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14/03/2023 | FRANCE | N°21BX01065

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 14 mars 2023, 21BX01065


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 7 Actifs a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2014.

Par un jugement n° 1900905 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés

les 10 mars et 19 novembre 2021, et le 9 février 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 7 Actifs a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2014.

Par un jugement n° 1900905 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 10 mars et 19 novembre 2021, et le 9 février 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) 7 Actifs, représentée par Me Barrois, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900905 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 31 913 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un contribuable est libre de modifier son argumentation entre la phase contentieuse et la phase précontentieuse ; la circonstance qu'il donne un accord implicite ou explicite n'entraine pas nécessairement l'inapplication de la jurisprudence " Seamobile " du Conseil d'Etat en date du 22 octobre 2012 ; la charge de la preuve pèse sur l'administration fiscale ;

- en tout état de cause, elle apporte la preuve du caractère exagéré des rappels d'imposition mis à sa charge à la suite de la vérification de comptabilité ;

- la méthode de reconstitution utilisée par l'administration pour fonder les rappels est viciée ; la méthode de reconstitution de l'administration est synthétique, moins précise que les écritures comptables ; elle ne fournit aucun détail de calcul, ni même une explication suffisante permettant de retrouver son calcul ; pour les années 2012 et 2013, le vérificateur n'a pas rejeté la comptabilité de la société ; le service devait s'appuyer sur les encaissements effectifs afin de déterminer le montant de l'écart avec le chiffre d'affaires déclaré sur les déclarations de TVA (CA 3) ;

- s'agissant de la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2014, le tribunal a considéré à tort qu'elle avait accepté le redressement et qu'en l'absence de comptabilité probante, la charge de la preuve lui incombait ; le service n'a pas détaillé les opérations susceptibles d'être exonérées ou de bénéficier du taux réduit de TVA ; elle a une partie de son activité exonérée de TVA en vertu de l'article 261, C du code général des impôts qui fixe une liste limitative d'opérations de nature bancaire ou financière parmi lesquelles: les opérations relatives au crédit, les opérations sur titres et valeurs mobilières, les gestions des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), des fonds d'investissement alternatifs (FIA) et des fonds communs de créances ou de titrisation ;

- elle a une partie de son activité soumise au taux réduit de 8,5 % puisqu'elle facture des prestations à des entreprises situées dans les départements d'outre-mer ce qui justifie l'application de ce taux prévu par l'article 296, 1° du code général des impôts ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve qu'elle a effectivement bénéficié d'une diminution des rappels de TVA après avoir pris en compte la partie du chiffre d'affaires exonérée ou relevant d'un taux réduit ;

- l'administration n'a pas pointé le chiffre d'affaires régulièrement déclaré à la TVA en le comparant avec les encaissements réels avec ou sans TVA (pour la partie exonérée), avec un taux réduit, ou qui serait de simples remboursements de frais ; elle pouvait exercer un droit de communication auprès de ses clients pour identifier le taux de TVA applicable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 septembre 2021, 28 novembre 2022 et 14 février 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

-les moyens soulevés par la société 7 Actifs ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Barrois, représentant la société 7 actifs.

Considérant ce qui suit :

1. La société 7 Actifs, qui exerce une activité de négociation de produits financiers, de conseil et d'agent immobilier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a procédé à des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2014 pour un montant total de 31 912 euros, en droits et pénalités, au motif d'une insuffisance de déclaration des recettes. La réclamation contentieuse formée le 29 décembre 2017 a fait l'objet d'un rejet implicite. La société 7 Actifs relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de TVA et des pénalités y afférentes mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2014.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti en tant que tel. (...) ". Aux termes du 1. de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée:/ a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) " et de l'article 269 du même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où (...) la prestation de services est effectué (...)/ 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services, (...) lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur autorisation du directeur des services fiscaux, d'après les débits. ".

En ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

4. Lorsque le contribuable n'est pas en situation d'imposition d'office et qu'il peut se prévaloir d'une comptabilité régulière, sincère et probante, la charge de la preuve du caractère insuffisant de ses déclarations pèse normalement sur l'administration, sauf lorsque l'intéressé a donné son accord à la rectification ou s'est abstenu d'y répondre dans le délai légal. En l'espèce, il résulte de l'instruction que par un courrier du 11 décembre 2014 ayant pour objet de répondre à la proposition de rectification du 13 novembre 2014, le gérant de la société requérante a indiqué que " Pour la période du 01/01/2011 au 31/12/2011 : Absence de rectification-pas de contestation applicable./ Pour la période du 01/01/2012 au 31/12/2012 : Rectification pour 12 764 € - pas de contestation applicable./ Pour la période du 01/01/2013 au 31/12/2013 : Rectification pour 24 147 €- Contestation du montant pris en compte dans le cadre de votre rectification.(...)- Pour la période du 01/01/2014 au 31/03/2014 : Rectification pour 1 450 € -Pas de contestation applicable, la récupération de la TVA déductible non retenu dans votre calcul se fera sur les déclarations ultérieures. ". Par suite, il résulte des termes mêmes de la lettre du 11 décembre 2014, qui sont sans équivoque, que la société 7 Actifs a accepté les rappels de TVA en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, sans qu'elle puisse utilement soutenir qu'elle est en droit de modifier sa position sur les redressements notifiés, au cours de la phase contentieuse. Dans ces conditions, il lui revient d'en établir le caractère exagéré.

