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06/06/2023 | FRANCE | N°21BX01066

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 06 juin 2023, 21BX01066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État à lui verser une indemnité totale de 59 366,86 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive du refus de reconnaissance d'imputabilité au service des arrêts de travail en lien avec l'accident dont il a été victime le 10 septembre 2015.

Par un jugement n° 1905503 du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de

7 992,32 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État à lui verser une indemnité totale de 59 366,86 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive du refus de reconnaissance d'imputabilité au service des arrêts de travail en lien avec l'accident dont il a été victime le 10 septembre 2015.

Par un jugement n° 1905503 du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 7 992,32 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2021, M. A..., représenté par Me Fougeras, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 janvier 2021 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 59 984,54 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande tendant à l'indemnisation des frais médicaux qu'il a exposés correspondant aux séances " EMDR ", non prises en charge par la sécurité sociale, pour un montant total de 420 euros ; ces séances " EMDR " sont en lien direct avec le traumatisme résultant de son accident de service du 10 septembre 2015 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice lié aux frais d'instance restés à sa charge à hauteur de 1 560 euros ;

- sa demande tendant à l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels, qu'il chiffre à 6 040,30 euros, est justifiée par les documents qu'il produit ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande tendant à la réparation du préjudice subi du fait d'un surplus d'imposition sur le revenu, chiffré à 4 702 euros, qu'il n'aurait pas dû acquitter si l'administration avait initialement reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie ;

- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de lui allouer la somme de 4 552,24 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'emprunt qu'il a dû souscrire pour pallier sa perte de revenus et des frais bancaires y afférents ;

- il justifie d'un préjudice en lien avec la perte de congés annuels non pris qui doit être évalué à 17 710 euros, ou, à tout le moins, à 11 500 euros ;

- ses préjudices moral et d'agrément et son préjudice de carrière ont été insuffisamment évalués par le tribunal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de M. A....

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par lettre du 7 juin 2021, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a proposé aux parties une médiation sur le fondement de l'article L. 217-3 du code de justice administrative.

Par lettre du 23 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a signifié son refus de cette médiation.

Par lettre du 22 juillet 2021, M. A..., par le biais de son avocat, a signifié son refus de cette médiation.

Par une ordonnance du 10 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 avril 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°84-972 du 26 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Bourjol,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fougeras, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent de constatation principal de 2ème classe de la brigade de surveillance extérieure des douanes, est affecté depuis le 31 décembre 2004 à Mérignac. Il a été victime le 10 septembre 2015 d'un malaise durant une audition réalisée dans le cadre d'une procédure disciplinaire concernant l'un de ses collègues. Il a bénéficié de congés de maladie à compter du 14 septembre 2015 en raison d'un état anxiodépressif, et n'a pas repris ses fonctions depuis lors. A la suite de l'avis défavorable de la commission de réforme, réunie le 1er décembre 2016, la directrice générale des douanes et des droits indirects de Bordeaux a refusé, par une décision du 20 décembre 2016, notifiée en mains propres le 26 décembre suivant, de reconnaître l'imputabilité au service des troubles anxiodépressifs que M. A... a développés à la suite de cette audition du 10 septembre 2015.

2. Par un jugement n° 1700739 du 11 février 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 20 décembre 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service des troubles anxiodépressifs développés par M. A... et a enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. En exécution de ce jugement, par une décision du 27 mars 2019, notifiée en mains propres le 2 avril suivant, le directeur général des douanes et droits indirects de Bordeaux a reconnu l'imputabilité au service de l'accident dont M. A... a été victime le 10 septembre 2015 ainsi que des congés pour maladie en ayant résulté pour la période allant du 14 septembre 2015 au 11 février 2019 inclus. Au mois de mai 2019, l'administration a versé à M. A... la somme de 47 403,56 euros à titre de rappels de traitements. M. A... a présenté par courrier du 4 juillet 2019, réceptionnée le 8 juillet suivant, une réclamation pendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 20 décembre 2016. Le silence gardé par l'administration a fait naître une décision implicite de rejet.

3. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 59 366,86 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 20 décembre 2016 de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité de 7 992,32 euros et a rejeté le surplus de ses prétentions indemnitaires. M. A... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire et demande à la cour de porter la somme qui lui a été allouée en réparation de ses préjudices à la somme totale de 59 984,54 euros.

