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13/12/2022 | FRANCE | N°20BX00888

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 5), 13 décembre 2022, 20BX00888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requête enregistrée sous le n° 1801747, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 77 526,36 euros en réparation de son préjudice de rémunération, la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice résultant des modalités d'accès à son dossier personnel et celle de 30 000 euros en rép

aration de son préjudice du fait du refus d'octroi de la protection fonctionnelle. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requête enregistrée sous le n° 1801747, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 77 526,36 euros en réparation de son préjudice de rémunération, la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice résultant des modalités d'accès à son dossier personnel et celle de 30 000 euros en réparation de son préjudice du fait du refus d'octroi de la protection fonctionnelle.

Par requête enregistrée sous le n° 1901406, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'enjoindre à la même autorité de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 77 526,36 euros en réparation de sa perte de rémunération et la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice du fait du refus d'octroi de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1801747, 1901406 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 7 571 euros en réparation de son préjudice financier lié au refus d'octroi de la protection fonctionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 mars 2020 et le 18 février 2022, M. D..., représenté par Me Mendiboure, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2019 en tant qu'il a soustrait des sommes engagées au titre de la protection fonctionnelle la somme de 1 300 euros versée à titre de consignations dans le cadre de la procédure pénale et qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires fondées sur le harcèlement moral caractérisé par le refus d'octroi de la protection fonctionnelle ;

2°) de condamner l'Etat à prendre en charge au titre des honoraires d'avocat payés postérieurement au jugement attaqué les sommes de 169 euros et 360 euros, la somme globale de 71 693,02 euros en réparation de son préjudice financier lié aux pertes de salaires qu'il aurait dû percevoir entre 2016 et 2019 et la somme 30 000 euros en réparation du préjudice résultant du refus de protection fonctionnelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est fondé à solliciter le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre des instances engagées devant la juridiction administrative, en raison du harcèlement moral qu'il a subi du chef de son supérieur hiérarchique direct, qui a été reconnu par la cour administrative d'appel de Bordeaux, par son arrêt du 9 mai 2017 devenu définitif, qui a condamné l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, arrêt qui a été exécuté par l'administration ;

- il a sollicité en vain le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès de son administration ; il a dû engager des frais de procédure et a droit à leur prise en charge, tant pour les instances introduites devant le juge administratif que devant le juge pénal ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retranché de la somme à laquelle l'Etat a été condamnée au titre des frais de procédure engagés par lui le montant des deux consignations versées devant le tribunal de grande instance de Bayonne les 11 mars 2015 et 30 janvier 2019 dans le cadre de son dépôt de plainte avec constitution de partie civile, pour le motif erroné qu'il n'établissait pas que ce tribunal lui aurait infligé des amendes sur le fondement de l'article 88-1 du code de procédure pénale ; cette position est contraire à l'article 3.3 de la circulaire FP n°2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents de l'Etat, ainsi qu'à la jurisprudence de la juridiction administrative ;

- il est fondé à solliciter le remboursement de la somme de 1 300 euros qu'il a acquittée au titre de deux consignations versées dans le cadre des plaintes pénales déposées à l'encontre de son ancien supérieur hiérarchique direct ;

- en appel, il est en outre fondé à solliciter le remboursement par l'Etat de la somme de 360 euros correspondant à des honoraires en lien avec l'assistance de son avocat lors de son audition le 5 novembre 2019, ainsi que la somme de 169 euros à laquelle il a été condamnée au titre des droits fixes de procédure par l'arrêt du 23 mars 2021 de la cour d'appel de Pau ;

- les refus réitérés d'octroi de la protection fonctionnelle, qui ne reposent sur aucun motif d'intérêt général, sont fautifs, dès lors qu'ils s'inscrivent dans la continuité du harcèlement moral constaté par la cour dans son arrêt du 9 mai 2017 et qui perdure depuis, de sorte qu'il est fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice que lui cause ce refus illégal, qu'il évalue à 30 000 euros ; ce refus, qui est un nouveau moyen de l'humilier et de faire pression sur lui, est à l'origine d'une souffrance morale distincte de celle qui a été indemnisée par la cour en 2017 ; le climat anxiogène engendré par l'administration est également à l'origine de troubles dans ses conditions d'existence ;

- il est fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice financier causé par la demande de l'administration à rembourser un trop-perçu de rémunération, perçue de manière prolongée du seul fait de l'administration.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 20 janvier 2022 et le 30 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de M. D....

