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28/06/2023 | FRANCE | N°21BX00119

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2023, 21BX00119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat, la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) et les sociétés Safège, Egis Eau, Ingénierie conception maîtrise (INCOM), Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et Electro Technique de Bourbon (ETB) à lui verser la somme totale de 1 873 442,04 euros, toutes taxes comprises (TTC), en réparation des désordres affectant le poste de refoulement " F... ", somme assor

tie des intérêts moratoires et de leur capitalisation au 10 août 2017.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat, la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) et les sociétés Safège, Egis Eau, Ingénierie conception maîtrise (INCOM), Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et Electro Technique de Bourbon (ETB) à lui verser la somme totale de 1 873 442,04 euros, toutes taxes comprises (TTC), en réparation des désordres affectant le poste de refoulement " F... ", somme assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation au 10 août 2017.

Par un jugement n° 1800696 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de La Réunion a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société INCOM à lui verser la somme de 50 648,46 euros TTC, la société Egis Eau à lui verser la somme de 455 836,11 euros TTC, les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag et ETB à lui verser solidairement la somme de 168 828,19 euros TTC, l'Etat à lui verser la somme de 84 414,09 euros TTC et la SEDRE à lui verser la somme de 84 414,09 euros TTC, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2018 et capitalisation au 1er août 2019 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le numéro 21BX00119 le 11 janvier 2021 et les 3 janvier et 4 février 2022, la société anonyme (SA) Egis Eau, représentée par Me Roux, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 ;

2°) à titre principal, de rejeter la requête de la CINOR ;

3°) à titre subsidiaire, d'une part, de rejeter toutes demandes, fins et conclusions comme mal fondées du fait de l'absence des conditions nécessaires à l'engagement de sa responsabilité décennale avec toutes conséquences de droit et, d'autre part, de condamner solidairement et in solidum la société INCOM, la SEDRE, l'Etat, la société Safège, les entreprises composant le groupement titulaire du lot n°1, les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB et l'exploitant, la société CISE Réunion à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle avec toutes conséquences de droit ;

4°) de mettre à la charge de la CINOR la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Egis Eau soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges, ayant fait une application abusive des dispositions de l'article R 611-8-1 du code de justice administrative, ont pris acte du désistement de ses conclusions ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que la demande de la CINOR présentée devant le tribunal était recevable, alors que son président ne justifiait pas avoir été habilité pour ester en justice ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que les opérations d'expertise lui étaient opposables ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en jugeant qu'elle était responsable au titre de la garantie décennale et en retenant une part de responsabilité à hauteur de 50 %, alors que les fautes commises par l'Etat et la société Safège, d'une part, l'exploitant du service, la société CISE Réunion, d'autre part, auraient dû l'exonérer ;

- elle doit être garantie par les entreprises membres du groupement titulaire du lot

n° 1 du marché de construction et la SEDRE ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu un montant d'indemnité de 778 010,08 euros HT alors que les demandes indemnitaires de la CINOR dirigées contre le groupement de maîtrise d'œuvre ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur quantum ;

- les moyens soulevés par la société ETB ne sont pas fondés ;

- la responsabilité quasi-délictuelle de la société Safège, sous-traitante de l'Etat, est engagée et est de nature à l'exonérer des fautes qui pourraient lui être reprochée ;

- la demande d'appel en garantie de la société Sogea Réunion dirigée à son encontre n'est pas fondée ;

- elle est recevable et fondée à être relevée indemne par la société INCOM en cas de condamnation prononcée à son encontre.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 avril et 8 juin 2021, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) J.-C. Mechy et S. Broyon, représentée par Me Grau, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à sa mise hors de cause, au rejet de la demande de la société SBTPC - Sogea Réunion et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Egis Eau ne formule à son encontre aucune prétention, ni demande ni critique, de sorte qu'elle doit être purement et simplement mise hors de cause ;

- toute prétention à son encontre, de quelque partie que ce soit, serait irrecevable car, d'une part, elle constituerait une demande nouvelle en appel, d'autre part, si elle reposait sur l'action extracontractuelle, une telle action serait prescrite en application de l'article 2224 du code civil et tardive car présentée au-delà du délai de recours contentieux ; en tout état de cause, une telle action en responsabilité extracontractuelle ne serait pas fondée et ce alors qu'elle n'a pas participé aux opérations d'expertise et n'a pas été mise en cause par l'expert ; en outre, la CINOR ne justifie pas d'un préjudice indemnisable ;

- aucun lien de causalité ne peut être retenu entre la prétendue erreur altimétrique, invoquée en première instance par la société SBTPC - Sogea Réunion, et la responsabilité qui incombe aux constructeurs et ce alors qu'il convient d'appliquer un abattement pour vétusté ;

- la société SBTPC - Sogea Réunion ne justifie ni de sa qualité pour introduire une action à son encontre ni de la nature de son action en appel ; son action qui doit être qualifiée d'appel principal constitue une demande nouvelle qui est irrecevable et par ailleurs tardive ; elle est outre non fondée dès lors qu'elle concerne le poste " bout E... " pour lequel le tribunal n'a prononcé aucune condamnation et non celui de " F... ", objet du présent litige ;

- l'argumentaire de la société ETB n'est pas fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 avril et 27 décembre 2021, la société anonyme (SA) Electro Technique de Bourbon (ETB), représentée par Me de Gery, demande à la cour :

1°) de rejeter la demande d'appel en garantie de la société Egis Eau formée à son encontre ;

2°) à titre d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il l'a condamnée, solidairement avec les sociétés Sogea Réunion et Spiecapag à verser à la CINOR les sommes de 168 828,19 euros TTC au titre des désordres affectant le poste de refoulement F... et de 1 039,63 euros au titre des frais d'expertise ;

3°) de la mettre hors de cause ou, à tout le moins, de ramener à de plus justes proportions sa part de responsabilité ;

4°) de rejeter toute demande adverse plus ample ou contraire ainsi que tout appel en garantie dirigée contre elle ;

5°) de mettre à la charge de la société Egis Eau, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel incident est recevable ;

- elle n'a pas participé aux opérations d'expertise judiciaire de sorte que le rapport de l'expert ne peut lui être opposé ; au demeurant, ce rapport ne contient aucun élément de preuve permettant de lui imputer une quelconque responsabilité dans la survenance des dommages ;

- les demandes de la société Egis Eau en appel, notamment son appel en garantie dirigé à l'encontre des autres intervenants au chantier, sont irrecevables dès lors qu'elles constituent des demandes nouvelles alors qu'elle a été considérée par le tribunal comme s'étant désistée de l'ensemble de ses conclusions ;

- en tout état de cause, l'appel en garantie formulée par l'appelante à son encontre n'est pas fondé dès lors que l'origine des désordres est uniquement imputable à un défaut de conception de l'ouvrage relevant de la maîtrise d'œuvre assurée par la société Egis Eau et non à la mauvaise exécution des travaux ;

- les conditions pour que la garantie décennale des constructions soit mise en œuvre ne sont pas réunies ; d'une part, les désordres portent sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage qui relèvent de la garantie de parfait achèvement, conformément à l'article 1792 du code civil, et ce alors que ces désordres ne rendent pas l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; d'autre part, la responsabilité dans la survenue des désordres n'incombe pas aux constructeurs mais à la maîtrise d'œuvre et à l'assistant à maîtrise d'ouvrage ; en tout état de cause, les fautes commises par le maître d'ouvrage délégué dans l'exécution des missions qui lui étaient confiées par la CINOR et l'assistant à maîtrise d'ouvrage exonèrent la responsabilité des constructeurs ;

- la part de responsabilité incombant au groupement d'entreprises doit être ramené à de plus justes proportions ;

- le jugement attaqué doit être confirmé, notamment en ce qu'il rejette le surplus des demandes indemnitaires de la CINOR.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, la société anonyme (SA) Safège, représentée par Me Launey, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'appel en garantie de la société Egis Eau à son encontre qui constitue une demande nouvelle formulée pour la première fois en appel est irrecevable et ce alors que le tribunal avait pris acte du désistement des conclusions de cette dernière ;

- à titre subsidiaire, cet appel en garantie n'est pas fondé dès lors que l'appelante n'établit pas qu'elle aurait, en sa qualité de sous-traitante de l'Etat agissant en tant qu'assistant technique à la maîtrise d'ouvrage et n'ayant conclu aucun contrat de louage d'ouvrage avec la CINOR, commis une faute à son égard de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, la société par actions simplifiée (SAS) SBTPC - Sogea Réunion, venant aux droits de la société Sogea Réunion, représentée par Me Cerveaux, conclut au rejet de la requête, au rejet de l'ensemble des demandes de la CINOR et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert qui s'est approprié l'étude réalisée par la société Hydrétudes n'a pas accompli les diligences qu'impliquait sa mission ; il doit être entendu sur ce point par la formation de jugement, comme le permet l'article R. 621-10 du code de justice administratif ;

- les dysfonctionnements affectant le poste " bout E... " sont imputables à la CINOR, à son maître d'œuvre, et au géomètre missionné par le maître d'ouvrage ;

- elle ne saurait être responsable ni du défaut de conception relatif au dimensionnement des pompes et des puits de pompage de la station " F... " qui incombe au maître d'œuvre, à l'assistance à maîtrise d'ouvrage et au maître d'ouvrage, ni des conséquences de l'arrivée de matériaux solides à la station et qui impliquaient la création d'ouvrages dont la réalisation n'était pas prévue à son marché de travaux, de sorte que seule la responsabilité des sociétés Safège, Egis Eau et SEDRE doit être engagée ; en outre, les désordres sont la conséquence d'une erreur du géomètre, la société Méchy-Broyon ;

- les demandes indemnitaires de la CINOR vont au-delà des réparations des désordres retenues par l'expert et visent à une optimisation du fonctionnement de la station ; les préjudices matériel et moral invoqués par la CINOR ne sont pas établis.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre 2021 et 23 décembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société à responsabilité limitée (SARL) Ingénierie conception maîtrise (INCOM), représentée par Me Fournier, conclut à sa mise hors de cause, au rejet de l'ensemble des demandes de la CINOR, à titre subsidiaire, à ce que la société Egis Eau la garantisse à 100 % de toute condamnation solidaire ou in solidum prononcée à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre, et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu à son encontre une part de responsabilité à hauteur de 10 % au sein du groupement de maîtrise d'œuvre et a rejeté son appel en garantie à l'encontre de la société Egis Eau alors que le groupement qu'elle composait avec cette dernière n'était pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges par une erreur de fait et de droit, un groupement solidaire ; en outre, elle n'est pas intervenue sur les ouvrages litigieux, sa mission au sein du groupement ayant exclusivement porté sur les canalisations entre les postes de refoulement et la station d'épuration de Sainte-Marie ;

- elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne, d'une part, la part de responsabilité retenue par le tribunal, à hauteur de 60 %, de la maîtrise d'œuvre, d'autre part, les autres moyens soulevés par la société Egis Eau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2021, la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE), représentée par Me Antelme, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Egis Eau et toutes les conclusions des autres parties dirigées contre elle ;

2°) à titre d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 84 414,09 euros TTC et a rejeté ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de rejeter les demandes de la CINOR en tant qu'elles la visent ;

4°) de mettre à la charge de la CINOR la somme de 7 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en première instance, et de la CINOR et la société Egis Eau la somme de 7 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions, au titre des frais exposés en appel.

