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23/09/2003 | FRANCE | N°00DA01280

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3eme chambre, 23 septembre 2003, 00DA01280


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 novembre 2000 et 17 janvier 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentés pour la commune de Saint Gobain, représentée par son maire en exercice, par la société civile professionnelle d'avocats Pourchez-Pourchez Behague ; la commune de Saint Gobain demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 29 juin 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite de son maire refusant, sur une demande de M. Y en date du 2 novembre 1995, de faire usage de ses

pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances causées à ce de...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 novembre 2000 et 17 janvier 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentés pour la commune de Saint Gobain, représentée par son maire en exercice, par la société civile professionnelle d'avocats Pourchez-Pourchez Behague ; la commune de Saint Gobain demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 29 juin 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite de son maire refusant, sur une demande de M. Y en date du 2 novembre 1995, de faire usage de ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances causées à ce dernier par son voisin et l'a condamnée à payer une somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts à M. Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de condamner M. Y à lui payer une somme de 100 000 francs pour procédure abusive et vexatoire et 10 000 francs au titre des frais irrépétibles ;

Code C Classement CNIJ : 135-02-03-02-01-02-01

Elle soutient que M. Y n'a pas établi les graves nuisances invoquées et dont elle conteste la réalité ; que le maire de la commune n'avait pas à intervenir en l'absence de trouble à l'ordre public dans un contentieux à caractère personnel ; qu'il n'a commis aucune faute ; que M. Y n'a pas établi la réalité de son préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2001, présenté pour M. Pierre Y, demeurant ..., représenté par Me Gravé, avocat, qui conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement du tribunal administratif d'Amiens en ce qu'il n'a pas condamné la commune de Saint Gobain à lui payer une somme de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts et à la condamnation de ladite commune à lui payer une somme de 20 000 francs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'abstention du maire à faire usage de ses pouvoirs de police est fautive en cas de trouble à l'ordre public ; que les nuisances invoquées sont établies ; qu'elles lui occasionnent un préjudice anormal ; que les prétentions de la commune tendant à sa condamnation à lui payer une somme de 100 000 francs pour procédure abusive et vexatoire ne sont pas justifiées ;

Vu le mémoire enregistré le 27 août 2003, présenté pour M. Y, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et, en outre, à ce que la commune de Saint Gobain soit condamnée à lui payer 20 000 euros en réparation des préjudices subis et 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et que la Cour enjoigne au maire de la commune, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, d'interdire l'utilisation du relais de chasse, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 5 septembre 2003, présenté pour la commune de Saint Gobain qui s'en remet à la Cour en ce qui concerne les mesures à prendre ;

Vu les lettres en date des 27 juin et 4 septembre 2003 par laquelle le président de la formation de jugement a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2003 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller,

- les observations de Me Pourchez, avocat, membre de la SCP Pourchez-Pourchez Behague, pour la commune de Saint Gobain et de Me Gravé, avocat, pour M. Y,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Connaissance prise des notes en délibéré présentées les 9 et 15 septembre 2003 pour et par M. Y ;

Sur la légalité de la décision née du silence gardé par le maire sur la demande de M. Y en date du 2 novembre 1995 :

Considérant que la commune de Saint Gobain fait appel du jugement en date du 29 juin 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision née du silence gardé par son maire sur la demande de M. Y en date du 2 novembre 1995 tendant à ce qu'il fasse cesser les nuisances résultant des activités d'abattage et de dépeçage d'animaux auxquelles se seraient livrés les chasseurs fréquentant le relais de chasse situé à proximité de sa maison de campagne, ainsi que les nuisances sonores résultant de l'organisation de fêtes nocturnes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : ...2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique. 5º Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'antérieurement à la décision attaquée, les chasseurs auraient abattu les animaux au relais de chasse et occasionné des nuisances sonores la nuit ; qu'en outre, il n'est pas établi que le dépeçage d'animaux à proximité immédiate du relais de chasse provoquait des nuisances excédant par leur nature et leur importance celles auxquelles sont normalement exposés les occupants d'une maison de campagne située à la lisière d'une forêt où se pratiquent des activités de chasse au gros gibier ; que, par suite, la commune de Saint Gobain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision née du silence gardé par son maire sur la demande en date du 2 novembre 1995 de M. Y ;

Sur la responsabilité de la commune de Saint Gobain :

Considérant, que la commune de Saint Gobain fait également appel du jugement en date du 29 juin 2000 du tribunal administratif d'Amiens en ce qu'il l'a condamnée à payer 10 000 francs de dommages et intérêts à M. Y ; que M. Y, par la voie du recours incident, demande que les dommages et intérêts mis à la charge de la commune soient portés à la somme de 50 000 francs ;

Considérant, en premier lieu, que M. Y n'établit pas que la décision née du silence gardé par le maire sur sa demande en date du 2 novembre 1995 est entachée d'illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu des nuisances invoquées par M. Y et des actions engagées, avant l'introduction de l'instance, par le maire de Saint Gobain que ce dernier ait fait preuve dans l'exercice de ses pouvoirs de police de carences de nature à engager la responsabilité de la commune pour faute lourde ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint Gobain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à payer des dommages et intérêts à M. Y et, d'autre part, que les conclusions de l'appel incident par lesquelles M. Y demande à la Cour de porter à 20 000 euros le montant de ses dommages et intérêts ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. Y :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque la décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt n'implique pas que le maire de la commune de Saint Gobain interdise l'utilisation du relais de chasse ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions de M. Y tendant à ce que la Cour ordonne, sous astreinte, au maire de la commune de prononcer une telle interdiction ;

Sur les conclusions indemnitaires de la commune de Saint Gobain :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint Gobain tendant à ce que M. Y soit condamné à lui payer la somme de 100 000 francs pour procédure abusive et vexatoire ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint Gobain qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Y à payer à la commune de Saint Gobain une somme de 1 000 euros en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 29 juin 2000 est annulé.

Article 2 : La demande de M. Pierre Y devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : M. Pierre Y est condamné à payer à la commune de Saint Gobain une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Saint Gobain est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint Gobain, à M. Pierre Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 9 septembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 23 septembre 2003.

Le rapporteur

Signé : A. Brenne

Le président de chambre

Signé : M. de Segonzac

Le greffier

Signé : P. Lequien

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Philippe Lequien

2

N°00DA01280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 00DA01280
Date de la décision : 23/09/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme de Segonzac
Rapporteur ?: Mme Brenne
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : GRAVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-09-23;00da01280 ?
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