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04/07/2023 | FRANCE | N°21BX01134

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 21BX01134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Baron a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler ou de réformer l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel la préfète de la Vienne a mis à sa charge une astreinte administrative de 100 euros par jour à compter du 1er janvier 2019, jusqu'à satisfaction de la mise en demeure signifiée par arrêté préfectoral du 8 juillet 2016, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 17 avril 2019 port

ant état de recouvrement d'une astreinte d'un montant de 10 500 euros pour la pé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Baron a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler ou de réformer l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel la préfète de la Vienne a mis à sa charge une astreinte administrative de 100 euros par jour à compter du 1er janvier 2019, jusqu'à satisfaction de la mise en demeure signifiée par arrêté préfectoral du 8 juillet 2016, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 17 avril 2019 portant état de recouvrement d'une astreinte d'un montant de 10 500 euros pour la période du 1er janvier au 15 avril 2019 et de prononcer la décharge de cette obligation de payer.

Par un jugement n° 1901437, 1902405 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mars 2021 et 8 novembre 2022, M. Baron, représenté par Me Allain, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901437, 1902405 du 21 janvier 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler les arrêtés du 15 octobre 2018 et du 17 avril 2019 de la préfète de la Vienne et de prononcer la décharge de l'obligation de payer mise à sa charge par le second arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a convoqué son conseil à l'audience du 7 janvier 2021 que pour l'instance enregistrée sous le n° 1902405 ; l'irrégularité du jugement portant sur l'arrêté du 15 octobre 2018 entraine l'irrégularité du jugement relatif à l'arrêté du 17 avril 2019 ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence d'effectivité de la garantie procédurale tenant au respect de la procédure contradictoire préalable et a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le premier motif fondant l'arrêté du 17 avril 2019, tiré de la non communication du registre d'élevage, n'est pas fondé dès lors qu'il détient ce registre et qu'aucune règle ne l'obligeait à le communiquer spontanément à l'administration ni au moyen tiré de la mise en œuvre illégale et entachée d'un détournement de procédure d'un contrôle commun avec la gendarmerie ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le vice-procureur près le tribunal de grande instance de Poitiers n'était pas compétent pour décider de procéder à un contrôle inopiné de son exploitation ;

En ce qui concerne l'arrêté du 15 octobre 2018 :

- la procédure contradictoire garantie par les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration et L. 171-8 du code de l'environnement a été méconnue dès lors que le courrier l'invitant à présenter des observations dans un délai de quinze jours a été envoyé durant la période estivale et qu'il n'a pu effectivement se faire assister par un conseil ;

- l'administration ne l'a pas informé de la possibilité de demander la communication de son dossier, conformément aux dispositions de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ; les dispositions de l'article L. 121-2 de ce code, qui ont pour conséquence de ne pas accorder aux personnes soumises à la procédure prévue à l'article L. 171-8 du code de l'environnement les garanties prévues aux articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, méconnaissent les principes conventionnels d'équivalence des protections et d'égalité et doivent être écartées ;

- l'arrêté est entaché de contradiction interne en ce qu'il relève sa bonne volonté mais prononce à son encontre une astreinte pour ne pas s'être conformé à la mise en demeure du 8 juillet 2016 ; cette dernière assertion est entachée d'erreur quant à la matérialité des faits ;

- l'obligation qui lui a été faite de tenir un registre d'élevage n'est pas fondée dès lors qu'il se limite à l'élevage d'animaux pour sa consommation propre ; l'obligation de faire porter à ses animaux des repères auriculaires n'est pas davantage fondée dès lors que l'article 5 de l'arrêté du 8 février 2010 autorise à en différer la pose jusqu'au moment de la sortie de l'animal de l'élevage ;

- la sanction prononcée à son encontre présente un caractère disproportionné et se trouve entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ainsi que d'un détournement de pouvoir ;

En ce qui concerne l'arrêté du 17 avril 2019 et l'obligation de payer :

- l'arrêté est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 15 octobre 2018 ;

- le motif tiré de la non communication du registre d'élevage n'est pas fondé dès lors qu'il détient ce registre et qu'aucune règle ne l'obligeait à le communiquer spontanément à l'administration ;

