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26/03/2002 | FRANCE | N°98DA11431;98DA11990

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 26 mars 2002, 98DA11431 et 98DA11990


Vu les ordonnances en date du 31 août 1999 par lesquelles le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai les requêtes présentées, d'une part, pour la société d'études et de recherches opérationnelles (S.E.R.O.), prise en la personne de son président-directeur général domic

ilié en cette qualité au siège ... au Havre (76610), par Me Len...

Vu les ordonnances en date du 31 août 1999 par lesquelles le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai les requêtes présentées, d'une part, pour la société d'études et de recherches opérationnelles (S.E.R.O.), prise en la personne de son président-directeur général domicilié en cette qualité au siège ... au Havre (76610), par Me Lenglet, avocat et, d'autre part, pour la société de pavage et des asphaltes de Paris (S.P.A.P.A.) dont le siège social est boulevard industriel à Sotteville les Rouen (76300), prise en la personne de son président-directeur général, par Me X..., avocat ;
Vu 1 ) la requête, enregistrée le 13 juillet 1998 sous le n 98NT01431 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, par laquelle la société d'études et de recherches opérationnelles (S.E.R.O.) demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement en date du 25 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à garantir la société Quillery des condamnations mises à sa charge à concurrence d'une somme de 26 391,50 francs au titre des infiltrations au droit des caisses de cinéma de l'Espace Oscar Y... au Havre ;
2 ) de déclarer la juridiction administrative incompétente pour statuer sur le recours de la société Quillery, de rejeter en toute hypothèse le recours en garantie de la société Quillery contre la société S.E.R.O. et de la condamner à lui verser une indemnité de 30 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2002
le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées et enregistrées au greffe de la cour administrative d'appel de Douai sous les nos 98DA11431 et 98DA11990, présentées par la société d'études et de recherches opérationnelles (S.E.R.O.), d'une part, et par la société de pavage et des asphaltes de Paris (S.P.A.P.A.), d'autre part, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative :
Considérant que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les recours entre les divers participants à un travail public unis par contrat au maître de l'ouvrage ; que ni la circonstance qu'il s'agisse de personnes de droit privé ni le fait qu'aucun contrat n'existe entre elles n'est de nature à exclure la compétence du juge administratif pour se prononcer sur de tels recours ; qu'ainsi, la société d'études et de recherches opérationnelles (S.E.R.O.), qui ne saurait utilement se prévaloir de ce que la commune du Havre s'est désistée de ses conclusions à son encontre, n'est pas fondée à soutenir qu'en statuant sur les conclusions à fin de garantie dirigées contre elle par la société Quillery, le tribunal administratif de Rouen aurait outrepassé les limites de sa compétence ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, si la société de pavage et des asphaltes de Paris (S.P.A.P.A.) soutient que le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur ses conclusions tendant à être garantie par les sociétés Quillery et Auxiba, il résulte des termes du mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 21 octobre 1997 que la société S.P.A.P.A. n'a appelé en garantie lesdites sociétés que sur les infiltrations constatées au niveau de la rampe d'accès au parking ; que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur ledit appel en garantie en raison de l'absence de condamnation découlant de l'expiration du délai de garantie décennale à l'égard de ce désordre ; qu'ainsi, la société S.P.A.P.A. n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, qui par ailleurs est suffisamment motivé, serait irrégulier pour avoir omis de statuer sur les conclusions susrappelées ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société de contrôle technique et d'expertise de la construction (Socotec) :

Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 4 juillet 1978, l'obligation de garantie due au titre de la garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs mais également aux autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ; que, par suite, la société de contrôle technique et d'expertise de la construction, qui était liée par contrat à la commune du Havre, n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement desdits principes ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la société Socotec ;
Au fond :
En ce qui concerne les infiltrations au droit des caisses de cinéma :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de M. Michel que les infiltrations au droit des caisses de cinéma qui entraînent des écoulements importants au-dessus desdites caisses et rendent l'ouvrage impropre à sa destination sont exclusivement imputables à une mauvaise exécution des ouvrages en béton réalisés par la société
Quillery ; que, dans ces conditions, la société S.P.A.P.A., d'une part, les sociétés Socotec et Auxitec Bâtiment venant aux droits du cabinet Hapel Ingénierie, d'autre part, sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que leur responsabilité était engagée à raison de cette partie des désordres ;
Considérant que la société Quillery, si elle doit être entendue comme se prévalant d'une faute de maître de l'ouvrage, la commune du Havre, de nature à atténuer sa responsabilité, ne l'établit pas ;
En ce qui concerne les infiltrations dans le poste de police :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les infiltrations dans le poste de police qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination sont imputables à une exécution non conforme aux règles de l'art par la société Quillery, à une insuffisante surveillance des travaux par le cabinet Hapel Ingénierie et à la société Socotec en tant que bureau d'études ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction et notamment des rapports d'expertise que les désordres en cause soient imputables à la société S.P.A.P.A. qui est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée solidairement avec les autres constructeurs à réparer les conséquences dommageables desdites infiltrations ;
En ce qui concerne les désordres caractérisant la garderie et le garage :
Considérant que les conclusions de la société Socotec tendant à être mise hors de cause au titre des infiltrations constatées dans la garderie et le garage portent sur un litige distinct de celui introduit par les appels principaux des sociétés S.E.R.O. et S.P.A.P.A. ; que, par suite, elles ne sont pas recevables ;
Sur le montant de la réparation :

