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12/03/2002 | FRANCE | N°00DA00887

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 12 mars 2002, 00DA00887


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 1er août 2000, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :
1 d'annuler le jugement n 952740 en date du 21 mars 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la société à responsabilité limitée Semb-Goldman la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 ;
2 de remettre l imposition contestée à la charge de la société à responsabilité limitée Semb-Goldman à concur

rence de la réduction accordée par le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu les ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 1er août 2000, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :
1 d'annuler le jugement n 952740 en date du 21 mars 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la société à responsabilité limitée Semb-Goldman la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 ;
2 de remettre l imposition contestée à la charge de la société à responsabilité limitée Semb-Goldman à concurrence de la réduction accordée par le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2002
- le rapport de M. Nowak, premier conseiller,
- les observations de Me X... , avocat, pour la société à responsabilité limit ée Semb-Goldman
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée Semb-Goldman portant sur les exercices clos les 28 février 1986, 1987 et 1988 et d'un contrôle sur pièces de l'exercice clos le 28 février 1989, l'administration a, notamment, remis en cause l'imputation sur les résultats de l'exercice clos le 28 février 1986 des déficits ordinaires d'exploitation et des amortissements réputés différés réalisés à la clôture de l'exercice précédent et a procédé, en conséquence, à des rehaussements des résultats des exercices clos en 1986, 1987, 1988 et 1989 ; que par une nouvelle vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 28 février 1989 et 1990 et le 31 décembre 1990 et tirant la conséquence des redressements résultant de la précédente vérification, elle a remis en cause l'imputation de ces déficits ordinaires et amortissements réputés différés sur les résultats de ces exercices poursuivie par la société Semb-Goldman et a réintégré au résultat du dernier exercice vérifié des recettes d'un montant de 357 578 F ; que, par le jugement dont le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait appel, le tribunal administratif a accordé à la société la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 à concurrence d'une réduction de la base d'imposition de 8 993 498 F procédant de l'imputation sur les résultats de cet exercice et, notamment, sur une plus-value à long terme d'un montant de 12 165 000 F d'amortissements réputés différés de 8 635 920 F et de l'exclusion de ceux-ci des recettes réintégrées ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209 du code général des impôts, relatif à la détermination des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés : "Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire . Par exception aux dispositions du présent alinéa, le déficit subi pendant un exercice peut, sur option de l'entreprise, être déduit du ou des bénéfices mentionnés ci-dessus avant l'amortissement de l'exercice ; .../ La limitation du délai de report prévue à l'alinéa précédent n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire. Toutefois, cette faculté de report cesse de s'appliquer si l'entreprise reprend tout ou partie des activités d'une autre entreprise ou lui transfère tout ou partie de ses propres activités ..." ; que le 5 de l'article 221 du même code issu de l'article 8 de la loi n 85-1403 du 30 décembre 1985 portant loi de finances pour l'année 1986 précise que "le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise." ;

Considérant que la mise en uvre du droit au report déficitaire ouvert par les dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts est subordonnée à la condition que la personne de l'exploitant et l'objet de l'entreprise soient restés les mêmes ; que, s'agissant d'une période d'imposition antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 8 de la loi 85-1403 du 30 décembre 1985, cette condition ne fait défaut, s'agissant d'une société, que lorsque celle-ci a subi, à la fois dans sa composition et dans son activité, des transformations d'une importance telle que, tout en ayant conservé sa personnalité juridique, elle n'est plus, en réalité, la même ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Semb-Goldman n'a pas subi de transformation dans sa forme juridique ni dans son capital au cours de l'exercice clos le 28 février 1985 ; que, dès lors, la circonstance que des modifications importantes sont intervenues au cours du même exercice dans la nature de ses activités ne suffit pas, en tout état de cause, à justifier légalement la réintégration dans ses résultats des exercices ouverts à compter du 1er mars 1985 des déficits ordinaires et des amortissements réputés différés réalisés jusqu'au 28 février 1985 ; que les dispositions précitées du 5 de l'article 221 du code général des impôts n'étant applicables qu'aux exercices clos à compter du 1er janvier 1986, le ministre ne saurait utilement s'en prévaloir en l'absence de changement de l'activité réelle de la société Semb-Goldman au cours de l'exercice clos le 28 février 1986 et des exercices ultérieurs ; que, par suite, la société Semb-Goldman était en droit de reporter les déficits ordinaires et les amortissements réputés différés réalisés au 28 février 1985 sur les résultats des exercices ouverts après cette date ; que, compte tenu des résultats déclarés par la société, des redressements notifiés à l'issue des deux vérifications de comptabilité dont la société a fait l'objet et non contestés et des montants du déficit ordinaire et des amortissements de l'exercice clos le 28 février 1990 dont l'administration a admis le report soit 395 319 F et 530 372 F, les déficits ordinaires et les amortissements réputés différés reportables sur les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1990 s'élèvent respectivement aux sommes de 395 319 F et 9 166 492 F ; que, par suite, le montant des amortissements réputés différés en litige est de 8 635 920 F ;

