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23/05/2023 | FRANCE | N°21BX03029

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 23 mai 2023, 21BX03029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Jiac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos aux 31 décembre 2014 et 2015, pour un montant de 45 279 euros, et de prononcer le sursis à statuer en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1904491 du 4 mai 2021, le tribuna

l administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Jiac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos aux 31 décembre 2014 et 2015, pour un montant de 45 279 euros, et de prononcer le sursis à statuer en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1904491 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet 2021 et 3 mai 2022, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Jiac, représentée par Me Garcia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 19043491 du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la proposition de rectification du 14 février 2017 n'est pas suffisamment motivée ;

- le redressement est prescrit faute de précision suffisante sur l'année d'imposition et dès lors qu'il n'a pas été en mesure de répondre de manière circonstanciée ;

- le service ne lui a pas communiqué l'ensemble des pièces demandées, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- la fixation de la valeur vénale de l'immeuble de bureaux à 300 000 euros, après avis de la commission, est totalement arbitraire et dépourvue de base légale ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- la méthode retenue par le service pour l'évaluation de la valeur de l'immeuble situé 3 cours du Chapeau Rouge n'est pas probante, dès lors que les biens comparés sont des appartements à usage d'habitation et non des locaux à usage de bureaux ; le tribunal a inversé la charge de la preuve alors qu'il s'agit d'une rectification contradictoire et que l'administration n'apporte aucun commencement de preuve à ses allégations.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 mars 2022 et le 28 novembre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur de 5 420 euros et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Aljo, qui exerce une activité de gestion de tous biens immobiliers, a fait l'acquisition le 26 novembre 2014 d'un bien immobilier situé 3 cours du Chapeau Rouge à Bordeaux, pour un prix fixé dans l'acte notarié à 190 000 euros, auprès de l'EURL Jiac, qui loue ce bien. Ces deux sociétés ont pour gérant et principal associé, M. B.... L'EURL Jiac a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices des années 2014 et 2015, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a considéré que le bien immobilier situé 3 cours du Chapeau Rouge avait été sous-évalué et que sa cession avait été consentie à un prix minoré, présentant ainsi le caractère d'un avantage occulte, alors constitutif de revenus distribués en faveur de la société Aljo, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par voie de conséquence, le service a réintégré au résultat de l'EURL Jiac la somme de 125 000 euros correspondant à la différence entre le prix normal de la cession du bien et le prix de vente. L'EURL a alors été assujettie des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 et 2015, pour un montant total, en droits et pénalités, de 45 279 euros. L'EURL Jiac relève appel du jugement n° 1904491 du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prononce la décharge de ces impositions.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 18 mars 2022, intervenue postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a accordé à l'EURL Jiac un dégrèvement d'un montant de 5 420 euros au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige. Les conclusions présentées par l'EURL Jiac sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...). ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 14 février 2017 adressée au gérant de l'EURL Jiac mentionne la nature de l'impôt concerné et le fondement légal des rectifications envisagées pour les exercices concernés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Elle indique ensuite les motifs pour lesquels l'administration retient que la vente du bien situé 3 cours du Chapeau Rouge à un prix minoré à la société Aljo le 26 novembre 2014 constitue un acte anormal de gestion, par comparaison à des ventes réalisées dans le même secteur géographique, à des dates proches de la vente en cause, et compte tenu d'une évaluation faite à partir de la rentabilité escomptée de ce bien. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la proposition de rectification, qui mentionne que l'acte de vente a été conclu le 26 novembre 2014 et comporte un tableau des conséquences financières qui montre que le rehaussement en base d'un montant de 310 000 euros concerne la période courant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, permet d'identifier l'année d'imposition concernée. La circonstance que la société conteste la comparaison effectuée par l'administration avec les autres ventes effectuées dans le même secteur est par ailleurs sans incidence sur l'appréciation du caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification. Dans ces conditions, la proposition de rectification du 14 février 2017 a permis à la société requérante de discuter utilement des rehaussements envisagés, ce qu'elle a d'ailleurs fait en formulant des observations le 24 avril 2017, postérieurement à la notification de cette proposition. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

7. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, d'une part, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie. D'autre part, cette obligation ne s'étend pas aux jugements rendus publiquement, qui sont mis à disposition des parties ou leur sont expédiés à leur demande et sont librement accessibles au public en vertu d'une obligation légale.