5. En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que d'autres contribuables auraient bénéficié d'un renversement de la charge de la preuve dans des situations comparables à la sienne est sans influence sur la solution du litige opposant la société 7 Actifs à l'administration, qui est tenue d'appliquer la loi fiscale.

6. En dernier lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de la comptabilité, l'administration fiscale a constaté qu'au titre de l'année 2012, la société 7 Actifs n'avait pas mentionné dans les déclarations CA3 l'ensemble des produits et recettes encaissés et a réévalué le montant du chiffres d'affaires réalisé, à partir des opérations inscrites en comptes de produits 706 et 706100, celles inscrites en acomptes ou créances irrécupérables et les sommes encaissées sur le compte bancaire ouvert au nom de la société au Crédit industriel et commercial (CIC). Pour évaluer la taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible sur les prestations réalisées, l'administration s'est fondée sur le chiffre d'affaires ainsi reconstitué, pour retenir un montant de TVA brute non déclarée de 21 310 euros, ramené à la somme de 12 764 euros, après déduction de la TVA omise, en application des articles 205 et 206 de l'annexe II au code général des impôts. Pour contester ce rappel de TVA, la société se borne à soutenir que les écarts constatés ne sont pas suffisamment détaillés et que certaines prestations pouvaient se voir appliquer une exonération ou un taux réduit de TVA, sans produire aucun élément de nature à contester utilement les insuffisances de déclaration redressées, qu'elle avait, au demeurant, préalablement acceptées par lettre du 11 décembre 2014. Le moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2014 :

7. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". En application de ces dispositions, il incombe au contribuable d'établir l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration, qu'en l'absence de comptabilité probante sur l'ensemble de la période litigieuse, le vérificateur était en droit de reconstituer.

8. Par procès-verbal dressé le 23 octobre 2014, la vérificatrice a constaté l'absence de présentation, en réponse à sa demande, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2014, de balance, de grand-livre, de journaux et des pièces justificatives des charges et des produits pour l'année 2013, des charges pour le premier trimestre 2014. L'administration fiscale, en l'absence de présentation d'une comptabilité, a reconstitué le chiffre d'affaires de la société 7 Actifs en tenant compte des sommes encaissées au cours de la période sur les comptes bancaires détenus par l'intéressée au CIC et à la Banque nationale de Paris (BNP). Le rapprochement du chiffre d'affaires ainsi reconstitué avec les déclarations CA 3 déposées par la société a permis de révéler des discordances pour des montants de 123 197 euros en 2013 et 5 746 euros au titre du 1er trimestre 2014, à l'origine de rappels de TVA, en droits de 24 147 euros et de 1 450 euros.

9. La société 7 Actifs fait valoir que la méthode de reconstitution ainsi utilisée serait radicalement viciée, dès lors que la vérificatrice se serait abstenue de rapprocher les encaissements réels avec le chiffre d'affaires régulièrement déclaré à la TVA, de tenir compte du taux réduit de TVA ou de remboursement de frais. Toutefois, en l'absence de présentation de comptabilité, le service a pu, d'une part, se fonder à bon droit, pour déterminer la taxe sur la valeur ajoutée à payer, sur l'encaissement des sommes facturées, à partir des seuls relevés bancaires produits lors du contrôle par la société vérifiée, et des déclarations CA 3, lesquelles ont permis de constater des insuffisances de déclaration de recettes. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à la suite des observations présentées par la société 7 Actifs, l'administration fiscale, au titre de l'année 2013, a ramené le montant du chiffres d'affaires hors taxes à la somme de 108 592 euros, le montant du rappel de TVA en droits à 12 973 euros, après avoir appliqué un droit à déduction complémentaire de 332 euros et un taux réduit de TVA sur certaines créances. Elle a également appliqué un taux différencié de TVA sur les sommes encaissées au titre du 1er trimestre 2014. Aucune disposition du livre des procédures fiscales ne faisait obligation à l'administration d'exercer le droit de communication prévu à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales auprès des clients de la société pour connaître le taux de TVA qui leur avait été appliqué. En se bornant à produire, ainsi qu'elle l'a déjà fait devant les premiers juges, des factures de commissionnement, exonérées de TVA, relatives à l'année 2013, lesquelles ont d'ailleurs été analysées par l'administration, ainsi qu'il ressort de la proposition de rectification, ainsi que dans ses dernières écritures une facture établie au taux réduit, la société requérante ne démontre pas que l'exonération de TVA et le taux réduit de TVA, affectant le chiffre d'affaires, n'auraient pas été suffisamment pris en compte pour le calcul des suppléments d'imposition mis à sa charge. Elle ne justifie pas davantage de leur caractère exagéré en soutenant que le chiffre d'affaires, déposé au titre de l'année 2013 et non contesté par l'administration, était de 135 820 euros, dès lors qu'il s'agit de produits pris en compte pour déterminer le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés, dont les modalités diffèrent de celles applicables à l'exigibilité de la TVA et que l'administration fiscale s'est basée, s'agissant de l'imposition contestée, sur un chiffre d'affaires hors taxes de 108 592 euros. Dans ces conditions, la société 7 Actifs, qui n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère radicalement vicié dans son principe ou excessivement sommaire de la méthode de reconstitution, appliquée à sa situation, ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'exagération des impositions mises à sa charge, au titre de l'année 2013 et du 1er trimestre 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société 7 Actifs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société 7 Actifs la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société 7 Actifs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société 7 Actifs et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2023.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01065
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TAX TEAM et CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-14;21bx01065 ?
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