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27/02/2024 | FRANCE | N°22BX00308

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 22BX00308


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Pau à lui verser la somme de 21 464 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait des décisions du 22 février 2017 par lesquelles le maire de Pau a rejeté sa candidature au poste de responsable d'équipe au sein de la direction de la propreté urbaine et attribué ce poste à un autre agent.
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Par un jugement n° 1901941 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Pau à lui verser la somme de 21 464 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait des décisions du 22 février 2017 par lesquelles le maire de Pau a rejeté sa candidature au poste de responsable d'équipe au sein de la direction de la propreté urbaine et attribué ce poste à un autre agent.

Par un jugement n° 1901941 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 janvier 2022 et le 24 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 26 novembre 2021 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pau une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été privé d'une chance sérieuse d'être nommé au poste de " responsable d'équipe de secteur dépôt du Grand Tour " puisqu'il était le seul candidat dont la candidature était recevable, qu'il dispose d'une expérience en management et dans le secteur des déchets, et qu'il aurait pu suivre des formations complémentaires le cas échéant ;

- la faute de la commune lui a causé un préjudice financier s'élevant à 588 euros mensuels, jusqu'au 1er juillet 2019, soit 16 464 euros, ainsi qu'un préjudice moral qui doit être évalué à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, la commune de Pau, représentée par la SCP Lonqueue Sagalovitsch Eglie-Richters et Associés, agissant par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 novembre 2022, par une ordonnance en date du 24 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-57 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°2006-779 du 3 juillet 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marcel pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 18 janvier 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé les décisions du 22 février 2017 par lesquelles le maire de Pau a rejeté la candidature de M. B... pour occuper l'emploi d'agent de maîtrise opérationnel : " responsable d'équipe de secteur dépôt du grand tour (matin) " de la direction de la propreté urbaine que la commune de Pau avait ouvert à la mobilité interne et y a nommé un autre agent de la commune. La demande de M. B... tendant à l'indemnisation des préjudices causés par l'illégalité de ces décisions a été rejetée par courrier du 17 juillet 2019. M. B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune à lui verser la somme de 21 464 euros. Il relève appel du jugement du 26 novembre 2021 rejetant sa demande.

Sur le lien de causalité :

2. Le tribunal a annulé les décisions du 22 février 2017 au motif, notamment, que le maire de Pau avait attribué le poste à pourvoir à un agent n'appartenant pas au cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux ou ayant vocation à être affecté à un tel poste. La commune a ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité.

3. Les premiers juges ont néanmoins rejeté les conclusions indemnitaires de M. B... au motif que celui-ci ne justifiait pas d'une perte de chance sérieuse d'obtenir l'emploi à pourvoir. Après avoir mentionné que l'inscription de M. B... sur la liste d'aptitude des agents de maîtrise ne lui donnait pas un droit à être nommé sur cet emploi, ils ont relevé que le jury chargé d'examiner les candidatures avait souligné la " faible expérience [de l'intéressé] en management ", sa " compréhension moyenne du poste " et regretté son approche " uniquement théorique " et son " éloignement du terrain ".

4. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction, qu'outre M. B..., qui était alors titulaire du grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe, et l'agent dont la nomination a été annulée par le tribunal administratif de Pau, seul un autre agent avait candidaté pour occuper l'emploi d'agent de maîtrise. Il est constant que ce dernier ne détenait pas le grade d'agent de maîtrise, et n'avait pas vocation à occuper cet emploi. Si la commune de Pau soutient que cet agent avait passé l'examen professionnel permettant d'être inscrit sur la liste d'aptitude pour l'accès à ce grade, elle ne précise pas s'il en a été effectivement lauréat et le délai dans lequel les résultats étaient attendus. En outre, la circonstance que la commune de Pau, qui n'avait pas procédé à la publication de la vacance du poste, aurait pu pourvoir le poste en faisant appel à un recrutement externe à la collectivité, ne saurait être regardée, en l'espèce, comme privant M. B... d'une chance sérieuse d'être nommé sur l'emploi postulé.

5. D'autre part, la commune de Pau soutient que le jury n'a pas estimé la candidature de M. B... pour exercer les fonctions de " chef d'équipe grand tour (matin) " satisfaisante. Toutefois, si le rapport du jury mentionne une faible expérience pratique en management d'équipe et une vision théorique des implications de ce poste, M. B... soutient, sans être contredit, que tel n'était pas le cas compte tenu des fonctions d'encadrement de huit personnes qu'il a exercées en 2002 durant six mois, des fonctions d'encadrement de onze personnes qu'il a exercées en 2003/2005 pour la mise en place de la collecte des déchets verts dans les quatorze communes constituant l'agglomération paloise, des fonctions d'encadrement de neuf personnes qu'il a exercées en 2010/2012 pour l'optimisation des collectes de déchets et qu'il avait également proposé en 2015 la création d'une brigade verte. En réponse, la commune de Pau se borne à faire valoir que le jury disposait d'un pouvoir souverain d'appréciation, sans contester les fonctions d'encadrement que M. B... indique avoir exercées auparavant et qui sont de nature à remettre en cause le manque d'expérience qui lui est reproché, et sans produire des éléments, notamment des fiches de notation qui démontreraient une faible expérience en management.

