La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2003 | FRANCE | N°01DA00824

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2eme chambre, 06 mai 2003, 01DA00824


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Douai les 6 août et 14 septembre 2001, présentés pour le centre hospitalier de Tourcoing, dont le siège est 135, rue du Président Coty à Tourcoing (59208), par Me Z... Le Prado, avocat ; le centre hospitalier de Tourcoing demande à la Cour l'annulation du jugement n° 99-2966 du 11 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille, après l'avoir déclaré entièrement responsable du décès de Mme Maria Y... épouse G... survenu le 20 février 1996, l'a condamné à payer aux

héritiers de Mme G... la somme de 113 699,98 francs, à M. Antonio G....

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Douai les 6 août et 14 septembre 2001, présentés pour le centre hospitalier de Tourcoing, dont le siège est 135, rue du Président Coty à Tourcoing (59208), par Me Z... Le Prado, avocat ; le centre hospitalier de Tourcoing demande à la Cour l'annulation du jugement n° 99-2966 du 11 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille, après l'avoir déclaré entièrement responsable du décès de Mme Maria Y... épouse G... survenu le 20 février 1996, l'a condamné à payer aux héritiers de Mme G... la somme de 113 699,98 francs, à M. Antonio G..., la somme de 461 839 francs, à Melle Sandra G..., la somme de 153 445 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 1999, à la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing la somme de 18 759 francs, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2000 et capitalisation des intérêts échus au 27 mars 2001, à supporter les frais d'expertise pour un montant de 2 250 francs ;

Il soutient, après avoir rappelé les faits de la cause et la motivation du jugement attaqué que ce dernier est insuffisamment motivé dans la mesure où il s'est borné à considérer, de façon purement incidente, que la faute du médecin de garde était non détachable du service sans indiquer les raisons pour lesquelles il en décidait ainsi ; qu'au fond, la Cour devra décider que le décès de Mme G..., ou à tout le moins, la perte de chance d'éviter la grave complication dont

Code C Classement CNIJ : 60-02-01-01-02-01

60-03-01-01

celle-ci a été victime, est exclusivement imputable à la faute personnelle et détachable commise par le docteur Z ; qu'en effet, jusqu'au 19 février à 21h45, l'état de santé de Mme G... pouvait être jugé comme non inquiétant et les traitements administrés considérés comme adaptés ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise ; qu'en l'absence de signes évidents, les praticiens de l'hôpital de Tourcoing n'ont pas commis d'erreur fautive en ne diagnostiquant pas plus tôt une infection qui, selon toute vraisemblance, se développait à bas bruit et qui a explosé de façon imprévisible et avec une grande brutalité dans la soirée du 19 février ; qu'il ne peut y avoir retard fautif que s'il existe des signes manifestes d'une affection et si ces signes ont été ignorés ; que l'on ne peut considérer comme fautif de la part de l'hôpital de Tourcoing de ne pas avoir de service d'urologie ; qu'en revanche, Mme G... a été victime de fautes caractérisées à partir du 19 février au soir, fautes exclusivement imputables au docteur Z décrites avec précision dans le rapport d'expertise, fautes personnelles, détachables du service ; qu'à titre subsidiaire, le tribunal a surévalué le préjudice moral de Melle G... ainsi que les frais d'obsèques ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 12 décembre 2001, le mémoire produit pour le docteur Z, par Me Vincent E..., avocat ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient, après avoir rappelé la procédure et les faits de la cause, que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ces derniers en retenant un défaut dans l'organisation des soins médicaux révélé par le défaut d'appréciation de la gravité de l'état de santé de Mme G... à son arrivée à l'hôpital ; que ce n'est que le 30 novembre 2000, dans le cadre d'un mémoire déposé devant le tribunal administratif, que l'hôpital a posé le problème de la faute détachable du service et qu'il a été informé de la procédure ; que l'assertion selon laquelle le docteur Z, anesthésiste de garde par astreinte à domicile, a refusé de se déplacer malgré huit appels de l'infirmière au chevet de Mme G... est erronée et procède d'informations diffamatoires ; qu'à l'appel de 2h30, il n'a pas envisagé le transfert en réanimation, estimant que l'état de la patiente ne le justifiait pas ; que l'absence d'appel, ensuite, laissait supposer la stabilisation de l'état de Mme G... ; que la réalité des informations a été communiquée à l'expert qui n'a pas relevé à l'encontre du docteur Z les fautes reprochées notamment par le centre hospitalier ; que la délivrance des originaux invalidera la thèse du centre hospitalier ; que s'agissant de la qualification juridique des frais reprochés, il ne peut être reproché de faute personnelle avec intention malveillante ;

