La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2023 | FRANCE | N°21BX02067

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 février 2023, 21BX02067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 23 avril 2019 par lequel le recteur de l'académie de La Réunion l'a licencié pour insuffisance professionnelle à compter du 12 mai 2019, de condamner le rectorat à lui verser une somme correspondant au rattrapage de ses salaires, une somme de 40 194,75 euros pour le rattrapage de ses salaires à la suite de son premier licenciement, une somme de 1 278,25 euros au titre de la correction de son indemnité de licenciement, e

t une compensation en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 23 avril 2019 par lequel le recteur de l'académie de La Réunion l'a licencié pour insuffisance professionnelle à compter du 12 mai 2019, de condamner le rectorat à lui verser une somme correspondant au rattrapage de ses salaires, une somme de 40 194,75 euros pour le rattrapage de ses salaires à la suite de son premier licenciement, une somme de 1 278,25 euros au titre de la correction de son indemnité de licenciement, et une compensation en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il allègue avoir été victime, et d'enjoindre au recteur de procéder à sa réintégration et de lui fournir un état des services exempt d'erreurs.

Par un jugement n° 1900825 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la rectrice de l'académie de la Réunion à verser à M. B... une somme complémentaire de 411,58 euros au titre de son indemnité de licenciement, a enjoint à la rectrice de lui délivrer un état de services rectifié et l'attestation destinée à Pôle emploi et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2021 et le 16 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Daguerre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 mars 2021 en tant qu'il rejette le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de La Réunion du 23 avril 2019 ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il allègue avoir été victime, une somme de 1 278,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement qui lui est due et une somme de 40 194,75 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la mesure de licenciement prononcée à son encontre en 2010 ;

4°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de La Réunion de le réintégrer dans ses fonctions, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son licenciement a été prononcé à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter pleinement ses observations orales au cours de la séance du conseil de discipline, et qu'il n'a pas été tenu compte des observations contenues dans son courriel ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; aucun élément de son dossier ne révèle une quelconque inaptitude professionnelle ;

- il a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral depuis 2004 ; dès cette date, il a été victime de convocations à répétition, d'une baisse de sa note administrative et d'inspections visant à lui nuire ; il a par ailleurs été licencié pour insuffisance professionnelle en 2010 par une décision qui a été annulée ; depuis sa réintégration, la plupart des heures de cours qui lui étaient attribuées étaient en accompagnement ;

- ce harcèlement moral a été à l'origine de répercussion importantes sur son état de santé et a conduit à son licenciement ; cette situation préjudicie gravement à sa carrière ; il sera fait une juste appréciation de son préjudice en lui allouant une somme de 20 000 euros ;

- le rectorat devait lui verser une somme supplémentaire de 1 278,25 euros au titre de son indemnité de licenciement en application du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État ;

- il a droit à une indemnisation d'un montant de 40 194,75 euros au titre des préjudices qu'il a subis en raison de l'illégalité fautive de son licenciement en 2010.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2021, la rectrice de l'académie de La Réunion conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 84-196 du 19 mars 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Daguerre, représentant M. B....

Une note en délibéré présentée par Me Daguerre, pour M. B... a été enregistrée le 6 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., maître contractuel de l'enseignement privé en mathématiques depuis 1983, a été affecté dans l'académie de La Réunion à compter du 1er septembre 2006. Par une décision du 9 juillet 2010, le recteur de l'académie de La Réunion a licencié l'intéressé pour insuffisance professionnelle. Cette décision ayant été annulée par un jugement n° 1001156 du tribunal administratif de La Réunion du 29 septembre 2011, qui fait l'objet d'un appel rejeté par un arrêt n° 11BX03131 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 6 novembre 2012, M. B... a été réintégré dans ses fonctions par une décision du 20 novembre 2011, prenant effet rétroactivement au 18 août 2010. Par un arrêté du 23 avril 2019, le recteur de l'académie de La Réunion a pris une nouvelle décision de licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B.... L'intéressé a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler cet arrêté du 23 avril 2019 et de condamner le rectorat à lui verser une somme correspondant au rattrapage de ses salaires, une somme de 40 194,75 euros pour le rattrapage de ses salaires à la suite de son premier licenciement, une somme de 1 278,25 euros au titre de la correction de son indemnité de licenciement, et une compensation en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il allègue avoir été victime. Par un jugement du 17 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la rectrice de l'académie de La Réunion à lui verser une somme complémentaire de 411,58 euros au titre de son indemnité de licenciement, lui a enjoint de délivrer à M. B... un état des services rectifié et l'attestation destinée à Pôle emploi et a rejeté le surplus des demandes de l'intéressé. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 avril 2019 :