Il fait valoir que :

- les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 71 693,02 euros en réparation de son préjudice financier lié aux pertes de salaires sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., né en 1954 et qui a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité au 1er avril 2019, était contrôleur de l'administration fiscale depuis 1973, puis titularisé dans le grade d'inspecteur des impôts à compter du 1er septembre 1981, et affecté en dernier lieu à compter de 2006 en qualité d'enquêteur au sein de la brigade de contrôle et de recherches de Bayonne. Il a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation des préjudices subis en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct. Par jugement n°1301395 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Toutefois, par un arrêt n° 15BX02175 du 9 mai 2017, la cour a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice résultant des faits de harcèlement moral.

2. M. D... a sollicité à plusieurs reprises entre le 23 août 2017 et le 19 janvier 2018 le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès de son employeur en raison de faits de harcèlement moral. L'administration a gardé le silence sur ces demandes. Par un courrier du 25 juillet 2018, l'intéressé a par ailleurs demandé au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques réparation de la faute commise par l'administration consistant dans le refus d'octroi de la protection fonctionnelle ainsi sollicitée en vain, sur laquelle l'administration a également gardé le silence.

3. Par requêtes distinctes, M. D... a demandé au tribunal administratif de Pau la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 77 526,36 euros en réparation de son préjudice de rémunération, la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant des conditions d'accès et de l'incomplétude de son dossier administratif et la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice du fait du refus d'octroi de la protection fonctionnelle.

4. Par le jugement 1801747, 1901406 du 19 janvier 2019, ce tribunal, après avoir considéré que l'Etat avait commis une faute en refusant de lui accorder la protection fonctionnelle, a condamné l'Etat à prendre à sa charge la somme de 7 571 euros au titre des frais de procédure contentieuse tant dans son volet administratif que dans son volet pénal. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité les frais de procédure pénale pris en charge, en tant qu'il a rejeté ses autres prétentions indemnitaires fondées sur le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, et sur sa perte de rémunération.

Sur la responsabilité de l'Etat liée au refus d'octroi de la protection fonctionnelle :

5. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire (...) bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

6. L'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établit à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis.

7. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.

8. Pour retenir que la responsabilité de l'Etat était engagée pour ne pas avoir accordé à M. D... le bénéfice de la protection fonctionnelle, les premiers juges se sont fondés sur l'arrêt n° 15BX02175 de la cour rendu le 9 mai 2017, devenu définitif, condamnant l'Etat à verser à ce dernier une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices subis dans l'exercice de ses fonctions du fait des agissements de harcèlement moral de son ancien supérieur hiérarchique direct et une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance. Ils en ont déduit à bon droit que l'administration, qui était tenue de le protéger de ces agissements et de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il avait subis, avait commis une faute en lui refusant cette protection statutaire et en refusant de prendre en charge les frais de procédure contentieuse engagés par ce dernier tant devant le juge administratif que devant le juge pénal.

Sur la demande de prise en charge de la consignation afférente à la constitution de M. D... en tant que partie civile devant le juge pénal :

9. Les premiers juges, qui ont condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 7 571 euros correspondant à des frais de procédure contentieuse restés à sa charge, déduction faite de la somme de 1 500 euros allouée par la cour dans son arrêt du 9 mai 2017 au titre des frais d'instance, ont néanmoins retranché de la somme allouée, 1 300 euros correspondant à deux consignations versées par ce dernier et afférentes à sa constitution en tant que partie civile devant le juge pénal.

10. Aux termes de l'article 88 du code de procédure pénale : " Le juge d'instruction constate, par ordonnance, le dépôt de la plainte. En fonction des ressources de la partie civile, il fixe le montant de la consignation que celle-ci doit, si elle n'a obtenu l'aide juridictionnelle, déposer au greffe et le délai dans lequel elle devra être faite sous peine de non-recevabilité de la plainte. Il peut dispenser de consignation la partie civile. ". Aux termes de l'article 88-1 du même code : " La consignation fixée en application de l'article 88 garantit le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée en application de l'article 177-2. / La somme consignée est restituée lorsque cette amende n'a pas été prononcée par le juge d'instruction ou, en cas d'appel du parquet ou de la partie civile, par la chambre de l'instruction. ". Enfin, en vertu de son article 177-2 précité : " Lorsqu'il rend une ordonnance de non-lieu à l'issue d'une information ouverte sur constitution de partie civile, le juge d'instruction peut, (...) par décision motivée, s'il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, prononcer contre la partie civile une amende civile (...). / Cette décision peut être frappée d'appel par la partie civile dans les mêmes conditions que l'ordonnance de non-lieu. (...) ".

11. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir en appel qu'il était tenu de refuser la protection fonctionnelle sollicitée par M. D... pour un motif d'intérêt général tenant, d'une part, au souci de la gestion des deniers publics faisant obstacle au financement d'actions pénales vouées à l'échec et, d'autre part, au bon fonctionnement du service public de la justice au motif que les deux consignations versées par l'intéressé afférente à sa constitution en tant que partie civile dans le cadre du dépôt de plaintes contre son ancien supérieur hiérarchique avaient nécessairement été restituées à M. D... suite au rejet de ses plaintes pénales, faute pour ce dernier d'établir s'être vu infliger une amende civile en application de l'article 177-2 du code de procédure pénale. Le ministre produit à cet effet l'arrêt du 23 mars 2021 rendu par la cour d'appel de Pau confirmant l'ordonnance de non-lieu rendue le 7 juin 2017 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Bayonne sur la plainte déposée par M. D... avec constitution de partie civile, pour des faits de harcèlement moral subis de la part de son ancien supérieur hiérarchique direct, et condamnant M. D... au paiement d'une somme de 169 euros au titre des droits fixes de procédure, ainsi que l'ordonnance de non-lieu du 4 octobre 2021 suite à la plainte déposée le 13 décembre 2018 par l'intéressé contre son ancien supérieur hiérarchique avec constitution de partie civile pour des faits de dénonciation calomnieuse.

12. Si les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 n'ont pas pour effet de contraindre l'administration à prendre à sa charge, dans tous les cas, l'intégralité des frais engagés par l'agent dans le cadre de poursuites judiciaires qu'il a lui-même introduites, la seule circonstance que les frais litigieux pourraient lui être remboursés à l'issue de la procédure en cause n'est pas de nature, à elle seule, à justifier tout refus de prise en charge de ces frais.

13. En l'espèce, si l'administration fait valoir qu'il ne lui appartient pas de financer des actions en justice manifestement vouées à l'échec, il résulte toutefois des pièces produites par l'appelant en cours d'instance et en particulier de l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la Cour de cassation, saisie du pourvoi de M. D... contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau ayant rejeté sa plainte pénale pour harcèlement moral, que ce pourvoi portait sur une question d'application de la loi utile à sa défense et ne pouvait ainsi être regardé comme manifestement dépourvu de toute chance de succès. M. D... a par ailleurs interjeté appel de l'ordonnance de non-lieu rendue dans le cadre de sa plainte pénale pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de son ancien supérieur hiérarchique direct, de sorte qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 88-1 du code de procédure pénale que la consignation n'est restituée, en cas d'appel, que par la chambre d'instruction. Par ailleurs, il est toujours loisible à l'administration de demander à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle le reversement des frais qu'elle a pris en charge, en particulier au titre de la consignation prévue à l'article 88 du code de procédure pénale, dans l'hypothèse où ces frais ont été remboursés à l'agent ou si la procédure que ce dernier a engagée est, en définitive, considérée comme dilatoire ou abusive.

14. Dans ces conditions, le souci de bonne gestion des deniers publics de l'administration, pour ne pas prendre à sa charge des frais de procédure dans le cadre de poursuites pénales vouées à l'échec, ne peut constituer, dans les circonstances de l'espèce, un motif d'intérêt général autorisant le refus de la protection fonctionnelle opposé à M. D.... Par suite, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retranché la somme de 1 300 euros correspondant aux deux consignations afférentes à sa constitution en tant que partie civile devant le juge pénal.