Considérant, d'autre part, que la société Semb-Goldman n'a pas comptabilisé les loyers qui lui étaient dus par la société Delsey au titre des mois d'août et septembre 1990 à raison de la location de l'immeuble à usage d'entrepôt industriel qu'elle lui avait donné à bail le 25 janvier 1982 et qu'elle avait quitté le 1er juillet 1990 sans respecter le préavis conventionnellement fixé à six mois avant l'expiration de chaque période biennale par avenant du 28 avril 1986 et en refusant de lui verser les loyers afférents à ce préavis ; que la circonstance que, bien qu'ayant assigné la société débitrice devant le tribunal de grande instance de Senlis, un doute pouvait subsister sur l'irrégularité du congé donné par son locataire ne dispensait pas la société Semb-Goldman de constater à l'actif de son bilan la créance afférente à ces loyers ; que, par suite, et quelle que soit la qualification donnée ultérieurement par le juge judiciaire aux sommes au paiement desquelles il a condamné la société Delsey, la société Semb-Goldman n'était pas fondée à contester la réintégration à ses résultats de la somme de 357 578 F dès lors qu'elle n'a pas pris la décision de gestion de constituer une provision pour créances douteuses à due concurrence ;
Considérant, enfin, que la société Semb-Goldman a été déclarée en état de règlement judiciaire le 5 juillet 1984 ; qu'un concordat, conclu par les créanciers de la société, a été homologué par un jugement du tribunal de commerce de Senlis en date du 20 février 1986, aux termes duquel la société, qui s'est engagé à régler à ses créanciers 50 % de leurs créances en cinq annuités, "sera définitivement et valablement libérée à l'égard des créanciers chirographaires par l'exécution du présent concordat", lequel "ne deviendra définitif qu'après son homologation par le tribunal de commerce de Senlis ..." ; que la société Semb-Goldman a acquitté ses dernières dettes en janvier 1991 ; que la somme représentative de la remise de 50 %, soit 12 030 254 F, a été enregistrée par elle comme profit au titre de l'exercice clos le 28 février 1986 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la loi du 13 juillet 1967 sous l'empire de laquelle a été conclu le concordat : "L'homologation du concordat le rend obligatoire pour tous les créanciers" ; qu'aux termes de l'article 75 : "La résolution du concordat est prononcée : 1. En cas d'inexécution de ses engagements concordataires par le débiteur " ; qu'aux termes de l'article 77 : " En cas de résolution ... du concordat, les créanciers antérieurs au concordat retrouvent l'intégralité de leurs droits, à l'égard du débiteur ( ...) " ; qu'eu égard à ces dispositions législatives, la condition affectant la remise de 50 % des créances doit, nonobstant la rédaction du concordat, être regardée comme une clause résolutoire ; qu'ainsi, la remise litigieuse constituait un profit qui, en application de l'article 38 du code général des impôts, a été à bon droit rattaché par la société Semb-Goldman à l'exercice clos en 1986 ; que, par suite, sa demande tendant à ce que ce profit soit exclu des résultats dudit exercice et à ce que les déficits ordinaires et les amortissements réputés différés constatés à sa clôture soient majorés d'un même montant doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la réduction de la base d'imposition assignée à la société Semb-Goldman au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 et à laquelle elle pouvait prétendre ne pouvait excéder la somme de 8 635 920 F ; que, par suite, le jugement attaqué doit être réformé en ce sens et le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejeté ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société Semb-Goldman une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignée à la société à responsabilité limitée Semb-Goldman au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 est réduite d'un montant d'amortissements réputés différés de 1 316 537,52 euros (soit 8 635 920 F).
Article 2 : Il est accordé à la société à responsabilité limitée Semb-Goldman décharge de la différence entre le montant de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 et le montant de celle qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 21 mars 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le recours incident de la société à responsabilité limitée Semb-Goldman sont rejetés.
Article 5 : L'Etat versera à la société à responsabilité limitée Semb-Goldman une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société à responsabilité limitée Semb-Goldman.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 00DA00887
Date de la décision : 12/03/2002
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-10 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - REPORT DEFICITAIRE


Références :

CGI 209, 221, 38
Code de justice administrative L761-1
Loi du 13 juillet 1967 art. 74, art. 75, art. 77
Loi 85-1403 du 30 décembre 1985 art. 8


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nowak
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-03-12;00da00887 ?
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