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15/02/2023 | FRANCE | N°21BX01191

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 février 2023, 21BX01191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'organisme de formation CD+ Formation - Caroline K..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision OF n° 2018-04 du 13 juillet 2018 par laquelle le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, préfet de la Gironde, lui a fait obligation de verser au Trésor public la somme totale de 57 343,80 euros pour défaut de justification d'actions de formation professionnelle et utilisation de documents de nature à obtenir indûment la prise en charge du prix de prestations de formation professio

nnelle.

Par un jugement n° 1804010 du 31 décembre 2020, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'organisme de formation CD+ Formation - Caroline K..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision OF n° 2018-04 du 13 juillet 2018 par laquelle le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, préfet de la Gironde, lui a fait obligation de verser au Trésor public la somme totale de 57 343,80 euros pour défaut de justification d'actions de formation professionnelle et utilisation de documents de nature à obtenir indûment la prise en charge du prix de prestations de formation professionnelle.

Par un jugement n° 1804010 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 13 juillet 2018 du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine en tant qu'elle ordonne le versement au Trésor public d'une somme excédant 42 962,40 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mars 2021 et le 10 décembre 2021, l'organisme de formation CD+ Formation - Caroline K..., représenté par Me Armand-Dubourg, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler la décision OF n° 2018-04 du 13 juillet 2018 par laquelle le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, préfet de la Gironde, lui a fait obligation de verser au Trésor public la somme totale de 57 343,80 euros pour défaut de justification d'actions de formation professionnelle et utilisation de documents de nature à obtenir indûment la prise en charge du prix de prestations de formation professionnelle ;

3°) de mettre à la charge de l'administration fiscale la somme de 5 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée à défaut d'avoir pris en compte les éléments apportés afin de démontrer la réalité des formations dispensées au cours de la procédure contradictoire ;

- l'administration n'a pas pris en compte les éléments de justification qui ont été produits, entachant sa décision d'un défaut d'examen particulier ;

- en estimant que les formations facturées n'avaient pas été effectuées, l'administration a entaché sa décision d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation, l'ensemble des documents établissant la réalité des formations dispensées pour chaque stagiaire ayant été produite à l'administration ; le tribunal a commis des erreurs de fait en rejetant partiellement sa demande de décharge concernant les formations suivies par M. F... dont les documents produits établissent la réalité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 juillet 2021 et le 14 décembre 2021, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J... L...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Armand-Dubourg représentant l'organisme de formation (OF) CD+ Formation - Caroline K....

Considérant ce qui suit :

1. L'organisme de formation (OF) CD+ Formation - Caroline K... exerce une activité de prestataire de formation professionnelle continue pour adultes, enregistrée auprès de l'administration depuis le 3 novembre 2011. En application des articles L. 6361-1 et suivants du code du travail, cet organisme a fait l'objet d'un contrôle sur place de cette activité par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine pour la période du 1er janvier 2015 au 30 avril 2017. Par une décision n° OF 2018-04 du 13 juillet 2018, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, préfet de la Gironde, a fait obligation à l'OF CD+ Formation - Caroline K..., sur le fondement des articles L. 6362-7-1 et L. 6362-7-2 du code du travail, de verser au Trésor public la somme totale de 57 343,80 euros pour ne pas avoir justifié de la réalité d'actions de formation professionnelle continue facturées et pour utilisation de documents de nature à obtenir indûment la prise en charge du prix des prestations de formation correspondantes. L'organisme de formation CD+ Formation - Caroline K... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette décision. Par un jugement du 31 décembre 2020, le tribunal a annulé cette décision en tant qu'elle ordonne le versement au Trésor public d'une somme excédant 42 962,40 euros et a rejeté le surplus des conclusions. L'OF CD+ Formation - Caroline K... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par son jugement du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 13 juillet 2018 en tant qu'elle ordonne le versement au Trésor public d'une somme excédant 42 962,40 euros. En l'absence de conclusions d'appel incident présentées par le ministre chargé du travail à l'encontre de ce jugement, la requête d'appel présentée par l'organisme de formation CD+ formation - Caroline K... doit être regardée comme dirigée contre la décision précitée en tant qu'elle maintient le versement par la requérante d'une somme égale à 42 962,40 euros au Trésor public.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, la décision du 13 juillet 2018 en litige qui rappelle les textes dont elle fait application, expose en plus de 70 pages de façon particulièrement précise et détaillée les résultats du contrôle, analyse les documents et explications apportés par l'organisme requérant au cours du contrôle et indique pour chacune des formations concernées, les raisons pour lesquelles ceux-ci, au regard des éléments recueillis et des incohérences relevées par les vérificateurs, n'étaient pas suffisamment probants pour établir la réalité des actions de formation dont il est ordonné le remboursement et l'utilisation intentionnelle de documents à des fins indues au sens de l'article L. 6362-7-2 précité du code du travail. Dans ces conditions et alors que l'administration n'était pas tenue de répondre à chacun des arguments opposés par l'organisme requérant, la décision contestée, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

