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07/05/2024 | FRANCE | N°22BX01864

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 07 mai 2024, 22BX01864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Les 2 A-Mie a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013, et de condamner l'État à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice.



Par un jugement n° 1900854 du 15 juin 20

22, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Les 2 A-Mie a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013, et de condamner l'État à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n° 1900854 du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet 2022 et 12 janvier 2023, la SARL Les 2 A-Mie, représentée par la SELARL Cabare-Bourdier, demande à la cour :

1°) de prononcer la décharge des rappels de TVA et du supplément d'impôt sur les société contestés ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens.

Elle soutient que :

- le représentant légal de la société n'était pas présent lors de la première intervention de contrôle de l'administration fiscale, la SARL ayant ainsi été privée d'un débat oral et contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et de la charte du contribuable vérifié ;

- la SARL Les A-Mie a simultanément fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité, laquelle a été abandonnée en raison de l'irrégularité de la procédure, de sorte que la procédure suivie à l'égard de la SARL Les 2 A-Mie, strictement identique, aurait également dû être abandonnée ;

- l'administration fiscale a emporté des documents comptables en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et de la doctrine administrative BOI-CF-IOR-60-40-10, dès lors que la remise des documents par la SARL n'a pas été formalisée par écrit ;

- le lieu de contrôle de la SARL a été modifié sans l'accord du représentant légal, en méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.

Par deux mémoires enregistrés le 15 décembre 2022 et le 19 décembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cabaré, représentant la société Les 2 A-Mie

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité (SARL) Les 2 A-Mie, qui exploite une boulangerie-pâtisserie, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013. Par une ordonnance du 17 juin 2014 le tribunal de grande instance de Tarbes a désigné Me Vigreux en qualité d'administrateur provisoire de la société Les 2 A-Mie. Une proposition de rectification a été adressée à la SARL Les 2 A-Mie le 7 juin 2016, pour un montant total de 264 237 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de l'impôt sur les sociétés et des pénalités. Un dégrèvement partiel a été accordé par l'administration au stade de la réclamation préalable, les impositions supplémentaires restant en litige s'élevant à 243 328 euros. La SARL Les 2 A-Mie relève appel du jugement du 15 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de TVA et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013.

2. Contrairement à ce que soutient la SARL Les 2 A-Mie, le tribunal n'a pas omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'irrégularité alléguée de l'obtention des documents comptables et de l'impossibilité de fonder une rectification sur des documents obtenus d'une telle façon, dès lors que le jugement indique que la procédure suivie par l'administration ne méconnaissait pas les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et que la SARL ne pouvait utilement se prévaloir de la doctrine administrative sur ce point, celle-ci ayant trait à la procédure d'imposition.

3. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification qui doit, notamment, lui indiquer expressément qu'il a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Cette garantie est de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur sans qu'il soit besoin, pour ce dernier, de l'informer préalablement de chacune de ces interventions.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à Me Vigreux, administrateur judiciaire de la SARL Les 2 A-Mie, un avis de vérification daté du 18 mars 2015 indiquant que la première opération de contrôle sur place serait réalisée le 21 avril 2015 et qu'il disposait de la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Si Me Vigreux n'avait pas expressément désigné M. A..., expert-comptable de la société présent lors de cette opération de contrôle sur place avec les deux associés, pour le représenter, il a ensuite adressé un pouvoir daté du 21 avril 2015 mandatant M. A... en ce sens. Une deuxième intervention a été organisée sur place le 29 avril 2015, en présence de M. A.... Trois autres réunions ont été organisées sur place les 5 mai, 20 mai et 6 juillet 2016, dans les locaux de la SARL Les A-Mie, composée des mêmes associés que la SARL Les 2 A-Mie, à la demande de M. A.... Dans ces conditions, et quand bien même Me Vigreux n'était pas présent lors de la première intervention, l'administration fiscale n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et la SARL Les 2 A-Mie ne saurait être regardée comme ayant été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.

