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25/04/2024 | FRANCE | N°22BX01837

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 25 avril 2024, 22BX01837


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Holding Groupe Cloué a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge totale ou partielle, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 novembre 2013 et 2014 à raison de la réintégration dans son résultat imposable de provisions pour dépréciation de matériels agricoles d'occasion de son stock.

Par un jugement n° 2000420 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Holding Groupe Cloué a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge totale ou partielle, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 novembre 2013 et 2014 à raison de la réintégration dans son résultat imposable de provisions pour dépréciation de matériels agricoles d'occasion de son stock.

Par un jugement n° 2000420 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2022 et le 4 avril 2023, la SAS Holding Groupe Cloué, représentée par Me Vanhove, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 mai 2022 ;

2°) de prononcer la décharge totale ou, à titre subsidiaire, partielle, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 novembre 2013 et 2014 à raison de la réintégration dans son résultat imposable de provisions pour dépréciation de matériels agricoles d'occasion de son stock ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la remise en cause des provisions pour dépréciation de stock de matériels agricoles d'occasion n'est pas justifiée, dès lors que la méthode d'évaluation qu'elle a mise en œuvre permet de déterminer le montant des provisions avec une approximation suffisante au regard des dispositions de l'article 39 du code général des impôts ; le montant des provisions correspond, pour chaque matériel d'occasion, à la différence entre le prix de reprise et le prix " plancher " ; les frais futurs de remise en état du matériel agricole d'occasion ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant de la provision pour dépréciation ; seuls les frais de remise en état effectivement engagés sont comptabilisés ;

- s'agissant des matériels d'occasion en stock qui n'ont pas été vendus au 7 juin 2016, l'administration ne peut utiliser une méthode forfaitaire pour estimer que la provision constituée par la société a été surévaluée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 décembre 2022 et le 9 novembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vanhove, représentant la SAS Holding Groupe Cloué.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cloué Jean et Fils, qui a pour société mère la SAS Holding Groupe Cloué, exerce une activité de négoce et de réparation de matériels agricoles. Dans le cadre de cette activité, elle procède, lors de la vente de matériels neufs à des exploitants agricoles, à la reprise de leurs matériels d'occasion en vue, après d'éventuels travaux de remise en état, d'une revente ultérieure. La société Cloué Jean et Fils a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2014, à l'issue de laquelle le service a partiellement rejeté la déduction de provisions pour dépréciation de stocks de matériels d'occasion constituées par la société Cloué Jean et fils. Cette dernière a été informée des rehaussements de cotisations d'impôt sur les sociétés par une proposition de rectification du 21 juillet 2016, pour un montant, en droits et pénalités, de 86 236 euros. Sa réclamation préalable formée le 2 décembre 2019 ayant été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 22 janvier 2020, la société Holding Groupe Cloué a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer à titre principal la décharge totale, à titre subsidiaire, la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de la période courant du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2014. La société Holding Groupe Cloué relève appel du jugement n° 2000420 du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient ". Selon l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date. S'agissant des produits en stock à la clôture d'un exercice, les dépenses non engagées à cette date en vue de leur commercialisation ultérieure ne peuvent, à la date de cette clôture, être retenues pour l'évaluation de ces produits en application des dispositions du 3 de l'article 38, ni faire l'objet d'une provision pour perte ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code, que, lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, un cours inférieur au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Pareille provision ne peut, cependant, être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante. Par cours du jour à la clôture de l'exercice, au sens des dispositions de l'article 38, il y a lieu d'entendre, s'agissant des marchandises dont une entreprise fait le commerce, le prix auquel, à cette date, cette entreprise peut, dans les conditions de son exploitation à cette même date, normalement escompter vendre les biens qu'elle possède en stock.

4. Il résulte de l'instruction que la société Cloué Jean et fils a porté dans ses écritures au titre des exercices clos en novembre 2013 et 2014, des provisions pour dépréciation de stock de matériel agricole d'occasion à la clôture de chaque exercice, pour des montants respectifs de 400 626 euros et 453 796 euros. L'administration a partiellement remis en cause ces provisions, en estimant que les dépréciations comptabilisées pour le matériel agricole d'occasion étaient surévaluées, dès lors que la société ne pouvait tenir compte des frais de remise en état de matériel qui, à défaut de connaître la date exacte de leur engagement, devaient être regardés comme étant systématiquement postérieurs à la date de clôture de chaque exercice considéré.

