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25/04/2024 | FRANCE | N°22BX01731

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 25 avril 2024, 22BX01731


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à leur charge au titre des années 2016 et 2017 pour un montant total de 21 581 euros.



Par un jugement n° 2001800 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à leur demande.

Procé

dure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juin 2022 et le 9 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à leur charge au titre des années 2016 et 2017 pour un montant total de 21 581 euros.

Par un jugement n° 2001800 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juin 2022 et le 9 novembre 2023, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 mars 2022 en tant qu'il prévoit, en son article 1er, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme A... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- il est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges se sont abstenus de répondre au moyen tiré de ce que la société La maison de Maillé devait être regardée comme étant soumise de droit à l'impôt sur les sociétés ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la société La maison de Maillé devait être regardée comme soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés, compte tenu de la nature des opérations qu'elle effectue ; c'est ainsi à bon droit que l'administration a procédé à l'imposition, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, de la rémunération perçue par Mme A..., en application de l'article 92 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, Mme B... A..., représentée par Me Aide et Me Tetang, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 janvier 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est gérante et associée à hauteur de 55 % de la société civile La maison de Maillé, qui exerce une activité de gestion de lieu de vie et d'accueil recevant des enfants et adolescents en situation familiale, sociale ou psychologique problématique, au sens du III de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Mme A... est également " permanente " de ce lieu de vie dans lequel elle réside avec les mineurs accueillis et exerce à leur égard la " mission d'éducation, de protection et de surveillance " prévue par l'article D. 316-1 du même code. La société La maison de Maillé a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration a requalifié les revenus perçus par Mme A... au titre des années 2016 et 2017, déclarés dans la catégorie des traitements et salaires, en bénéfices non commerciaux, et les a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. M. et Mme A... ont par ailleurs fait l'objet d'un contrôle sur pièces. Par une proposition de rectification, notifiée le 29 mars 2019, Mme A... a été informée des rehaussements envisagés en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017. La réclamation préalable formée par M. et Mme A... le 13 janvier 2020 a été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 25 juin 2020. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des impositions supplémentaires résultant de cette requalification, soit 4 522 euros et 2 113 euros au titre de l'impôt sur le revenu des années 2016 et 2017. Par un jugement n° 2001800 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à leur demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des points 3 et 4 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par les parties, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen invoqué par la société La maison de Maillé tiré de ce qu'elle est soumise à l'impôt sur les sociétés du fait de l'option exercée depuis 2011, et n'y est pas soumise de plein droit au sens de l'article 206 du code général des impôts. Le ministre de l'action et des comptes publics n'est donc pas fondé à critiquer, pour ce motif, la régularité du jugement en litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...). Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article 206 du même code : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) 2. (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) / 3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : (...) / b. Les sociétés civiles mentionnées au 1° de l'article 8 (...) ". Aux termes de l'article 239 du même code : " 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter (...) pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. Dans ce cas, l'impôt sur le revenu dû par les associés en nom (...) est établi suivant les règles prévues aux articles 62 et 162 (...) ". Aux termes de l'article 211 du même code : " I. Dans les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et dont les gérants sont majoritaires, dans les sociétés en commandite par actions, de même que dans (...) les sociétés civiles ayant exercé l'option prévue au 3 de l'article 206, les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont, sous réserve des dispositions du 3 de l'article 39 et 211 bis, admis en déduction du bénéfice de la société pour l'établissement de l'impôt, à la condition que ces rémunérations correspondent à un travail effectif. / Les sommes retranchées du bénéfice de la société en vertu du premier alinéa sont soumises à l'impôt sur le revenu au nom des bénéficiaires dans les conditions prévues à l'article 62 ". Aux termes de l'article 62 du même code : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : (...) / Aux associés en nom des sociétés de personnes (...) lorsque ces sociétés ou exploitations ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux. (...) / Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ".

4. Pour procéder à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017, le tribunal administratif de Poitiers a retenu que la société La maison de Maillé avait opté pour l'impôt sur les sociétés depuis 2011, et que, par suite, les rémunérations de sa gérante, dont il n'était pas contesté qu'elles correspondaient à un travail effectif, étaient admises en déduction du bénéfice de la société et avaient été régulièrement déclarées à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires visée à l'article 62 du code général des impôts.

5. L'administration fiscale soutient que la société La maison de Maillé exerçait une activité commerciale et qu'elle était ainsi soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés, de sorte que les rémunérations perçues par Mme A... devaient être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l'article 92 du code général des impôts.

6. Contrairement à ce que soutient Mme A..., l'option pour l'impôt sur les sociétés exercée depuis 2011 par la société La maison de Maillé ne fait pas obstacle à l'imposition de sa gérante dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l'article 92 du code général des impôts, à condition qu'il soit établi que cette société exerce une activité commerciale la rendant passible de l'impôt sur les sociétés, au 31 décembre de chacune des années d'imposition en litige.

7. Il résulte de l'instruction que la société La maison de Maillé gère un lieu de vie et d'accueil d'enfants et adolescents en situation de difficulté, au sens de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Mme A... accueille ainsi des enfants confiés par le département des Deux Sèvres, et est à ce titre rémunérée sur la base d'un forfait journalier arrêté par l'administration versé pour chaque enfant accueilli, lequel comprend notamment les charges d'exploitation à caractère hôtelier et d'administration générale, et la taxe nette sur la valeur ajoutée pour la fourniture de logement et de nourriture dès lors que ces services constituent les prestations principales couvertes par le forfait journalier. Dans ces conditions, la société La maison de Maillé doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts. La circonstance que les enfants accueillis par la société La maison de Maillé y soient placés par l'administration est sans influence sur la nature de l'activité exercée. Il en va de même de la circonstance que les activités commerciales exercées (hébergement, nourriture, blanchisserie, transport des enfants accueillis), ne constituent que le prolongement des missions d'accompagnement social des enfants en difficultés. Dans ces conditions, les rémunérations de Mme A..., en qualité de gérante, ne pouvaient être imposées dans la catégorie des traitements et salaires, l'assujettissement de la société La maison de Maillé ne résultant pas de l'option d'une société civile exerçant une activité la plaçant hors du champ d'application de cet impôt. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé à l'imposition des rémunérations de la gérante de la société La maison de Maillé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l'article 92 du code général des impôts.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur le motif tiré de ce que les rémunérations de Mme A... étaient admises en déduction du bénéfice de la société et auraient été régulièrement déclarés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires visés à l'article 62 du code général des impôts, pour décharger, en droits et pénalités, M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dues au titre des années 2016 et 2017.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001800 du 4 mars 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 2016 et 2017.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 sont remises intégralement à leur charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Bénédicte Martin, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Bénédicte Martin Le greffier,

C... Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01731
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;22bx01731 ?
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