Vu, enregistré le 24 janvier 2002, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing par Me Patrick D..., avocat ; elle conclut à ce qu'il soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les responsabilités encourues et, dans l'hypothèse où la responsabilité du centre hospitalier serait engagée, à ce que le centre hospitalier de Tourcoing soit tenu de lui rembourser la somme de 2 859,79 euros avec intérêts de droit à compter du 10 mars 2000, date de la première demande ainsi que de lui payer la somme de 800,00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle a été amenée à servir aux ayants droit de Mme G... un capital décès dont elle est fondée à poursuivre le remboursement ;

Vu, enregistrés les 18 février et 4 avril 2002, les mémoires présentés pour M. Antonio G... et Melle Sandra G..., par Me Danièle X..., avocat ; ils concluent à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il affirme le principe de la responsabilité du centre hospitalier de Tourcoing et à sa réformation en ce qui concerne les sommes accordées, à la condamnation du centre hospitalier à leur payer la somme de 1 524,49 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent, après avoir rappelé les faits et la procédure, qu'à aucun moment, alors qu'il y a eu deux réunions d'expertise à onze mois d'intervalle, le centre hospitalier de Tourcoing n'a cru devoir mettre en cause le docteur Z et lui rendre opposable les opérations d'expertises ; qu'en fait, l'erreur d'appréciation sur la survenue éventuelle des complications a eu une incidence sur le comportement du docteur Z ; que l'hôpital ne donne pas de qualification de ce qu'il prétend être une faute détachable du service et semble écarter totalement la responsabilité du chef de service ; qu'au surplus, l'hôpital admet dans ses écritures un retard de transfert en réanimation et donc une faute de service ; que si le service avait été bien organisé, il se serait trouvé quelqu'un pour parer à la carence du docteur Z, seul argument de l'hôpital pour échapper à la responsabilité ; qu'il n'est pas établi qu'il y ait place à une faute pouvant être qualifiée de détachable du service ; qu'au demeurant, le docteur Z doit être assuré sur le plan professionnel ; qu'ainsi, il convient de confirmer la qualification donnée par le tribunal de défaut dans l'organisation des soins médicaux et faute non détachable du service du médecin de garde ; qu'en conséquence, la responsabilité du centre hospitalier de Tourcoing est engagée ; qu'ils demandent la réformation des sommes accordées et, par la voie de l'appel incident, que soient accordées, au titre du préjudice de Mme Desa-YX, la somme de 12 195,92 euros, du préjudice moral de M. G... et Melle G... la somme de 22 867,35 euros chacun, du préjudice sexuel de M. G... la somme de 2 195,92 euros, au titre du préjudice patrimonial de M. G... et de Melle G... respectivement les sommes de 105 120,75 euros et 1 777,28 euros, 11 997,73 euros de frais funéraires ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 mars 2003, présenté pour M. Antonio G... et Melle Sandra G..., tendant aux mêmes fins que leurs écritures antérieures et, en outre, à ce que, d'une part, l'indemnisation de leur préjudice économique soit portée à 146 752,36 euros, dont 83 678,46 euros pour M. Antonio G... et 63 073,90 euros pour Melle Sandra G..., et, d'autre part, à ce que les intérêts dus depuis plus d'une année soient capitalisés, par les mêmes moyens que ceux invoqués dans leurs mémoires antérieurs, et, en outre, par le moyen que les barêmes de fixation du franc de rente servant au calcul du préjudice économique remontent à 1986 et sont aujourd'hui dépassés ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 avril 2003, présenté pour le centre hospitalier de Tourcoing et tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai du 17 janvier 2002 accordant à M. Antonio G... l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai du 17 janvier 2002 accordant à Melle Sandra G... l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2003 où siégeaient Mme Fraysse, président de chambre, M. Laugier et Mme C..., présidents-assesseurs :