Elle soutient que :

- la demande en garantie de la société Egis Eau en tant qu'elle la vise n'est pas fondée dès lors que l'appelante n'apporte aucune preuve quant à une éventuelle faute qu'elle aurait commise à son détriment, encore moins d'un lien de causalité direct et certain avec le préjudice qu'elle allègue ; il en est de même des prétentions des autres parties formulées à son encontre ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en se bornant à juger qu'il y avait lieu de constater qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles ;

- c'est au prix d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur de droit et de qualification juridique des faits que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité contractuelle était engagée au titre d'une obligation de " sécurisation technique " du projet de construction et fixé arbitrairement sa part de responsabilité à 10 % alors que l'expert n'avait relevé aucun manquement sur ce point ;

- la demande de la CINOR n'est pas fondée, eu égard, d'une part, à son mandat de maîtrise d'ouvrage délégué qui lui imposait une simple obligation de moyens et ne comportait aucune responsabilité en matière de conception et d'exécution des travaux, d'autre part, à l'absence de toute faute de sa part, laquelle ne saurait découler des propres manquements des constructeurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2022, la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), représentée par Me Magnaval, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Egis Eau ;

2°) de rejeter les demandes des sociétés INCOM, ETB et Sogea Réunion ;

3°) à titre d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

4°) de condamner l'Etat, la société Egis Eau, la société Ingénierie conception maîtrise (INCOM), la Sogea Réunion, la Spiecapag Réunion, la société Electro Technique de Bourbon (ETB), et la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) à lui payer, en sus des condamnations prononcées en première instance, les sommes de 386 547,60 euros TTC au titre des travaux et prestations engendrés par les désordres affectant le poste de refoulement F..., 360 702,87 euros TTC, au titre du préjudice financier et de jouissance et 300 000 euros, au titre du préjudice moral et de la perte d'image consécutifs à ces désordres ;

5°) de mettre à la charge de ces sociétés et de l'Etat la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête de première instance était recevable ;

- le rapport d'expertise est opposable à l'appelante et à l'ensemble des intimés ;

- la responsabilité décennale du groupement de maîtrise d'œuvre, du groupement d'entreprises, titulaire du lot n° 1, et de l'Etat et son sous-traitant, la société Safège, est engagée ;

- la responsabilité contractuelle de la SEDRE est également engagée ;

- à titre d'appel incident, elle est fondée à solliciter les sommes de 386 547,60 euros TTC au titre des travaux et prestations complémentaires engendrés par les désordres affectant le poste de refoulement " F... ", de 360 702,87 euros TTC, soit 25 % du coût des travaux de reprise des désordres, au titre des préjudices matériel et financier correspondant à sa perte d'exploitation, et de 300 000 euros, au titre du préjudice moral et de la perte d'image qui en a résulté pour elle.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 janvier et 9 mars 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de la transition écologique, demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il a fixé à 10 % la part de responsabilité incombant à l'Etat dans la survenue des désordres.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les sociétés Egis Eau, Sogea Réunion et ETB ne sont pas fondés ;

- il s'en rapporte aux écritures présentées en première instance au nom de l'Etat ;

- eu égard à son rôle secondaire de contrôle, la part de responsabilité de l'Etat ne saurait excéder le taux de 10 % retenu par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2022, la société CISE Réunion, représentée par Me Lagourgue, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

Elle soutient que les conclusions de la société Egis Eau à son encontre sont, d'une part, mal dirigées, d'autre part, nouvelles en appel, et ce alors qu'elle n'était pas partie à la procédure de première instance.

II/ Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le numéro 21BX00123 les 11 janvier 2021 et 23 décembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société à responsabilité limitée (SARL) Ingénierie conception maîtrise (INCOM), représentée par Me Fournier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 ;

2°) de la déclarer hors de cause et de rejeter l'ensemble des demandes de la CINOR à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Egis Eau à la garantir à 100 % de toute condamnation solidaire ou in solidum prononcée à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre ;

4°) de mettre à la charge de la CINOR la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société INCOM soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu à son encontre une part de responsabilité à hauteur de 10 % au sein du groupement de maîtrise d'œuvre et a rejeté son appel en garantie à l'encontre de la société Egis Eau alors que le groupement qu'elle composait avec cette dernière n'était pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges par une erreur de fait et de droit, un groupement solidaire ; en outre, elle n'est pas intervenue sur les ouvrages litigieux, sa mission au sein du groupement ayant exclusivement porté sur les canalisations entre les postes de refoulement et la station d'épuration de Sainte-Marie ;

- elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne, d'une part, la part de responsabilité retenue par le tribunal, à hauteur de 60 %, de la maîtrise d'œuvre, d'autre part, les autres moyens soulevés par la société Egis Eau.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 avril et 8 juin 2021, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) J.-C. Mechy et S. Broyon, représentée par Me Grau, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à sa mise hors de cause, au rejet de la demande de la société SBTPC - Sogea Réunion et à ce que soit mise à la charge de la société INCOM, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société INCOM ne formule à son encontre aucune prétention, ni demande ni critique, de sorte qu'elle doit être purement et simplement mise hors de cause ;

- toute prétention à son encontre, de quelque partie que ce soit, serait irrecevable car, d'une part, elle constituerait une demande nouvelle en appel, d'autre part, si elle reposait sur l'action extracontractuelle, une telle action serait prescrite en application de l'article 2224 du code civil et tardive car présentée au-delà du délai de recours contentieux ; en tout état de cause, une telle action en responsabilité extracontractuelle ne serait pas fondée et ce alors qu'elle n'a pas participé aux opérations d'expertise et n'a pas été mise en cause par l'expert ; en outre, la CINOR ne justifie pas d'un préjudice indemnisable ;

- aucun lien de causalité ne peut être retenu entre la prétendue erreur altimétrique invoquée en première instance, et la responsabilité qui incombe aux constructeurs, et ce alors qu'il convient d'appliquer un abattement pour vétusté ;

- la société SBTPC - Sogea Réunion ne justifie ni de sa qualité pour introduire une action à son encontre ni de la nature de son action en appel ; son action qui doit être qualifiée d'appel principal constitue une demande nouvelle qui est irrecevable et par ailleurs tardive ; elle est outre non fondée dès lors qu'elle concerne le poste " bout E... " pour lequel le tribunal n'a prononcé aucune condamnation et non celui de " F... ", objet du présent litige ;

- l'argumentaire de la société ETB n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré les 19 avril 2021, la société anonyme (SA) Electro Technique de Bourbon (ETB), représentée par Me de Gery, demande à la cour :

1°) à titre d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il l'a déclarée solidairement responsables vis-à-vis de la CINOR à hauteur de 20 % ;

2°) de la mettre hors de cause ou, à tout le moins, de ramener à de plus justes proportions sa part de responsabilité ;

3°) de rejeter toute demande adverse plus ample ou contraire ainsi que tout appel en garantie dirigée contre elle ;

4°) de mettre à la charge de la société INCOM, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel incident est recevable ;

- elle n'a pas participé aux opérations d'expertise judiciaire de sorte que le rapport de l'expert ne peut lui être opposé ; au demeurant, ce rapport ne contient aucun élément de preuve permettant de lui imputer une quelconque responsabilité dans la survenance des dommages ;

- l'appel en garantie formulée par l'appelante à son encontre n'est pas fondé dès lors que l'origine des désordres est uniquement imputable à un défaut de conception de l'ouvrage relevant de la maîtrise d'œuvre assurée par la société Egis Eau et non à la mauvaise exécution des travaux ;

- les conditions pour que la garantie décennale des constructions soit mise en œuvre ne sont pas réunies ; d'une part, les désordres portent sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage qui relèvent de la garantie de parfait achèvement, conformément à l'article 1792 du code civil, et ce alors que ces désordres ne rendent pas l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; d'autre part, la responsabilité dans la survenue des désordres n'incombe pas aux constructeurs mais à la maîtrise d'œuvre et à l'assistant à maîtrise d'ouvrage ; en tout état de cause, la faute commise par le maître d'ouvrage délégué dans l'exécution des missions qui lui étaient confiées par la CINOR exonère la responsabilité des constructeurs ;

- la part de responsabilité incombant au groupement d'entreprises doit être ramené à de plus justes proportions ;

- le jugement attaqué doit être confirmé, notamment en ce qu'il rejette le surplus des demandes indemnitaires de la CINOR.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, la société anonyme (SA) Safège, représentée par Me Launey, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'appel en garantie de la société Egis Eau à son encontre qui constitue une demande nouvelle formulée pour la première fois en appel est irrecevable et ce alors que le tribunal avait pris acte du désistement des conclusions de cette dernière ;

- à titre subsidiaire, cet appel en garantie n'est pas fondé dès lors que l'appelante n'établit pas qu'elle aurait, en sa qualité de sous-traitante de l'Etat agissant en tant qu'assistant technique à la maîtrise d'ouvrage et n'ayant conclu aucun contrat de louage d'ouvrage avec la CINOR, commis une faute à son égard de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, la société par actions simplifiée (SAS) SBTPC - Sogea Réunion, venant aux droits de la société Sogea Réunion, représentée par Me Cerveaux, conclut au rejet de la requête, au rejet de l'ensemble des demandes de la CINOR et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert qui s'est approprié l'étude réalisée par la société Hydrétudes n'a pas accompli les diligences qu'impliquait sa mission ; il doit être entendu sur ce point par la formation de jugement, comme le permet l'article R. 621-10 du code de justice administratif ;

- les dysfonctionnements affectant le poste " bout E... " sont imputables à la CINOR, à son maître d'œuvre, et au géomètre missionné par le maître d'ouvrage ;

- elle ne saurait être responsable ni du défaut de conception relatif au dimensionnement des pompes et des puits de pompage de la station " F... " qui incombe au maître d'œuvre, à l'assistance à maîtrise d'ouvrage et au maître d'ouvrage, ni des conséquences de l'arrivée de matériaux solides à la station et qui impliquaient la création d'ouvrages dont la réalisation n'était pas prévue à son marché de travaux, de sorte que seule la responsabilité des sociétés Safège, Egis Eau et SEDRE doit être engagée ; en outre, les désordres sont la conséquence d'une erreur du géomètre, la société Méchy-Broyon ;

- les demandes indemnitaires de la CINOR vont au-delà des réparations des désordres retenues par l'expert et visent à une optimisation du fonctionnement de la station ; les préjudices matériel et moral invoqués par la CINOR ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2022, la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), représentée par Me Magnaval, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société INCOM ;

2°) de rejeter les demandes des sociétés ETB et Sogea Réunion ;

3°) à titre d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

4°) de condamner l'Etat, la société Egis Eau, la société Ingénierie conception maîtrise (INCOM), la Sogea Réunion, la Spiecapag Réunion, la société Electro Technique de Bourbon (ETB), et la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) à lui payer, en sus des condamnations prononcées en première instance, les sommes de 386 547,60 euros TTC au titre des travaux et prestations engendrés par les désordres affectant le poste de refoulement F..., 360 702,87 euros TTC, au titre du préjudice financier et de jouissance et 300 000 euros, au titre du préjudice moral et de la perte d'image consécutifs à ces désordres ;

