La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2024 | FRANCE | N°23BX02718

France | France, Cour administrative d'appel, 15 février 2024, 23BX02718


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 13 454,08 euros à titre de provision à faire valoir sur le complément d'indemnité de remboursement partiel des loyers qui lui est dû, dans un délai de huit jours à compter de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2302589

du 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 13 454,08 euros à titre de provision à faire valoir sur le complément d'indemnité de remboursement partiel des loyers qui lui est dû, dans un délai de huit jours à compter de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2302589 du 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté ce déféré.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2023, complétée de mémoires et pièces les 12 novembre 2023, 26 décembre 2023 et 28 décembre 2023, M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 20 octobre 2023 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 13 454,08 euros à titre de provision à faire valoir sur le complément d'indemnité de remboursement partiel des loyers dû, dans un délai de huit jours à compter de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et d'instance d'appel.

Il soutient que :

- la question relative au " centre des intérêts matériels et moraux et à la justification de la résidence " est inopérante s'agissant du recalcul d'une indemnité effectivement servie, et il n'était pas nécessaire aux requérants d'alléguer ni d'établir quoi que ce soit à ce titre ;

- l'ordonnance est d'ailleurs entachée d'une contradiction de motifs, puisqu'en suggérant que l'exposant n'aurait pas établi ni allégué remplir les " conditions nécessaires à la perception de l'indemnité de remboursement partiel de loyers ", elle rappelle ainsi que la question portait sur le recalcul de l'indemnité, ce dont il se déduisait nécessairement qu'il justifiait des conditions nécessaires à l'attribution de l'indemnité, à l'égard de laquelle il disposait d'un droit acquis irrévocable.

- l'existence de l'obligation de l'administration n'est ainsi pas sérieusement contestable dans son principe ;

- contrairement à ce qu'affirme l'ordonnance déférée, l'exposant fournissait les justificatifs nécessaires au recalcul de l'indemnité de remboursement partiel de loyer ; des chiffres précis ont été énoncés et n'ont pas été discutés ;

- le recteur oppose une contestation à seule concurrence des retenues sociales ; or, les retenues dont le recteur suggère qu'elles font obstacle à la demande sont de l'ordre de 4,15 % tandis que les intérêts légaux atteignent dans le même temps 20,22 % ; cette contestation est donc dépourvue de caractère sérieux ;

- la créance peut ainsi être regardée comme incontestable à concurrence de 13 454,08 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2023, le recteur de l'académie de Mayotte conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit fait application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative s'agissant du passage de la requête commençant par " Quant à cela... " et s'achevant par " ...encore plus question ".

Il soutient que :

- l'abrogation du loyer plafond par l'article 6 du décret n° 67-1039 du 27 novembre 1967 a pour effet de modifier les modalités de calcul, le point a) de cet article n'exigeant plus de plafonner le cas échéant le loyer réel par le montant du loyer plafond tandis que le point b) est dorénavant caduque ;

- Antérieurement au calcul de la retenue modifiée, l'évaluation du montant mensuel de l'indemnité exige de déterminer pour chaque agent éligible la rémunération, laquelle se compose du traitement brut indiciaire, de la nouvelle bonification indiciaire ainsi que du supplément familial de traitement, l'assiette, qui correspond à la différence entre la rémunération et le montant tant de la pension civile que des cotisations sociales, la retenue obtenue en appliquant au montant de l'assiette le taux de 15%, et enfin le montant des loyers réels, c'est-à-dire hors charges locatives et ce pour chaque mois ; le rectorat doit ainsi opérer les recalculs sur l'ensemble des variables prises en considération ;

- eu égard à la présentation linéaire et lacunaire des requérants, les demandes en référé provision ne sauraient être considérées comme non sérieusement contestables ;

- par ailleurs, les demandes sont présentées au titre de la rémunération ; il en résulte que, même en présence d'un référé provision, le calcul des cotisations sociales doit être opéré au regard d'une indemnité ayant la nature d'un élément de la rémunération ; en l'espèce, les montants réclamés ont été élaborés sans procéder à la déduction des cotisations sociales et prélèvements obligatoires ;

- dans les diverses affaires présentées, il est proposé une approche mécanique de la demande indemnitaire par application d'un pourcentage de la créance due au titre de l'indemnité de remboursement partiel de loyers qui n'est nullement corrélé à la situation individualisée de chaque agent présentant la demande ; aussi, le caractère incertain du préjudice s'oppose à la prospérité des demandes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 ;

- le décret n° 2013-858 du 25 septembre 2013 ;

- l'arrêté du 6 janvier 1986 relatif à l'application du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 ;