Sur les conclusions indemnitaires de M. A... :

4. En premier lieu, si M. A... demande à être indemnisé du préjudice lié aux frais médicaux correspondant à six séances de type " EMDR " et se prévaut du rapport d'un psychiatre indiquant que l'intéressé a développé, à la suite de son accident de service, des symptômes évocateurs d'un stress post-traumatique, ces frais, à les supposer imputables à l'accident de service survenu le 10 septembre 2015, ne sont pas liés à l'illégalité fautive de la décision du 20 décembre 2016. De même, le préjudice allégué tenant à l'insuffisance du rappel de traitement versé à l'intéressé à la suite de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie ne trouve pas son origine dans l'illégalité fautive de la décision du 20 décembre 2016. Enfin, si le requérant soutient avoir subi un préjudice de carrière, lié à l'impossibilité de se présenter à un concours administratif, ainsi qu'un préjudice financier, lié à l'impossibilité de prendre ses congés annuels, de tels préjudices, qui sont la conséquence directe de la pathologie déclenchée par son accident de service, sont en revanche sans lien avec l'illégalité fautive de la décision initiale de refus d'imputabilité au service de cette pathologie.

5. En deuxième lieu, M. A... soutient que l'important rappel de traitement qui lui a été versé à la suite de l'annulation du refus initial de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie l'a conduit à devoir acquitter, au titre de l'année 2019, une cotisation d'impôt sur le revenu de 4 702 euros, alors qu'il n'était pas imposable au titre des années précédentes. Toutefois, le requérant n'établit pas, par les éléments qu'il produit, que la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2019 excèderait le montant total des impositions dont il aurait dû s'acquitter annuellement si le refus fautif d'imputabilité au service ne lui avait pas été initialement opposé. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le préjudice allégué tenant à un surcoût d'imposition n'est pas établi.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée (...) ". Si les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause.

7. M. A... soutient avoir exposé une somme totale de 2 760 euros au titre des frais d'avocat exposés pour sa défense dans les deux instances ayant donné lieu au jugement n° 1700739 du 11 février 2019 du tribunal administratif de Bordeaux, qui a annulé la décision du 20 décembre 2016 par laquelle l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 10 septembre 2015 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance, et au jugement attaqué n° 1905503 du 11 janvier 2021 du même tribunal, qui a également mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu, compte tenu des termes de l'article L. 761-1 précité, d'accorder à l'intéressé l'intégralité des sommes qu'il allègue avoir engagées, dont il ne justifie d'ailleurs pas davantage en appel qu'en première instance, ait commis une erreur d'appréciation en lui accordant les sommes ci-dessus mentionnées. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 560 euros en réparation du préjudice allégué tenant aux frais destinés à couvrir les honoraires de son avocat ne peuvent être accueillies.

8. En quatrième lieu, à l'appui de ses conclusions tendant au versement d'une indemnité de 4 552,24 euros correspondant aux frais bancaires que M. A... aurait été dans l'obligation d'engager avant la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, période durant laquelle il ne bénéficiait pas d'un maintien de son traitement, M. A... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu de rejeter cette prétention indemnitaire par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

9. En cinquième lieu, M. A... soutient que l'illégalité fautive de la décision du 20 décembre 2016 de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie lui a causé un préjudice moral. Si le requérant justifie avoir subi un tel préjudice compte tenu des démarches administratives et judiciaires qu'il a dû engager, les seuls éléments qu'il produit ne permettent en revanche pas de démontrer que le refus initial de l'administration de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service aurait entrainé une aggravation ou même la persistance de cette pathologie. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. A... en l'évaluant à 2 000 euros. Par suite, le requérant n'est pas fondé à demander que l'indemnité allouée par les premiers juges en réparation de ce préjudice soit portée à la somme de 20 000 euros.

10. Enfin, le requérant n'établit pas avoir subi un préjudice d'agrément du fait de l'illégalité fautive de la décision du 20 décembre 2016.

11. Il résulte de ce qui précède que les préjudices subis par M. A... du fait de l'illégalité fautive de la décision du 20 décembre 2016 s'élèvent à la somme de 2 000 euros. M. A... n'est dès lors pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à lui verser la somme de 7 992,32 euros.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que réclame M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLa présidente,

Marie Pierre BEUVE DUPUY

Le greffier,

Anthony FERNANDEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01066
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : FOUGERAS STÉPHANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-06;21bx01066 ?
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