5°) de mettre à la charge de ces sociétés et de l'Etat la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête de première instance était recevable ;

- le rapport d'expertise est opposable à l'appelante et à l'ensemble des intimés ;

- la responsabilité décennale du groupement de maîtrise d'œuvre, du groupement d'entreprises, titulaire du lot n° 1, et de l'Etat et son sous-traitant, la société Safège, est engagée ;

- la responsabilité contractuelle de la SEDRE est également engagée ;

- elle est fondée à solliciter les sommes de 386 547,60 euros TTC au titre des travaux et prestations complémentaires engendrés par les désordres affectant le poste de refoulement " F... ", de 360 702,87 euros TTC, soit 25 % du coût des travaux de reprise des désordres, au titre des préjudices matériel et financier correspondant à sa perte d'exploitation, et de 300 000 euros, au titre du préjudice moral et de la perte d'image qui en a résulté pour elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, le ministre de la transition écologique, demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il a fixé à 10 % la part de responsabilité incombant à l'Etat dans la survenue des désordres et de rejeter les demandes de la CINOR.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les sociétés INCOM, Sogea Réunion et ETB ne sont pas fondés ;

- il s'en rapporte aux écritures présentées en première instance au nom de l'Etat ;

- les préjudices financier, matériel et moral allégués par la CINOR ne sont pas établis ;

- eu égard à son rôle secondaire de contrôle, la part de responsabilité de l'Etat ne saurait excéder le taux de 10 % retenu par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, la société anonyme (SA) Egis Eau, représentée par Me Roux, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société INCOM ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 ;

3°) à titre principal, de rejeter la requête de la CINOR ;

4°) à titre subsidiaire, d'une part, de rejeter toutes demandes, fins et conclusions comme mal fondées du fait de l'absence des conditions nécessaires à l'engagement de sa responsabilité décennale avec toutes conséquences de droit et, d'autre part, de condamner solidairement et in solidum la société INCOM, la SEDRE, l'Etat, la société Safège, les entreprises composant le groupement titulaire du lot n°1, les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB et la société CISE Réunion à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle par avec toutes conséquences de droit ;

5°) de mettre à la charge de la société INCOM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société INCOM ne sont pas fondés ;

- les conditions pour que sa responsabilité décennale soit engagée ne sont pas réunies ;

- le tribunal a commis une erreur dans l'appréciation de la part de responsabilité retenue à son encontre ;

- elle est recevable et fondée, en cas de condamnation à garantir la société INCOM, à se prévaloir des fautes commises par les autres locateurs d'ouvrage, à savoir l'Etat et la société Safège, la société CISE Réunion en qualité d'exploitant du service, le groupement d'entreprises, titulaire du lot n° 1, et la SEDRE, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle.

III/ Par une requête, enregistrée sous le numéro 21BX00409 le 2 février 2021, la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE), représentée par Me Antelme, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 84 414,09 euros TTC et a rejeté ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes de la CINOR en tant qu'elles la visent ;

3°) de mettre à la charge de la CINOR, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 7 500 euros au titre des frais exposés en première instance, et la somme de 7 500 euros au titre des frais exposés en appel.

La SEDRE soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en se bornant à juger qu'il y avait lieu de constater qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles ;

- c'est au prix d'une dénaturation et d'une erreur de droit et de qualification juridique des faits que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité contractuelle était engagée au titre d'une obligation de " sécurisation technique " du projet de construction et fixé arbitrairement sa part de responsabilité à 10 % ;

- la demande de la CINOR n'est pas fondée, eu égard, d'une part, à son mandat de maîtrise d'ouvrage délégué qui lui imposait une simple obligation de moyens et ne comportait aucune responsabilité en matière de conception et d'exécution des travaux, d'autre part, à l'absence de toute faute de sa part, laquelle ne saurait découler des manquements des constructeurs.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 avril et 8 juin 2021, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) J.-C. Mechy et S. Broyon, représentée par Me Grau, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à sa mise hors de cause, au rejet de la demande de la société SBTPC - Sogea Réunion et à ce que soit mise à la charge de la SEDRE, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la SEDRE est irrecevable, faute pour elle de justifier sa qualité ;

- la SEDRE ne formule à son encontre aucune prétention, ni demande ni critique, de sorte qu'elle doit être purement et simplement mise hors de cause ;

- toute prétention à son encontre, de quelque partie que ce soit, serait irrecevable car, d'une part, elle constituerait une demande nouvelle en appel, d'autre part, si elle reposait sur l'action extracontractuelle, une telle action serait prescrite en application de l'article 2224 du code civil et tardive car présentée au-delà du délai de recours contentieux ; en tout état de cause, une telle action en responsabilité extracontractuelle ne serait pas fondée et ce alors qu'elle n'a pas participé aux opérations d'expertise et n'a pas été mise en cause par l'expert ;

- aucun lien de causalité ne peut être retenu entre la prétendue erreur altimétrique invoquée en première instance, et la responsabilité qui incombe aux constructeurs et ce alors qu'il convient d'appliquer un abattement pour vétusté ;

- la société SBTPC - Sogea Réunion ne justifie ni de sa qualité pour introduire une action à son encontre ni de la nature de son action en appel ; son action qui doit être qualifié d'appel principal constitue une demande nouvelle qui est irrecevable et par ailleurs tardive ; elle est outre non fondée dès lors qu'elle concerne le poste " bout E... " pour lequel le tribunal n'a prononcé aucune condamnation et non celui de " F... ", objet du présent litige ;

- l'argumentaire de la société ETB n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, la société anonyme (SA) Safège, représentée par Me Launey, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'appel en garantie de la société Egis Eau à son encontre qui constitue une demande nouvelle formulée pour la première fois en appel est irrecevable et ce alors que le tribunal avait pris acte du désistement des conclusions de cette dernière ;

- à titre subsidiaire, cet appel en garantie n'est pas fondé dès lors que l'appelante n'établit pas qu'elle aurait, en sa qualité de sous-traitante de l'Etat agissant en tant qu'assistant technique à la maîtrise d'ouvrage et n'ayant conclu aucun contrat de louage d'ouvrage avec la CINOR, commis une faute à son égard de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, la société par actions simplifiée (SAS) SBTPC - Sogea Réunion, venant aux droits de la société Sogea Réunion, représentée par Me Cerveaux, conclut au rejet de la requête, au rejet de l'ensemble des demandes de la CINOR et à ce que soit mise à la charge de la société Egis Eau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert qui s'est approprié l'étude réalisée par la société Hydrétudes n'a pas accompli les diligences qu'impliquait sa mission ; il doit être entendu sur ce point par la formation de jugement, comme le permet l'article R. 621-10 du code de justice administratif ;

- les dysfonctionnements affectant le poste " bout E... " sont imputables à la CINOR, à son maître d'œuvre, et au géomètre missionné par le maître d'ouvrage ;

- elle ne saurait être responsable ni du défaut de conception relatif au dimensionnement des pompes et des puits de pompage de la station " F... " qui incombe au maître d'œuvre, à l'assistance à maîtrise d'ouvrage et au maître d'ouvrage, ni des conséquences de l'arrivée de matériaux solides à la station et qui impliquaient la création d'ouvrages dont la réalisation n'était pas prévue à son marché de travaux, de sorte que seule la responsabilité des sociétés Safège, Egis Eau et SEDRE doit être engagée ; en outre, les désordres sont la conséquence d'une erreur du géomètre, la société Méchy-Broyon ;

- les demandes indemnitaires de la CINOR vont au-delà des réparations des désordres retenues par l'expert et visent à une optimisation du fonctionnement de la station ; les préjudices matériel et moral invoqués par la CINOR ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré les 12 mai 2021, la société anonyme (SA) Electro Technique de Bourbon (ETB), représentée par Me de Gery, demande à la cour :

1°) à titre d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il l'a déclarée solidairement responsables vis-à-vis de la CINOR à hauteur de 20 % ;

2°) de la mettre hors de cause ou, à tout le moins, de ramener à de plus justes proportions sa part de responsabilité ;

3°) de rejeter toute demande adverse plus ample ou contraire ainsi que tout appel en garantie dirigée contre elle ;

4°) de mettre à la charge de la société SEDRE, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel incident est recevable ;

- elle n'a pas participé aux opérations d'expertise judiciaire de sorte que le rapport de l'expert ne peut lui être opposé ; au demeurant, ce rapport ne contient aucun élément de preuve permettant de lui imputer une quelconque responsabilité dans la survenance des dommages ;

- l'appel en garantie formulé par l'appelante à son encontre n'est pas fondé dès lors que l'origine des désordres est uniquement imputable à un défaut de conception de l'ouvrage relevant de la maîtrise d'œuvre assurée par la société Egis Eau et non à la mauvaise exécution des travaux ;

- les conditions pour que la garantie décennale des constructions soit mise en œuvre ne sont pas réunies ; d'une part, les désordres portent sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage qui relèvent de la garantie de parfait achèvement, conformément à l'article 1792 du code civil, et ce alors que ces désordres ne rendent pas l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; d'autre part, la responsabilité dans la survenue des désordres n'incombe pas aux constructeurs mais à la maîtrise d'œuvre et à l'assistant à maîtrise d'ouvrage ; en tout état de cause, la faute commise par le maître d'ouvrage délégué dans l'exécution des missions qui lui étaient confiées par la CINOR exonère la responsabilité des constructeurs ;

- la part de responsabilité incombant au groupement d'entreprises doit être ramené à de plus justes proportions ;

- le jugement attaqué doit être confirmé, notamment en ce qu'il rejette le surplus des demandes indemnitaires de la CINOR.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juin 2021 et 23 décembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société à responsabilité limitée (SARL) Ingénierie conception maîtrise (INCOM), représentée par Me Fournier, conclut à sa mise hors de cause, au rejet de l'ensemble des demandes de la CINOR, à titre subsidiaire, à ce que la société Egis Eau la garantisse à 100 % de toute condamnation solidaire ou in solidum prononcée à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre, et à ce que soit mise à la charge de la société SEDRE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu à son encontre une part de responsabilité à hauteur de 10 % au sein du groupement de maîtrise d'œuvre et a rejeté son appel en garantie à l'encontre de la société Egis Eau alors que le groupement qu'elle composait avec cette dernière n'était pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges par une erreur de fait et de droit, un groupement solidaire ; en outre, elle n'est pas intervenue sur les ouvrages litigieux, sa mission au sein du groupement ayant exclusivement porté sur les canalisations entre les postes de refoulement et la station d'épuration de Sainte-Marie ;

- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société SEDRE ;

- elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne, d'une part, la part de responsabilité retenue par le tribunal, à hauteur de 60 %, de la maîtrise d'œuvre, d'autre part, les autres moyens soulevés par la société Egis Eau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2022, la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), représentée par Me Magnaval, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SEDRE ;

2°) de rejeter les demandes des sociétés INCOM, ETB et Sogea Réunion ;

