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04/04/2023 | FRANCE | N°22BX02035

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 avril 2023, 22BX02035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Charente-Maritime pe

ndant une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2200296 du 10 juin 2022, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Charente-Maritime pendant une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2200296 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 12 juillet 2022, 24 novembre 2022 et 6 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Marques-Melchy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un visa ou tout autre autorisation permettant son retour sur le territoire français ainsi que l'effacement du signalement dans le fichier européen de non admission dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement attaqué a omis de statuer sur le moyen tiré de l'application de l'article 11 de l'accord franco-malien prévoyant qu'après trois années de résidence régulière et non interrompue, les nationaux de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie, peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans, dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil.

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté n'a pas été signé par le préfet mais par une personne incompétente à défaut de justification d'une délégation de signature du signataire de l'acte contesté ;

- l'arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, qu'il refuse l'octroi d'un délai de départ volontaire et qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français, est insuffisamment motivé.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; par les documents produits, il justifie de son identité ainsi que de son âge ; sa minorité n'a pas été remise en cause par les services de l'aide sociale à l'enfance, ni par les autorités judiciaires françaises et il a bénéficié d'une relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Saintes du 27 mai 2022 ; il justifie également du caractère réel et sérieux de la formation, de son insertion sociale et il n'a pas d'attaches au Mali ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- c'est manifestement à tort que le préfet a refusé d'accorder un délai de départ volontaire en méconnaissance de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision qui se borne à faire état du pays dont le requérant a la nationalité ou de celui dans lequel il serait admissible méconnait l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il justifie de circonstances humanitaires pouvant justifier l'absence d'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français.

S'agissant de la décision l'assignant à résidence :

- la décision portant assignation à résidence dans le département de la Charente-Maritime et le contraignant à se présenter tous les lundis et les mercredis à 16 heures au commissariat de Royan est manifestement disproportionnée au vu des objectifs poursuivis et de sa situation personnelle et professionnelle.

Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2022, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de production du jugement dont il est demandé l'annulation ;

- les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes signée à Bamako le 26 septembre 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de Mme D... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., de nationalité malienne, se disant né le 28 novembre 2002, qui déclare être entré irrégulièrement en France le 18 février 2018, a fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire le 1er mars 2018 puis d'un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants près le tribunal judiciaire de La Rochelle du 7 mai 2018 instaurant une mesure de placement à l'aide sociale à l'enfance et d'une ordonnance d'ouverture de tutelle du 12 juin 2019. M. B... a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 28 septembre 2020 au 27 septembre 2021. Le 29 juillet 2021, ce dernier a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 27 janvier 2022, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Charente-Maritime pendant une durée de trois mois. M. B... relève appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. / Cet acte ou cette pièce doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagné d'une copie ". Aux termes de l'article R. 811-13 du même code : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV (...) ".

3. Contrairement à ce que soutient le ministre, la requête présentée par M. B... est accompagnée du jugement dont il est demandé l'annulation. Par suite, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur la régularité du jugement :

4. En se bornant à indiquer qu'il " sera utilement rappelé que l'article 11 de l'accord franco-malien prévoit qu'après trois années de résidence régulière et non interrompue, les nationaux de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie, peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans, dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ", le requérant ne peut être regardé comme ayant soulevé le moyen tiré de ce que le préfet de la Charente-Maritime a méconnu ces stipulations. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission de se prononcer sur un moyen.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

5. M. B... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. L'arrêté attaqué vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En premier lieu, il rappelle la situation de M. B... quant aux conditions de son entrée en France et l'obtention d'un précédent titre de séjour et relève qu'après analyse technique réalisée par les services de la direction zonale de la police aux frontières sud-ouest, les documents d'état civil présentés par l'intéressé à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour sont des contrefaçons. Il souligne en outre que M. B... est entré récemment en France, qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il n'est pas porté atteinte à sa vie personnelle et familiale. L'arrêté précise également que M. B... ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, dès lors que la décision obligeant le requérant à quitter le territoire a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. En deuxième lieu, l'arrêté indique que la demande de renouvellement de titre de séjour est refusée au motif qu'elle est manifestement frauduleuse compte-tenu de la fraude documentaire révélée et que l'intéressé entre dans le champ d'application des dispositions du 2° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est suffisamment motivée. En troisième lieu, la décision fixant le pays de renvoi précise la nationalité de l'intéressé et mentionne qu'il n'établit pas encourir de risques en cas de renvoi dans son pays d'origine. En quatrième lieu, l'arrêté énonce que compte tenu des conditions de son entrée en France où il ne séjourne que depuis février 2018, de l'absence d'une précédente mesure d'éloignement, du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et de la présentation de documents d'état civil et de voyage contrefaits, il y a lieu d'interdire le retour en France de M. B... pour une durée d'un an. Par suite, l'arrêté contesté, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte, est suffisamment motivé.