4. En second lieu, il ressort de la motivation précise et circonstanciée de la décision en litige que l'administration s'est livrée à un examen particulier et sérieux de l'ensemble des éléments qui ont été produits par l'organisme requérant au cours de la procédure contradictoire pour justifier de ses actions de formation. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier qui résulterait de l'absence de prise en compte de certains éléments produits par l'organisme requérant ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. D'une part, en application de l'article L. 6361-2 du code du travail, l'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les activités en matière de formation professionnelle continue conduites, notamment, par les organismes de formation. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 6361-3 de ce code, ce contrôle " porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en œuvre pour la formation professionnelle continue ". En application des articles L. 6362-5 et L. 6362-7 du même code, les organismes de formation sont tenus " de justifier le rattachement et le

bien-fondé " des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue et, à défaut, font l'objet d'une décision de rejet des dépenses considérées et versent au Trésor public une somme égale au montant des dépenses ainsi rejetées. Notamment, aux termes de l'article R. 6332-26 de ce code dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les employeurs ou les prestataires de formation adressent aux organismes collecteurs qui en font la demande une copie des feuilles d'émargement à partir desquelles sont établies les attestations de présence. Ces feuilles d'émargement font partie des documents que les organismes collecteurs sont tenus de produire aux agents chargés du contrôle prévu aux articles L. 6362-5 à L. 6362-7. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 6362-6 du code du travail : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1. ". L'article L. 6354-1 du même code dispose par ailleurs que : " En cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait. ". Enfin, aux termes de l'article L. 6362-7-1 dudit code : " En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués. ".

7. Il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par l'organisme de formation, sur lequel pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge, la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue au regard des dispositions précitées du code du travail.

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des observations très détaillées et circonstanciées qui fondent la décision contestée du 13 juillet 2018, que l'agent de la DIRECCTE a procédé au contrôle de l'activité de l'organisme requérant au titre des années 2015, 2016 et 2017 en examinant précisément chacune des actions menées au cours de cette période pour les différents stagiaires concernés, et ce, pour des prestations s'inscrivant dans le cadre de la formation continue, en prenant connaissance des conventions conclues entre le client et l'organisme de formation, Pôle emploi et les organes co-financeurs. Pour vérifier la réalité des prestations que l'organisme requérant déclarait avoir dispensées, l'agent de contrôle a eu notamment accès aux feuilles d'émargement, aux programmes de formation, aux devis, aux factures et aux attestations de formation. Il a été relevé, pour chacun des stagiaires concernés par les actions litigieuses (formation de formateur pour adultes : MM. et Mmes A..., B..., Bougrinat, Bourgues, Brouillet, F..., Hernandez, Leclerc, Le Prevost, Puech, Schwerfeyer, Tastes, Trebucq et Voisin ; formation d'assistante de vie aux familles et d'auxiliaire de vie sociale : Mmes M..., Diniz, Faisseau, Monsalvo, Pires et Crozes ; bilan de compétences : Mmes G... et Vasse ; formation informatique et bureautique : M. H... et Mme I... ; formation d'aide-soignante : Mme C... ; formation de responsable de secteur : Mme D...), que les attestations de formation, les conventions et les feuilles d'émargement, pour nombre d'entre elles, ne pouvaient être tenues pour des éléments probants compte tenu de l'existence d'anomalies.

