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06/12/2005 | FRANCE | N°04DA00878

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 06 décembre 2005, 04DA00878


Vu le recours, enregistré le 23 septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-3671 en date du 27 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a accordé à la société anonyme Atac la restitution des droits de taxe sur certaines dépenses de publicité qu'elle a acquittés au titre des années 1998 et 1999 ;

2°) de remettre intégralement à la charge de la société anonyme

Atac la taxe sur certaines dépenses de publicité relative aux années 1998 e...

Vu le recours, enregistré le 23 septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-3671 en date du 27 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a accordé à la société anonyme Atac la restitution des droits de taxe sur certaines dépenses de publicité qu'elle a acquittés au titre des années 1998 et 1999 ;

2°) de remettre intégralement à la charge de la société anonyme Atac la taxe sur certaines dépenses de publicité relative aux années 1998 et 1999 ;

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal a jugé que les actions menées par le « Fonds d'aides à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale » qu'alimente la taxe sur certaines dépenses de publicité, constituaient une aide d'Etat, prohibée par l'article 87 § 1 du Traité de Rome, alors que la finalité de ce fonds est d'apporter des améliorations à la presse quotidienne en général ; que l'octroi par le fonds d'aides aux entreprises de presse respecte la condition de non-sectorisation requise par l'article 87 du Traité de Rome ; que les aides versées par ce fonds n'affectent pas les échanges entre Etats membres ; que les objectifs poursuivis par le fonds entrent bien dans la liste des exemptions au principe d'interdiction absolue de toute aide de l'Etat prévues à l'article 87 § 2 du Traité et que reconnaît la Commission dans sa communication n° 98 C 384/03 du 10 décembre 1998 ; que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant la taxe d'aide ressortant de la procédure de l'article 88 § 3 du Traité de Rome nécessitant une notification préalable à la Commission des Communautés européennes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 février 2005, présenté pour la société anonyme Atac dont le siège est rue du Maréchal de Lattre de Tassigny à Croix (59170), représentée par son directeur général en exercice, par Me Tran Thiet ; la société Atac soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a qualifié d'aide d'Etat au sens du droit communautaire, le « Fonds d'aides à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale » financé par la taxe sur certaines dépenses de publicité au motif que cette taxe finance un dispositif constitutif d'une aide d'Etat ; que l'illégalité du Fonds emporte l'illégalité de la taxe sur certaines dépenses de publicité ; que l'aide en cause est une aide accordée par l'Etat au moyen de ressources étatiques ; que les subventions et avances octroyées par le Fonds constituent un avantage sélectif ; que ces subventions et avances sont susceptibles d'affecter les échanges entre les Etats membres et de porter atteinte à la concurrence ; que ce mécanisme d'aide est illégal en raison de l'absence de notification à la Commission européenne de la décision de création du Fonds ; la société Atac demande à titre subsidiaire, à ce qu'il plaise à la Cour de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle concernant l'interprétation de l'article 87 du Traité instituant la Communauté européenne ; elle demande la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 27 mai 2004 par les mêmes moyens que ceux développés précédemment et, en outre par le moyen que l'ensemble des considérations de la société Atac concernant les modifications apportées à la taxe par la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 et le décret n° 2002-855 du 3 mai 2002 ainsi que les chiffres qu'elle énonce sur la répartition de ces aides ne sauraient entrer en ligne de compte s'agissant d'impositions assignées au titre des années 1998 et 1999 ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE s'en remet à la sagesse de la Cour s'agissant de la demande de l'intimée de saisie de la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 avril 2005, présenté pour la société Atac, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 septembre 2005, présenté pour la société Atac, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les articles 87 et 88 du Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;

Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 et le décret n° 99-79 du 5 février 1999 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Helmholtz, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et

