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27/06/2006 | FRANCE | N°04DA00674

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 5, 27 juin 2006, 04DA00674


Vu la requête, enregistrée, sous le n° 04DA00674, le 4 août 2004, présentée pour la SA X CHANTIERS NAVALS, dont le siège est sis ..., par Me Chevalier ; la SA X CHANTIERS NAVALS demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 000111 en date du 14 juin 2004 en tant que le Tribunal administratif de Rouen l'a déclarée entièrement responsable du sinistre survenu le 9 mars 1996 sur la vedette « Lynx » et l'a condamnée à verser la somme de 220 298,48 euros hors taxes aux compagnies d'assurances Groupama Transports, La Réunion Européenne, Allianz Marine et Aviation, Continen

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Vu la requête, enregistrée, sous le n° 04DA00674, le 4 août 2004, présentée pour la SA X CHANTIERS NAVALS, dont le siège est sis ..., par Me Chevalier ; la SA X CHANTIERS NAVALS demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 000111 en date du 14 juin 2004 en tant que le Tribunal administratif de Rouen l'a déclarée entièrement responsable du sinistre survenu le 9 mars 1996 sur la vedette « Lynx » et l'a condamnée à verser la somme de 220 298,48 euros hors taxes aux compagnies d'assurances Groupama Transports, La Réunion Européenne, Allianz Marine et Aviation, Continent IARD, Maritime Insurance Company Limited, la Mutuelle du Mans Assurances, Générali France, Axa Global Risks, la somme de 135 466, 12 euros hors taxes au Port autonome du Havre, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2000 et capitalisation des intérêts au 24 novembre 2003, et la somme de 50 000 euros au titre des frais d'expertise ;

2°) de limiter sa condamnation à la moitié des conséquences de ce sinistre, en principal, intérêts et frais, et de condamner le Port autonome du Havre à supporter la part restante ;

3°) de condamner le Port autonome du Havre à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens ;

Elle soutient :

- que si l'incendie du 9 mars 1996 a pour origine le percement du corps de chauffe de l'installation de chauffage, l'expert a fait état d'une combinaison de cinq types de causes ayant conduit à ce sinistre, correspondant chacun à une quote-part de responsabilité imputable à l'un des intervenants ; qu'ainsi, si l'expert attribue à l'exposante une erreur de conception, relative à la mise en place de gaines en PVC, il met toutefois l'accent sur deux manoeuvres intempestives du Port autonome du Havre, effectuées pendant la période de garantie et sans l'approbation de l'exposante ; que ces modifications unilatérales ont rompu la garantie du constructeur d'autant que des réarmements ont été opérés à diverses reprises par certains patrons ; qu'en outre, le Port aurait dû relever la composition des gaines s'agissant d'un défaut apparent, à l'occasion de la longue période d'essai ayant précédé la mise en service de la vedette ; que, par ailleurs, si l'absence de fourniture d'une documentation technique et d'un guide de conduite pour l'installation de chauffage est imputable à l'exposante, l'expert indique que le Port aurait dû s'adresser à l'intervenant concerné au lieu d'agir par lui-même ; qu'en outre, la présence de durites sur les tuyaux de dégagement d'air aurait pu être mise en évidence par le Port autonome lors de ses visites périodiques pendant la construction ; que s'agissant de l'utilisation par l'exposante de tirettes dont les gaines ne résistent pas au feu, l'expert a noté qu'une confusion pouvait se faire au niveau de leur fourniture ; qu'enfin, l'erreur de conception qui tient à la nécessité d'une tension sur le circuit de sécurité des moteurs pour pouvoir arrêter ceux-ci depuis la timonerie, n'aurait pas dû échapper au bureau de contrôle titulaire d'une obligation de surveillance spéciale ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la responsabilité du Port autonome du Havre est engagée dans la survenance du sinistre du 9 mars 1996 en raison des nombreuses incursions intempestives qu'il a effectuées de manière unilatérale sans prévenir l'exposante ; que cette immixtion du Port pendant la période de garantie contractuelle et au surplus pour procéder à des manoeuvres malheureuses doit être sanctionnée par une quote-part de responsabilité, que le Port doit conserver à sa charge ; qu'en première instance, le Port autonome du Havre n'a d'ailleurs pas contesté l'explication technique donnée par l'expert mais seulement l'imputabilité des responsabilités ;