2. En premier lieu aux termes l'article R. 914-103 du code de l'éducation : " L'autorité académique peut, d'office ou sur saisine du chef d'établissement, en cas d'insuffisance professionnelle dûment constatée, prononcer, après avis motivé de la commission consultative mixte compétente, la résiliation du contrat ou le retrait de l'agrément. Les dispositions du troisième alinéa de l'article R. 914-102 sont applicables ". Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 914-102 de ce code : " La procédure devant la commission consultative mixte se déroule selon les règles fixées par le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État, à l'exception de ses articles 10 à 17 ". Aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " (...) Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...) Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer ". Enfin, aux termes de l'article 8 du même décret : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté des observations écrites préalablement à la séance du 29 janvier 2019 de la commission consultative paritaire mixte siégeant en formation disciplinaire, ainsi que des observations orales au cours de la séance. Ainsi et d'une part, il ressort des mentions du procès-verbal de la commission de discipline que M. B... a notamment pris la parole entre 10h14 et 11h15, puis entre 11h30 et 11h50, et en réponse aux différentes questions posées par les membres du conseil de discipline. Si l'intéressé a été interrompu par le président de la commission, qui estimait avoir entendu ses arguments, il a toutefois pu s'exprimer longuement et ainsi apporter les observations orales utiles à sa défense. D'autre part, à supposer que le contenu du courriel adressé préalablement à l'attention des membres de la commission n'ait pas été lu en séance, contrairement à ce que prévoit l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État, M. B... n'a été privé d'aucune garantie au regard du contenu de ce courriel, dont il a repris l'essentiel de l'argumentation devant le conseil de discipline. Pour les mêmes motifs, il ne peut être reproché aux membres de ce conseil de ne pas avoir pris en considération ses observations écrites, lesquelles ont été reprises à l'oral par le requérant lors de la séance du 29 janvier 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

4. En second lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé, s'agissant d'un agent contractuel, que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé.

5. Il ressort des pièces du dossier que, depuis 2005, des reproches récurrents, relevés notamment par les différents chefs d'établissement au sein desquels M. B... a enseigné, ont été adressés à ce dernier tenant à l'absence de respect des programmes, un manque de pédagogie, des relations conflictuelles avec certains parents d'élèves ou encore une incapacité de l'intéressé à se remettre en cause et à prendre en compte les conseils qui lui sont prodigués. Ces éléments ont d'ailleurs conduit à une première décision de licenciement pour insuffisance professionnelle en 2010, laquelle a été annulée pour vice de forme. Les rapports d'inspection émis depuis la réintégration de M. B... par la décision du 20 novembre 2011, qui ont été établis par des inspecteurs d'académie distincts, relèvent notamment des réponses floues et approximatives aux questions des élèves ne permettant pas à ces derniers de surmonter les difficultés rencontrées et indiquent que les conditions nécessaires aux apprentissages " ne sont absolument pas remplies ". Ces deux rapports, émis le 3 avril 2012 et le 2 février 2018, soit à six années d'intervalle, font état d'une absence de remise en cause par M. B... de ses pratiques professionnelles, lequel refuse tout accompagnement professionnel en estimant un tutorat " humiliant ", et concluent que les " compétences professionnelles essentielles au métier d'enseignant ne sont pas maîtrisées ". Si M. B... se prévaut de précédents rapports d'inspection, lesdits rapports, qui ne sont d'ailleurs pas exempts de remarques sur les méthodes d'enseignement de l'intéressé et dont il ne verse au dossier que des versions partiellement tronquées, sont anciens, alors que d'autres rapports d'inspection plus récents, soulignaient déjà les difficultés professionnelles rencontrées par le requérant. Ainsi, le recteur de l'académie de La Réunion a pu se fonder sur ces différents éléments, qui ont été relevés pour les différents postes occupés par M. B... et dans différentes académies, pour estimer qu'ils révélaient l'inaptitude de ce dernier à exercer les fonctions de maître contractuel de mathématiques pour lesquelles il a été recruté, alors même que l'intéressé aurait fait l'objet de bonnes notations, notamment de manière récente pour l'année 2015-2016 et qu'il aurait été apprécié de certains de ses élèves.

Sur la responsabilité de l'État à raison d'agissements de harcèlement moral :

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. M. B... fait valoir qu'il est victime d'agissements de harcèlement moral depuis 2003, année lors de laquelle le chef de l'établissement dans lequel il était affecté dans l'académie de Nantes aurait cherché à l'évincer, cette attitude se manifestant par des convocations à répétition, la baisse de sa note administrative et la réalisation d'inspections visant à lui nuire, ainsi qu'une tentative de licenciement qui n'a pas abouti. Il soutient également qu'après son changement d'académie, il a dû subir deux inspections académiques en deux ans, a fait l'objet d'une nouvelle procédure de licenciement en 2010, et que depuis sa réintégration, qui a fait suite à l'annulation de la décision de licenciement du recteur de l'académie de La Réunion par la juridiction administrative, il ne lui a été octroyé que des heures de cours " en accompagnement ", qu'il s'est vu infliger des reproches injustifiés et a été suspendu à deux reprises de ses fonctions de manière infondée. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les reproches adressés à M. B... par différents chefs d'établissement de diverses académies étaient fondés sur les lacunes professionnelles constatées de manière constante depuis 2004. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le nombre et le caractère répété des inspections dont M. B... a fait l'objet aient été justifiés par d'autres motifs que l'intérêt du service et les insuffisances mises en évidence dans les précédents rapports d'inspection, ces inspections ne sauraient être regardées comme ayant été diligentées afin de lui nuire. Par ailleurs, la réduction du nombre d'heures d'enseignement à l'issue de la réintégration du requérant et la mise en place d'un accompagnement par un collègue, qui n'a au demeurant pas pu aboutir en raison de différends relationnels entre cet enseignant et M. B..., lequel jugeait un tel accompagnement humiliant, ne peuvent être considérés comme vexatoires au regard du contexte de cette réintégration, intervenue à la suite d'une annulation contentieuse pour vice de forme de la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle prise à son encontre. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les supérieurs hiérarchiques successifs de M. B... auraient adopté à son égard une attitude excédant l'exercice normal de leur pouvoir hiérarchique, les faits relevés par le requérant ne peuvent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral, et ne sont ainsi pas de nature à engager la responsabilité de l'État.