M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du Traité du

25 mars 1957 instituant la Communauté européenne : « 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (…) » ; qu'aux termes de l'article 88 du même Traité : « 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats (…) 2. Si (…) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat, n'est pas compatible avec le marché commun, (…) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (…) 3. La Commission est informée en temps utiles pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, (…) elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale » ; que, d'autre part, aux termes de l'article 302 bis MA du code général des impôts issu de l'article 23 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 : « I. Il est institué à compter du 1er janvier 1998 une taxe sur certaines dépenses de publicité. II. Cette taxe est due par toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée dont le chiffre d'affaires de l'année civile précédente est supérieur à 5 000 000 francs hors taxe sur la valeur ajoutée. III. Elle est assise sur les dépenses engagées au cours de l'année civile précédente et ayant pour objet : 1. La réalisation ou la distribution d'imprimés publicitaires ; 2. Les annonces et insertions dans les journaux mis gratuitement à la disposition du public. Sont toutefois exclues de l'assiette de la taxe : a) Les dépenses engagées pour les besoins d'activités non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 B, du 9° du 4 ou du 1° du 7 de l'article 261 ; b) Les dépenses afférentes à la réalisation ou à la distribution de catalogues adressés, destinés à des opérations de vente par correspondance à distance. IV. Le taux de la taxe est fixé à 1 % du montant hors taxe sur la valeur ajoutée de ces dépenses. (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Fonds d'aides à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, compte d'affectation spéciale institué par l'article 62 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998 dans les ressources duquel entre le produit de la taxe sur certaines dépenses de publicité instituée par l'article 23 de ladite loi, codifiée à l'article 302 bis MA du code général des impôts, consacre la majeure partie des fonds dont il dispose à l'octroi de subventions et d'avances non remboursables aux agences de presse et aux entreprises de presse quotidienne d'information politique et assimilée en vue d'actions de modernisation de ce secteur ; que ces concours constituent des avantages pour les entreprises bénéficiaires dont il ne résulte pas de l'instruction que ceux-ci soient justifiés par la nature ou l'économie générale du système, puisqu'ils ne profitent pas au secteur général de l'information quotidienne en France, contrairement à ce que soutient le ministre, mais aux agences de presse inscrites sur la liste prévue par l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945 et aux entreprises de presse quotidienne d'information politique et générale ayant obtenu la certification d'inscription délivrée par la commission paritaire des publications et agences de presse ; que ces avantages sont susceptibles d'affecter les échanges entre les Etats membres eu égard à la dimension internationale de l'activité de collecte d'informations des agences de presse et à la diffusion de la presse quotidienne nationale à l'étranger dont le ministre ne peut sérieusement soutenir qu'elle s'adresserait à un public francophone tellement restreint excluant de la regarder comme en concurrence virtuelle avec les journaux d'autres Etats membres et alors même qu'une partie notable des aides au cours des années litigieuses a bénéficié à la presse régionale ; qu'enfin, ces avantages, s'ils visent des actions de modernisation relatives à des projets de développement soumis à un contrôle du comité d'orientation du Fonds et ne concernent pas la gestion normale de l'entreprise, permettent en partie aux seules entreprises de presse nationale susmentionnées qui en bénéficient d'être allégées des coûts de modernisation qu'elles auraient dû supporter et les favorisent nécessairement, ce qui est susceptible de fausser la concurrence avec des entreprises d'autres Etats membres, notamment celles intervenant sur le marché national par l'intermédiaire de quotidiens gratuits, eu égard à la généralité des sujets traités et au large public que ces publications visent ; qu'ainsi le ministre n'est pas fondé à soutenir que les aides allouées par le Fonds d'aides à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale n'entrent pas dans le champ d'application des articles 87 et 88 précités du Traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, enfin, qu'il résulte des stipulations susmentionnées de ce Traité qu'il ressort de la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du Traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit Traité, compatible avec le marché commun ; qu'ainsi, le ministre ne saurait, en tout état de cause, utilement soutenir que l'aide aux entreprises de presse dans un contexte difficile entre dans une des hypothèses d'exemption permettant de la regarder comme compatible avec les stipulations du Traité, dès lors que le projet impliquait une notification préalable à la Commission européenne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a regardé l'emploi du produit de la taxe sur certaines dépenses de publicité par le Fonds de modernisation susmentionné comme consistant en l'attribution d'aides au sens de l'article 87 du Traité instituant la Communauté Européenne et a accordé la restitution des cotisations de taxe sur certaines dépenses de publicité auxquelles la société Atac France avait été assujettie au titre des années litigieuses au motif que cette taxe avait été instituée sans que le projet en eût été préalablement notifié à la Commission européenne ; que son recours ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions de la société Atac tendant à l'application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros que demande la société Atac au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société anonyme Atac une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Atac.

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N°04DA00878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04DA00878
Date de la décision : 06/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Olivier Mesmin d'Estienne
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : C M S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-12-06;04da00878 ?
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