8. Par courrier du 8 décembre 2017, l'EURL Jiac a notamment demandé à l'administration de lui communiquer dix-neuf documents, à savoir le justificatif de l'avoir du notaire pour un montant de 15 000 euros, le rapport du 14 octobre 2014 de M. A..., expert foncier, la lettre de M. B... au Crédit Maritime du 2 décembre 2014, la lettre d'information de maître Beylot, notaire, à M. B... du 14 décembre 2014, la lettre du Crédit Maritime Littoral du sud-ouest à M. B... du 15 décembre 2014, la lettre de maître Moreau, notaire, à l'EURL Jiac du 11 décembre 2014, le compromis de vente du 17 décembre 2014 entre M. B... et M. C..., la lettre de maître Moreau à M. B... du 19 janvier 2015, la lettre de M. B... à son notaire du 15 février 2015, la lettre manuscrite non datée de M. B..., l'engagement pris du 26 février 2015 par l'EURL Jiac de revendre l'immeuble, les actes de vente du 6 mars 2015 entre l'EURL Jiac et M. C..., du 23 avril 2015 entre l'EURL Jiac et M. F..., du 23 septembre 2015 entre l'EURL Jiac et M. B..., l'ensemble de la jurisprudence évoquée dans la proposition de rectification, l'acte de cession par l'EURL Jiac du 21 juillet 2014, la copie du nouveau bail commercial prenant effet à compter du 1er décembre 2014 avec la société Aljo, la copie de l'acte de vente du 26 novembre 2014 entre le vendeur, l'EURL Jiac, et la société Aljo ainsi que le justificatif d'un droit de préemption urbain concernant un immeuble entier sis 43 rue Sainte-Colombe à Bordeaux.

9. Il résulte d'une part de l'instruction que treize des documents sollicités par l'EURL Jiac concernaient le rehaussement portant sur l'achat-revente d'un immeuble situé au 34 rue du jardin public à Bordeaux, lequel a été abandonné par l'administration fiscale avant mise en recouvrement. D'autre part, les six autres documents dont la copie a été demandée ne sont pas des documents obtenus auprès de tiers ni dont le service aurait détenu une copie. Il résulte en effet de l'instruction que les actes de ventes et le bail commercial conclu concomitamment à la vente intervenue le 26 novembre 2014 entre la société Aljo et l'EURL Jiac, constituent des contrats auxquels la société est partie et qui ont été obtenus par l'administration dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société. S'agissant du droit de préemption urbain concernant l'immeuble situé 43 rue Sainte Colombe à Bordeaux, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel document, à supposer que le service ait détenu un justificatif de cette opération, ait servi à fonder les rehaussements en litige. Enfin, la jurisprudence sollicitée ne constitue pas un document obtenu de tiers et n'entre ainsi pas dans le champ d'application des dispositions précitées. Dans ces conditions, la société requérante n'a pas été privée de la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Le moyen doit ainsi être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article de R. 59-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. / L'administration notifie l'avis de la commission ou du comité consultatif au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ou comme montant du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts ". Selon l'article R. 61 A-1 du même livre : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de rectification est calculé : / a) Soit sur la base acceptée par le contribuable si celui-ci a donné son accord dans le délai prescrit ou s'il a présenté dans ce même délai des observations qui ont été reconnues fondées ; / b) Soit sur la base fixée par l'administration à défaut de réponse ou d'accord du contribuable dans le délai prescrit ; / c) Soit sur la base notifiée par l'administration au contribuable après avis de la commission compétente (...) dans le cas où le litige leur a été soumis. / Le montant de l'impôt exigible donne lieu à l'établissement d'un rôle ou à l'émission d'un avis de mise en recouvrement ".

11. Par courrier du 20 décembre 2017, l'administration fiscale a informé l'EURL Jiac de l'avis émis le 1er décembre 2017 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle a estimé qu'alors qu'elle ne disposait pas des éléments pour fixer précisément la valeur du bien situé 3 cours du Chapeau Rouge, elle invitait les parties " à se rapprocher pour déterminer une valeur médiane en se fondant notamment sur des biens comparables affectés à un usage de bureaux ". Par courrier du 9 février 2018, l'administration fiscale a informé l'EURL Jiac qu'elle approuvait " [votre] proposition de retenir pour valeur définitive de ce bien la somme de 300 000 euros ", qui s'appuie selon elle sur une valeur médiane pouvant découler du rapport de l'expert judiciaire présenté par la société, amendée de la rentabilité attendue d'un tel immeuble. Si l'EURL Jiac conteste avoir donné son accord pour une telle valeur, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, dès lors que l'administration pouvait, en application des dispositions précitées des articles R. 59-1 et R. 61 A-1 du livre des procédures fiscales mettre en recouvrement les impositions en litige.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. (...) ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 14 février 2017, régulièrement reçue par l'EURL Jiac, est suffisamment motivée et permet d'identifier l'année d'imposition concernée, de sorte que la société appelante a été en mesure de répondre de manière circonstanciée. Dans ces conditions, cette proposition de rectification a interrompu le cours de la prescription l'égard de l'EURL Jiac. Cette dernière n'est dès lors pas fondée à soutenir que les impositions en litige étaient atteintes par la prescription, faute pour l'administration de lui avoir adressé, dans le délai de trois ans dont elle dispose, une proposition de rectification suffisamment motivée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

14. En second lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

15. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

16. L'administration fiscale a estimé que la cession le 26 novembre 2014 par l'EURL Jiac à la société Aljo, qui disposent du même gérant et associé principal, M. B..., d'un bien immobilier situé 3 cours du Chapeau Rouge à Bordeaux à un prix très inférieur au prix du marché présentait le caractère d'un acte anormal de gestion.

