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21/11/2023 | FRANCE | N°21BX02660

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 21 novembre 2023, 21BX02660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros.

Par un jugement n° 1902452 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros.

Par un jugement n° 1902452 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 juin 2021 et 5 juin 2023, la SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, représentée par Me Siriez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902452 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le transfert d'une partie du chiffre d'affaires taxable à 19,6% sur le chiffre d'affaires taxable à 5,5 % relevait d'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur les résultats ou sur la TVA ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure a été menée de manière précipitée par l'administration dès lors que l'avis de vérification du 6 octobre 2014 a été envoyé très rapidement après la fin du délai de deux mois imparti au mandataire pour déposer les déclarations fiscales de 2014 à la suite de la liquidation judiciaire de la société prononcée le 9 juillet 2014 ; elle a été contrôlée le 28 octobre 2014, le mandataire ne pouvant avoir le temps de s'organiser ; en outre, elle n'a pas bénéficié de la procédure de relance amiable à la suite de la mise en demeure ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier dès lors qu'il est dépourvu de signature ;

- en application de la doctrine de l'administration référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 n°150, 18-2-2019, l'avis de mise en recouvrement doit être daté et signé et il doit indiquer la qualité, le nom et le prénom du signataire ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

Sur le bienfondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la TVA collectée :

-s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de l'année 2014, des circonstances permettent de justifier que des encaissements aient été non déclarés ;

- s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre des années 2012 et 2013, les calculs présentés par l'administration sont erronés en ce que d'une part, cette dernière a inclus à tort les produits exceptionnels sur opérations en capital dans le chiffre d'affaires HT taxable à la TVA et d'autre part, en ce que le calcul des encaissements est erroné ;

- l'écriture relevée dans le journal d'opérations diverses au 31 décembre 2012 comme transférant une partie des résultats taxables à un taux de 19,6% à 5,5% n'est qu'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires déclaré à la TVA ;

En ce qui concerne la TVA déductible :

- l'administration ne pouvait lui reprocher d'avoir comptabilisé de la TVA déductible à raison de la TVA inscrite en compte 44586 " TVA sur factures non parvenues ", alors même que qu'elle n'a pas procédé au contrôle des fournisseurs ou des fournitures en cause ;

Sur les pénalités :

- la pénalité pour manquement délibéré est insuffisamment motivée et n'est pas justifiée.

Par des mémoires enregistrés les 22 décembre 2021 et 20 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Touche représentant la SARL Malmezat Prat, mandataire liquidateur de la Société Signoret Jean-Louis.

Considérant ce qui suit :

1. La société Signoret Jean-Louis, représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL Malzemat Prat, qui avait pour activité la réalisation de travaux publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 28 octobre 2014 au 28 janvier 2015. A la suite de cette vérification de comptabilité, l'administration fiscale lui a adressé, le 19 février 2015, une proposition de rectification notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014. Par un avis de mise en recouvrement du 15 avril 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de cette période en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant total de 326 695 euros. Par une réclamation du 28 décembre 2018, la SELARL Malzemat Prat agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Signoret Jean-Louis, a contesté ces rappels. L'administration fiscale a rejeté la réclamation de la société le 20 mars 2019. La SELARL Malzemat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Signoret Jean-Louis, relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge de ces rappels de taxe.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction, et notamment du point 9 du jugement attaqué, que le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de ce que le transfert d'une partie du chiffre d'affaires taxable à 19,6% sur le chiffre d'affaires taxable à 5,5 % relevait d'une erreur de plume et de ce que cette erreur n'avait eu aucune conséquence sur les résultats ou sur la TVA. Ainsi et alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés devant eux, les premiers juges ont statué de manière suffisamment précise sur cet argument, sans entacher leur jugement d'aucune omission. Par suite, ce jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Signoret Jean-Louis, en difficulté financière depuis plusieurs années, s'est déclarée en cessation de paiement en 2014 et que le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé, le 9 juillet 2014, la résolution du plan de redressement judiciaire arrêté en 2005 et son placement en liquidation judiciaire. L'appelante soutient que la procédure d'imposition en litige aurait été " précipitée " dès lors que l'administration lui a adressé un avis de vérification de comptabilité le 6 octobre 2014 et que cette vérification a débuté le 28 octobre 2014, alors même qu'elle venait d'être nommée en tant que mandataire liquidateur. Elle soutient en outre qu'elle n'a pas bénéficié " d'une procédure de relance amiable " après avoir fait l'objet d'une mise en demeure le 14 octobre 2014 de déposer une déclaration de résultats au titre de l'exercice 2014, dès lors qu'elle n'avait pas déposé cette dernière dans les 60 jours suivant le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire telle que le prévoit le code général des impôts. Cependant, comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances, à les supposer établies, auraient été de nature à entacher d'un quelconque vice la procédure de contrôle et de rectification en litige. Par suite, le moyen doit être écarté dans ses deux branches.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressements doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