- l'administration ne s'est pas livrée à un contrôle administratif de son exploitation mais à la recherche et à la constatation d'une infraction, en application des dispositions des articles L.172-1 et suivants du code de l'environnement ; dès lors, l'arrêté est privé de base légale ; il ne peut pas davantage être regardé comme s'étant opposé à un contrôle de nature administrative ;

- la mise en œuvre d'un contrôle commun avec la gendarmerie est irrégulière ; cette mise en œuvre d'un contrôle administratif, par ailleurs illégal, pour l'exécution duquel les gendarmes sont dépourvus de toute compétence, est entachée d'un détournement de procédure ;

- contrairement à ce qu'indique l'administration, il n'y a pas eu de sa part de refus de contrôle ;

- s'agissant d'un contrôle sans la présence physique de l'exploitant, le juge des libertés et de la détention aurait dû être saisi, conformément aux dispositions de l'article L. 171-2 du code de l'environnement ; le vice-procureur près le tribunal de grande instance de Poitiers n'était pas compétent, comme il l'a fait, pour décider de procéder à un contrôle inopiné ;

- la liquidation de l'astreinte le 17 avril 2019, soit deux jours après les opérations de contrôle, relève d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par M. Baron ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 5 juin 2000 relatif au registre d'élevage ;

- l'arrêté du 8 février 2010, relatif à l'identification des cervidés et mouflons méditerranéens détenus au sein des établissements d'élevage, de vente ou de transit de catégorie A ou de catégorie B ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. Baron a été autorisé, par un arrêté préfectoral du 19 novembre 2004, à exploiter un établissement d'élevage, de vente et de transit d'espèces de gibier dont la chasse est autorisée, pour élever des daims avec un maximum de dix reproducteurs. A la demande de l'intéressé, par un arrêté modificatif du 18 septembre 2014, l'établissement a été classé en catégorie A. Le 31 mai 2016, l'établissement a fait l'objet d'un contrôle à l'issue duquel un rapport de manquement a été notifié à M. Baron. Par un arrêté du 8 juillet 2016, la préfète de la Vienne l'a mis en demeure de ramener le nombre de ses reproducteurs au nombre autorisé, de tenir un registre d'élevage et d'identifier ses animaux dans un délai d'un mois. Par un arrêté du 15 octobre 2018, la préfète de la Vienne a mis à la charge du requérant une astreinte administrative de 100 euros par jour à compter du 1er janvier 2019, jusqu'à satisfaction de la mise en demeure du 8 juillet 2016. Par un arrêté du 17 avril 2019 la préfète a procédé à la liquidation de cette astreinte au titre de la période du 1er janvier au 15 avril 2019, pour un montant de 10 500 euros. M. Baron relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux des 15 octobre 2018 et 17 avril 2019 et à la décharge de l'obligation de payer.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que, pour l'examen des requêtes n° 1901437 et n° 1902405, qui ont été jointes par le tribunal administratif de Poitiers, le conseil de M. Baron a été convoqué à l'audience publique qui s'est tenue le 7 janvier 2021 par deux avis d'audience distincts mentionnant la référence de chacune de ces requêtes, mis à sa disposition sur l'application Télérecours le 16 décembre 2020, dont il a accusé réception le 21 décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, à défaut de convocation à l'audience pour la requête n° 1901437, manque en fait et doit être écarté.

3. En second lieu, il ressort des points 4 et 5 ainsi que du point 10 et des points 16 à 19 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la demande, ont suffisamment motivé leurs réponses aux moyens tirés de la méconnaissance effective de la procédure contradictoire garantie par les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration et L. 171-8 du code de l'environnement, du caractère disproportionné de la sanction qui lui a été infligée, de ce que le premier motif fondant l'arrêté du 17 avril 2019, tiré de la non communication du registre d'élevage, n'est pas fondé, de la mise en œuvre illégale d'un contrôle commun avec la gendarmerie, révélant un détournement de procédure, et de l'irrégularité des opérations de contrôle inopiné menées le 15 avril 2019 au regard des dispositions de l'article L. 171-2 du code de l'environnement. M. Baron n'est donc pas fondé à critiquer, pour ce motif, la régularité du jugement en litige.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 octobre 2018 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I.-Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) / II.-Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : / (...) / 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. (...) / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. / (...) / Les mesures mentionnées aux 1° à 4° du présent II sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. (...) ".

5. Préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté du 15 octobre 2018, la préfète de la Vienne a adressé à M. Baron, le 9 août 2018, une lettre, accompagnée du projet d'arrêté, l'informant de la possibilité de présenter des observations écrites ou orales et de se faire assister par un conseil, dont l'intéressé a accusé réception le 16 août 2018. Il ne résulte pas de l'instruction que, quand bien même ce courrier a été envoyé durant la période estivale, le délai de quinze jours dont a bénéficié l'appelant pour présenter ses observations et, le cas échéant, se faire assister d'un conseil aurait été trop bref alors, au demeurant, que M. Baron a présenté des observations écrites par courrier du 30 août 2018, dont il a été tenu compte par l'autorité administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire, en ce qu'il n'a pu effectivement bénéficier des garanties procédurales prévues par les dispositions précitées du l'article L. 171-8 du code de l'environnement, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / (...) /3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant. ".

7. D'une part, les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement organisent une procédure contradictoire particulière applicable aux sanctions susceptibles d'être prises en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du code de l'environnement aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités. Les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent, en l'absence de dispositions législatives ayant instauré une procédure contradictoire particulière, les règles générales de la procédure contradictoire ne sauraient dès lors être utilement invoquées à l'encontre d'un arrêté fixant une astreinte lorsque, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure prise sur le fondement de l'article L. 171-8 du code de l'environnement de se mettre en conformité avec la réglementation. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration sont inopérants et doivent être écartés.

8. D'autre part, le requérant soutient que les dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui ont pour conséquence de priver les personnes soumises à la procédure contradictoire particulière prévue à l'article L. 171-8 du code de l'environnement des garanties listées par les articles L. 122-1 et L. 122-2 du même code, tenant à la possibilité de se faire assister par un conseil et à la communication préalable du dossier pour les mesures à caractère de sanction, méconnaissent le principe d'équivalence ainsi que le principe d'égalité garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ne font pas obstacle à ce que la personne que l'administration envisage de sanctionner se fasse assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix, M. Baron ayant d'ailleurs été informé de cette possibilité dans la lettre qui lui a été adressée le 9 août 2018. Par ailleurs, ainsi qu'il sera exposé au point 9, le droit d'une personne d'être mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles une mesure à caractère de sanction a été adoptée, simplement consacré par l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, est une composante du principe général des droits de la défense, qui s'applique même sans texte y compris lorsque, comme en l'espèce, une procédure contradictoire particulière est instaurée. Dès lors, le moyen manque en fait et ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus.

10. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

11. Il résulte de l'instruction qu'ainsi que le soutient M. Baron, la lettre du 9 août 2018 qui lui a été adressée par la préfète de la Vienne ne l'informe pas de son droit de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements qui lui sont reprochés ont été retenus et l'astreinte prévue à l'article L. 171-8 du code de l'environnement, qui constitue une sanction, a été mise en place. Cependant, il résulte des termes mêmes de l'arrêté du 15 octobre 2018, dont le projet était joint à la lettre du 9 août 2018, que cette sanction résulte uniquement de l'absence de réponse de l'intéressé à la mise en demeure adressée à l'exploitant le 8 juillet 2016 de mettre son élevage en conformité avec la réglementation, dont il est constant qu'il a eu connaissance, pour l'avoir contesté devant les juridictions administratives, de même que le rapport de manquement du 14 juin 2016 réalisé à la suite de la visite de contrôle de son établissement. Il ne résulte pas de l'instruction que d'autres pièces de son dossier auraient pu lui être communiquées à l'occasion de la mise en place de l'astreinte, lui permettant de contester cette sanction plus utilement qu'il ne l'a fait. Dans ces conditions, l'absence d'information sur la possibilité d'obtenir communication de son dossier ne l'a pas concrètement privé de la garantie rappelée au point 9.