17. L'administration fiscale a déterminé la valeur vénale du bien en litige par la combinaison de deux méthodes. Elle a ainsi, d'une part, déterminé un prix moyen à partir de l'analyse de 21 ventes, conclues entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin 2015, d'appartements d'une surface comprise entre 80 et 130 m² dans un périmètre géographique proche, compris entre le cours de l'Intendance, le cours Clémenceau et le cours Xavier Arnozan, dans le centre de Bordeaux, et, d'autre part, estimé la rentabilité annuelle escomptée de ce bien à partir de sa valeur locative. Le service a alors retenu la valeur médiane de 485 000 euros, au lieu de la somme de 190 000 euros inscrite dans l'acte de vente, ramenée à 175 000 euros, au regard de la valeur comptabilisée en produit le même jour au compte " produit cession d'actif " de l'EURL Jiac. Suite à l'avis de la commission départementale des impôts émis le 2 décembre 2017, l'administration a ramené l'évaluation du bien en cause à la somme de 300 000 euros, en s'appuyant sur la valeur médiane pouvant découler du rapport de l'expert judiciaire présenté par l'EURL Jiac, amendée de la rentabilité attendue d'un tel immeuble.

18. Pour contester l'évaluation faite par l'administration, l'EURL Jiac soutient que les termes de comparaison utilisés par le service ne sont pas probants dès lors qu'ils ne portent pas sur des biens immobiliers similaires à celui en litige, qui constitue un local professionnel à usage de bureaux et non un appartement à usage d'habitation. La société se prévaut à ce titre d'une expertise réalisée par un expert foncier le 15 mai 2017, lequel estime la valeur vénale du bien à 271 000 euros, après avoir constaté que le bien est à usage de bureaux, situé dans un entresol, avec une hauteur sous plafond de 2, 47 mètres, une surface de 96, 75 m², et dont les caves sont exposées aux inondations, et reprenant certains termes de comparaison retenus par l'administration, en ciblant des appartements cédés avant le 26 novembre 2014 situés, dans certains des quartiers retenus, en étage avec des hauteurs sous plafond supérieures.

19. Il résulte de l'instruction que le bien en litige, d'une surface de 102,86 m², qui ne comporte ni cuisine, ni salle d'eau, est à usage de bureaux, et comprend la jouissance exclusive d'une terrasse, selon le descriptif de l'acte notarié du 26 novembre 2014. Si la société conteste les termes de comparaison retenus par l'administration, il résulte toutefois de l'instruction que les ventes analysées ont été conclues au cours de la même période, pour des biens d'une surface équivalente, situés dans le même secteur géographique que le bien en litige. La circonstance que les biens évalués constituent des appartements à usage d'habitation, en l'absence d'autres éléments de comparaison pertinents, ne s'oppose pas à ce qu'ils soient pris en compte pour l'évaluation de la valeur réelle du bien en cause, ainsi que l'a d'ailleurs fait l'expert diligenté par la société requérante. En outre, il n'est pas utilement contesté, ainsi que l'a observé le service, que les locaux commerciaux se négocient sensiblement plus chers que les appartements.

20. Si l'expert foncier propose dans son rapport du 15 mai 2017 de retenir quatre autres termes de comparaison au sein du même immeuble pour évaluer un prix moyen de 3 643 euros/m², il résulte toutefois de l'instruction que les modalités d'évaluation des valeurs de ces biens ne sont pas précisées et qu'ils concernent des biens dont la description ou la date de vente ne permettent pas de les retenir comme pouvant être rapprochés de la valeur du bien en litige. L'abattement préconisé par l'expert afin de tenir compte de la situation du bien en entresol, avec une hauteur sous plafond de 2,47 mètres et du caractère inondable des caves de la copropriété, n'est par ailleurs pas justifié alors qu'il résulte de l'instruction que le caractère inondable des caves de l'immeuble était connu dès 2007 et que le bien en litige, qui donne sur la rue, comporte une terrasse à usage exclusif, pouvant ainsi constituer un élément de confort en hyper-centre. La société requérante n'apporte par ailleurs aucun autre terme de comparaison que ceux proposés par l'administration fiscale ou par l'expert foncier. Enfin, l'EURL Jiac ne peut utilement se prévaloir du faible écart existant entre l'estimation finalement retenue par l'administration et celle retenue par l'expert, seul l'écart entre le prix de cession convenu entre les parties et la valeur vénale du bien devant être pris en compte.

21. Il résulte de ce qui précède, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux qui n'a pas inversé la charge de la preuve, que la société requérante n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation de la valeur vénale du bien par l'administration fiscale, cette dernière doit être regardée, compte tenu de l'importance de l'écart existant entre le prix de cession des locaux en litige et leur valeur vénale, comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession en cause, dès lors que l'EURL Jiac ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé au rehaussement du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés.

22. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Jiac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'EURL Jiac de la somme qu'elle demande sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'EURL Jiac à concurrence du dégrèvement de 5 420 euros prononcé le 18 mars 2022.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Jiac est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Jiac et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

La rapporteure,

Pauline E...La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03029 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03029
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GARCIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-23;21bx03029 ?
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