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29/03/2023 | FRANCE | N°21BX00010

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 29 mars 2023, 21BX00010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe à lui verser, d'une part, une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont il prétend être victime et, d'autre part, une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de la communauté d'agglomération à son obligation d'assurer la santé et la sécurité des agents, d'annuler l

a décision par laquelle il a été mis à l'écart du service et d'enjoindre au présid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe à lui verser, d'une part, une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont il prétend être victime et, d'autre part, une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de la communauté d'agglomération à son obligation d'assurer la santé et la sécurité des agents, d'annuler la décision par laquelle il a été mis à l'écart du service et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe de faire cesser cette mise à l'écart et de réexaminer sa situation professionnelle.

Par un jugement n° 1900877 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés, le 5 janvier 2021, les 12, 13 et 22 avril 2021, les 28 et 29 octobre 2021, le 9 décembre 2021, le 7 janvier 2022 le 21 juin 2022 et le 14 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Rodes, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 3 novembre 2020 ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est victime de harcèlement moral dès lors que ses conditions de travail se sont dégradées à compter du 6 octobre 2017, qu'il n'a aucune mission à effectuer, qu'il s'est vu refuser l'accès à son dossier personnel ainsi que ses demandes réitérées de changement de poste ; que cette situation a des répercussions sur sa santé psychique et physique, qu'elle porte atteinte à ses droits et à sa dignité et qu'elle compromet son avenir professionnel ; les agissements à son encontre sont constitutifs d'un détournement de pouvoir ;

- l'absence de publication d'un avis de vacance de son poste constitue un vice de procédure ;

- le manquement de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe à son obligation de résultat d'assurer la santé et la sécurité de ses agents constitue une faute qui engage sa responsabilité ;

- son préjudice doit être évalué à la somme de 20 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2021, la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, représentée par Me Jamois, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de motivation et critique du jugement, le jugement attaqué n'étant en outre pas produit ;

- subsidiairement aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., adjoint administratif territorial de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, a fait l'objet de deux procédures disciplinaires en novembre 2017 et en mars 2018. La première a été engagée contre lui à la suite de l'altercation violente en date du 13 novembre 2017 avec l'un de ses collègues, la seconde fait suite à la diffusion sur le réseau " WhatsApp " de messages à caractère diffamatoires et de documents internes. Par deux arrêtés du 14 novembre 2017 et du 21 mars 2018, l'iintéressé a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée respective de deux et quatre mois à compter de la notification de chacun de ces arrêtés avec maintien de sa rémunération. Le conseil de discipline, lors de sa séance du 19 juin 2018, a proposé de ne pas prononcer de sanction pour les deux séries de faits reprochés à l'intéressé. S'estimant victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral, M. A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, d'une part, de condamner la communauté d'agglomération à réparer le préjudice résultant de ce harcèlement moral et du manquement de cette dernière à son obligation d'assurer la santé et la sécurité de ses agents, d'autre part, d'annuler la décision par laquelle il a été mis à l'écart du service et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe de faire cesser cette mise à l'écart et de réexaminer sa situation professionnelle. Par un jugement du 3 novembre 2020 le tribunal administratif a rejeté l'ensemble de ses demandes. Il relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 29 de la même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Lorsqu'un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précité, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci. Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d'un autre ou d'autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l'administration, détermine la contribution de cet agent ou de ces agents à la charge de la réparation.

5. M. A... soutient qu'il a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral dès lors que, après l'avis du 19 juin 2018 du conseil de discipline proposant de ne pas lui infliger de sanction, il s'est vu refuser illégalement l'accès à son poste de travail. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1, un arrêté du 21 mars 2018 l'a suspendu de ses fonctions jusqu'au samedi 21 juillet 2018. Dans ces conditions, M. A... ne pouvait reprendre son poste avant cette date, l'avis rendu par le conseil de discipline, qui ne liait pas l'autorité disciplinaire, étant sans incidence sur la légalité de sa suspension provisoire. Ensuite, il résulte notamment des constatations de l'huissier de justice mandaté par le requérant sur son lieu de travail que, le lundi 23 juillet 2018, les locaux de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe étaient libres d'accès et que le bureau de l'intéressé était inoccupé. Enfin, le directeur de cabinet de la présidente de la communauté d'agglomération a déclaré à l'huissier de justice que M. A... devait être installé dans son bureau le jour même et qu'un ordinateur lui serait attribué au plus vite. Le requérant ne peut donc se prévaloir d'une absence injustifiée d'accès à son poste de travail pendant cette période.