3°) à titre d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

4°) de condamner l'Etat, la société Egis Eau, la société Ingénierie conception maîtrise (INCOM), la Sogea Réunion, la Spiecapag Réunion, la société Electro Technique de Bourbon (ETB), et la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) à lui payer, en sus des condamnations prononcées en première instance, les sommes de 386 547,60 euros TTC au titre des travaux et prestations engendrés par les désordres affectant le poste de refoulement F..., 360 702,87 euros TTC, au titre du préjudice financier et de jouissance et 300 000 euros, au titre du préjudice moral et de la perte d'image consécutifs à ces désordres ;

5°) de mettre à la charge de ces sociétés et de l'Etat la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête de première instance était recevable ;

- le rapport d'expertise est opposable à l'appelante et à l'ensemble des intimés ;

- la responsabilité décennale du groupement de maîtrise d'œuvre, du groupement d'entreprises, titulaire du lot n° 1, et de l'Etat et son sous-traitant, la société Safège, est engagée ;

- la responsabilité contractuelle de la SEDRE est engagée ;

- elle est fondée à solliciter les sommes de 386 547,60 euros TTC au titre des travaux et prestations complémentaires engendrés par les désordres affectant le poste de refoulement " F... ", de 360 702,87 euros TTC, soit 25 % du coût des travaux de reprise des désordres, au titre des préjudices matériel et financier correspondant à sa perte d'exploitation, et de 300 000 euros, au titre du préjudice moral et de la perte d'image qui en a résulté pour elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, le ministre de la transition écologique, demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il a fixé à 10 % la part de responsabilité incombant à l'Etat dans la survenue des désordres et de rejeter les demandes de la CINOR.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les sociétés INCOM, Sogea Réunion et ETB ne sont pas fondés ;

- il s'en rapporte aux écritures présentées en première instance au nom de l'Etat ;

- les préjudices financier, matériel et moral allégués par la CINOR ne sont pas établis ;

- eu égard à son rôle secondaire de contrôle, la part de responsabilité de l'Etat ne saurait excéder le taux de 10 % retenu par les premiers juges.

Vu :

- l'ordonnance du 11 janvier 2017 du tribunal administratif de La Réunion portant désignation d'un expert, ensemble le rapport d'expertise de M. D... B..., déposé le 10 août 2017 et l'ordonnance du 6 novembre 2017 taxant et liquidant les frais d'expertise à la somme de 10 396,26 euros ;

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coquillon, représentant la CINOR, de Me Chanaron, représentant la société INCOM, de Me Fouillade, représentant la société Safège, et de Me Monaji se substituant à Me Roux, représentant la société Egis Eau.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de son schéma directeur des systèmes d'assainissement de l'agglomération du Nord, élaboré en 2000 et 2001, la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) qui regroupe les communes de Saint-Denis, Sainte-Marie et Sainte-Suzanne (La Réunion) a décidé de renouveler ses stations d'épuration des eaux usées, dont celle du Grand Prado, située à Sainte-Marie et de construire un réseau de transfert et plusieurs postes de refoulement, dont le poste principal dit " F... " à Saint-Denis et le poste annexe dit " A... E... " à Sainte-Marie. Pour la réalisation de ces travaux, elle a délégué la maîtrise d'ouvrage à la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) par une convention de mandat conclue le 18 septembre 2002. La SEDRE a confié à la direction départementale de l'équipement de La Réunion, devenue la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion, une mission d'assistance technique à la maîtrise d'ouvrage par un marché signé le 18 août 2003. L'Etat a sous-traité les prestations relatives à l'expertise technique des réseaux à la société Safège. Par un marché conclu le 9 août 2005, la SEDRE a confié à un groupement conjoint composé de la société BCEOM, aux droits de laquelle vient la société Egis Eau, mandataire, et du bureau d'études, la société Ingénierie conception maîtrise (INCOM), une mission de maîtrise d'œuvre, incluant notamment la réalisation des études relatives aux réseaux de transfert des eaux usées et des documents concernant les marchés de travaux. L'opération de construction des réseaux de transfert des eaux usées de la CINOR a été décomposée en trois lots. Par acte d'engagement signé le 30 septembre 2011, notifié le 16 décembre suivant, la SEDRE a confié le lot n° 1 " stations de pompage ", qui concernait notamment les travaux de construction des postes de refoulement de " F... " et de " A... E... ", à un groupement solidaire composé de la société Sogea Réunion, mandataire, et des sociétés Spiecapag Réunion et Electro Technique de Bourbon (ETB). Ces travaux ont été réceptionnés définitivement le 8 janvier 2015, après levée des réserves. Par une convention d'affermage signée le 1er janvier 2013, la CINOR a délégué à la société CISE Réunion le service public d'assainissement collectif pour une durée de sept ans à compter de cette date. Entre 2014 et 2017, la société CISE Réunion a constaté diverses anomalies et dysfonctionnements affectant le bon fonctionnement du service. Pour y remédier, la CINOR a confié à la société ATM-OI un marché public de maîtrise d'œuvre, signé le 2 septembre 2016, en vue de la réalisation d'un diagnostic de l'état du poste de refoulement de " F... " et de déterminer les travaux de réhabilitation envisageables. Elle a, en outre, autorisé la société CISE Réunion à réaliser des travaux d'optimisation et de remplacement de certains ouvrages défectueux, de nouvelles pompes ayant ainsi été acquises et installées à partir de l'année 2017, et confié à la société Hydrétudes en 2017 une mission de diagnostic des ouvrages existants et des travaux à réaliser pour remédier aux désordres. Parallèlement, le juge des référés du tribunal, saisi par la CINOR a, par une ordonnance n° 1601003 du 11 janvier 2017, désigné M. B..., en tant qu'expert chargé de constater les désordres et d'en déterminer les causes et responsabilités. L'expert a déposé son rapport définitif le 10 août 2017. La société Sogea Réunion a demandé un complément d'expertise qui a été rejeté par une ordonnance du juge des référés du 12 mars 2019. La CINOR a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la condamnation l'Etat, la SEDRE et les sociétés Safège, Egis Eau, INCOM, Sogea, Spiecapag et ETB à lui verser la somme totale de 1 873 442,04 euros TTC en réparation des désordres ayant rendu le poste de refoulement de " F... " impropre à sa destination, ainsi que les sommes de 360 702,87 euros TTC, au titre du préjudice financier et de jouissance et de 300 000 euros, au titre du préjudice moral et de la perte d'image consécutifs à ces désordres. Par un jugement du 12 novembre 2020, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société INCOM lui verser la somme de 50 648,46 euros TTC, la société Egis Eau à lui verser la somme de 455 836,11 euros TTC, les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag et ETB à lui verser solidairement la somme de 168 828,19 euros TTC, l'Etat à lui verser la somme de 84 414,09 euros TTC et la SEDRE à lui verser la somme de 84 414,09 euros TTC, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2018 et capitalisation au 1er août 2019 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et a rejeté le surplus de ses demandes.

2. Par une première requête, enregistrée sous le numéro 21BX00119, la société Egis Eau doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 455 838,11 euros en réparation des désordres. Par la voie de l'appel incident, la société ETB demande l'annulation de ce jugement du tribunal en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec les sociétés Sogea Réunion et Spiecapag à verser à la CINOR les sommes de 168 828,19 euros TTC au titre des désordres affectant le poste de refoulement " F... " et de 1 039,63 euros au titre des frais d'expertise, la SEDRE demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 84 414,09 euros TTC, et la CINOR demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.

3. Par une deuxième requête, enregistrée sous le numéro 21BX00123, la société INCOM doit être regardée comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 50 648,46 euros TTC et a rejeté son appel en garantie. Par la voie de l'appel incident, la société ETB demande l'annulation de ce jugement du tribunal en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec les sociétés Sogea Réunion et Spiecapag à verser à la CINOR les sommes de 168 828,19 euros TTC au titre des désordres affectant le poste de refoulement " F... " et de 1 039,63 euros au titre des frais d'expertise, la CINOR demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes, et la société Egis demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 455 836,11 euros en réparation des désordres.

4. Par une troisième requête, enregistrée sous le numéro 21BX00409, la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) relève appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 novembre 2020 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 84 414,09 euros TTC. Par la voie de l'appel incident, la société ETB demande l'annulation de ce jugement du tribunal en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec les sociétés Sogea Réunion et Spiecapag à verser à la CINOR les sommes de 168 828,19 euros TTC au titre des désordres affectant le poste de refoulement " F... " et de 1 039,63 euros au titre des frais d'expertise, et la CINOR demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la jonction :

5. Les requêtes n°s 21BX00119, 21BX00123 et 21BX00409 présentent à juger des questions semblables. Compte tenu du lien étroit les unissant, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. En premier lieu, si la société Egis Eau soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la demande de la CINOR était recevable alors que son président ne justifiait pas avoir été habilité pour ester en justice, un tel moyen qui doit être examiné, le cas échéant d'office, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel est sans incidence sur la régularité du jugement. Au demeurant, il ressort du dossier de première instance que la CINOR a produit devant le tribunal, à l'appui de son mémoire enregistré le 6 septembre 2019, avant la clôture de l'instruction, une délibération n° 2014/8-03 du conseil de la communauté de communes adoptée lors de sa séance du 23 juillet 2014, autorisant son président à " intenter au nom de la CINOR toutes les actions en justice se rapportant directement à la gestion des affaires communautaires et défendre la CINOR dans les actions intentées contre elle devant tout type de juridiction ".

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement (...) peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. (...) / Le président de la formation de jugement (...) peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. ".

8. A l'occasion de la contestation en appel d'un jugement prenant acte du désistement d'une partie de ses conclusions incidentes en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois à la partie pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, que la partie s'est abstenue de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 611-8-1.

9. Il ressort du dossier de première instance que la demande présentée par la CINOR tendant à la condamnation de l'Etat, de la SEDRE, des sociétés Safège, Egis Eau, INCOM, Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB au titre de la garantie décennale, pour un montant total de de 1 873 442,04 euros TTC, a été enregistrée au greffe du tribunal le 1er août 2018 et a été communiquée à l'ensemble des parties mises en cause les 9 et 22 août et 17 septembre suivants, à l'exception de la société Mechy et Broyon, appelée en intervention forcée et dont la procédure lui a été communiquée le 16 mai 2019. Après une mise en demeure adressée aux défendeurs le 18 mars 2019, chacune des parties mises en cause par la CINOR a produit au moins un mémoire en défense entre le 22 mars 2019 et le 30 juillet 2019, la société Egis Eau ayant produit son premier mémoire en défense le 25 juillet 2019, tandis que la CINOR a produit un mémoire en réplique le 24 juillet 2019, soit avant la clôture de l'instruction fixée au 30 juillet 2019 par une ordonnance du 2 juillet précédent, avant d'être rouverte par une ordonnance du 6 août 2019. Il ressort également du dossier de première instance que, par lettres des 7 et 19 août 2019, le magistrat rapporteur du tribunal administratif de La Réunion, faisant application des dispositions, citées au point 7, du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, et visées dans ces courriers, a demandé à l'ensemble des parties, dont la société Egis Eau de présenter un mémoire récapitulatif dans le délai d'un mois, en les informant que, à défaut de production du mémoire récapitulatif dans le délai imparti, elles seraient réputées s'être désistées de leurs requête et conclusions incidentes. Il est constant que la société Egis Eau dont le conseil avait reçu le courrier le 8 août 2019 par la voie de l'application Télérecours, n'a pas produit un tel mémoire ni dans ce délai ni d'ailleurs avant la clôture de l'instruction intervenue automatiquement trois jours francs avant l'audience.