- le rapport de M. Laugier, président-assesseur,

- les observations de Me F..., avocat, pour M. Antonio G... et Melle Sandra G...,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il est constant que Mme Maria G..., atteinte dans la nuit du 15 au 16 février 1996 d'une crise de coliques néphrétiques, a été hospitalisée le vendredi 16 février, à 6h30, au service des urgences du centre hospitalier de Tourcoing ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés administratifs que les soins et traitements administrés à Mme G... ont été adaptés à son état mais qu'ils ont été dispensés tardivement, au terme d'un délai que l'expert évalue à deux jours et qui a été à l'origine du décès de la patiente, survenu le mardi 20 février 1996 des suites d'un choc septique en rapport avec une stase urinaire prolongée compliquée de néphrite et d'une rupture des voies excrétrices ; qu'il résulte en particulier des conclusions du rapport d'expertise que l'augmentation des globules blancs en date du vendredi 16 février 1996 aurait dû conduire à la mise en route précoce d'un traitement antibiotique, ce qui n'a pas été fait , qu'il y a eu un défaut d'appréciation de la gravité de l'état de Mme G... , en liaison avec le fait qu'il s'agissait de l'approche d'une période de fin de semaine ;

Considérant que, si le centre hospitalier appelant, sans nier l'existence de la faute médicale, l'impute uniquement et personnellement au médecin anesthésiste de garde, lequel, dans la nuit du lundi 19 au mardi 20 février, ne se serait pas déplacé et n'aurait pas décidé le transfert de la patiente en réanimation, il résulte toutefois de l'enchaînement des circonstances susrappelées et détaillées par l'expert judiciaire que la cause du décès de Mme G... ne saurait résider exclusivement dans le comportement dudit praticien, mais procède aussi, dès la prise en charge de la patiente, d'une insuffisance et d'un retard de diagnostic, ainsi que d'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ; qu'il suit de là que le centre hospitalier de Tourcoing n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de ladite faute ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'en fixant à 35 000 francs (5 335,72 euros) l'indemnité due au titre des souffrances physiques subies par Mme G..., les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice ; qu'il en est de même en ce qui concerne le préjudice moral subi par M. Antonio G..., dont la réparation, fixée par le tribunal à 100 000 francs (15 244,90 euros), doit être regardée comme incluant le préjudice sexuel, de nouveau invoqué dans les conclusions d'appel incident présentées pour M. G... ; qu'en évaluant enfin à 100 000 francs (15 244,90 euros) le préjudice moral subi par Melle Sandra G..., les premiers juges ont également procédé à une juste appréciation de la réparation due à ce titre ;

Considérant, en deuxième lieu, que les consorts G... ne sont pas fondés à soutenir qu'en fixant à 361 839 francs (55 162 euros) pour M. G... et à 53 445 francs (8 147,64 euros) pour Melle G... l'indemnisation allouée en réparation des préjudices économiques subis du fait du décès de leur épouse et mère, le tribunal administratif aurait fait une estimation insuffisante de ces chefs de préjudice ;

Considérant, en troisième lieu, que le jugement attaqué a alloué aux consorts G... une indemnité de 78 699,98 francs (11 997,73 euros) au titre des frais d'obsèques de Mme G... ; que, si les frais funéraires proprement dits, d'un montant non contesté de 22 107 francs (3 370,19 euros) ouvrent droit à réparation, le centre hospitalier est, en revanche, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à payer les frais d'élévation d'un monument et caveau familial à concurrence de 56 592,98 francs (8 627,54 euros) ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par les consorts G... le 31 mars 2003 ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Tourcoing, qui ne peut être regardé, en la présente instance, comme la partie perdante, soit condamné à verser aux consorts G... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing, les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 113 699,98 francs (17 333,45 euros) que le centre hospitalier de Tourcoing a été condamné à verser aux héritiers de Mme Maria G... est ramenée à 8 705,91 euros (57 107,03 francs).

Article 2 : Les intérêts afférents aux indemnités que le centre hospitalier de Tourcoing a été condamné à verser aux consorts G... et échus le 31 mars 2003 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 11 mai 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier de Tourcoing, le surplus des conclusions d'appel incident des consorts G... et les conclusions présentées par les consorts G... et par la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Tourcoing, à M. Antonio G... et Melle Sandra G..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing, au docteur Z et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 8 avril 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 6 mai 2003.

Le rapporteur

Signé : L.D. B...

Le président de chambre

Signé : G. A...

Le greffier

Signé : M.T. Lévèque

La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

M.T. Lévèque

7

N°01DA00824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 01DA00824
Date de la décision : 06/05/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Fraysse
Rapporteur ?: M. Laugier
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : HSD ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-05-06;01da00824 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award