5. L'appelante se prévaut des dispositions précitées et soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 19 février 2015 était insuffisamment motivée dès lors que s'agissant des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier au 9 juillet 2014, l'administration se contente de faire état des encaissements non déclarés d'après les paiements des clients mais ne procède à aucun examen des circonstances qui pourraient justifier que des encaissements ne soient pas considérés comme acquis, et, s'agissant des rappels de TVA au titre de la période correspondant à l'année 2013, l'administration ne précise pas les détails des écritures incriminées reprochant sans autre motif à la société d'avoir comptabilisé de la TVA déductible de manière injustifiée. Or, s'agissant de la TVA déductible et les rappels consécutifs au titre des périodes concernées, le service vérificateur indique les motifs de droit qui ont fondé sa proposition de rectification, les faits constatés et explique les raisons pour lesquelles il considère que les sommes qu'il retient correspondent à un montant de TVA déduit à tort par la société sur les périodes 2013 et 2014. Ainsi, et alors que de manière globale, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la proposition mentionne les impôts concernés par la rectification envisagée et explique la méthode utilisée pour aboutir aux rehaussement proposées, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Aux termes de l'articles L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2017, applicable au litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ". Aux termes de l'article R.*256-3 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est rédigé en double exemplaire : / a) Le premier, dit " original ", est déposé au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement ; / b) Le second, dit " ampliation ", est destiné à être notifié au redevable ou à son fondé de pouvoir ". Aux termes de l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'" ampliation " prévue à l'article R. * 256-3. (...) ".

7. La loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a modifié les dispositions citées au point précédent de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, pour prévoir que l'avis de mise en recouvrement " est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret, selon les modalités prévues aux articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ". Elle a également modifié les dispositions de l'article L. 212-2 de ce dernier code, pour ajouter les avis de mise en recouvrement à la liste, figurant à cet article, des actes dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés. L'ensemble de ces nouvelles dispositions s'applique, en vertu du A du V de l'article 90 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, aux avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017. Il résulte de ces dispositions que les avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017 n'ont pas nécessairement à comporter la signature de leur auteur, dès lors que, par les autres mentions qu'ils comportent, ils sont conformes aux prescriptions de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration.

8. Pour l'application des dispositions antérieures, citées au point 6, applicables au litige, le contribuable auquel a été adressé, avant le 1er janvier 2017, un avis de mise en recouvrement, lequel constitue un titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration, doit être à même de vérifier que son signataire est effectivement l'autorité compétente en vertu des dispositions des articles L. 256, L. 257 A et R. 256-8 du livre des procédures fiscales. Si l'ampliation de l'avis de mise en recouvrement adressée au contribuable n'a pas nécessairement à comporter de signature dès lors que l'original déposé au service compétent en est revêtu, il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration qu'elle doit en revanche comporter les mentions de nature à permettre l'identification de son auteur et sa qualité.

9. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les pénalités et les intérêts de retard ont été réclamés à la société Signoret Jean-Louis par un avis de mise en recouvrement ampliatif en date du 15 avril 2015, pour un montant de 326 695 euros. Outre la date, ce document comporte l'identification de la 2ème brigade régionale de vérification de Bordeaux, chargée du recouvrement, et, dans le cadre " nom et qualité du signataire ", une mention " Le comptable public " recouvert d'un nom, tous deux difficilement lisibles, sous lequel est indiqué " Contrôleur principal des finances publiques ". Toutefois, le document comporte par ailleurs dans la rubrique " affaire suivie par " l'apposition d'un tampon mentionnant : " Gisèle Poireau - Contrôleur principal des finances publiques ". La comparaison des deux mentions permet de déchiffrer ce même nom, en réalité apposé à l'aide du même tampon, sur la mention " Le comptable public ". Ainsi, l'avis de mise en recouvrement adressé à la société appelante comportait les mentions de nature à lui permettre l'identification de son auteur et de sa qualité. Si, par ailleurs, ce document ne comportait pas la signature de la comptable publique, l'original produit par le ministre en défense la comporte bien. Enfin, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de la doctrine de l'administration référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 n°150, 18-2-2019, selon laquelle l'avis de mise en recouvrement doit être daté et signé et indiquer la qualité, le nom et le prénom du signataire, une telle instruction qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale étant exclue du champ de la garantie de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement doit être écarté.

Sur le bien-fondé des rappels de TVA :

10. Comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la SELARL Malmezat-Prat, agissant en qualité de mandataire liquidateur pour la société Signoret Jean-Louis, n'ayant pas répondu à la proposition de rectification, il lui appartient, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des rappels de TVA mis à la charge de cette société au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Il en est de même au titre de la période correspondant à l'année 2014.