10. Eu égard à la chronologie de l'instruction menée devant le tribunal, au nombre et à la complexité des premières écritures échangées, ainsi qu'à l'objet du litige, le magistrat rapporteur du tribunal a pu, dans les circonstances de l'espèce, faire application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative en adressant à l'ensemble des parties une demande de production d'un mémoire récapitulatif, en particulier à la société Egis Eau par courrier du 7 août 2019, alors même que cette dernière avait produit son premier mémoire en défense le 25 juillet précédent. Dans ces conditions, la société Egis Eau à qui il appartenait, le cas échéant, de confirmer ses premières écritures par un simple courrier, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a constaté que, en l'absence de production de mémoire récapitulatif, elle s'était désistée de ses conclusions et a donné acte de ce désistement.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. (...) ".

12. Il ressort des points 42 à 45 de son jugement que le tribunal, après avoir relevé que la CINOR pouvait rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué, faute d'avoir délivré à la SEDRE le quitus prévu par la convention de mandat, et rappelé les missions dévolues à cette dernière aux termes de cette convention, notamment celle de vérifier que la conception et la réalisation de l'ensemble des équipements respectaient les règles de construction et environnementales, en a déduit que la SEDRE avait manqué à ses obligations contractuelles en n'assurant pas efficacement la sécurisation technique du projet et en fixant, par une juste appréciation, sa part de responsabilité contractuelle à 10 %. En statuant ainsi, les premiers juges qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments développés devant eux, n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur la recevabilité du surplus des conclusions de l'appel principal de la société Egis Eau dans l'instance n° 21BX00119 :

13. En principe, un désistement a le caractère d'un désistement d'instance. Il n'en va autrement que si le caractère de désistement d'action résulte sans aucune ambiguïté des écritures du requérant. Par voie de conséquence, lorsque le dispositif de la décision de justice qui donne acte d'un désistement ne comporte aucune précision sur la nature du désistement dont il est donné acte, ce désistement doit être regardé comme un désistement d'instance. Il ne fait, dès lors, pas obstacle à ce que la même partie réitère, si elle s'y estime recevable et fondée, une demande tendant aux mêmes fins ou intervienne au soutien de conclusions présentées par une tierce personne aux mêmes fins.

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que le tribunal a donné acte au désistement des conclusions incidentes de la société Egis Eau, lequel doit être regardé comme un désistement d'instance. Si ce désistement ne faisait pas obstacle à ce que la société conteste, par la voie de l'appel principal, le jugement attaqué, les conclusions qu'elle présente à l'appui de son recours, enregistré sous le numéro 21BX00119 et tendant à ce que la société INCOM, la SEDRE, l'Etat, la société Safège, les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB et la société CISE Réunion la garantisse des condamnations prononcées contre elle, constituent une demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'opposabilité et la régularité des opérations d'expertise :

15. Les entreprises qui se sont engagées conjointement et solidairement par un même marché envers un cocontractant à participer à l'exécution d'un même ouvrage sans qu'aucune répartition des tâches soit faite entre elles par le marché doivent être regardées comme s'étant donné mandat mutuel de se représenter dans tous les actes administratifs et techniques relatifs à l'exécution du marché qui interviennent dans les relations contractuelles du maître de l'ouvrage et des entreprises signataires du marché.

16. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, dans le cadre du lot n° 1 du marché de construction qui leur a été attribué par acte d'engagement signé le 30 septembre 2011, la société ETB s'est engagée solidairement avec les sociétés Sogea Réunion et Spiecapag Réunion envers la SEDRE à construire notamment le poste de refoulement " F... ". Eu égard à cet engagement solidaire et à la désignation de la société Sogea Réunion comme mandataire du groupement d'entreprises, les opérations d'expertise menées par M. B..., quand bien même elles se sont déroulées en présence du seul mandataire du groupement, ainsi que cela résulte de l'instruction, sont opposables aux autres entreprises co-contractantes. La société ETB n'est ainsi pas fondée à soutenir que les opérations d'expertise ne lui sont pas opposables.

17. Par ailleurs, si la société Egis Eau et la société SBTPC - Sogea Réunion estiment que les diligences accomplies de l'expertise en termes d'investigation et de conclusions sont insuffisantes, il résulte de l'instruction que l'expert a procédé à deux visites du poste de " F... ", les 24 janvier et 3 avril 2017, ainsi qu'à une visite des pompes en réparation le 25 janvier 2017, et qu'il a effectué des réunions avec les parties aux deux premières dates, en présence notamment de la société Sogea Réunion qui a ainsi été mise à même de présenter ses observations. Contrairement à ce soutient cette dernière, le rapport de l'expert, lequel a pu s'appuyer sur l'étude de diagnostic et d'optimisation du poste de refoulement réalisée par la société Hydrétudes en juin 2017 et qui a été communiquée aux parties lors des opérations d'expertise, peut être regardé comme comportant des éléments d'appréciation suffisants sur les causes des désordres, la nature des travaux de réparation et les responsabilités respectives des intervenants à l'acte de construire. Dès lors, il n'y a lieu pour la cour, ni d'ordonner avant-dire-droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise complémentaire, ni de faire usage du pouvoir qu'elle tient de l'article R. 621-10 du même code, en demandant à l'expert d'apporter des explications complémentaires.

En ce qui concerne la responsabilité décennale de l'Etat, du groupement de maîtrise d'œuvre et des sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB :

18. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

S'agissant du caractère apparent des désordres :

19. Il résulte de l'instruction que la société CISE Réunion à qui l'exploitation du service public d'assainissement collectif avait été délégué à compter du 1er septembre 2013 a signalé à la CINOR diverses anomalies et dysfonctionnements affectant le bon fonctionnement des équipements, à savoir des débordements occasionnels d'eaux usées dans le milieu maritime et la casse des dégrilleurs et des pompes du poste de refoulement

" F... ". Si d'autres dysfonctionnements avaient pu être signalés par l'exploitant dès janvier 2014, il est constant que les désordres invoqués par la CINOR au titre de l'action en garantie décennale, d'ailleurs constatés par procès-verbal d'huissier dressés le 2 octobre 2015, sont apparus en août 2015 et n'étaient ni apparents ni prévisibles à la date de la réception définitive de l'ouvrage, intervenue le 8 janvier précédent.

S'agissant de la nature des désordres :

20. Il résulte du rapport de l'expert que le poste de refoulement " F... " se caractérisait, à l'époque de l'apparition des désordres, par l'absence, en amont des dégrilleurs, d'un dispositif de décantation primaire permettant de piéger les gros matériaux solides transportés, alors que les épisodes de fortes pluies, habituels à La Réunion durant l'été austral, à l'instar de la tempête de février 2017 dont il est fait mention dans le rapport d'expertise, font augmenter significativement les quantités de débris à l'entrée des stations d'épuration. En conséquence, les gros matériaux solides non éliminés endommageaient les dégrilleurs et les pompes. En outre, le positionnement trop rapproché des pompes entre elles et l'inadaptation de la géométrie des puits de pompage était de nature à compromettre l'aspiration des effluents et à favoriser les turbulences et la cavitation à l'origine de dommages aux pompes. Il résulte également de l'instruction que la casse des pompes, quand bien même elle concernerait un élément dissociable du poste de refoulement, a entraîné la dégradation globale du fonctionnement de celui-ci et, plus largement, de la station d'épuration à laquelle il se rattachait, qui n'a plus été en mesure d'aspirer correctement les effluents et de traiter de manière efficiente l'ensemble des eaux usées. Alors que la fonction de la station est de collecter et d'évacuer les eaux usées, ainsi que de protéger l'environnement, un volume important d'eaux usées a été déversé dans l'océan, occasionnant une pollution notoire qui a été relatée par des articles de la presse régionale en décembre 2016 et janvier 2017. Les désordres ainsi constatés, apparus dans le délai d'épreuve de dix ans et qui, comme l'a constaté l'expert, ne permettaient pas un fonctionnement satisfaisant de l'ouvrage, sont de nature à rendre impropre à sa destination le poste de refoulement " F... ", mais aussi l'ensemble de la station d'épuration. Dès lors, la CINOR est fondée à soutenir que la responsabilité décennale des constructeurs est engagée.

21. En revanche, si la CINOR fait état d'autres détériorations qui lui avaient été également signalées par l'exploitant, telles que celles affectant le mât central du support de la bâche du bassin tampon, les résines ou encore l'unité de désodorisation, elle ne justifie, pas plus en appel qu'en première instance, de leur lien avec les désordres litigieux et leur reprise, non plus que de leur gravité, de sorte qu'ils ne peuvent être regardés comme entrant dans le champ de la garantie décennale.

S'agissant de l'imputabilité des désordres :

22. L'action en garantie décennale n'est ouverte au maître d'ouvrage qu'à l'égard des constructeurs, maîtres d'œuvre et entreprises ayant réalisé les travaux, avec lesquels il a été lié par un contrat de louage d'ouvrage, même s'il a donné mandat à un maître d'ouvrage délégué pour passer ces contrats. Eu égard à ses stipulations, un contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage peut revêtir le caractère d'un contrat de louage d'ouvrage et la qualité de constructeur être également reconnue à l'assistant de maîtrise d'ouvrage.

Quant à la responsabilité du groupement de maîtrise d'œuvre :

23. Il résulte de l'instruction que le groupement composé des sociétés BCEOM, devenue Egis Eau, et INCOM, bénéficiait d'une mission de maîtrise d'œuvre quasi complète au regard des dispositions de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée et de celles du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé. Aux termes de l'article 3 de l'acte d'engagement signé le 9 août 2005 avec la SEDRE, et modifié par l'avenant n°4 signé le 5 janvier 2011, le groupement devait ainsi procéder aux études préliminaires (ETP), d'avant-projet (AVP), et de projet (PRO), viser les études d'exécution (VISA), assister à la passation des contrats de travaux (ACT), à la direction de leur exécution (DET) et assister aux opérations de réception (AOR). Aux termes du a) du point 2 de l'annexe I de l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, les études d'avant-projet ont notamment pour objet de " préciser la composition générale en plan et en volume ", de " vérifier la compatibilité de la solution retenue avec les contraintes du programme et du site ainsi qu'avec les différentes réglementations, notamment celles relatives à l'hygiène et à la sécurité ", de " contrôler les relations fonctionnelles des éléments du programme et leurs surfaces " et d' " apprécier les volumes intérieurs et l'aspect extérieur de l'ouvrage, ainsi que les intentions de traitement des espaces d'accompagnement ". Aux termes du a) du point 3 de cette même annexe, les études de projet ont notamment pour objet de " préciser les formes des différents éléments de la construction, la nature et les caractéristiques des matériaux et les conditions de leur mise en œuvre ", de " déterminer l'implantation et l'encombrement de tous les éléments de structure et de tous les équipements techniques " et de " préciser les tracés des alimentations et évacuations de tous les fluides et, en fonction du mode de dévolution des travaux, coordonner les informations et contraintes nécessaires à l'organisation spatiale des ouvrages ". Dans ce cadre, il résulte de l'instruction que le groupement de maîtrise d'œuvre a été à l'origine de la rédaction du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 1 " station de pompage ", incluant notamment les caractéristiques techniques du dégrilleur et du poste de pompage.

