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21/05/2002 | FRANCE | N°98DA01009;98DA01023;98DA01036

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 21 mai 2002, 98DA01009, 98DA01023 et 98DA01036


Vu les ordonnances en date du 30 août 1999 par lesquelles le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai les requêtes présentées pour la société Serete SA actuellement dénommée CIPM International dont le siège est ... (75640), par Me Philippe A..., avocat, pour la SNC Norpac

dont le siège social est rue John Hadley, Le Sextant à Villen...

Vu les ordonnances en date du 30 août 1999 par lesquelles le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai les requêtes présentées pour la société Serete SA actuellement dénommée CIPM International dont le siège est ... (75640), par Me Philippe A..., avocat, pour la SNC Norpac dont le siège social est rue John Hadley, Le Sextant à Villeneuve d'Ascq (59651), par Me Z..., avocat et pour la chambre de commerce et d'industrie de Béthune dont le siège social se trouve ..., par Me Jean-Jacques B... et Edouard Ta Pamart, avocats ;
Vu 1 ) la requête, enregistrée le 14 mai 1998, sous le n 98NC01009, au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle la société Serete SA devenue CIPM International demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 12 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamnée avec la société Norpac et la société BPS à payer à la chambre de commerce et d'industrie de Béthune la somme de 1 905 775,50 francs ;
2 ) de rejeter la requête comme irrecevable, en tout cas mal fondée, contre la société Serete ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2002
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
- les observations de Me Y..., avocat, pour la société BPS équipement et de Me X..., avocat, pour la SA bureau Véritas,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société Serete maintenant dénommée CIPM International, de la société Norpac et de la chambre de commerce et d'industrie de Béthune sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a répondu aux divers moyens contenus dans les mémoires produits devant lui par la société Norpac ; que, dès lors, l'omission de ces mémoires dans les visas dudit jugement est sans influence sur la régularité de celui-ci ;
Sur les responsabilités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de Béthune a, par marché du 3 mars 1986, confié à la SNC Norpac la construction d'un entrepôt frigorifique à Béthune et passé commande à la société BPS équipement de palettiers mobiles destinés à la chambre froide n 1 de cet entrepôt ; que la surveillance et le contrôle des travaux dont s'agit ont été assurés par la société Serete en qualité d'assistant du maître de l'ouvrage et que, par convention conclue le 21 mai 1986, le bureau Véritas a été chargé du contrôle technique de l'opération ; que, par convention conclue le 26 février 1987 entre la chambre de commerce et d'industrie de Béthune et le centre de distribution frigorifique de l'Artois (C.D.F.A.), cette société a été autorisée à occuper l'entrepôt frigorifique en cause ; qu'après la réception des travaux qui a été prononcée le 31 octobre 1986, l'apparition en novembre 1989 de désordres affectant la chambre froide n 1 de l'entrepôt frigorifique sous forme de graves anomalies dans le fonctionnement des rails de roulement au sol qui ne permettent plus le déplacement des palettiers mobiles a conduit la chambre de commerce et d'industrie de Béthune à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs et architectes ;
Considérant qu'il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1796-2 et 2270 du code civil que la responsabilité décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination ; que compte tenu de la vocation de l'ouvrage en cause, les désordres sus indiqués étaient de nature à le rendre impropre à sa destination et engagent par suite la responsabilité décennale des constructeurs contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés Serete devenue CIPM International et BPS équipement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations de l'expert que le mauvais alignement d'origine des rails de roulement et l'enrobage insuffisant en béton de l'âme des rails sont imputables à la SNC Norpac chargée du gros uvre et responsable de la pose des rails de roulement nonobstant la circonstance qu'ils aient été fournis par la société sous-traitante BPS équipement et à supposer même que la qualité du béton mis en oeuvre n'ait joué aucun rôle dans la survenance des désordres révélés ; que lesdits désordres sont également imputables à la construction et au montage défectueux des palettiers mobiles qui ont été livrés et installés par la société BPS équipement ;

