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28/09/2023 | FRANCE | N°21BX03291

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 21BX03291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, mises à leur charge au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1900002 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 ju

illet 2021, et des mémoires complémentaires enregistrés les 8 avril 2022 et 29 mars 2023, M. et M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, mises à leur charge au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1900002 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2021, et des mémoires complémentaires enregistrés les 8 avril 2022 et 29 mars 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Hoarau, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1900002 du tribunal administratif de La Réunion du 31 mai 2021 ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, pour un montant total de 836 699 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- aucun véritable dialogue contradictoire n'a été mis en œuvre ;

- ils n'ont pas répondu à la demande de justification dans le délai de deux mois pour des raisons médicales impérieuses que le vérificateur n'ignorait pas ; ce dernier avait la faculté de leur accorder sur leur demande un délai supplémentaire pour répondre, ainsi que le prévoit la doctrine BOI-CF-PGR-20-30 n° 290 et 310 du 4 février 2015 ;

- ils démontrent l'exercice d'une activité commerciale relevant des bénéfices industriels et commerciaux ; l'administration, qui ne pouvait ignorer que les sommes en cause relevaient d'une activité commerciale, a commis un détournement de procédure ;

- les revenus taxables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux ;

- une substitution de base légale ne saurait prospérer compte tenu de la nature juridique de la société Podium Import, société unipersonnelle soumise au régime des sociétés de personnes, pour lesquelles les dispositions de l'article 109 1-2° du code général des impôts ne s'appliquent pas ; la procédure des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ne présentent pas les caractéristiques d'une procédure contradictoire ;

- la procédure fait l'impasse sur les achats et frais qui devraient s'imputer sur les crédits.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 février 2022, 22 mars 2023 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 avril 2023 qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il a imposé à tort des sommes dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, et demande une substitution de base légale ; l'imposition est maintenue dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ce changement de base légale ne privant le contribuable d'aucune des garanties de procédure auxquelles il a droit ; les impositions restent inchangées.

Par ordonnance du 10 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle pour les années 2013, 2014 et 2015 à l'issue duquel, par une proposition de rectification du 19 juin 2017, l'administration fiscale leur a notifié, selon la procédure de taxation d'office, des suppléments d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus à raison de revenus d'origine indéterminée au titre des années 2014 et 2015 pour un montant global en droits et pénalités de 836 699 euros. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, à l'appui de leur requête d'appel, M. et Mme A... reprennent le moyen invoqué dans les mêmes termes devant les juges de première instance tiré de l'absence de débat oral et contradictoire. Il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal, aux points 2 et 3 de son jugement, d'écarter le moyen ainsi renouvelé devant la cour, qui ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. (...) ". Selon l'article L. 69 de ce livre : " (...) Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable sur le fondement de l'article L. 16, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification. Par ailleurs, lorsqu'un contribuable qui n'a apporté aucun commencement de réponse à une demande de justifications dans le délai qui lui était imparti sollicite la prorogation de ce délai, l'administration doit apprécier cette demande au regard du nombre et de la difficulté des questions posées.

4. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle et en application des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, M. et Mme A... ont été invités, par lettre du 16 mars 2017, présentée le 25 mars suivant, à s'expliquer sur la discordance entre leurs revenus déclarés et les sommes portées au crédit de leurs comptes bancaires au titre des années 2014 et 2015. Les intéressés, qui ne contestent pas avoir eu connaissance de cette demande, n'ayant pas été en mesure de fournir les justifications demandées, les sommes dont l'origine et la nature sont demeurées inexpliquées ont été taxées d'office par l'administration en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Les requérants n'établissent ni avoir sollicité un délai de réponse supplémentaire, ni avoir été, malgré les problèmes médicaux de M. A... à l'origine de son séjour à Paris, dans l'impossibilité de fournir les justifications demandées dans le délai de deux mois qui leur était imparti par les dispositions de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales. Lors de l'entretien du 12 juin 2017, les appelants n'ont pas davantage produit de pièces établissant la nature et l'origine des sommes créditées sur les comptes bancaires. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En troisième lieu, la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-20-30 n° 290 et 310 du 4 février 2015 dont se prévalent les requérants, ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Au surplus, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation portant sur la procédure d'imposition.

6. Enfin, eu égard aux dispositions précitées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration commet un détournement de procédure lorsqu'elle utilise la procédure de demande de justifications à peine de taxation d'office pour redresser des revenus dont elle n'ignore, à la date de sa demande, ni la nature ni, par suite, le classement catégoriel notamment comme revenus professionnels. Toutefois, elle peut utiliser cette procédure dans tous les cas où elle a réuni des éléments de nature à établir la possibilité d'une insuffisance de déclaration, sans qu'elle sache, à la date de la demande de justifications, l'origine et la nature des revenus non déclarés et partant la nature éventuellement professionnelle de ces revenus. La seule circonstance que, postérieurement à cette demande de justification, l'origine de certaines sommes regardées comme d'origine indéterminée soient rattachées à un revenu catégoriel professionnel n'est pas de nature à rendre irrégulière la mise en œuvre de la procédure de demande de justifications prévue à l'article L.16 précité du livre des procédures fiscales.

7. Il ne résulte pas de l'instruction qu'avant de mettre en œuvre la procédure de demande de justifications par lettre du 16 mars 2017, après avoir pris connaissance, dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle, des crédits constatés sur les comptes bancaires des requérants et y avoir noté des revenus d'origine indéterminée, l'agent vérificateur ait eu connaissance de la nature professionnelle de certains d'entre eux. Par suite, le moyen de M. et Mme A... tiré de ce que l'administration aurait commis un détournement de procédure en mettant en œuvre irrégulièrement la demande de justifications prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, n'est pas fondé et doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

8. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". M. et Mme A... ayant été régulièrement imposés d'office, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions mises à leur charge leur incombe.

9. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause.

10. M. et Mme A... soutiennent que l'administration fiscale n'a pas pris en compte l'ensemble des charges de la société Podium Import, niant son activité commerciale. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 19 juin 2017 que les requérants ont indiqué au vérificateur, lors de l'entretien du 12 juin 2017, avoir relancé en 2014 l'activité de cette société avant de la cesser à la fin de l'année 2014 en raison de problèmes de santé. Il résulte de l'instruction qu'au titre des années en litige, la société Podium Import n'a déposé aucune déclaration de résultats et n'a tenu aucune comptabilité. Tous les comptes bancaires détenus par les requérants l'étaient au nom de M. ou Mme A..., sans qu'il soit justifié de leur caractère mixte. En se bornant à produire des tableaux recensant des montants facturés par des fournisseurs, des extraits de comptes de tiers, établis au nom de " Chez B... " du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 ou des années 2014 et 2015 et du grand-livre clients, les requérants n'apportent, en l'absence de production des factures correspondantes, aucun commencement de preuve ou justificatif complémentaire permettant d'établir la réalité et la nature des dépenses effectuées, ni que celles-ci constituent des charges engagées dans l'intérêt de la société ou dans le cadre de leur activité commerciale. Dès lors, ils ne peuvent être regardés comme apportant la preuve qui leur incombe de l'origine et de la nature des sommes litigieuses, et par suite, de leur caractère non imposable.

11. II y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré de ce que les revenus d'origine indéterminée ne pourraient pas être soumis aux prélèvements sociaux.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de base légale proposée à titre subsidiaire par l'administration fiscale, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. et Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie et des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03291
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SELARL DAVID HOARAU - MATHIEU GIRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-09-28;21bx03291 ?
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