24. Dans son rapport, l'expert souligne que la connaissance de la puissance des pompes à installer conduisait nécessairement à la définition du volume de pompage et des dimensions à réserver autour de chaque pompe, tandis que la connaissance du site devait aboutir à la prévision d'une zone de tranquillisation pour la décantation des plus gros éléments des matériaux solides transportés avant leur reprise dans la zone des dégrilleurs. Il estime que ces deux points fondamentaux qui relèvent des modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre rappelés au point précédent, en particulier lors des études d'avant-projet et de projet, auraient dû être " étudiés au stade de la conception ".

25. Il résulte de l'instruction que, si la maîtrise d'œuvre n'est pas la seule à être intervenue au stade de la conception, puisque le maître d'ouvrage délégué et l'assistance à maîtrise d'ouvrage disposaient de missions d'éclairage, d'accompagnement et de contrôle dans ce domaine, elle s'était vu confier une part prépondérante dans la conception du projet, dès lors qu'elle devait réaliser les trois premiers types d'études, et intervenait également " au stade de l'exécution " en visant les documents d'exécution élaborés par le groupement d'entreprises de travaux. Dans ces conditions, le tribunal a pu faire une juste appréciation de la part de responsabilité incombant au groupement de maîtrise d'œuvre en fixant celle-ci à 60 %.

26. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître d'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer les malfaçons susceptibles de rendre l'immeuble impropre à sa destination, selon les principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître d'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

27. En l'espèce, il résulte tant de l'article 2 de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre signé le 13 juin 2005 que de l'article 2 du protocole d'accord conclu entre la SEDRE et les sociétés Egis Eau et INCOM le 13 septembre 2005 que, contrairement à ce que soutient cette dernière, ces deux sociétés s'étaient solidairement engagées l'une envers l'autre pour effectuer la mission de maîtrise d'œuvre. Si la répartition des tâches entre les sociétés du groupement a été modifiée en dernier lieu par un avenant n° 5, signé le 11 avril 2012, il résulte des termes mêmes de cet avenant que l'engagement solidaire n'a pas été remis cause. Il ne résulte pas davantage de cet avenant que la société INCOM se serait déchargée de toute mission concernant le poste de refoulement " F... ". Si l'article 2 de cet avenant attribue à la société Egis Eau la totalité de la mission concernant le suivi des travaux du lot

n° 1 relatif à la réalisation des stations de refoulement et si la société INCOM fait valoir qu'elle n'était en charge que de la partie relative au génie civil, elle a toutefois participé de manière effective, conformément aux pièces contractuelles opposables au maître d'ouvrage, à l'établissement du dossier de consultation des entreprises (DCE) et aux différentes études préliminaires, d'avant-projet et de projet, ainsi qu'à l'assistance pour la passation des contrats de travaux. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé à 10 % la part devant être mise à la charge de la société INCOM sur le montant des condamnations à échoir au groupement, contre 90 % à la charge de la société Egis Eau, mandataire du groupement.

28. Il s'ensuit que la part de responsabilité incombant à la société INCOM vis-à-vis de la CINOR doit être fixée à 6 % et que celle de la société Egis Eau doit être fixée à 54 %.

Quant à la responsabilité du groupement d'entreprises :

29. Il résulte de l'instruction que le groupement d'entreprises solidaire, composé des sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB, était chargé de l'exécution du lot

n° 1 du marché de réalisation des réseaux de transfert des eaux usées de la CINOR. Aux termes du cahier des clauses techniques particulières de ce lot, les travaux comprenaient la réalisation de trois stations de pompage dont celle " F... ", le groupement étant chargé de la construction complète des ouvrages, incluant notamment la réalisation d'un poste de dégrillage automatique, d'un dessableur et d'un poste de pompage, ainsi que la pose des pompes, selon les caractéristiques techniques définies dans ce cahier. Il lui incombait également de procéder aux études d'exécution qui devaient ensuite être visées par la maîtrise d'œuvre. Le groupement s'engageait en outre, en vertu de l'article 3 du cahier des clauses administratives particulières du marché à " exécuter l'intégralité des travaux nécessaires pour le complet et parfait achèvement des travaux projetés et conformément aux règles de l'art ", l'installation devant être " livrée complète, en ordre de marche, y compris la fourniture, le transport, la mise en place, le raccordement ainsi que le réglage de tous les appareils et accessoires nécessaires au bon fonctionnement des installations ".

30. Il résulte de l'instruction que l'expert a, ainsi qu'il a été dit au point 24, souligné dans son rapport que la connaissance de la puissance des pompes à installer devait conduire nécessairement à la définition du volume de pompage et des dimensions à réserver autour de chaque pompe, tandis que la connaissance du site devait aboutir à la prévision d'une zone de tranquillisation pour décantation des plus gros éléments des matériaux solides. Il estime que ces deux points fondamentaux auraient dû, au-delà de l'implication des constructeurs au stade de la conception, être " confirmés au stade de l'exécution ". Dans sa réponse au dire de la société Sogea Réunion du 28 juillet 2017, l'expert précise que, pendant la phase d'exécution, il incombait aux entreprises de s'assurer de la faisabilité du projet, notamment en posant virtuellement les pompes dans leur puits, en vérifiant la compatibilité entre le type de pompe et l'espace prévu et en s'informant sur la nature des effluents et les modalités de prétraitement des matériaux solides, notamment par temps de pluie. Si, comme le souligne à juste titre la société ETB, l'expert ne critique pas la mauvaise exécution des travaux qui incombait au groupement, il relève néanmoins le manque de questionnement des entreprises lors de l'élaboration des documents d'exécution. Par conséquent, faute d'avoir alerté le maître d'œuvre ou le maître d'ouvrage sur les conséquences éventuelles d'une conception défectueuse, le groupement d'entreprises de travaux doit être regardé, au titre de la garantie décennale, comme ayant une part de responsabilité vis-à-vis de la CINOR.

31. Toutefois, d'une part, il résulte des articles 5 et 5 bis de l'annexe I de l'arrêté du 21 décembre 1993 précité que les études d'exécution, qui n'interviennent qu'après les études de projet menées par la maîtrise d'œuvre et sont visées par elle, sont fondées sur le projet approuvé par le maître de l'ouvrage, auquel elles doivent être conformes, sans nécessiter d'études complémentaires. D'autre part, si l'expert critique le manque de réflexion " au stade de l'exécution ", ce défaut ne concerne pas seulement les entreprises chargées d'élaborer les documents d'exécution et de procéder à la réalisation des travaux, mais l'ensemble des intervenants qui devaient superviser la phase d'exécution. Par conséquent, c'est par une juste appréciation que le tribunal a pu fixer à 20 % la part de responsabilité incombant au groupement solidaire, composé des sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB, titulaire du lot n° 1 du marché de travaux.

Quant à la responsabilité de l'Etat :

32. Il résulte de l'instruction que le contrat conclu le 18 août 2003 entre la SEDRE et l'Etat prévoit que la mission d'assistance technique à maîtrise d'ouvrage confiée à ce dernier exclut formellement tout mandat de représentation du maître d'ouvrage et de son mandataire dans l'exercice de ses prérogatives et ne constitue pas une mission de maîtrise d'œuvre. L'article 1er du cahier des clauses administratives particulières de ce contrat précise que l'assistant " vérifie l'application des contrats et signale les anomalies qui pourraient survenir et propose toutes mesures destinées à y remédier ", " propose les mesures à prendre pour que la coordination, la planification et l'ordonnancement des études, des travaux aboutissent à la réalisation des ouvrages (...) conformément au programme approuvé par le maître d'ouvrage " et, pendant toute la durée de réalisation de la station d'épuration de la CINOR, " assiste le maître d'ouvrage de sa compétence technique pour s'assurer de la bonne réalisation de l'opération ", le titulaire disposant à ce titre de la " qualité pour assister aux réunions de chantier " et faire " toutes propositions à la maîtrise d'ouvrage en vue du règlement à l'amiable des différends éventuels ". Le cahier des clauses techniques particulières confère à l'assistant, pendant la phase de conception, un rôle de contrôle des études et des plans établis par la maîtrise d'œuvre et le charge d'analyser les procédés et méthodes de construction proposés, de s'assurer de la conformité des études et des plans de la conception aux dispositions du programme validée par le maître d'ouvrage, aux règles de l'art et à la règlementation, et de vérifier la bonne réalisation par les autres intervenants techniques des contrôles et visas des documents d'exécution, ainsi qu'une mission d'assistance aux opérations de réception. Il résulte de l'ensemble de ces stipulations que le contrat conclu entre la SEDRE et l'Etat revêt le caractère d'un contrat de louage d'ouvrage et qu'en l'espèce, la qualité de constructeur doit être reconnue à l'Etat au titre de l'assistance technique à maîtrise d'ouvrage qui lui a été confiée.

33. Il résulte de ce qui précède que les missions dévolues à l'Etat, tant en phase de conception qu'en phase d'exécution, consistaient à assister techniquement le maître d'ouvrage délégué en vue de la bonne réalisation de l'opération. A cette fin, en phase de conception, son représentant devait notamment rédiger le programme des travaux, contrôler les études et les plans établis par la maîtrise d'œuvre, analyser les procédés et méthodes de construction proposés, s'assurer de la conformité des études et des plans de la conception au programme et aux règles de l'art, signaler au maître d'ouvrage les anomalies, lui faire des propositions de modification ou d'adaptation du projet. En phase d'exécution, il participait aux réunions de chantier, était associé aux difficultés majeures rencontrées en cours de chantier, donnait son avis à la maîtrise d'ouvrage sur les choix et modifications proposés, prévenait la maîtrise d'ouvrage des répercussions éventuelles sur l'ensemble de l'opération et portait assistance au représentant du maître d'ouvrage dans l'organisation, la planification et le suivi du processus de construction de l'ouvrage dans son ensemble. Ainsi, dès lors que l'assistant à maîtrise d'ouvrage intervenait en soutien dans toutes les phases de déroulement de l'opération et que les deux points fondamentaux soulignés par l'expert auraient dû être mis en évidence et traités au stade de la conception puis à celui de l'exécution, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le manque de vigilance sur la faisabilité du projet, lequel aurait dû nécessiter un ajustement, constitue une faute de l'assistant à maîtrise d'ouvrage de nature à engager la responsabilité décennale de l'Etat à l'égard des désordres constatés. Eu égard à son rôle secondaire de contrôle, c'est également par une juste appréciation que les premiers juges ont fixé la part de responsabilité incombant à ce dernier à un taux de 10 %.