- que s'agissant du deuxième sinistre du 17 janvier 1999, l'expert n'a pas retenu la responsabilité de l'exposante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2004, présenté pour la société des Moteurs Y, dont le siège est sis 165 boulevard de Pont de Vivaux à Marseille (13010), par Me Maillet ; la société des Moteurs Y demande à la Cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Rouen en ce qu'il l'a mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de dire qu'elle n'est pas responsable des dommages occasionnés à la vedette Lynx et de la mettre hors de cause ;

3°) de condamner la SA X CHANTIERS NAVALS à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- à titre principal ; qu'il y a lieu pour la Cour, au bénéfice du rapport d'expertise, de confirmer purement et simplement le jugement attaqué ;

- à titre subsidiaire, que s'agissant du premier sinistre, l'expert a indiqué qu'il était dû aux insuffisances de la conception et de la documentation technique fournie au Port autonome, imputable à la société requérante ; qu'il a également retenu l'absence de réaction du Port et un défaut de surveillance de la société Veritas dans la conception et la construction de la vedette ; que s'agissant de l'incident du 17 janvier 1999, si l'expert a mis en cause une erreur du motoriste dans la conception et la réalisation des moteurs électriques, l'exposante a toutefois respecté la réglementation en vigueur qui impose que les moteurs de propulsion puissent en priorité pouvoir continuer à fonctionner en cas de défaillance du système électrique de commande et de sécurité ; que le faisceau électrique a d'ailleurs été soumis au bureau Veritas ; qu'ainsi, l'impossibilité de stopper les moteurs en cas de manque de tension sur le circuit de contrôle et de sécurité des moteurs n'est pas une erreur mais une exigence de la réglementation ; que les tirettes de fermeture des vannes d'alimentation gazole, qui auraient dû permettre de stopper les moteurs en cas d'accident, n'ont pu remplir leur rôle du fait de leur inadaptation ; qu'ainsi, la responsabilité de l'exposante n'est pas engagée, les multiples erreurs de conception étant imputables à la société X CHANTIERS NAVALS et s'étant révélées au cours de la période de garantie ; que la société Z aurait dû conseiller au Port autonome du Havre de modifier les tirettes et faisceaux électriques afin de permettre l'arrêt immédiat des moteurs en cas d'incendie ; que le Port autonome du havre n'a pas dirigé ses conclusions contre l'exposante ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 octobre 2004, présenté pour la société Z, dont le siège social est sis 250 avenue de la République à La Madeleine (59563), par Me Brajoux ; la société Z demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué ; elle soutient qu'elle a été mise hors de cause en première instance et n'a pas d'observations particulières à formuler ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2005, présenté pour le Port autonome du Havre, dont le siège social est sis Terre Plein de la Barre au Havre Cedex (76007), représenté par son directeur en exercice, pour la compagnie Groupama Transports, dont le siège social est sis 1 Quai George V au Havre (76600), venant aux droits de la SA Navigation et Transports, pour la compagnie La Réunion Européenne, dont le siège social est 5 rue Cadet à Paris cedex 09 (75439), pour la compagnie Allianz Marine et Aviation, dont le siège social est sis 23 rue Notre Dame des Victoires à Paris (75002), venant aux droits de la SA Allianz Via Assurances, pour la compagnie Continent IARD, dont le siège social est sis 62 rue de Richelieu à Paris (75002), venant aux droits de la SA Le Continent, pour la compagnie Allianz Marine et Aviation, dont le siège social est sis 23 rue Notre Dame des Victoires à Paris (75002), venant aux droits de la SA Assurances Générales de France IART, pour la compagnie Maritime Insurance Company Limited, dont le siège social est sis 51/54 Fenchurch Street à Londres (EC3MLA), pour la Compagnie Mutuelle du Mans Assurances, dont le siège social est 19/21 rue Chanzy au Mans cedex (72030) et Division Maritime Aviation Transport dont le siège est 18 rue de Londres à Paris (75009), pour la compagnie Générali France dont le siège est 5 rue de Londres à Paris cedex 09 (75456), venant aux droits du GIE Le Groupe Concorde, pour la compagnie Groupama Transport, dont le siège social est 1 Quai George V au Havre (76600), venant aux droits de la SA Commercial Union Assurance, pour la compagnie Axa Global Risks, dont le siège social est 26 rue Drouot à Paris cedex 09 (75426), venant aux droits de la SA UNI Europe Assurance, et pour la compagnie Allianz Marine et Aviation, dont le siège social est sis 23 rue Notre Dame des Victoires à Paris (75002), venant aux droits de la Préservatrices Foncière IARD, par la société civile d'avocats Dubosc Preschez Chanson Missoty ;

