Par suite, il existe un lien direct entre la faute commise par le pouvoir adjudicateur et les préjudices subis par l'association requérante.

19. En second lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'analyse des offres, que, après le désistement d'un candidat, seules deux offres ont été examinées dans le cadre de la procédure de passation du marché en litige, celle de l'association requérante et celle de la société Aygo, attributaire du marché. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, cette dernière aurait dû être éliminée comme irrégulière, l'association UCPA sport loisirs dont la filiale, la société LS Pau Pyrénées, était titulaire du précédent contrat, disposait nécessairement d'une chance sérieuse de l'emporter. Il résulte de ce qui a été dit au point 17 qu'elle a donc doit à être indemnisée de son manque à gagner.

20. A ce titre, l'association requérante sollicite une indemnité d'un montant total de 483 020 euros, dont 240 000 euros au titre du manque à gagner pour " prestations de gestion des services centraux " et 243 020 euros en raison de la perte d'intéressement sur chiffre d'affaires net cumulé sur une période de six ans, correspondant à la durée du marché.

21. Il résulte du cahier des clauses techniques particulières que le titulaire du marché en litige est rémunéré par le prix correspondant à la totalité des prestations devant être exécutées, tel que proposé dans son offre, arrêté par la collectivité au terme de la négociation, auquel s'ajoute un intéressement au chiffre annuel net. Il résulte du compte d'exploitation prévisionnel joint à l'offre finale de la requérante, produit à la suite d'une mesure d'instruction, que l'association UCPA sport loisirs prévoyait de réaliser des recettes pour un montant total de 2 859 053 euros HT sur la durée du marché, auxquelles s'ajoutait un intéressement au chiffre d'affaires d'un montant total de 243 020 euros HT, soit la somme totale de 3 102 073 euros HT. D'une part, dès lors que cet intéressement au chiffre d'affaires était intégré aux recettes d'exploitation, l'association requérante n'est pas fondée à solliciter une indemnité spécifique au titre de la perte de cette part de recette. D'autre part, pour justifier de son manque à gagner, la requérante produit une attestation de son expert-comptable, établie le 28 novembre 2019, qui mentionne notamment un taux de 6% représentant la " part des prestations de services centralisés dans le total des charges d'exploitation correspondant à la pratique habituelle du groupe UCPA ". Toutefois, cette seule attestation ne permet pas d'identifier le manque à gagner de l'association, lequel doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu'aurait procuré le marché. L'association UCPA sport loisirs, qui n'a pas donné suite à la mesure d'instruction par laquelle la cour l'a invitée à produire tout élément permettant d'apprécier le taux de marge qu'est susceptible de lui procurer une activité comparable à celle correspondant au marché en litige, ne justifie pas de la réalité et de l'étendue de son préjudice au titre du manque à gagner. Sa demande indemnitaire présentée à ce titre doit donc être rejetée.

22. En revanche, l'association UCPA sport loisirs a droit au remboursement des frais qu'elle a exposés pour l'établissement de son offre à hauteur du montant de 38 551,58 euros, non sérieusement contesté en défense, figurant dans l'attestation de son expert-comptable. Si la requérante sollicite également une indemnité d'un montant de 12 591,93 euros au titre des frais exposés pour la restitution du site, il résulte de l'article 28 du cahier des clauses particulières du précédent contrat que son titulaire était tenu, à l'expiration du contrat, de remettre à la collectivité en bon état d'entretien les ouvrages, biens et matériels nécessaires à l'exécution du marché. Dans ces conditions, les frais dont l'association requérante revendique l'indemnisation auraient nécessairement dû être engagés lors de la procédure de renouvellement du marché, lesquels frais, au demeurant, n'ont pu être exposés par l'association elle-même mais par la société LS Pau Pyrénées, sa filiale, à qui le contrat avait été cédé.

23. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées à verser à l'association UCPA sport loisirs la somme de 38 551,58 euros.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Dès lors que les dispositions du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980, reproduites à l'article L. 911-9 du code de justice administrative, permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que la partie perdante est condamnée à lui verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la première tendant à ce qu'il soit enjoint à celle-ci, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de payer cette somme sous astreinte. Par suite, les conclusions de l'association UCPA sport loisirs tendant à ce qu'il soit enjoint à la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de lui payer la somme mentionnée au point 23 à laquelle la cour l'a condamnée doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros à verser à l'association UCPA sport loisirs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les mêmes dispositions s'opposent, en revanche, à ce que les sommes réclamées sur leur fondement par la communauté d'agglomération et la société Stade d'eaux vives exploitation soient mises à la charge de l'association requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702626 du tribunal administratif de Pau du 30 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : Le marché public relatif à l'exploitation, la maintenance, et le développement de la base de loisirs et de pleine nature des rives du Gave, conclu le 20 novembre 2017 entre la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées et la société Aygo, et transféré à la société Stade d'eaux vives exploitation, est résilié à compter du premier jour du sixième mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : La communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées est condamnée à verser à l'association UCPA sports loisirs la somme de 38 551,58 euros.

Article 4 : La communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées versera à l'association UCPA sport loisirs une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association UCPA sports loisirs et les conclusions de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées et de la société Stade d'eaux vives exploitation présentées sur le fondement de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association UCPA sport loisirs, à la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées et à la société par actions simplifiée (SAS) Stade d'eaux vives exploitation.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.

Le rapporteur,

Anthony A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03887
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : RICHER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-30;20bx03887 ?
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