5. En premier lieu, la société appelante soutient que le montant des provisions constituées à raison de la dépréciation des matériels agricoles d'occasion de son stock est déterminé au cas par cas, en fonction de l'état de vétusté et d'entretien de chaque matériel agricole d'occasion, et de l'étude faite sur l'état du marché par le responsable du secteur de l'occasion de la société. Cette dernière précise qu'elle détermine un prix " plancher " de revente lui permettant de fixer un prix de vente de nature à dégager une marge positive. Le montant des provisions pour dépréciation de stock correspond alors à la différence entre le prix de reprise et le prix " plancher ", lorsque le coût de revient du matériel est supérieur à son prix plancher. La société ne produit toutefois aucun élément de nature à établir l'existence d'une telle analyse au cas par cas de la dépréciation du matériel agricole d'occasion conformément au cours du jour à la date de la clôture de chaque exercice comptable en cause. Elle n'apporte pas davantage de précisions en se référant à la cote établie par le service interprofessionnel des matériels agricoles d'occasion dite " SIMO " qui concerne les ventes de matériel agricole d'occasion entre professionnels du négoce, alors qu'elle ne conteste pas revendre ces matériels à des agriculteurs et non à des professionnels du négoce. Enfin, si la société appelante soutient, en contradiction avec ce qu'elle avait indiqué lors de la réponse à la proposition de rectification et de son recours hiérarchique, que les frais de remise en état du matériel agricole d'occasion n'ont pas été pris en compte dans le calcul du montant des provisions constituées, dès lors qu'ils n'étaient pas connus au moment de l'acquisition du matériel et ne sont établis que lors de la vente effective de ce matériel, il résulte toutefois de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 21 juillet 2016, que le montant cumulé des provisions pour dépréciation reprises dans le bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés est comparable au montant des frais de remise en état engagés en vue de la revente des matériels d'occasion. Or, à défaut de précision donnée par la société sur les dates d'engagement effectif des frais de remise en état des matériels agricoles d'occasion, c'est à bon droit que l'administration a estimé que ces frais devaient être regardés comme ayant été engagés lors de la revente du matériel agricole d'occasion postérieurement à la date de clôture de chaque exercice comptable, et ne pouvaient dès lors être retenus pour le calcul du montant des provisions, conformément au 5° de l'article 39 du code général des impôts. Par suite, la société Holding Groupe Cloué n'est pas fondée à soutenir qu'elle justifie avec suffisamment de précision du montant des provisions pour dépréciation de matériels agricoles d'occasion de son stock.

6. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, la société appelante, dont la méthode de calcul des provisions pour dépréciation de matériels agricoles d'occasion non vendus au 7 juin 2016 est identique à celle utilisée s'agissant des matériels vendus à cette même date, n'apporte pas plus d'éléments de nature à établir le bien-fondé des provisions constituées en litige, en se bornant à soutenir que l'administration a déterminé un taux de surévaluation de la dépréciation contestée de manière forfaitaire, et qu'une telle méthode ne saurait être considérée comme pertinente. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir l'administration en défense, il ne résulte pas de l'instruction que ces biens non revendus seraient caractérisés par un élément précis permettant de tenir cette mévente pour probable et à ce titre de les apprécier différemment des stocks revendus. Dans ces conditions, la société Holding Groupe Cloué n'apporte pas plus la preuve qui lui incombe du bien-fondé des provisions constituées au titre des exercices clos en novembre 2013 et 2014.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Holding Groupe Cloué n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en novembre 2013 et 2014.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Holding Groupe Cloué au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Holding Groupe Cloué est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Holding Groupe Cloué et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Bénédicte Martin, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Bénédicte MartinLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01837


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01837
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SELARL JURICA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;22bx01837 ?
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