Le Port autonome du Havre et les compagnies d'assurances demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la SA X CHANTIERS NAVALS ; à cette fin, ils soutiennent, d'une part, que des erreurs de conception de la vedette, imputables à la société X CHANTIERS NAVALS, sont à l'origine de l'incendie du 9 mars 1996 ; qu'il résulte, en effet, du rapport de l'expert que la cause fondamentale du sinistre est le percement du corps de chauffe ; que ce percement a été causé par l'utilisation par la SA X CHANTIERS NAVALS de tubulures en PVC insuffisamment résistant à la chaleur et dont la déformation a conduit au déplacement de la pointe de la flamme de la chaudière ; que si cette erreur de conception a été corrigée tardivement le 5 mars 1996 par la mise en place de tubulures métalliques, ces gaines, surchauffées, ont enflammé une cloison étanche imbibée de gasoil du fait d'un suintement par des durites insuffisamment serrées ; que cet incendie n'a par ailleurs pu se développer qu'en raison de la conception insuffisante des dispositifs de détection d'incendie et de sécurité ; que, d'autre part, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une part du sinistre serait imputable à l'exposant ; qu'en effet, le Port autonome ne pouvait savoir que l'utilisation de gaines en PVC n'était pas compatible avec l'installation de chauffage ; que les essais n'ont pas permis de déceler cette erreur de conception ; que l'incendie ne s'est d'ailleurs déclaré qu'après plusieurs mois d'utilisation intensive de cette installation et après le remplacement des tubulures en PVC par des tubulures métalliques meilleurs conductrices de la chaleur ; que la requérante aurait dû étudier les conséquences de ce changement et l'accompagner de la mise en place d'une isolation thermique ; que les modifications réalisées par l'exposant en novembre 1995 n'ont eu aucune influence sur le déclenchement de l'incendie ; que le Port autonome ne pouvait savoir que l'installation qui lui a été livrée nécessitait la présence d'un guide et d'une documentation technique, qu'il appartenait en tout état de cause à la requérante de lui livrer ; que l'erreur de conception relative aux durites ne pouvait être détectée ; que l'erreur de conception relative aux tirettes engage la responsabilité exclusive de la société requérante ; qu'il en va de même du caractère inefficace de la commande à distance d'arrêt des moteurs ; que c'est ainsi à juste titre que le tribunal a considéré que ces multiples erreurs de conception et de fabrication qui se sont révélées au cours de la garantie contractuelle d'un an prévue par les articles 34 du cahier des clauses administratives générales et 9-1 du cahier des clauses administratives particulières applicables et qui ne pouvaient être connues lors de la réception engageaient la responsabilité de la requérante ; qu'ainsi, aucune faute ne peut être imputée au Port autonome ;

2°) par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, de condamner la SA X CHANTIERS NAVALS conjointement et solidairement avec la société Z à verser au Port autonome la somme de 15 311, 06 euros hors taxes au titre du préjudice subi à la suite du sinistre ayant affecté la vedette « Lynx » le 17 janvier 1999, augmentée des intérêts légaux à compter de la requête introductive d'instance, et capitalisation desdits intérêts, et de condamner ces deux sociétés conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, à lui verser la somme de 69 853,73 euros au titre des frais d'expertise ; à cette fin, ils soutiennent que le second incendie a eu les mêmes causes que le premier et engage, par suite, la responsabilité de la requérante ; que c'est à tort que le tribunal a considéré que la garantie contractuelle ne pouvait être invoquée ; qu'en effet, l'article 9-1 du cahier des clauses administratives particulières stipule que dans le cas où une grave réparation serait exécutée dans le délai de garantie, celui-ci sera prolongé d'une année en ce qui concerne les parties réparées ; qu'ainsi l'incendie ayant nécessité de graves réparations et la vedette ayant été remise en service le 12 novembre 1998, les conséquences du sinistre du 17 janvier 1999 doivent être supportées par la société requérante au titre de son obligation de garantie ; qu'il est enfin évident que la société Z aurait dû conseiller au Port autonome de modifier les tirettes et les faisceaux électriques afin de permettre l'arrêt immédiat des moteurs en cas d'incendie ;

3°) de condamner la SA X CHANTIERS NAVALS à leur verser la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2006, présenté pour la SA X CHANTIERS NAVALS ; la SA X CHANTIERS NAVALS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans la survenance de l'incendie du 9 mars 1996 et de rejeter la demande du Port autonome du Havre relative à ce sinistre ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel incident du Port autonome du Havre ;