En ce qui concerne la TVA collectée :

11. Aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ". En outre, aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 3. (Biens usagés) : 1° a. Sous réserve, le cas échéant, des dispositions des 1° et 2° du III de l'article 257, les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas aux biens qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur achat, acquisition intracommunautaire, importation ou livraison à soi-même. Les dispositions du deuxième alinéa ne s'appliquent ni aux biens cédés à des personnes qui ont souscrit un contrat de crédit-bail ou de location avec option d'achat avant le 8 septembre 1989, ni aux véhicules destinés à la location simple, inscrits à l'actif des entreprises de location avant le 8 septembre 1989, si ces véhicules sont cédés à des personnes autres que des négociants en biens d'occasion (Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, art. 31 I 2 et 3) ; ".

12. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté que le rapprochement entre le chiffre d'affaires déclaré à la TVA et celui issu de la compatibilité de la société contrôlée mettait en évidence des discordances importantes et non expliquées. Il a reconstitué, au vu de la comptabilité présentée, les encaissements imposables au titre de chaque période à partir du chiffre d'affaires porté au compte de résultats, affecté de la variation des soldes des comptes clients, des avances reçues et des traites escomptées. Il a conclu à une minoration du chiffre d'affaires de 473 563 euros en 2012, de 76 077 euros en 2013 et de 328 221 euros en 2014.

13. D'une part, s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de la période du 1er janvier au 9 juillet 2014, la société appelante se prévaut, pour contester les rappels effectués à ce titre, de circonstances permettant de justifier que des encaissements aient été non déclarés et notamment le fait qu'ils n'étaient pas définitivement acquis. Toutefois, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, et alors que comme il a été dit au point 10, la charge de la preuve lui incombe, elle n'est pas fondée à soutenir que ces rappels seraient exagérés.

14. D'autre part, s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de la période correspondant aux années 2012 et 2013, l'appelante soutient que les calculs présentés par l'administration sont erronés en ce que cette dernière a inclus à tort les produits exceptionnels sur opérations en capital dans le chiffre d'affaires HT taxable à la TVA. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations. En outre, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, elle ne produit aucun élément permettant de retenir que les cessions d'éléments d'actif intervenues en 2012 et 2013 concerneraient des biens qui n'avaient pas ouvert droit à déduction lors de leur acquisition, et seraient ainsi exonérées de TVA en vertu du a du 1° du 3 de l'article 261 du code général des impôts.

15. En ce qui concerne le calcul des encaissements, la requérante fait valoir que les données chiffrées retenues par l'administration s'agissant des périodes 2012 et 2013 sont erronées et que sur la base de ses propres calculs, l'insuffisance de la TVA collectée ne se porte qu'à hauteur de 49 321 euros contre 88 817 euros pour l'année 2012 et fait apparaître un excédent de déclaration de 70 246 euros contre un rappel de 13 275 euros pour l'année 2013. Cependant, si elle produit sa comptabilité en appel, elle n'apporte aucun élément justificatif des sommes qu'elle avance permettant de remettre en cause les rappels opérés par l'administration.

16. Enfin, la société requérante soutient que l'écriture relevée dans le journal d'opérations diverses au 31 décembre 2012 comme transférant une partie des résultats taxables à un taux de 19,6% à 5,5% n'est qu'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires déclaré à la TVA dès lors qu'aucun chiffre d'affaires n'a été comptabilisé et déclaré au taux de 5,5%. Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, n'a aucune influence sur le bien-fondé des rappels opérés dès lors qu'il résulte de l'instruction que le service n'a pas tenu compte du taux de taxe erroné inscrit en comptabilité.

En ce qui concerne la TVA déduite :

17. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas :/a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ;/c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; (...)/ 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, (...) (...) ".

18. La société requérante soutient que l'administration lui a reproché, à tort, d'avoir comptabilisé de la TVA déductible à raison de la TVA inscrite en compte 44586 " TVA sur factures non parvenues ", pour des sommes de 3 380 euros et 57 400 euros, respectivement au 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, et ce sans procéder au contrôle des fournisseurs ou des fournitures en cause. Toutefois, et alors qu'elle supporte la charge de la preuve, elle ne justifie pas des factures, ni de tout autre document, de nature à lui permettre de procéder à la déduction de cette TVA. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur les pénalités :

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; ".

20. D'une part, la société requérante reprend en appel, sans critique du jugement et sans élément nouveau, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des pénalités fiscales qui lui ont été appliquées. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

21. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'eu égard à l'importance des sommes rectifiées, au fait que la société a déjà fait l'objet d'une précédente procédure de vérification s'étant soldée par des rappels de TVA pour déduction par anticipation notamment, l'administration a pu légalement faire application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, quand bien même il résulte de l'instruction que la société contrôlée n'a pas eu l'intention de placer une partie des prestations réalisées sous le régime du taux de TVA à 5,5% au lieu d'un taux à 19,6%.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une quelconque somme à la SELARL Malmezat-Prat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1 : La requête de la SELARL Malmezat-Prat agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Signoret Jean-Louis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SELARL Malmezat-Prat agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Signoret Jean-Louis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal du Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe 21 novembre 2023.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX02660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02660
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-21;21bx02660 ?
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