Considérant que le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison de désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent en règle générale la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux ; que, toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable ;
Considérant que, pour l'application de ces principes, il appartient normalement au maître de l'ouvrage, à qui incombe, de façon générale, la charge d'apporter tous éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir, s'il demande que l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires englobe le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il n'est pas susceptible, à la date normale d'évaluation du préjudice, de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe ;
Considérant qu'en l'espèce, faute pour la commune du Havre d'apporter une telle justification, le montant de l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres ne doit pas inclure le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué et de condamner la société Quillery à verser à la commune du Havre la somme de 43 767 francs hors taxes (6 672,24 euros) et les sociétés Quillery, Auxitec Bâtiment et Socotec à verser à la commune du Havre la somme de 25 900 francs hors taxes (3 948,43 euros), lesdites sommes portant intérêts à compter du 15 octobre 1990, les intérêts produisant eux-mêmes intérêts à compter du 28 mai 1997 ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 221 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable, le recours contre l'ordonnance liquidant les dépens est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention du jugement ou de l'arrêt par lequel la charge des frais est attribuée ; que, par suite, les conclusions de la société Auxitec Bâtiment demandant la réduction des honoraires de l'expert M. Z... ne peuvent qu'être rejetées dans le cadre de la présente instance ;
Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a mis à la charge solidaire des sociétés Quillery, S.P.A.P.A., Hapel Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société Auxitec Bâtiment, et Socotec les frais des deux expertises ;
Sur l'appel en garantie formé par la société Quillery en ce qui concerne les infiltrations au droit des caisses de cinéma :

Considérant que la société Quillery appelle en garantie la société S.E.R.O. pour la condamnation supportée par elle pour ce chef de désordre ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de M. Z... que les désordres au droit des caisses de cinéma sont dus à une mauvaise conception de détail de la jonction de la dalle piétonne avec la coque de la structure du théâtre ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société Quillery, les désordres ne sont pas imputables à une erreur dans la coordination des travaux assurée par la société S.E.R.O. ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions en appel en garantie formées par la société Quillery et de réformer le jugement attaqué sur ce point ;
Sur les appels en garantie des sociétés Socotec, Auxitec Bâtiment et S.P.A.P.A. :
Considérant que les conclusions de la société Socotec tendant à ce que la société Quillery et la société Auxitec Bâtiment la garantissent des condamnations prononcées contre elle et les conclusions de la société Auxitec Bâtiment tendant à ce que la société Quillery la garantisse des condamnations prononcées contre elle au titre des désordres dans le poste de police n'ont pas été présentées devant les premiers juges et ne sont, dès lors, pas recevables ; que les conclusions de la société S.P.A.P.A. tendant à être garantie par les sociétés Quillery et Auxitec Bâtiment sont, en tout état de cause, devenues sans objet ;
Sur les conclusions de la société Socotec tendant à la condamnation de la commune du Havre à lui rembourser avec intérêts les indemnités réglées en exécution du jugement attaqué :
Considérant que si la société Socotec a, en exécution du jugement attaqué, versé des sommes dont elle se trouve partiellement déchargée par la présente décision, elle n'est pas fondée à demander à la Cour dans le cadre de la présente instance la condamnation de la commune du Havre à lui rembourser lesdites sommes ni la réparation sous forme d'intérêts au taux légal du préjudice subi du fait du versement desdites sommes auquel elle était tenue en raison du caractère exécutoire du jugement ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Quillery à payer à la société S.E.R.O., à la société Auxitec Bâtiment, à M. Oscar Y... et aux consorts A... une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés S.P.A.P.A. et S.E.R.O. qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à la société Quillery la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 2 et 6 du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 25 mai 1998 sont annulés.
Article 2 : La société Quillery est condamnée à verser à la commune du Havre la somme de 6 672,24 euros hors taxes avec intérêts à compter du 15 octobre 1990, les intérêts produisant eux-mêmes intérêts à compter du 28 mai 1997.
Article 3 : Les sociétés Quillery, Auxitec Bâtiment et Socotec sont condamnées solidairement à verser à la commune du Havre la somme de 3 948,43 euros hors taxes avec intérêts à compter du 15 octobre 1990, les intérêts produisant eux-mêmes intérêts à compter du 28 mai 1997.
Article 4 : La société Quillery est condamnée à verser à la société S.E.R.O., à la société Auxitec Bâtiment, à M. Oscar Y... et aux consorts A... la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Auxitec Bâtiment et de la société Socotec est rejeté.
Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel en garantie de la société S.P.A.P.A.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société d'études et de recherches opérationnelles (S.E.R.O.), à la société de pavage et des asphaltes de Paris (S.P.A.P.A.), à M. Oscar Y..., aux consorts A..., à la commune du Havre, à la société Auxitec Bâtiment, à la société Socotec, à la société générale des entreprises Quillery Bâtiment et au ministre de l'équipement, des transports et du logement. Copie sera transmise au prfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98DA11431;98DA11990
Date de la décision : 26/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE


Références :

Code civil 1792, 2270
Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R221
Loi du 04 juillet 1978


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-03-26;98da11431 ?
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