12. En quatrième lieu, la circonstance que l'arrêté du 15 octobre 2018 vise les déclarations de M. Baron des 20 et 30 août 2018 affirmant vouloir se conformer à ses obligations en " diminuant le cheptel, notamment les femelles et jeunes " et émettant le " souhait d'arrêter l'activité d'élevage " ne faisait pas obstacle au constat, par la préfète de la Vienne, de ce qu'à la date de cet arrêté, l'intéressé n'avait pas déféré à la mise en demeure du 8 juillet 2016 ainsi qu'à la mise en place d'une astreinte. De même, la préfète a pu tenir compte des démarches engagées par M. Baron pour réduire le cheptel de daims pour fixer le montant de cette astreinte. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'une contradiction interne doit être écarté.

13. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'occasion du contrôle de l'établissement de M. Baron réalisé le 31 mai 2016 par les services de la direction départementale des territoires de la Vienne, les agents ont constaté que le parc contenait entre 90 et 130 animaux, d'espèce daim, et ont recueilli la déclaration de l'exploitant qui a indiqué ne pas tenir de registre d'élevage et détenir entre 25 et 30 daims reproducteurs non identifiés par un repère auriculaire portant le numéro d'identification de l'établissement d'élevage. Par un arrêté du 8 juillet 2016, la préfète de la Vienne l'a mis en demeure de ramener le nombre de ses reproducteurs au nombre autorisé, de tenir un registre d'élevage et d'identifier ses animaux dans un délai d'un mois.

14. D'une part, si M. Baron soutient que, conformément aux dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 5 juin 2000 relatif au registre d'élevage, il n'était pas astreint à la tenue d'un registre dès lors que les animaux qu'il élève sont destinés aux seules fins de l'autoconsommation, cette affirmation est contredite par les termes de l'arrêté modificatif du 18 septembre 2014, classant, à sa propre demande, son établissement en catégorie A, correspondant aux établissements dont tout ou partie des animaux qu'ils détiennent sont destinés directement ou par leur descendance à être introduits dans la nature. Par ailleurs, pour contester l'obligation d'identification des animaux, le requérant se prévaut des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 8 février 2010, relatif à l'identification des cervidés et mouflons méditerranéens détenus au sein des établissements d'élevage, de vente ou de transit de catégorie A ou de catégorie B qui dispose que, sous certaines conditions, l'identification doit être effectuée au plus tard au moment de la sortie de l'animal pour une nouvelle destination. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il satisferait aux conditions prévues par ces dispositions dérogatoires, tenant à ce que les cervidés soient nés à l'intérieur de l'établissement et à l'existence d'un élevage en semi-liberté ou en groupe, ou à une situation où la capture présente un risque pour l'animal ou pour la sécurité des intervenants. Dès lors, M. Baron n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté du 15 octobre 2018 serait illégal du fait de l'illégalité de la mise en demeure du 8 juillet 2016.

15. D'autre part, M. Baron, qui ne conteste pas la matérialité des manquements constatés à l'occasion du contrôle réalisé le 31 mai 2016, soutient qu'en estimant toutefois que la mise en demeure du 8 juillet 2016 est demeurée sans effet, la préfète de la Vienne a entaché l'arrêté du 15 octobre 2018 d'une erreur de fait au regard de ses efforts pour satisfaire aux obligations qui lui ont été imposées. Toutefois, il n'apporte aucune pièce justificative au soutien de ses affirmations selon lesquelles, pour se conformer à la mise en demeure, il aurait acquis des " boucles " pour l'identification de ses animaux, aurait réduit son élevage à 20 daims et, aurait procédé à l'achat d'un registre d'élevage. Dès lors, le moyen doit être écarté.

16. En sixième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 171-8 du code de l'environnement que la fixation du montant des amendes et astreintes est proportionnée à la gravité des manquements constatés et tient compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. En application de ces mêmes dispositions, l'astreinte journalière pouvant être prononcée peut s'élever jusqu'à 1 500 euros. En l'espèce, il résulte de ce qui précède que M. Baron n'a pas mis en œuvre les prescriptions qui lui ont été imposées par la mise en demeure du 8 juillet 2016 mais a simplement indiqué avoir engagé des " démarches " pour réduire le cheptel de daims, sans en apporter la preuve. Compte tenu de ce défaut d'exécution pendant une période de plus de deux années et du nombre de manquements constatés, la mise en place d'une astreinte journalière s'élevant à 100 euros, jusqu'à satisfaction complète de la mise en demeure, n'apparaît pas disproportionnée ni entachée d'erreur d'appréciation.