6. Le requérant soutient également qu'il disposait, avant le début de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, d'un bureau plus grand et que son ordinateur était connecté à l'imprimante centrale, ce qui n'est plus le cas. Toutefois, il résulte de la note d'affectation du 5 octobre 2017, antérieure aux faits qui lui étaient reprochés dans le cadre des procédures disciplinaires engagées contre lui, que ce changement de bureau était lié à la mise en place d'un nouvel organigramme et à une réorganisation des services, et qu'en outre, selon le constat d'huissier du 23 juillet 2018, le directeur de cabinet a précisé que son ordinateur serait connecté à l'imprimante centrale. Ce changement de bureau était ainsi justifié par des considérations liées à l'intérêt du service et ne peut être regardé comme une sanction.

7. En outre, M. A... soutient qu'il aurait été " mis au placard " en l'absence de toute tâche à effectuer en rapport avec ses qualifications professionnelles. Toutefois, la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe fait valoir que le requérant, qui était affecté à la direction de l'environnement et, plus précisément, au service du contrôle et de la collecte des déchets ménagers et assimilés depuis 2017, a refusé de travailler, adoptant un comportement imprévisible, à l'origine d'une désorganisation du service. Elle produit au soutien de ses affirmations les messages téléphoniques relevés par l'huissier de justice dans son procès-verbal du 16 décembre 2019 qui révèlent les nombreux retards de l'agent entre le 23 septembre 2019 et le 13 décembre 2019, la note du 8 novembre 2019 adressée par la supérieure hiérarchique de l'intéressé au président de la communauté d'agglomération faisant état des refus de M. A... d'effectuer certaines missions qui lui étaient confiées depuis le mois de septembre 2019, de même que les notes des 25 juin et 24 juillet 2020 de sa supérieure hiérarchique informant de nouveau le président de la communauté d'agglomération de l'absence continue de l'intéressé de son poste depuis plusieurs semaines et de son refus d'effectuer les missions relatives à sa fiche de poste.

8. Par ailleurs, M. A... fait valoir que son état de santé s'est dégradé à raison de ses conditions de travail, qu'il a été placé en arrêt de travail à partir du mois d'avril 2021 et que le médecin de la prévention a rendu des avis, en date des 26 janvier, 25 juin et 26 juillet 2021, le déclarant inapte à son poste de travail et apte à un autre poste correspondant à ses qualifications professionnelles. Cependant, il est constant que, par une note du 26 décembre 2021, le président de la communauté d'agglomération, informé de ces avis médicaux, a décidé de modifier la fiche de poste de M. A... à compter du 20 décembre 2021 en ne lui confiant désormais plus que des missions de gestion administrative de la collecte des déchets ménagers et assimilés et qu'il a affecté cet agent, conformément à sa demande, à la direction juridique de la commande publique et des assemblées à compter d'avril 2022. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le refus opposé dans un premier temps à sa demande de communication de son dossier personnel serait lié à une volonté de nuire de la part de sa hiérarchie.

9. Dans ces conditions, l'ensemble des éléments avancés par le requérant ne permet pas de laisser présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral ni de détournement de pouvoir.

10. En deuxième lieu, si M. A... soutient que son employeur aurait commis un vice de procédure en ne procédant pas à la publication d'un avis de vacance d'emploi pendant sa période de suspension, ce moyen sans lien avec sa situation, doit être écarté comme inopérant.

11. En troisième lieu, à supposer que M. A... soutienne que la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe a manqué à son obligation d'assurer sa sécurité et sa santé physique et mentale, il ne résulte pas de l'instruction que l'agression dont il s'estime victime sur son lieu de travail aurait pu être anticipée par son employeur. En outre, eu égard à ce qui a été dit au point 7 et en l'absence de tout élément démontrant la carence de son employeur à ses obligations envers M. A..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la communauté d'agglomération aurait manqué à son obligation de protection.

12. En l'absence de toute faute de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, les conclusions indemnitaires présentées par M. A..., qui au demeurant n'ont pas fait l'objet d'une demande préalable, ne peuvent qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2023.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00010
Date de la décision : 29/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : RODES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-29;21bx00010 ?
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