6. En outre, il résulte de l'instruction que sa candidature n'a pas été radicalement écartée, ni par le jury, qui a notamment relevé son " assez bonne connaissance du métier ", et ses " bons réflexes sur les mises en situation ", ni par le maire de Pau lequel, dans son courrier du 31 mai 2017 rejetant le recours gracieux de M. B..., lui indiquait que " sa candidature, malgré ses qualités, n'[était] pas apparue comme étant la plus en adéquation avec les besoins du service et les caractéristiques de l'emploi à pourvoir ". Ainsi, si M. B... occupait en dernier lieu les fonctions de receveur placier sur les marchés au service occupation du domaine public, il doit être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'être nommé sur l'emploi d'agent de maîtrise à la direction de la propreté auquel il avait candidaté.

Sur l'évaluation des préjudices :

7. La perte de revenus subie par M. B... en lien avec l'illégalité fautive correspond à la différence entre, d'une part, le traitement ainsi que les primes et indemnités dont l'intéressé avait une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, d'autre part la rémunération qu'il a effectivement perçue. Cette différence doit être calculée sur la période du 1er mars 2017 au 1er juillet 2019, date à laquelle, en exécution du jugement du 18 janvier 2019, l'emploi a été attribué à un autre agent suite à un nouvel appel à candidature.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise que M. B... a perçue d'octobre 2017 à juin 2019 était d'un montant de 219 euros bruts, alors qu'elle aurait été de 310 euros bruts dans l'emploi de responsable d'équipe à la direction de la propreté. Par suite, le préjudice de M. B... à ce titre peut être évalué à la somme de 70 euros qu'il demande sur 21 mois soit 1 470 euros.

9. En deuxième lieu, l'annexe au décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale prévoit que les fonctionnaires territoriaux exerçant les fonctions d'encadrement de proximité d'une équipe à vocation technique d'au moins cinq agents sont éligibles à l'octroi d'une nouvelle bonification indiciaire de 15 points. M. B... soutient qu'il aurait perçu cette bonification et produit au soutien de ses allégations son bulletin de paye d'octobre 2020, dont il fait valoir, sans être contredit, qu'il correspond à des fonctions similaires à celles dont il a été privé, tandis que la commune de Pau n'apporte aucun élément en défense. Ainsi, M. B... est fondé à réclamer le versement d'une somme correspondant à une nouvelle bonification indiciaire de 15 points sur la période mentionnée au point 7. La perte financière de M. B... à ce titre doit être évaluée sur la base d'une somme de 55 euros sur 28 mois à 1 540 euros.

10. En troisième lieu, M. B... soutient avoir été privé d'une chance sérieuse d'effectuer des astreintes, les samedis, dimanches et jours fériés, et produit des tableaux d'astreintes pour les années 2020 et 2021. Ceux-ci ne démontrent pas toutefois que le rythme des astreintes serait de deux samedis et deux dimanches par mois, mais de dix-huit sur un rythme annuel, divisés à parts égales entre samedis et dimanches. M. B... a donc été privé d'une chance sérieuse de percevoir la rémunération correspond à vingt-et-une astreintes le samedi et vingt-et-une astreintes le dimanche. La commune de Pau soutient, sans être contredite, que ces astreintes sont rémunérées 37,40 euros bruts par samedi et 46,50 euros bruts par dimanche. M. B... peut prétendre ainsi à ce titre à la somme de 1 380 euros.

11. En quatrième lieu, M. B... invoque le préjudice moral qu'il a subi résultant du rejet illégal de sa candidature alors qu'il a pendant quatorze ans travaillé avec sérieux dans les services de la commune de Pau. Dans les circonstances de l'espèce, une somme de 1 000 euros peut lui être accordée à ce titre.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Pau est condamnée à verser à M. B... la somme de 5 390 euros.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les intérêts :

14. M. B... a droit aux intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2019, date de réception de sa demande indemnitaire préalable.

15. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 29 août 2019 date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de faire droit à cette demande au 18 juin 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, et à chaque date d'anniversaire.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Pau demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Pau une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Pau est condamnée à verser à M. B... la somme de 5 390 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2019. Les intérêts seront capitalisés au 18 juin 2020 et à chaque échéance ultérieure.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 26 novembre 2021 est annulé.

Article 3 : La commune de Pau versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Pau.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2024.

Le rapporteur,

Julien A...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00308 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00308
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22bx00308 ?
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