34. Si la CINOR soutient que la société Safège, sous-traitant de l'Etat, a également commis une faute, elle ne dirige plus en appel ses conclusions contre cette société aux fins de voir engager la responsabilité quasi-délictuelle de cette dernière.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la SEDRE :

35. Un maître d'ouvrage délégué doit, dans l'exercice de sa mission définie par la convention de mandat qui le lie au maître d'ouvrage, accomplir les diligences que son mandant est en droit d'attendre d'un professionnel ayant accepté cette mission. La délivrance du quitus au maître d'ouvrage délégué fait obstacle à ce que la responsabilité de celui-ci envers le maître d'ouvrage puisse être recherchée, sauf dans l'hypothèse où il aurait eu un comportement fautif qui, par sa nature ou sa gravité, serait assimilable à une fraude ou un dol.

36. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que, pour l'opération litigieuse, la CINOR n'a pas délivré à la SEDRE le quitus prévu par l'article 16 de la convention de mandat signée le 18 septembre 2002. Elle peut donc rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué, sans qu'y fasse obstacle, à cet égard, la circonstance que, par un avenant n° 2, l'article 6.1 de la convention a été modifiée pour prévoir que le titulaire n'était soumis qu'à une seule obligation de moyens et non de résultats.

37. Les missions dévolues à la SEDRE aux termes de l'article 5 de la convention de mandat, précisées à son annexe 3, lui imposaient de s'assurer que la conception et la réalisation de l'ensemble des équipements respectaient les règles de construction et environnementales. Dans la phase de conception, elle était notamment chargée de l'assistance à la mise au point du programme technique détaillé, de la définition des conditions techniques d'étude et de réalisation des équipements, de l'identification des principaux éléments du projet, de l'environnement et de son contexte, de la définition des études pré-opérationnelles complémentaires de programmation, de l'approbation du programme technique et fonctionnel détaillé, de la définition et du pilotage des missions du maître d'œuvre, et de l'approbation des avant-projets et projets établis par le maître d'œuvre. En phase d'exécution, elle était notamment chargée du suivi technique des chantiers, de la coordination et de la validation des études d'exécution, et enfin la réception de l'ouvrage. De manière générale, elle devait approuver les études d'avant-projet et de projet, assister le maître d'ouvrage pour proposer et faire apporter les précisions, ajustements et modifications nécessaires au programme, était chargée de faire procéder aux vérifications techniques nécessaires sur la base des éléments fixés par le maître d'œuvre, devait assister aux différents contrôles ou essais à effectuer et était invitée à trouver des solutions pour remédier aux anomalies constatées.

38. Eu égard, d'une part, à la nature des missions confiées à la SEDRE, tant en phase de conception que d'exécution, d'autre part, au manque de vigilance relevé par l'expert lors de ces deux phases s'agissant de la connaissance de la puissance des pompes installées et de leur volume de pompage, ainsi que des caractéristiques du site qui auraient justifié la mise en place d'une zone de tranquillisation pour décantation des matériaux transportés avant reprise dans la zone de dégrillage, la CINOR est fondée à soutenir que la SEDRE a manqué à ses obligations contractuelles au titre du mandat qu'elle lui avait confié. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a pu, par une juste appréciation, fixer à 10 % la part de responsabilité contractuelle encourue par la SEDRE.

En ce qui concerne les causes exonératoires :

39. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

40. En premier lieu, si la société SBTPC - Sogea Réunion soutient que la réception de matières solides contenus dans les eaux pluviales à l'origine des désordres s'explique par une défectuosité du réseau en amont qui conduit les effluents vers la station de pompage des eaux usées, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant de caractériser une faute de la CINOR dans l'entretien du réseau de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Elle n'établit pas davantage que la modification des côtes d'implantation décidée par un ordre de service n° 6 du maître d'ouvrage, signé avec réserves le 31 mai 2012, afin de réaliser un nouveau regard à l'entrée de la station d'épuration, aurait été à l'origine de la survenance des désordres dont s'agit.

41. En deuxième lieu, le constructeur dont la responsabilité est mise en jeu sur le fondement de la garantie décennale n'est fondé à se prévaloir de l'imputabilité à un autre constructeur co-contractant du maître de l'ouvrage de tout ou partie des désordres litigieux que dans la mesure où ces désordres ne lui sont pas imputables. Il s'ensuit que la société ETB n'est pas davantage fondée à se prévaloir des fautes commises par l'assistant à maîtrise d'ouvrage pour demander que sa propre responsabilité soit écartée, dès lors que la responsabilité décennale de l'Etat est également engagée à hauteur de 10 %.

42. En troisième lieu, la société ETB ne peut raisonnablement invoquer la carence dont aurait fait preuve le maître d'ouvrage délégué ou l'exploitant, la société CISE Réunion, en ne portant pas à sa connaissance la nature des effluents à pomper dans la mesure où ceux-ci ne sont pas propres à l'ouvrage construit et où les conditions climatiques locales favorisant l'afflux d'eaux pluviales et de matériaux solides ne pouvaient être ignorées d'une entreprise réunionnaise de travaux. En outre, si la société ETB et la société SBTPC - Sogea Réunion font valoir que la société CISE Réunion a, dès 2014, fait réaliser, par des entreprises tierces, des réparations sur les postes de refoulement que l'expert qualifie dans son rapport de " plus ou moins bien maîtrisées ", il ne résulte pas de l'instruction que ces réparations soient la cause de la survenance ou de l'aggravation des désordres de nature décennale apparus postérieurement, causés par l'inadéquation des puits de pompage et le défaut de dispositif de décantation primaire.

43. En quatrième lieu, la société ETB, la société SBTPC - Sogea Réunion et l'Etat ne peuvent utilement invoquer la faute du maître d'ouvrage délégué dès lors que la responsabilité contractuelle de la SEDRE à l'égard du maître d'ouvrage est également engagée à hauteur de 10 % et que, de ce fait, la responsabilité décennale encourue par les constructeurs en est corrélativement atténuée.

44. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les désordres affectant le poste de refoulement " F... " résulterait d'une faute du géomètre auquel le maître d'ouvrage délégué avait confié une étude topographique complémentaire sur le site de la station d'épuration. Par suite, la société SBTPC - Sogea Réunion n'est pas fondée à invoquer la faute de la société Mechy-Broyon pour s'exonérer de sa propre responsabilité.

45. En sixième lieu, à supposer, comme le soutient la société SBTPC - Sogea Réunion, que les dysfonctionnements affectant le poste " A... E... " soient imputables à la CINOR, à son maître d'œuvre et au géomètre missionné par le maître d'ouvrage, cette circonstance est sans incidence sur l'imputabilité des désordres affectant la station " F... " au titre desquels la responsabilité décennale du groupement est engagée.

46. En dernier lieu, la société SBTPC - Sogea Réunion ne peut utilement invoquer une quelconque faute de la société Xylem, fournisseur des pompes qui ont été remplacées, dès lors que cette dernière société n'a pas participé à l'opération de construction.

En ce qui concerne la réparation des préjudices :

47. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Au-delà de ce montant la réparation peut s'étendre à l'indemnisation des préjudices de toute nature que la victime du dommage a effectivement subis à la condition toutefois que ces préjudices soient en liaison directe avec les désordres de l'ouvrage et qu'ils soient justifiés.

S'agissant des travaux de reprise des désordres identifiés par l'expert :

48. Il résulte de l'instruction que l'expert a identifié cinq types de travaux nécessaires à la réparation des désordres du poste de refoulement " F... " pour un montant total de 755 193,08 euros HT. A la date de dépôt de son rapport, deux de ces travaux, à savoir le remplacement de quatre pompes de refoulement et la réalisation d'un diagnostic et d'une étude d'optimisation, étaient réalisés.

49. D'une part, le changement des quatre pompes de refoulement est justifié dans la mesure où ces dernières ont été endommagées par l'effet conjugué du passage de matériaux solides, non retenus dans un système de décantation primaire, et de la cavitation induite par le positionnement et le dimensionnement défectueux des pompes et du puits de pompage. Le coût de remplacement évalué à 250 318,08 euros HT par la CINOR correspond au montant indiqué par l'expert et est corroboré par une lettre adressée le 21 décembre 2016 par la CINOR à son exploitant, la société CISE Réunion, faisant référence à un devis du même montant. Si la société ETB fait valoir que des remplacements de pompes avaient déjà été effectués, elle ne démontre pas que ces changements étaient liés aux mêmes désordres et qu'ils ont contribué à les réparer. De même, la société Egis Eau n'établit pas que les pompes avaient été endommagées lors d'opérations de maintenance.

50. D'autre part, la mise en place de plaques anti-vortex sous les pompes et d'un brise-jet sur les arrivées d'eau dans le puits de pompage apparaît nécessaire pour limiter la cavitation inférée par le positionnement et le dimensionnement défectueux des pompes et du puits de pompage. Contrairement à ce que prétend l'un des défendeurs, le rapport de la société Hydrétudes sur lequel s'appuie l'expert ne subordonne pas ces travaux à une expertise électromagnétique préalable. Alors que l'expert évaluait la mise en place de plaques anti-vortex à 10 000 euros, la CINOR demande seulement la somme de 6 692 euros à ce titre à laquelle fait référence le devis mentionné dans la lettre précitée du 21 décembre 2016. Il convient donc de retenir cette somme, ainsi que celle, non contestée, de 70 000 euros pour la mise en place du brise-jet retenue par l'expert.

51. En outre, l'installation d'un système de décantation primaire apparaît indispensable pour piéger les matériaux solides et éviter qu'ils n'endommagent les dégrilleurs et les pompes. Contrairement à ce que prétend l'Etat, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert et de celui de la société Hydrétudes, que les erreurs techniques à l'origine des désordres ne peuvent être corrigées que par la réalisation d'un tel dispositif de décantation primaire. L'installation de ce dispositif n'aura donc pour effet que de porter la station au niveau de performances épuratoires qui était attendu lorsque fut lancée l'opération de construction, sans faire bénéficier la CINOR d'une plus-value. Par suite, il y a lieu de retenir le montant de 400 000 euros, repris par l'expert sur la base de l'étude de la société Hydrétudes, alors que la société ETB n'apporte aucun élément permettant d'établir son caractère exagéré.

52. Enfin, l'étude de diagnostic et d'optimisation du poste de refoulement réalisée par la société Hydrétudes n'aurait pas été nécessaire si les désordres n'étaient pas apparus et s'est révélée indispensable pour conforter le rapport d'expertise. Cependant, dans la mesure où elle comporte un double aspect, le diagnostic des désordres étant complété par une démarche d'optimisation du fonctionnement de la station, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait une juste appréciation du coût susceptible de donner lieu à indemnisation dans le cadre de la présente instance en appliquant une réfaction de 50 % au montant figurant dans le rapport de l'expert, et en retenant un montant de 12 437,50 euros doit être retenu à ce titre.

53. Il résulte de ce qui précède que la CINOR est fondée à demander que la somme de 739 447,58 euros HT correspondant aux travaux identifiés par l'expert comme indispensables à la réparation des désordres soit mise à la charge des parties responsables des désordres.

S'agissant des travaux de réparation complémentaires identifiés par la CINOR :

54. Outre les travaux de réparation retenus par l'expert, la CINOR sollicite une indemnité d'un montant total de 335 265,07 euros HT correspondant à des prestations complémentaires.