- l'arrêté du 22 septembre 2013 pris en application du décret n° 2013-858 du 25 septembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. C... A... comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., professeur de l'enseignement secondaire public affecté à Mayotte, a bénéficié, en l'absence de logement fourni par l'administration, du remboursement d'une partie de son loyer en application de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer. L'administration a appliqué à ce remboursement le plafond figurant à l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986 pris pour l'application du décret. Faisant valoir que cet article a été abrogé par l'article 3 de l'arrêté du 25 septembre 2013 pris pour l'application du décret du 25 septembre 2013 relatif à la retenue pour le logement et l'ameublement des agents civils du ministère de la défense et des militaires affectés en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, M. B... a demandé au recteur de l'académie Mayotte de lui verser la somme correspondant à un complément au remboursement des frais de loyer. Le recteur n'ayant pas fait droit à sa demande, l'intéressé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision à faire valoir sur le complément d'indemnité de remboursement partiel des loyers qu'il estime lui être dû. Il relève désormais appel de l'ordonnance du 20 octobre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins de versement d'une provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. "

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer : " Les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat (...) en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Au cas où, faute de logements et d'ameublements administratifs, les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat visés à l'article premier seraient obligés de se loger et de se meubler à leurs frais, ils seront admis (...) au remboursement du loyer dans les conditions définies à l'alinéa suivant. / Le montant du remboursement ne pourra pas excéder la différence entre le loyer effectivement acquitté, d'une part, et, d'autre part, la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service, augmentée le cas échéant de l'un ou l'autre ou des deux éléments suivants : a) Une part égale à 25 % de la différence entre le montant de la retenue prévue à l'article 3 du décret susvisé et celui du loyer réel dans la limite du loyer plafond fixé par arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et du budget, du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des simplifications administratives ; b) Une part égale à 75 % de la partie du loyer acquitté qui excède le loyer plafond prévu ci-dessus. / (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 12 décembre 1978 fixant le régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat à Mayotte : " Les dispositions du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 susvisé portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer demeurent applicables à Mayotte ". L'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986 relatif à l'application du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 modifié portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 17 mars 1995, dispose que : " Le montant du loyer-plafond prévu à l'article 6 du décret susvisé est fixé pour Mayotte à 3 000 F à compter du 1er janvier 1995 ".

5. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 25 septembre 2013 pris en application du décret n° 2013-858 du 25 septembre 2013 relatif à la retenue pour le logement et l'ameublement des agents civils du ministère de la défense et des militaires affectés en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte : " L'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986 susvisé est abrogé ". Il résulte des termes mêmes de cet article que l'arrêté du 25 septembre 2013, signé notamment par les ministres désignés à l'article 6 du décret du 29 novembre 1967, a eu pour effet

d'abroger l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986 pour l'ensemble des agents auxquels celui-ci s'appliquait, et non seulement pour les agents du ministère de la défense.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... a droit au versement du montant de la minoration de l'indemnité de remboursement partiel des loyers indument pratiquée par l'administration sur le fondement de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986, sa créance à cet égard n'étant pas sérieusement contestable dans son principe, ainsi qu'en convient d'ailleurs le recteur de l'académie de Mayotte.

7. Pour le calcul de l'indemnité de remboursement partiel des loyers, l'État devra verser au requérant une somme correspondant à la différence entre l'indemnité qu'il a effectivement perçue et celle qu'il aurait dû percevoir si le loyer-plafond n'avait pas été retenu pour le calcul de l'indemnité. A cet égard, alors que tant les éléments de rémunération de l'intéressé que le montant de la pension civile et des cotisations sociales sont connus de l'administration, que le requérant a fourni un tableau indiquant le montant mensuel de son loyer, et qu'au surplus l'administration a déjà procédé au remboursement partiel de loyers versés par le requérant pour la même période sur la base des éléments que M. B... lui avait fournis, le recteur de l'académie de Mayotte ne saurait affirmer que la créance est sérieusement contestable dans son montant au motif qu'il ne dispose pas des éléments permettant de calculer à brève échéance l'indemnité en cause.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par cette ordonnance, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision à faire valoir sur le complément d'indemnité de logement qui lui est dû.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. En vertu de ce qui précède, il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Mayotte de procéder au versement de la provision sollicitée par le requérant, calculée selon les modalités indiquées au point 7 ci-dessus, dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente ordonnance. Il y a lieu également, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 rendu applicable par les dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure, outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. ".

11. Contrairement à ce que soutient le recteur de l'académie de Mayotte, les termes de la requête de M. B... n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme globale de 300 euros au titre des frais qu'il a engagés pour les instances devant le tribunal administratif de Mayotte et devant la cour.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2302589 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte du 20 octobre 2023 est annulée.

Article 2 : L'État est condamné à verser à M. B... une indemnité provisionnelle calculée selon les modalités décrites au point 7 de la présente ordonnance, dans un délai de deux mois suivant la notification de cette ordonnance et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... B..., à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et au recteur de l'académie de Mayotte.

Fait à Bordeaux, le 15 février 2024.

Le juge d'appel des référés,

C... A...

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 23BX02718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Numéro d'arrêt : 23BX02718
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : WEYL TAULET ASSOCIES (WTA AVOCATS)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23bx02718 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award