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ". Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

9. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser de délivrer le renouvellement du titre de séjour sollicité par M. B... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Charente-Maritime s'est fondé sur l'absence de caractère probant des documents d'état civil présentés à l'appui de sa demande.

10. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir son identité, M. B... a transmis à l'administration, dans le cadre de l'instruction de sa demande, un jugement supplétif n° 564 du 29 janvier 2018, un acte de naissance n° 180/Rg4/SP du 30 janvier 2018, un extrait d'acte de naissance du même jour, un passeport valable du 20 août 2016 au 20 août 2021 et une carte d'identité consulaire délivrée le 28 janvier 2020 et valable jusqu'au 27 janvier 2023. Pour contester l'authenticité de ces différents documents, le préfet de la Charente-Maritime s'est appuyé sur un rapport d'analyse technique du 19 août 2021 établi par la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières. Selon ce rapport, le jugement supplétif n'est qu'un extrait et ne délivre pas tous les renseignements concernant le jugement qui ne peuvent donc faire l'objet de vérifications et le cachet de l'officier d'état civil n'est pas apposé. L'acte de naissance ne comporte pas de numéro en rouge situé normalement en haut de l'acte et le mode d'impression n'est pas conforme. S'agissant du passeport, ses dimensions ne correspondent pas aux dimensions du modèle de référence, la couverture a un aspect lisse, alors que la couverture d'un passeport authentique a un aspect rugueux et le texte est estampé à chaud, la numérotation des pages est irrégulière et non conforme par rapport au modèle de référence, le passeport n'est pas fabriqué à partir de papier fiduciaire, les pages ont été imprimées au jet d'encre, alors qu'en principe, l'Offset est utilisé pour le fond d'impression et le texte pré imprimé et le cachet de légalisation est contrefait. Le service conclut que les documents d'état civil présentés sont des documents apocryphes. Postérieurement à la décision contestée, M. B... produit devant la cour de nouveaux documents, une copie intégrale de l'acte de naissance du 7 février 2022 certifiée conforme par rapport à l'original n° 869/RG. 18/SP de l'année 2021, un extrait d'acte de naissance du 30 novembre 2021 portant la référence " 869/REG/SP suivant JUG. SUPL. n° 8400 du 05/10/2021 ", un extrait du jugement supplétif du 5 octobre 2021 " transcrit sous le n° acte 869/RG/18/au CS de Médina Coura à la date du 29/11/2021 ", un certificat de nationalité malienne du 7 février 2022 et une nouvelle carte consulaire délivrée par l'ambassade du Mali à Paris le 5 août 2022 alors que la première était encore valide. Toutefois, il apparait que ces actes sont certifiés conformes par rapport à un autre acte de naissance, alors que l'acte de naissance est un acte unique conservé dans les registres des actes de naissance d'une année précise ainsi que le prévoit l'article 102 du code des personnes et de la famille du Mali, et détenu par un seul centre d'état civil de sorte que les copies de cet acte doivent comporter les mêmes références. Par ailleurs, la copie intégrale de l'acte de naissance du 7 février 2022 comporte des abréviations en méconnaissance de l'article 124 du code malien et les dates ne sont pas écrites en toutes lettres contrairement à ce que prévoit l'article 126 du même code. En outre, s'agissant des cartes consulaires, celles-ci ont pour seule vocation d'établir la preuve de résidence à l'étranger d'un ressortissant et ne saurait permettre de justifier de l'identité de M. B.... Ainsi, l'ensemble de ces documents ne permettent pas de remettre en cause les conclusions des rapports de la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières quant à l'absence d'authenticité des documents produits. Dans ces conditions, le préfet de la Charente-Maritime a pu légalement considérer que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les actes d'état civil communiqués par M. B... et estimer, dès lors, qu'il ne justifiait pas avoir été mineur lors de son entrée en France et, en particulier, avoir été âgé de seize à dix-huit ans lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. Par suite, alors même que les autres conditions prévues par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient, ainsi que le soutient l'appelant, satisfaites, l'autorité administrative n'a pas méconnu les dispositions de cet article en rejetant la demande de titre de séjour présentée sur ce fondement.

11. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui déclare être entré en France le 18 février 2018, a bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Charente-Maritime en qualité de mineur étranger isolé sur la base d'actes d'état civil dont l'authenticité a été remise en cause. M. B... se prévaut de son insertion professionnelle et notamment de la validation du certificat d'aptitude professionnelle spécialité " peintre applicateur de revêtements " en juin 2022 et de la poursuite d'une formation en brevet professionnel avec la conclusion d'un contrat d'apprentissage le 30 août 2022 pour une période de deux ans. Alors même qu'il produit des attestations et une note de situation mettant en exergue sa motivation et ses qualités de sérieux et de professionnalisme, ces seuls éléments ne traduisent pas une insertion professionnelle particulière en France. En outre, s'il se prévaut des liens amicaux et affectifs avec une ressortissante française qui qualifie son rôle de " grand-mère " auprès de M. B..., il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, aurait tissé des liens d'une particulière intensité et stabilité sur le territoire français ni qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où réside sa mère avec laquelle il a eu des contacts lorsqu'il vivait en Italie. Par ailleurs, s'il soutient avoir été victime de violences et de discriminations du fait de son orientation sexuelle au Mali et avoir dû fuir ce pays, il n'apporte aucun élément permettant de corroborer les faits qu'il allègue et n'a d'ailleurs pas demandé de protection à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à ce titre. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'insertion dont l'intéressé a fait preuve, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

13. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

14. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

15. D'une part, M. B... se prévaut de ses liens amicaux et affectifs avec une ressortissante française et de son insertion sociale en France. Compte tenu des circonstances précédemment exposées, ces éléments ne sauraient être regardés, à eux seuls, comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour. D'autre part, la seule circonstance qu'après l'obtention de son certificat d'aptitude professionnelle, il poursuit une formation en brevet professionnel avec la conclusion d'un contrat d'apprentissage le 30 août 2022 pour une période de deux ans ne suffit à caractériser ni des circonstances humanitaires, ni des motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dès lors, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces circonstances, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelant.

16. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision contestée : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Le préfet n'est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées à ces articles, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne remplit pas les conditions pour bénéficier du renouvellement de son titre de séjour ou de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions dont il se prévaut. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus de délivrance et de renouvellement de titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. Compte tenu des circonstances exposées au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

19. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document (...) ".

20. Ainsi qu'il a été indiqué au point 10 du présent arrêt, la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. B... reposait sur la production de documents frauduleux. Il suit de là que l'autorité préfectorale était fondée à refuser d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire pour quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

21. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".

22. Contrairement à ce que soutient M. B..., les mentions, contenues dans l'arrêté litigieux, selon lesquelles l'intéressé est de nationalité malienne et qu'il pourra être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité sont suffisamment précises pour déterminer le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

23. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français.

24. Compte tenu des circonstances exposées au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

25. Ni le suivi d'une formation par apprentissage en vue de l'obtention du brevet professionnel de peintre applicateur de revêtements, ni la situation personnelle de M. B..., précédemment rappelée, ne traduisent une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant que le préfet ne prononce pas une interdiction de retour sur le territoire français.

En ce qui concerne la décision l'assignant à résidence :

26. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en imposant à M. B... de se présenter chaque lundi et mercredi à 16h00 au commissariat de police de Royan, le préfet de la Charente-Maritime aurait entaché la décision l'assignant à résidence d'une erreur d'appréciation, l'intéressé ne faisant au demeurant valoir aucun argument faisant obstacle à ce qu'il se rende à cette convocation à la fréquence indiquée. En outre, contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision l'assignant à résidence ferait obstacle à ses démarches auprès du consulat du Mali pour l'obtention d'un passeport ou d'actes d'état civil réactualisés. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait disproportionnée doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX02035 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02035
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MARQUES - MELCHY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-04;22bx02035 ?
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