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27/07/2023 | FRANCE | N°23BX01179

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 27 juillet 2023, 23BX01179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Université des Antilles à lui verser, d'une part, une provision d'un montant total de 3 736,14 euros correspondant à la rémunération des enseignements qu'elle a dispensés durant l'année universitaire 2015/2016, soit 90 heures de cours et 54 heures de travaux dirigés, assorti des intérêts moratoires au taux légal et des in

térêts compensatoires, et d'autre part, une provision d'un montant total de 7...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Université des Antilles à lui verser, d'une part, une provision d'un montant total de 3 736,14 euros correspondant à la rémunération des enseignements qu'elle a dispensés durant l'année universitaire 2015/2016, soit 90 heures de cours et 54 heures de travaux dirigés, assorti des intérêts moratoires au taux légal et des intérêts compensatoires, et d'autre part, une provision d'un montant total de 7 500 euros correspondant aux indemnités dues au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par une ordonnance n° 2100786 du 7 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 avril 2023 et le 19 juillet 2023, Mme A... E..., représentée par Me Nicolas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique du 7 mars 2023 ;

2°) de condamner l'Université des Antilles à lui verser une provision d'un montant total de 3 736,14 euros correspondant à la rémunération des enseignements qu'elle a dispensés durant l'année universitaire 2015/2016, soit 90 heures de cours et 54 heures de travaux dirigés ;

3°) de mettre à la charge de l'Université des Antilles une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête devant le tribunal n'était pas tardive dès lors qu'elle peut se prévaloir des dispositions de l'article L.112-3 du code des relations entre le public et l'administration qui, si elles ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents, le sont aux vacataires en raison du caractère sporadique et ténu de leur relation avec l'employeur public ; les vacataires sont hors du champ d'application des dispositions du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'était pas tardive dès lors que le délai d'un an issu de la jurisprudence Czabaj ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui demeure soumise au délai de la prescription quadriennale ;

- le juge des référés du tribunal a omis de statuer sur la non-application du délai de droit commun de deux mois à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat ;

- sa réclamation tendait à l'obtention de la réparation des préjudices subis en raison du non-paiement de ses émoluments ;

- le délai applicable est celui de la prescription quadriennale ;

- le juge des référés aurait dû se placer sur le terrain contractuel ou quasi-contractuel, son litige étant lié à l'exécution d'un contrat.

L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme C... B... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Université des Antilles à lui verser, d'une part, une provision d'un montant total de 3 736,14 euros correspondant à la rémunération des enseignements qu'elle a dispensés durant l'année universitaire 2015/2016, soit 90 heures de cours et 54 heures de travaux dirigés, assorti des intérêts moratoires au taux légal et des intérêts compensatoires, et d'autre part, une provision d'un montant total de 7 500 euros correspondant aux indemnités dues au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis. Elle relève appel de l'ordonnance du 7 mars 2023 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a rejeté ses demandes.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

3. En premier lieu, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de provision d'un montant total de 3 736,14 euros correspondant à la rémunération des enseignements dispensés par Mme A... E... durant l'année universitaire 2015/2016 au motif que ses conclusions tendant à la contestation du refus de versement de ladite rémunération étaient tardives.

4. Aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. / Le délai prévu au premier alinéa n'est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". En vertu de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code aux termes desquelles " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ", ni celles de l'article L. 112-6 du même code qui dispose que " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation (...) ". Enfin, l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents.

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande avec indication des voies et délais de recours, les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics.

6. Il résulte de l'instruction que Mme A... E... a adressé au président de l'Université des Antilles, qui en a accusé réception le 23 janvier 2018, une lettre datée du 30 décembre 2017 regardée comme une contestation du refus de versement de la rémunération correspondant, d'une part, à 54 heures de travaux dirigés assurés à la faculté de droit et d'économie de Martinique au titre des deux semestres de l'année universitaire 2015/2016 et, d'autre part, à 90 heures de cours dispensés à l'institut universitaire et technologique de Martinique pour la période du 1er décembre 2015 au 30 juin 2016. Cette contestation ayant été présentée par Mme A... E... en la qualité, dont elle se prévaut d'ailleurs, de chargée d'enseignement vacataire, elle s'inscrit dans le cadre des relations entre l'administration et son agent au sens de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration. En l'absence de réponse de l'administration, une décision implicite de rejet est née le 23 mars 2018. Le délai de deux mois dont disposait Mme A... E... pour se pourvoir contre cette décision, qui n'est pas une mesure prise pour l'exécution d'un contrat, a commencé à courir à compter de cette date et lui était opposable alors même que sa demande n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception mentionnant les voies et délais de recours, une telle exigence étant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, inapplicable aux relations entre l'administration et ses agents. Dès lors, ce délai de deux mois était expiré lorsque Mme A... E... a saisi le tribunal administratif de la Martinique, le 31 décembre 2021, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés de ce tribunal, dont l'ordonnance est suffisamment motivée, a rejeté la demande de provision d'un montant total de 3 736,14 euros, correspondant à la rémunération des enseignements dispensés par Mme A... E... durant l'année universitaire 2015/2016, au motif que ses conclusions tendant à la contestation du refus de versement de ladite rémunération étaient tardives.

7. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "

8. Il résulte des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, qui sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l'article R. 541-1 du même code, qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable. L'intervention de cette décision rend recevable tant un recours au fond qu'un référé provision et lie ainsi le contentieux.

9. Alors qu'eu égard aux termes dans lesquels il est formulé le courrier en date du 30 décembre 2017 ne revêt pas le caractère d'une demande indemnitaire préalable, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... E... ait saisi le président de l'Université d'une telle demande préalablement à l'introduction de sa requête devant le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique. Par suite, c'est également à bon droit que le juge des référés de ce tribunal a rejeté la demande de provision d'un montant total de 7 500 euros correspondant aux indemnités dues au titre des préjudices que Mme A... E... estime avoir subis.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme A... E... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... E....

Copie en sera adressée pour information au président de l'université des Antilles, au recteur de l'Académie de la Martinique et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Fait à Bordeaux, le 27 juillet 2023.

Le juge d'appel des référés,

C... B...

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 23BX01179
Date de la décision : 27/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : NICOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-27;23bx01179 ?
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