55. D'une part, alors que les coûts liés à l'optimisation de l'exploitation du bassin tampon pour un montant de 22 227,53 euros, à la réalisation d'une couverture souple du bassin tampon pour un montant de 36 520,84 euros, à la mise en conformité du système de levage des pompes du poste de refoulement à hauteur de 9 734,40 euros, au remplacement du mât central du bassin tampon pour un montant de 9 745 euros, et à la mise en place d'une vanne d'isolement entre les deux bâches de pompage pour un montant de 23 239,75 euros, n'ont pas été retenus par l'expert, la CINOR qui se borne à produire des devis et factures, n'apporte aucun élément permettant de démontrer que les prestations correspondantes seraient liés aux désordres constatés et viseraient à remédier à ces derniers.

56. D'autre part, si la modification des installations électriques, d'automatisme et d'optimisation du process du poste de refoulement, la mise en place de containeurs pour les refus de grille, l'agrandissement des portes du local et la mise en place de rideaux, la modification des conduites d'extraction des sables, la mise en place d'une électrovanne sur le système de détassage des sables, d'un clapet de nez sur la conduite de refoulement, de palans électriques pour le levage des pompes d'extraction des sables et de deux passerelles d'enjambement des conduites de refoulement dans la chambre de vanne des pompes, ont été préconisés par la société Hydrétudes dans son étude de diagnostic et d'optimisation du poste de refoulement, la CINOR ne démontre pas davantage que ces prestations auraient été nécessitées par la reprise des désordres litigieux alors qu'il résulte au contraire de cette étude que certaines d'entre elles visent à améliorer le fonctionnement du poste de refoulement. Dès lors, comme l'a jugé le tribunal, le coût lié à ces prestations n'avaient pas à être mis à la charge des responsables de ces désordres.

57. En revanche, apparaît en lien avec les désordres constatés et nécessaire à leur réparation, le remplacement des grilles et peignes des dégrilleurs qui ont nécessairement été endommagés du fait de l'absence de système de décantation primaire. La CINOR a donc droit à une indemnité d'un montant, non sérieusement contesté, de 20 000 euros à ce titre. En outre, l'expert ayant souligné la nécessité des travaux de réhabilitation et d'optimisation du poste de refoulement " F... ", la CINOR peut également prétendre au remboursement du coût du marché de maîtrise d'œuvre concernant ces travaux, d'un montant de 37 125 euros. Toutefois, dans la mesure où l'objet de ce marché excède la seule reprise des désordres litigieux pour s'étendre à l'optimisation du fonctionnement de la station de traitement des eaux usées, le tribunal a pu faire une juste appréciation du coût susceptible de donner lieu à indemnisation dans le cadre de la présente instance en appliquant une réfaction de 50 % et fixer le montant de l'indemnité due à ce titre à 18 562,50 euros.

58. Il résulte de ce qui précède que la CINOR est fondée à demander, en sus de la prise en compte à hauteur de 739 447,58 euros HT des travaux de réparation identifiés par l'expert, une indemnisation à hauteur de 38 562,50 euros HT au titre des travaux complémentaires nécessaires.

S'agissant de la vétusté :

59. Si la vétusté d'un bâtiment peut donner lieu, lorsque la responsabilité décennale des entrepreneurs et architectes est recherchée à l'occasion de désordres survenus sur un bâtiment, à un abattement affectant l'indemnité allouée au titre de la réparation des désordres, il appartient au juge administratif, saisi d'une demande en ce sens, de rechercher si, eu égard aux circonstances de l'espèce, les travaux de reprise sont de nature à apporter une plus-value à l'ouvrage, compte tenu de la nature et des caractéristiques de l'ouvrage ainsi que de l'usage qui en est fait. Cette vétusté doit s'apprécier à la date d'apparition des désordres.

60. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les travaux identifiés par l'expert ont pour seul objet de réparer les désordres du poste de refoulement de " F... " sans ni affecter l'usage de l'ouvrage ni lui conférer une plus-value, à l'exception de l'étude d'optimisation réalisée par la société Hydrétudes et des travaux en résultant dont une partie du coût a été déduite de l'indemnité à laquelle la CINOR peut prétendre. Eu égard à la date d'apparition des premiers désordres, peu de temps après la réception définitive des travaux, il n'y a pas lieu d'appliquer, comme le demande un des intimés, un abattement pour vétusté.

S'agissant des autres préjudices :

61. En premier lieu, si la CINOR soutient qu'elle a subi un préjudice matériel et financier consécutif aux désordres, elle n'apporte aucun élément précis permettant d'établir tant la réalité de ce préjudice que son montant, lequel est fixé arbitrairement à 25 % du montant du coût des réparations. Sa demande tendant à la condamnation des parties responsables à lui verser au titre de la perte d'exploitation la somme de 360 702,87 euros TTC doit donc être rejetée.

62. En second lieu, la CINOR, qui a délégué l'exploitation du service public d'assainissement collectif à la société CISE Réunion à compter du 1er janvier 2013, n'établit pas davantage la réalité du préjudice moral et des troubles de jouissance qu'elle estime avoir subis du fait du rejet d'effluents dans l'océan et de l'impossibilité d'utiliser l'ouvrage dans des conditions satisfaisantes. Si elle invoque en outre l'atteinte portée à son image par la mauvaise publicité donnée aux conséquences des désordres, elle n'établit pas non plus la réalité de ce préjudice en se bornant à produire des articles de presse qui, s'ils relatent les dysfonctionnements affectant la station d'épuration en décembre 2016 et janvier 2017, ne permettent pas de conclure que l'établissement public aurait subi à cette occasion un préjudice significatif. Enfin, l'atteinte à l'environnement résultant de la pollution de l'océan n'est pas un préjudice de nature à ouvrir droit à réparation au profit de la CINOR dès lors notamment qu'elle ne justifie pas avoir été tenue de réaliser des travaux de dépollution. Sa demande tendant à obtenir une indemnité d'un montant de 300 000 euros doit donc également être rejetée.

63. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'indemnité mise à la charge des parties responsables des désordres doit être fixée à la somme totale de 778 010,08 euros HT, soit, après application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux de 8,5 %, la somme de 844 140,94 euros TTC. Eu égard à la part de responsabilité de chacun des constructeurs vis-à-vis de la CINOR, c'est à bon droit que le tribunal a condamné la société INCOM à une somme de 50 648,46 euros TTC, la société Egis Eau à une somme de 455 836,11 euros TTC, les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB à une somme de 168 828,19 euros TTC et l'Etat et la SEDRE à une somme de 84 414,09 euros TTC chacun, et a assorti ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2018, date d'enregistrement de la demande de la CINOR devant le tribunal et de la capitalisation de ceux-ci à la date du 1er août 2019 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

En ce qui concerne les dépens :

64. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ".

65. Par une ordonnance du 6 novembre 2017, les frais et honoraires de l'expertise ont été liquidés et taxés à la somme de 10 396,26 euros TTC et mis à la charge provisoire de la CINOR. Dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a mis ces frais d'expertise à la charge des constructeurs à hauteur de leur part de responsabilité respective, soit, pour la société INCOM, la somme de 623,78 euros, pour la société Egis Eau, la somme de 5 613,98 euros, pour les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETP, la somme de 2 079,25 euros, et pour l'Etat et la SEDRE, la somme de 1 039,63 euros chacun.

66. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, d'une part, la société INCOM n'est pas fondée, dans l'instance n° 21BX00123, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 50 648,46 euros TTC et, d'autre part, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Mechy et Broyon, la SEDRE n'est pas fondée, dans l'instance n° 21BX00409, à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 84 414,09 euros TTC et a rejeté ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Leurs conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées.

Sur les appels incidents :

67. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 63 et 65, que les appels incidents formés par la société ETB dans les trois instances, tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec les sociétés Sogea Réunion et Spiecapag Réunion à verser à la CINOR les sommes de 168 828,19 euros TTC au titre des désordres affectant le poste de refoulement " F... " et de 1 039,63 euros au titre des frais d'expertise doivent être rejetés.

68. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 63 que la SEDRE n'est pas fondée à demander, dans l'instance n° 21BX00119 et par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à la CINOR la somme de 84 414,09 euros TTC.

69. En troisième lieu, il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les appels incidents formés par la CINOR dans les trois instances et tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes doivent être rejetés.

70. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 63 que la société Egis Eau n'est pas fondée, dans l'instance n° 21BX00123, à demander, à titre incident, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à CINOR la somme de 455 836,11 euros.

Sur les appels en garantie :

71. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 27 que la société INCOM n'est pas fondée à demander à ce que la société Egis Eau la garantisse des condamnations prononcées à son encontre.

72. D'autre part, la société Egis Eau n'ayant, eu égard à ce qui a été dit au point 10, présenté en première instance aucun appel en garantie dirigé contre la société INCOM, la SEDRE, l'Etat, la société Safège, les entreprises composant le groupement titulaire du lot n°1, les sociétés Sogea Réunion, Spiecapag Réunion et ETB, et la société CISE Réunion, elle n'est, dès lors, pas recevable, dans l'instance n° 21BX00123, à présenter pour la première fois en appel de telles conclusions.

Sur la mise hors de cause de la société Mechy et Broyon :

73. Il ressort du point 6 de son jugement que le tribunal, tirant les conséquences du désistement d'office des conclusions incidentes de la société Sogea Réunion qui avait appelée en intervention forcée la société Mechy et Broyon, expert-géomètre auquel a eu recours la société SEDRE, a jugé que les conclusions présentées par cette dernière étaient devenues sans objet. La société Mechy et Broyon, qui ne critique pas le non-lieu ainsi prononcé, n'a fait l'objet d'aucune condamnation par le tribunal. Si les requêtes d'appel ont été communiquées à cette société, elles ne comportent pas de conclusions dirigées contre elle. Par suite, les conclusions de la société Mechy et Broyon qui demande à être mise hors de cause dans les présentes instances sont sans objet.

Sur les frais d'instance :

74. D'une part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées dans les trois instances par chacune des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

75. D'autre part, les présentes instances n'ayant occasionné aucuns dépens autres que les frais d'expertise pour lesquels il a été statué au point 65, les conclusions de la société ETB présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Egis Eau et les appels incidents de la société ETB, de la SEDRE et de la CINOR dans l'instance n° 21BX00119 sont rejetés.

Article 2 : La requête de la société INCOM et les appels incidents de la société ETB, de la CINOR et de la société Egis Eau dans l'instance n° 21BX00123 sont rejetés.

Article 3 : La requête de la SEDRE et les appels incidents de la société ETB et de la CINOR dans l'instance n° 21BX00409 sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de la société Mechy et Broyon dans les instances n° 21BX00119, 21BX00123 et 21BX00409 sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les trois instances sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme (SA) Egis Eau, à la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), au ministre de la transition écologique, à la société anonyme (SA) Safège, à la société à responsabilité limitée (SARL) Ingénierie conception maitrise (ICOM), à la société par actions simplifiées (SAS) SBTPC - Sogea Réunion, à la société Spiecapag Réunion, à la société anonyme (SA) Electro Technique de Bourbon (ETB), à la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE), à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) J.-C. Mechy et S. Broyon, et à la société CISE Réunion.

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

Anthony C...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX00119, 21BX00123, 21BX00409 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00119
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CERVEAUX;CERVEAUX;CERVEAUX;CERVEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-28;21bx00119 ?
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