9. Lors du contrôle sur place, il a ainsi été constaté que 709 journées de formation avaient été dispensées à 358 dates distinctes entre le 11 juin 2015 et le 9 décembre 2016, impliquant deux, voire trois ou plus, formations différentes dispensées simultanément sur certaines journées. L'organisme requérant fait valoir que Mme K..., seule formatrice de l'organisme, pouvait passer d'un stagiaire à l'autre " pendant les pauses " et surtout que la méthode dite " activation du développement vocationnel et personnel " (ADVP) consistant à faire dispenser des formations par des stagiaires " apprenant formateur ", lesquels bénéficient par cette méthode d'une mise en situation concrète, lui permettait d'assurer plusieurs formations simultanées. Toutefois, l'organisme requérant qui explique mettre en œuvre de manière globale et générale cette méthode dite " ADVP " pour assurer les diverses formations dont il a la charge, n'en a jamais fait mention au cours du contrôle et aucun des éléments du dossier ne permet de connaître précisément les formations qui auraient été concernées par cette méthode ni d'en vérifier les conditions de mise en œuvre. Il en va notamment ainsi pour la formation de formateur en secourisme qu'aurait suivie M. F... à la FMR de Blaye en tant qu'observateur les 12, 13 et 14 décembre 2016 alors que, ainsi que l'a relevé le tribunal, la feuille d'émargement concernant M. F..., versée au dossier par l'organisme, mentionne sa présence au centre de formation de Pessac à ces dates. Par ailleurs, d'autres anomalies ont été relevées par l'agent de contrôle qui tiennent, d'une part, à l'existence d'incohérences entre le nombre d'heures mentionnées sur la feuille d'émargement et les heures facturées, à l'existence de contradictions quant à la durée réelle de la formation dispensée ainsi qu'à la présence d'une signature différente sur la feuille d'émargement signée par le formateur de celle apposée sur la convention. Il est constant que, sur ces différents points, l'organisme requérant n'a pas été en mesure, pendant la phase contradictoire suivant le rapport de contrôle, de produire de nouveaux justificatifs permettant de prouver que les prestations qu'il avait facturées étaient réelles. Les attestations sur l'honneur de bénéficiaires de formation signées en novembre 2021, lesquelles apparaissent avoir été pré-rédigés par l'organisme requérant pour les besoins de la cause, ne permettent en aucune façon de remettre en cause les constats précis établis par l'agent de contrôle quant à la non justification par cet organisme de la réalité des actions de formation facturées. De plus, alors que les bilans pédagogiques et financiers de l'organisme de formation ne mentionnent que Mme K... en tant que formateur, les documents joints au dossier attestant notamment de l'emploi comme " formatrice " de Mmes E... et Pozzo et du recours à Mme B... comme formatrice bénévole ne suffisent pas à justifier de leur présence aux dates et lieux des formations en litige. Enfin, la certification Qualopi obtenue par l'organisme requérant n'est pas de nature à remettre en cause les constatations de l'inspecteur du travail. Il s'ensuit que les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'organisme requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'organisme requérant au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'organisme de formation CD+ Formation-Caroline K... une somme de 1500 euros à verser à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'organisme de formation CD+ Formation - Caroline K... est rejetée.

Article 2 : L'organisme de formation CD+ Formation - Caroline K... versera à l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'organisme de formation CD+ Formation - Caroline K... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera délivrée pour information au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2023.

La rapporteure,

Caroline L...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX01191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01191
Date de la décision : 15/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : ARMAND-DUBOURG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-15;21bx01191 ?
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