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10/10/2023 | FRANCE | N°21BX01122

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 10 octobre 2023, 21BX01122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a opéré une retenue de cinq trentièmes sur son traitement pour la période du 24 janvier au 28 janvier 2018, ensemble la décision du 19 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 302,24 euros retenue sur son traitement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en

réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1801807 du 30 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a opéré une retenue de cinq trentièmes sur son traitement pour la période du 24 janvier au 28 janvier 2018, ensemble la décision du 19 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 302,24 euros retenue sur son traitement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1801807 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, M. B..., représenté par Me Marbot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 9 février 2018 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux, ensemble la décision du 19 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 302,24 euros retenue sur son traitement ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est entachée d'incompétence de son auteur ;

- son arrêt de travail ne pouvait être remis en cause sans contre-visite par un médecin agréé ; la circonstance que la maison d'arrêt était sujette à un mouvement social ne suffit pas à remettre en cause l'avis médical d'arrêt de travail, lequel est intervenu dans un contexte de stress au travail ;

- la décision en litige a entrainé une rupture d'égalité entre agents publics ;

- l'illégalité fautive de cette décision engage la responsabilité de l'Etat à son égard ; il a subi un préjudice moral, qui doit être évalué à 2 000 euros, et un préjudice matériel, qui doit être évalué à 1 000 euros.

Par une ordonnance du 26 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 décembre 2022 à 12h.

Le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux, par une décision du 4 septembre 2023, a affecté Mme Karine Butéri, présidente-assesseure, à la 3ème chambre de la cour, pour l'audience du mardi 19 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Marbot représentant M B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., surveillant pénitentiaire alors en fonction à la maison d'arrêt de Pau, a transmis à son administration un avis d'arrêt de travail du 24 au 28 janvier 2018 pour " surmenage professionnel ". Par une décision du 9 février 2018, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a opéré une retenue de cinq trentièmes sur le traitement de l'intéressé pour la période du 24 au 28 janvier 2018. M. B... relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision du 19 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui restituer la somme de 302,24 euros retenue sur son traitement et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel.

2. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958, alors applicable, relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire : " Toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire est interdit (...) ".

3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, désormais codifié aux articles L. 822-1 à L. 822-5 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire a droit (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; (...). Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35 ". Aux termes de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime des congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Pour obtenir un congé de maladie ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire adresse à l'administration dont il relève, dans un délai de quarante-huit heures suivant son établissement, un avis d'interruption de travail. (...) / L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite. / Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'administration, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé ". L'article 15 du même décret dispose que l'avis du comité médical, devenu conseil médical depuis l'entrée en vigueur du décret du 11 mars 2022 modifiant le décret du 14 mars 1986, est motivé dans le respect du secret médical.

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que l'administration ne peut en principe interrompre le versement de la rémunération d'un agent lui demandant le bénéfice d'un congé de maladie en produisant un avis médical d'interruption de travail qu'en faisant procéder à une contre-visite par un médecin agréé. Toutefois, dans des circonstances particulières, marquées par un mouvement social de grande ampleur dans une administration où la cessation concertée du service est interdite, et la réception d'un nombre important et inhabituel d'arrêts de travail sur une courte période la mettant dans l'impossibilité pratique de faire procéder de manière utile aux contre-visites prévues par l'article 25 du décret du 14 mars 1986, l'administration est fondée, dès lors qu'elle établit que ces conditions sont remplies, à refuser d'accorder des congés de maladie aux agents du même service, établissement ou administration lui ayant adressé un arrêt de travail au cours de cette période. Ces agents peuvent, afin de contester la décision rejetant leur demande de congé de maladie, établir par tout moyen la réalité du motif médical ayant justifié leur absence pendant la période considérée. Ils peuvent également, malgré l'absence de contre-visite, saisir le conseil médical, qui rendra un avis motivé dans le respect du secret médical.

5. En premier lieu, par un arrêté du 2 mai 2016, régulièrement publié, consultable sur Internet, M. C..., directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux et signataire de la décision en litige, a reçu délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la gestion du personnel. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 9 février 2018 ne peut donc qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'appel au blocage des établissements pénitentiaires par plusieurs organisations syndicales, l'administration pénitentiaire a été marquée, pendant la période de la fin janvier au début février 2018, par un important mouvement social des surveillants pénitentiaires, agents pour lesquels la cessation concertée du service est interdite. Le garde des sceaux, ministre de la justice fait état, dans son mémoire produit devant le tribunal, du nombre anormalement élevé des arrêts de travail d'agents pénitentiaires relevant de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux, passé de 97 pour la période du 1er au 20 janvier 2018 à 441 pour la période du 22 au 31 janvier 2018. Il est ainsi établi que l'administration s'est trouvée dans l'impossibilité pratique de faire procéder de manière utile à une contre-visite par un médecin agréé de M. B..., agent relevant de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux et dont l'avis d'arrêt de travail portait sur la période allant du 24 au 28 janvier 2018. Dès lors, en considérant, sans contre-visite par un médecin agréé, que M. B... était en situation d'absence injustifiée entre le 24 et le 28 janvier 2018, et en procédant, pour ce motif, à une retenue sur son traitement, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, M. B... s'est borné à présenter un avis d'arrêt de travail faisant mention d'un " surmenage professionnel " pour une durée de cinq jours. Il n'apporte toutefois aucun élément circonstancié permettant d'étayer la réalité de cette pathologie, et n'établit ainsi pas la réalité du motif médical ayant justifié son absence pendant la période litigieuse.

8. Enfin, le moyen tiré d'une rupture d'égalité entre agents publics n'est pas assorti des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

9. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande à fin d'annulation des décisions du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux des 9 février et 19 juin 2018 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à la réparation de ses préjudices résultant de la retenue contestée. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01122
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MARBOT CABINET JURIPUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-10;21bx01122 ?
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