17. En dernier lieu, si M. Baron soutient que l'arrêté contesté du 15 octobre 2018 est entaché d'un détournement de pouvoir, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 avril 2019 et la décharge de l'obligation de payer :

18. Il résulte de l'instruction que le 15 avril 2019 des agents de la direction départementale des territoires et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage accompagnés de gendarmes se sont rendus sur le lieu de l'élevage de M. Baron pour contrôler son exploitation, afin de procéder à l'éventuelle levée de l'astreinte prononcée le 15 octobre 2018. Après avoir croisé l'intéressé à bord de son véhicule à la sortie de son exploitation, ils l'ont informé qu'ils allaient procéder au contrôle de son élevage. M. Baron a alors déclaré " non, il est hors de question vous ne mettrez pas les pieds chez moi pour un contrôle, vous ne m'en avez pas prévenu " et a adopté un ton menaçant envers les agents de l'administration avant de quitter les lieux. Par l'arrêté contesté du 17 avril 2019, la préfète de la Vienne, constatant le refus de M. Baron de se soumettre aux opérations de contrôle, a procédé à la liquidation de l'astreinte prononcée le 15 octobre 2018, pour la période du 1er janvier au 15 avril 2019.

19. En premier lieu, ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'arrêté de la préfète de la Vienne du 15 octobre 2018 n'est pas entaché d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par M. Baron, de son illégalité ne peut qu'être écarté.

20. En deuxième lieu, aucun texte ni aucun principe n'interdisait aux agents de la direction départementale des territoires et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage de se faire accompagner par des militaires de la gendarmerie, pour assurer sur place le maintien de l'ordre public et se préserver d'une éventuelle atteinte à leur intégrité physique, face au comportement réfractaire de M. Baron. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de droit et du détournement de procédure doivent être écartés.

21. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 171-1 du code de l'environnement : " I. ' Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l'article L. 170-1 ont accès : / 1° Aux locaux accueillant des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du présent code, à l'exclusion des locaux à usage d'habitation. Ils peuvent pénétrer dans ces lieux entre 8 heures et 20 heures et, en dehors de ces heures, lorsqu'ils sont ouverts au public ou lorsque sont en cours des opérations de production, de fabrication, de transformation, d'utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation mentionnées par le présent code ; (...) ". Aux termes de l'article L. 171-2 du même code : " I. ' Lorsque l'accès aux lieux mentionnés aux 1° et 3° du I de l'article L. 171-1 est refusé aux agents, que la personne ayant qualité pour autoriser l'accès ne peut être atteinte ou lorsque les conditions d'accès énoncées au II du même article ne sont pas remplies, les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter. (...) ". Aux termes de l'article L. 172-1 du même code : " I. - Outre les officiers et agents de police judiciaire et les autres agents publics spécialement habilités par le présent code, sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application et aux dispositions du code pénal relatives à l'abandon d'ordures, déchets, matériaux et autres objets les fonctionnaires et agents publics affectés dans les services de l'Etat chargés de la mise en œuvre de ces dispositions, ou à l'Office français de la biodiversité et dans les parcs nationaux. / Ces agents reçoivent l'appellation d'inspecteurs de l'environnement. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 172-16 du même code : " Les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire. (...) ".

22. D'une part, ainsi qu'il a été exposé au point 18, les opérations de contrôle menées le 15 avril 2019 l'ont été à la suite de la mise en demeure, de nature administrative, adressée à M. Baron le 8 juillet 2016, afin de procéder à l'éventuelle levée de l'astreinte prononcée le 15 octobre 2018 sur le fondement de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, visé dans l'arrêté contesté du 17 avril 2019. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que ces opérations de contrôle, à l'issue desquelles aucun procès-verbal d'infraction n'a été dressé, auraient été menées dans le cadre de la procédure de recherche et de constat des infractions prévues par les dispositions des articles L. 172-1 et suivants du code de l'environnement. A cet égard, la circonstance que, dans son arrêt du 27 juillet 2022, la cour d'appel de Poitiers a qualifié les opérations de contrôle en cause de " contrôle aux fins de recherche et de constatation d'infractions ciblées " n'obéissant pas aux " prescriptions de l'article L. 171-1 du code de l'environnement " est sans influence sur la nature administrative de ces opérations, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attachant pas, en l'espèce, à la qualification juridique des faits opérée par le juge pénal. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, l'administration ne s'étant pas livrée à un contrôle administratif de son exploitation, l'arrêté du 17 avril 2019 est privé de base légale et qu'il ne peut être regardé comme s'étant opposé à un contrôle administratif.