Considérant, enfin, qu'eu égard à la mission " de coordination et de suivi du chantier " qui était prévue par le contrat d'assistance à maître d'ouvrage passé entre la société Serete et la chambre de commerce et d'industrie de Béthune, et en l'absence d'éléments décisifs de nature à renverser la présomption de responsabilité qui pèse sur les constructeurs, c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé que la responsabilité de la société Serete était engagée conjointement et solidairement avec la SNC Norpac et la société BPS équipement ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort également de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de Béthune n'a procédé à aucun entretien et aucune maintenance des équipements défectueux ; que, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des fautes ainsi imputables au maître de l'ouvrage en mettant à sa charge 25 % des conséquences dommageables des désordres ;
Sur l'indemnité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le coût total de la réparation des désordres comprend le démontage des palettiers mobiles de la chambre froide n 1, la remise en état des palettiers, le remplacement des rails défectueux et la remise en état de la dalle de béton ; que pour justifier du coût du démontage des palettiers mobiles, la chambre de commerce et d'industrie de Béthune ne produit qu'une seule facture d'un montant de 111 200 francs hors taxes (16 952,33 euros) ; que les documents produits par la chambre de commerce et d'industrie de Béthune ne sont pas de nature à établir que les travaux de remise en
état des palettiers et le remplacement des rails défectueux doivent être établis à une somme supérieure à celle retenue par l'expert ; que, contrairement à ce que soutient la chambre de commerce et d'industrie, les frais financiers engagés pour la construction d'un nouveau palettier mobile ne sont pas directement liés aux désordres affectant la chambre froide n 1 ; qu'enfin, la chambre de commerce et d'industrie n'établit pas la nécessité où elle se serait trouvée de diminuer le montant de la redevance versée par le centre de distribution frigorifique de l'Artois (C.F.D.A.) et qui serait à l'origine de la perte de revenus locatifs dont elle demande l'indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le coût total de la réparation des désordres s'élève à la somme de 1 703 200 francs hors taxes (259 651,17 euros) ;
Considérant que le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison de désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent en règle générale la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux ; que, toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable ;

Considérant que, pour l'application de ces principes, il appartient normalement au maître de l'ouvrage, à qui incombe, de façon générale, la charge d'apporter tous éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir, s'il demande que l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires englobe le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il n'est pas susceptible, à la date normale d'évaluation du préjudice, de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe ;
Considérant qu'en l'espèce, faute pour la chambre de commerce et d'industrie de Béthune d'apporter une telle justification, le montant de l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres ne doit pas inclure le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que le demande la société Serete ; que l'indemnité due à la chambre de commerce et d'industrie de Béthune doit ainsi être arrêtée, eu égard au partage susmentionné, à la somme de 1 277 400 francs hors taxes ;
Considérant que de l'ensemble de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, il résulte qu'il y a lieu de ramener à la somme de 1 277 400 francs hors taxes (194 738,37 euros) la somme de 1 905 775,50 francs toutes taxes comprises (290 533,60 euros), avec intérêts à compter du 30 novembre 1992 ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges, que la SNC Norpac, la société BPS équipement et la société Serete devenue CIPM International avaient été condamnés à verser conjointement et solidairement à la chambre de commerce et d'industrie de Béthune et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Béthune, la SNC Norpac et la société CIPM International à verser à la SA bureau Véritas une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Béthune, de la SNC Norpac, de la société CIPM International tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : La somme de 1 905 775,50 francs (290 533,60 euros) que la SNC Norpac, la société BPS équipement et la société Serete-CIPM International ont été condamnées conjointement et solidairement à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Béthune par le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 mars 1998 est ramenée à la somme de 194 738,37 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 mars 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de Béthune, la SNC Norpac et la société CIPM International verseront chacune une somme de 1 000 euros au bureau Véritas au titre des frais irrépétibles.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SNC Norpac et de la société Serete-CIPM International et la requête de la chambre de commerce et d'industrie de Béthune sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société CIPM International, à la chambre de commerce et d'industrie de Béthune, à la SNC Norpac, à la société BPS équipement, à la SA bureau Véritas et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98DA01009;98DA01023;98DA01036
Date de la décision : 21/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE


Références :

Code civil 1792 à 1796-2, 2270
Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-05-21;98da01009 ?
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