6. La SARL Les 2 A-Mie ne peut utilement soutenir que la procédure de rectification dirigée contre la SARL Les A-Mie ayant été abandonnée, cette circonstance aurait dû conduire à l'abandon de la procédure relative à la SARL Les 2 A-Mie, dès lors que les deux sociétés sont des personnes morales distinctes et que, par elle-même, la décision d'abandon des rehaussements vis-à-vis de la société Les A-Mie est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie vis-à-vis de la société Les 2 A-Mie et sur le bien-fondé des impositions qui lui ont été assignées. En outre, le courrier du 13 juillet 2016 par lequel l'administration a abandonné la procédure à l'égard de la SARL Les A-Mie n'est pas motivé de sorte que la SARL Les 2 A-Mie ne peut, en tout état de cause, pas se prévaloir de ce courrier sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales comme d'une prise de position formelle de l'administration.

7. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ".

8. Ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée. La vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée.

9. Si la première intervention de contrôle a eu lieu au siège de la SARL Les 2 A-Mie, les autres opérations se sont tenues, sur demande de M. A..., au siège de la SARL Les A-Mie, à Tarbes, les locaux étant plus adaptés. Cette modification du lieu du contrôle sur place a été décidée d'un commun accord le 21 avril 2015 et confirmée par écrit le 29 avril 2015 par M. A.... La SARL Les 2 A-Mie n'est donc pas fondée à soutenir que le lieu de contrôle a été modifié sans l'accord de son représentant légal. Elle n'a pas davantage été privée d'un débat oral et contradictoire, ainsi qu'il a été indiqué au point 4 du présent arrêt.

10. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. / Ces copies seront produites sur un support informatique fourni par l'entreprise, répondant à des normes fixées par arrêté. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. / Les copies des documents transmis à l'administration ne doivent pas être reproduites par cette dernière et doivent être restituées au contribuable avant la mise en recouvrement ".

11. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur ne peut en principe emporter certains documents dans les bureaux de l'administration que sur demande écrite du contribuable. Il doit alors lui remettre un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises, cette pratique ne devant pas avoir pour effet de priver le contribuable de la possibilité d'un débat oral et contradictoire. La prise ou la conservation par le vérificateur de copies de documents comptables sur papier ou sur un format électronique tel qu'une clé USB, dont le contribuable a conservé les originaux, ne constitue pas un emport irrégulier de documents de nature à vicier la procédure d'imposition.

12. La SARL Les 2 A-Mie soutient qu'elle a remis au vérificateur la copie des fichiers des écritures comptables relatifs aux années en litige le 21 avril 2015 et qu'un reçu lui a été remis le 29 avril 2015. La proposition de rectification indique que les fichiers comptables ont été remis à l'administration le 29 avril 2015. Alors même que les documents auraient été remis le 21 avril 2015 et qu'un procès-verbal attestant de cette remise aurait été établi huit jours après, il résulte de l'instruction qu'aucun document original n'a été emporté, que la SARL a remis elle-même une copie de ses documents comptables sur une clé USB, que la liste des documents communiqués a effectivement été remise par l'administration fiscale à la SARL et que celle-ci n'a pas été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. La circonstance, au demeurant non établie, que le reçu délivré par l'administration fiscale à la SARL ait été remis huit jours après l'emport des copies des documents comptables par l'administration n'est pas de nature à vicier la procédure d'imposition, la SARL Les 2 A-Mie n'ayant été privée d'aucune garantie. Enfin, si le Bulletin officiel des finances publiques - impôt (BOFiP) sous la référence BOI-CF-IOR-60-40-10 prévoit que " la remise des fichiers informatiques sera formalisée par écrit sur un document remis par le vérificateur et contresigné par le contribuable ", cette doctrine, dont la société requérante se prévaut sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne peut être utilement invoquée devant le juge de l'impôt dès lors qu'elle est relative à la procédure d'imposition et ne peut dès lors être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale.

13. Il résulte de ce tout ce qui précède que la SARL Les 2 A-Mie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Les 2 A-Mie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les 2 A-Mie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée à la direction régionale de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°22BX01864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01864
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET CABARE-BOURDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22bx01864 ?
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