23. D'autre part, il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article L. 171-2 du code de l'environnement que la possibilité, pour l'administration, de solliciter l'intervention du juge des libertés et de la détention lorsque l'accès aux lieux est refusé aux agents constitue pour elle une simple faculté. Pour l'application des dispositions de l'article L. 171-8 du même code, citées au point 4, il lui est loisible de constater qu'il n'a pas été déféré à une mise en demeure de se conformer aux prescriptions applicables en vertu du code de l'environnement et procéder à la mise en place d'une astreinte ainsi qu'à sa liquidation en constatant le refus de l'exploitant de se soumettre à un contrôle administratif sur place. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 17 avril 2019 serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où, en raison de son opposition au contrôle, la procédure prévue par l'article L. 171-2 du code de l'environnement aurait dû être mise en œuvre ainsi que le moyen tiré du non-respect des garanties procédurales prévues par ces dispositions sont inopérants et doivent être écartés.

24. En quatrième lieu, il résulte des dispositions précitées du 1° de l'article L. 171-1 du code de l'environnement que, durant la période horaire prévue par ces dispositions, l'administration peut se livrer à des opérations de contrôle administratif d'une exploitation soumise au code de l'environnement, y compris de manière inopinée. Aucun texte ni aucun principe ne fait obstacle à ce que les agents chargés de ces opérations de contrôle en informent le ministère public. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que, durant son audition, l'un des gendarmes ayant assisté aux opérations de contrôle menées le 15 avril 2019 a indiqué que le vice-procureur auprès du tribunal de grande instance de Poitiers, mis au fait par un agent de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, a décidé que M. Baron ne serait pas prévenu de ces opérations, ne les entache pas d'irrégularité.

25. En cinquième lieu, les faits tels qu'ils ont été exposés au point 18 ont été relatés, au cours de son audition, par l'un des gendarmes ayant assisté aux opérations de contrôle menées le 15 avril 2019, dont les déclarations font foi jusqu'à preuve du contraire. Par ailleurs, il résulte de la fiche de signalement renseignée par les agents de la direction départementale des territoires qu'au cours de ces opérations, M. Baron a demandé aux agents chargés du contrôle de " dégager " en leur indiquant que " si vous continuez à agir ainsi, vous allez finir par vous faire tuer ". La circonstance que ces échanges ont eu lieu à quelques centaines de mètres de l'exploitation de M. Baron, après que celui-ci ait déféré à la demande des gendarmes de stopper son véhicule, et non à l'entrée de son exploitation, ne fait pas obstacle au constat du refus de se soumettre aux opérations de contrôle qui a ainsi clairement été manifesté par le requérant. Dès lors, M. Baron n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a constaté son opposition au contrôle.

26. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de l'arrêté contesté du 15 avril 2019, pour se conformer à la mise en demeure du 8 juillet 2016, M. Baron détenait un registre d'élevage. La circonstance que, dans cet arrêté, la préfète de la Vienne a indiqué que ce registre ne lui a pas été " transmis " ne signifie pas, contrairement à ce qui est soutenu, que l'administration a fait peser sur M. Baron une obligation de communication spontanée de ce registre mais que, en raison de l'opposition manifestée par l'intéressé aux opérations de contrôle, les agents de la direction départementale des territoires et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage n'ont pu constater sur place la tenue d'un tel registre. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

27. En dernier lieu, si M. Baron soutient que la liquidation de l'astreinte le 17 avril 2019, soit deux jours après les opérations de contrôle, relève du détournement de pouvoir, il ne résulte pas de l'instruction que la préfète de la Vienne aurait mis en œuvre le pouvoir de sanction administrative dont elle dispose en application des dispositions citées au point 4 de l'article L. 171-8 du code de l'environnement pour des considérations étrangères à des préoccupations environnementales. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. Baron n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Baron est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Baron et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01134

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01134
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ALLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;21bx01134 ?
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