Sur la demande de prise en charge de frais de procédure engagés postérieurement au jugement attaqué :

15. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que le montant total de l'indemnisation sollicitée devant le tribunal administratif par M. D... s'élevait à 9 871 euros au titre des frais de procédure contentieuse tant dans son volet administratif que dans son volet pénal. Si sa demande de prise en charge par l'Etat d'un montant de 360 euros de frais d'assistance de son avocat dans le cadre de son audition ayant eu lieu le 5 novembre 2019 qu'il a dû acquitter, et de la somme de 169 euros à laquelle il a été condamné au titre des droits fixes de procédure par l'arrêt du 23 mars 2021 de la cour d'appel de Pau est nouvelle en appel, ces frais de procédure, qui sont établis, ont été mis à sa charge postérieurement au jugement attaqué, et se rattachent aux conséquences dommageables du même fait générateur que ses autres prétentions. Par suite, M. D... est recevable et fondé à solliciter la prise en charge par l'Etat de la note d'honoraires de 360 euros au titre des frais d'assistance de son avocat dans le cadre de son audition ayant eu lieu le 5 novembre 2019. En revanche, s'il résulte de l'instruction et en particulier des pièces produites par le requérant, que la somme de 169 euros a été mise à sa charge au titre des droits fixes de procédure par l'arrêt du 23 mars 2021 de la cour d'appel de Pau, celui-ci a été annulé en toutes ses dispositions par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt n°00649 du 31 mai 2022. Par suite, il n'y a plus lieu de faire droit à la demande de prise en charge de ces derniers frais par l'Etat, présentée par M. D....

Sur les préjudices financier et moral résultant de la persistance d'une situation de harcèlement moral :

16. M. D... soutient que, depuis l'arrêt de la cour du 9 mai 2017, le refus persistant de l'administration de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle constitue un acte de harcèlement moral s'inscrivant dans la continuité du comportement fautif de l'administration à son égard qui est à l'origine d'une souffrance morale et de troubles dans ses conditions d'existence.

17. A la suite de la condamnation de l'Etat pour des faits de harcèlement moral alors que M. D... était en poste à la brigade de contrôle et de recherches de Bayonne entre 2009 et 2011, par l'arrêt n° 15BX02175 de la cour du 9 mai 2017, devenu définitif et qui a été exécuté par l'administration, il résulte de l'instruction qu'en persistant à lui refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les faits de harcèlement moral subis malgré six demandes réitérées entre le 23 août 2017 et le 19 janvier 2018, dont elle a accusé réception, l'administration a fait preuve à l'encontre de l'intéressé d'une mauvaise volonté persistante en gardant le silence sur celles-ci. La circonstance retenue, par le jugement attaqué, que M. D... a été indemnisé par la cour dans son arrêt du 9 mai 2017 et que cette décision a été exécutée par l'administration est sans incidence sur son droit à réparation, dès lors que le fait générateur de cette nouvelle demande indemnitaire est non l'illégalité de la décision implicite de refus de la protection fonctionnelle mais la situation de harcèlement moral qui perdure à son encontre depuis 2010. La circonstance que M. D... n'établirait pas de nouveaux faits de harcèlement est également sans incidence alors qu'au demeurant il a sollicité la protection fonctionnelle quelque mois après l'arrêt de la cour du 9 mai 2017.

18. Compte-tenu de la réitération de ces faits, qui ont perduré pendant des années et, par suite, du fait que le requérant a dû à plusieurs reprises entreprendre des actions contentieuses tant devant le juge administratif que devant le juge pénal, toutes choses qui, comme il le fait valoir, ont contribué à réactiver son anxiété, il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros, tous intérêts compris.

19. En revanche, et dès lors que, par un arrêt de la cour du même jour rendu sous le n° 20BX00805, les conclusions présentées par M. D... tendant à la condamnation de l'Etat à indemniser son préjudice financier lié à la perte de rémunération subie du fait de la carence fautive de l'administration ont été rejetées, les conclusions présentées à cette fin par M. D... dans la présente instance et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, ne peuvent être accueillies.

20. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que, d'une part, c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a limité la prise en charge par l'Etat des frais de procédure contentieuse à la somme de 7 571 euros et a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence résultant de la persistance d'une situation de harcèlement moral consécutive au refus réitéré d'octroi de la protection fonctionnelle et, d'autre part, à demander l'indemnisation des frais de procédure qu'il a acquittés postérieurement au jugement attaqué à hauteur de la somme totale de 360 euros.

Sur les frais d'instance :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 7 571 euros que l'Etat a été condamnée à verser à M. D... au titre de la prise en charge des frais de procédure contentieuse devant le juge administratif et devant le juge pénal est portée à la somme de 9 231 euros.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. D... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le jugement n°1801747, 1901406 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Didier Artus, président de la 3ème chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Agnès B...Le président,

Luc DEREPAS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX00888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX00888
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCPA MENDIBOURE-CAZALET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;20bx00888 ?
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