Sur l'indemnité de licenciement :

8. Aux termes de l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée à l'agent recruté pour une durée indéterminée ou à l'agent recruté pour une déterminée et licencié avant le terme de son contrat (...) ". Aux termes de l'article 53 de ce décret : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires (...) ". Aux termes de l'article 54 du même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle (...). Pour l'application de cet article, toute fraction de services supérieure ou égale à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de services inférieure à six mois sera négligée ". Et enfin, selon l'article 55 de ce décret : " L'ancienneté prise en compte pour le calcul du montant de l'indemnité définie à l'article 54 est décomptée à partir de la date à laquelle le contrat a été initialement conclu jusqu'à la date d'effet du licenciement, compte tenu, le cas échéant, des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis. Lorsque plusieurs contrats se sont succédé auprès du même employeur sans interruption ou avec une interruption n'excédant pas deux mois et que celle-ci n'est pas due à une démission de l'agent, la date initiale à prendre en compte est la date à laquelle le premier contrat a été conclu. / Les services ne peuvent être pris en compte lorsqu'ils ont été retenus dans le calcul d'une précédente indemnité de licenciement. (...) ".

9. Il ressort de l'état des services de M. B... du 4 septembre 2019 versé au dossier que l'intéressé a commencé à exercer des fonctions de maître contractuel de l'enseignement privé le 1er février 1983 et que ces fonctions ont pris fin le 11 mai 2019. En application de l'article 55 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État, il y a lieu de retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement une durée de service de 34 ans, 8 mois et 7 jours dès lors qu'une interruption de plus de deux mois est notamment intervenue entre la fin du contrat de M. B... le 8 avril 1984 et le début de son nouveau contrat le 4 septembre 1984. Il convient par ailleurs de retrancher de cette durée, ainsi que le soutient le requérant lui-même, les quinze années retenues pour le calcul de l'indemnité que M. B... a perçue à la suite de son licenciement en 2010, soit une durée de service de 19 ans, 8 mois et 7 jours, arrondie à 20 ans par l'effet des dispositions de l'article 54 de ce décret. Par ailleurs, la rémunération de base qui doit être prise en compte s'élève à 2 469, 48 euros et ne comprend donc pas les indemnités versées à l'agent, dont notamment l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves d'un montant de 101,12 euros versée à M. B... sur son dernier bulletin de salaire.

10. Au regard de ces éléments, l'indemnité de licenciement de M. B... se calcule ainsi : 2 469,48 /2 x 12 ans, et 2 469,48/3 x 8 ans, soit un total de 21 402,16 euros, qui doit être divisée par deux en application de l'article 54 du décret du 17 janvier 1986, M. B... ayant été licencié pour insuffisance professionnelle. Ainsi, l'intéressé avait droit à une indemnité de 10 701,08 euros, dont il résulte de l'instruction qu'elle lui a été intégralement versée. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander le versement d'une somme complémentaire au titre de son indemnité de licenciement.

Sur l'indemnisation du préjudice financier subi à la suite de la décision du 9 juillet 2010 :

11. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

12. Par un arrêt n° 11BX03131 du 6 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré que la décision du 9 juillet 2010 par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion a prononcé le licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle était illégale pour défaut de motivation. A supposer que la même décision n'aurait pas pu légalement intervenir en 2010, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que M. B... a perçu, à la suite de cette décision de licenciement, une indemnité de licenciement d'un montant de 24 555,71 euros, ainsi que l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour un montant total de 27 364,64 euros pour la période de septembre 2010 à novembre 2011, représentant une somme totale de 51 920,35 euros, dont le requérant n'allègue pas qu'elle aurait donné lieu en tout ou partie à remboursement. Ainsi, alors que contrairement à ce que l'intéressé soutient, ces sommes doivent être déduites, pour calculer le montant de l'indemnisation à laquelle un agent a droit, de la somme qu'il aurait pu percevoir au cours de sa période d'éviction, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'une somme de 40 194,75 euros doit lui être versée au titre du préjudice financier qu'il a subi entre le 18 août 2010 et le 4 décembre 2011, laquelle est entièrement couverte par les indemnités d'un montant total de 51 920,35 euros lui ayant déjà été versées. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire présentée par M. B... à ce titre.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par M. B..., que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté le surplus de ses demandes. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.

La rapporteure,

Charlotte A...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX02067 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02067
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET FERRANT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-23;21bx02067 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award