Elle soutient :

- que l'expert retient en réalité une autre cause que le percement du corps de chauffe de la chaudière retenu par le Tribunal ; qu'il indique en effet que la température de la gaine métallique, installée à la place des gaines en PVC, s'est élevée et que la cloison en contreplaqué, imbibée de gasoil en raison du suintement des durites, s'est carbonisée ; que l'expert a pourtant relevé que le chauffage avait été coupé quatre heures avant l'incendie ; que face à ces différentes hypothèses qui ne sont pas convaincantes, il y a lieu de considérer que le Port autonome du Havre n'apporte pas la preuve de l'imputabilité de l'incendie au matériel livré par l'exposante et que la cause de celui-ci se trouve dans les innombrables fausses manoeuvres commises par le personnel du Port ; qu'ainsi, faute de preuve de la cause et de l'origine exacte de l'incendie et de son imputabilité, le Port autonome n'est pas fondé à lui demander réparation du sinistre du 9 mars 1996 ;

- à titre subsidiaire, qu'elle ne peut être condamnée à supporter plus de la moitié du sinistre ; qu'en effet, le caractère fuyard des durites relève seulement d'une hypothèse ; que le remplacement des gaines en PVC par des gaines métalliques, dont la température trop élevée a contribué à la survenance de l'incendie, a été effectuée à l'initiative du Port autonome du Havre ;

- qu'enfin, les conclusions du Port autonome du Havre relatives au second incendie ne sont pas fondées ; que l'exposante n'est en effet pas intervenue dans le cadre des travaux réparatoires puisqu'elle a refusé de mettre en oeuvre sa garantie contractuelle ; que seule la société Z peut voir sa responsabilité retenue à ce titre ;

Vu l'ordonnance en date du 2 mai 2006, par laquelle le président de la formation de jugement a, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixé la date à partir de laquelle l'instruction sera close au 22 mai 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2006, présenté pour le Port autonome du Havre, la compagnie Groupama Transports, la compagnie La Réunion Européenne, la compagnie Allianz Marine et Aviation, la compagnie Continent IARD, la compagnie Maritime Insurance Company Limited, la Compagnie Mutuelle du Mans Assurances, la Division Maritime Aviation Transport, la compagnie Générali France et la compagnie Axa Global Risks, concluant aux mêmes fins que leur précédent mémoire, par les mêmes moyens, en ramenant toutefois leur demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 3 000 euros ; ils soutiennent, en outre, que c'est à tort que la société requérante soutient que la deuxième cause de l'incendie serait imputable au Port autonome qui aurait fait intervenir la société ADMT aux fins de remplacer les gaines en PVC par des gaines métalliques dès lors que cette société est intervenue à l'initiative de la société requérante comme l'établissent les pièces produites ;

Vu la lettre en date du 16 mai 2006, par laquelle le président de la formation de jugement a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties que la décision est susceptible d'être fondée sur des moyens soulevés d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mai 2006, présenté pour la SA X CHANTIERS NAVALS, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire ; la SA X CHANTIERS NAVALS soutient en outre que ses conclusions sont bien recevables ; que l'expert a seulement supposé que les durites étaient fuyardes ; que les gaines en PVC ont été remplacées par la société ADMT à l'initiative de Port autonome ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels, approuvé par le décret n° 80-809 du 14 octobre 1980, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2006 à laquelle siégeaient M. Serge Daël, président de la Cour, Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président assesseur, M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller, et M. Fabien Platillero, conseiller :

- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur ;

- les observations de Me Chevalier, pour la SA X CHANTIERS NAVALS ;

- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un marché public industriel en date du 20 mai 1994, le Port autonome du Havre a commandé à la SA X CHANTIERS NAVALS la fourniture d'une vedette de surveillance des plans d'eau extérieurs ; que la réception de cette vedette dénommée « Lynx » a été prononcée le 8 juin 1995 avec effet au 1er juin 1995 ; que le 9 mars 1996 alors que le bateau était en cours d'opération, un incendie s'est déclaré et l'a gravement endommagé ; que des réparations ont été réalisées au cours de l'expertise décidée par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Rouen du 18 avril 1996 et confiées, face au refus de la SA X CHANTIERS NAVALS de les prendre en charge dans le cadre de sa garantie contractuelle, à la société Z par marché du 26 février 1998, les deux moteurs équipant l'engin étant remplacés à l'identique ; qu'alors que la vedette a été remise en service le 12 novembre 1998, une nouvelle avarie est survenue le 17 janvier 1999 ; que, par jugement du 14 juin 2004, le Tribunal administratif de Rouen a condamné la SA X CHANTIERS NAVALS à réparer intégralement les conséquences dommageables ayant résulté du sinistre du 9 mars 1996 et a rejeté les conclusions formées par le Port autonome du Havre et ses assureurs contre cette société et la société Z s'agissant du sinistre du 17 janvier 1999 ; que la SA X CHANTIERS NAVALS demande à la Cour d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande du Port autonome du Havre et des compagnies d'assurance ; que par la voie de l'appel incident à l'encontre de la SA X CHANTIERS NAVALS et de l'appel provoqué à l'encontre de la société Z, le Port autonome du Havre et ses assureurs demandent la condamnation de ces sociétés à les indemniser des conséquences dommageables du second sinistre ;

Sur l'appel principal de la SA X CHANTIERS NAVALS :

Considérant qu'aux termes de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels, approuvé par le décret susvisé du 14 octobre 1980 : « 1. Si le marché prévoit que les prestations feront l'objet d'une garantie technique d'une certaine durée de la part du titulaire, cette garantie, dans le silence du marché, couvre le démontage, le remplacement et le remontage des parties de la prestation qui seraient à l'usage reconnues défectueuses (…). Le titulaire n'est libéré de son obligation que si l'avarie provient de la faute de la personne publique ou de la force majeure. 2. Sauf stipulation contraire du marché, le point de départ de la garantie est la date d'effet de la réception de la prestation (…). 5. Le titulaire doit exécuter les réparations qui lui sont demandées même s'il fait des réserves sur la mise en jeu de la garantie technique ou sur les délais (…) » ; qu'aux termes de l'article 9-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché dont il s'agit : « Le délai de garantie est fixé à un an à partir de la date de réception définitive de la fourniture (…) » ; qu'il résulte de ces stipulations que la SA X CHANTIERS NAVALS est tenue de garantir le Port autonome du Havre des défectuosités, et de leurs conséquences, ayant affecté la vedette au cours de l'année suivant la réception à moins qu'elles soient imputables à une faute du Port autonome ou à un cas de force majeure ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Rouen du 18 avril 1996, que l'incendie survenu le 9 mars 1996 n'a pu se produire et se développer qu'en raison d'un ensemble d'erreurs affectant la conception et la construction de l'ouvrage et tenant, d'une part, à l'utilisation dans l'installation de chauffage de gaines d'air pulsé en PVC, matière qui n'était pas de nature à résister aux effets de la chaleur, et dont la déformation a conduit au déplacement de la pointe de la flamme de la chaudière entraînant le percement du corps de chauffe, d'autre part, au remplacement de ces gaines par des gaines métalliques sans que soit mis en place un dispositif d'isolation thermique de la cloison en contreplaqué qui a pris feu au contact du métal surchauffé, enfin, à l'emploi, sur les tuyaux de dégagement d'air et de remplissage des caisses à gazole, de raccords en caoutchouc (durites) insuffisamment étanches et à l'origine de fuites de gazole sur la cloison en contreplaqué et de l'inflammation de celle-ci sous l'effet de la chaleur ; que le Port autonome du Havre établit que, contrairement à ce que soutient la SA X CHANTIERS NAVALS, la société ADMT, qui a procédé au changement des gaines sur le circuit de distribution d'air pulsé au début de l'année 1996, est intervenue à la demande de la requérante et non pas à l'initiative du Port autonome ; qu'il résulte en outre de l'instruction que le développement de l'incendie a été favorisé par l'incapacité de la centrale de détection à le signaler ; qu'enfin, les défauts affectant les tirettes permettant normalement de couper l'alimentation des moteurs en combustible, dont les gaines n'étaient pas susceptibles de résister en cas de feu dans le compartiment moteur, et la conception défectueuse des circuits de sécurité, qui n'ont pas permis l'arrêt des moteurs depuis la timonerie, ont rendu la vedette impossible à manoeuvrer et ont aggravé les conséquences de l'incendie ; que, dans ces conditions, alors même que la cause immédiate du départ de l'incendie n'a pu être déterminée avec certitude, l'avarie dont il s'agit, qui n'a pas constitué un cas de force majeure, est bien imputable à la SA X CHANTIERS NAVALS ; que la société requérante est dès lors tenue à l'obligation de garantie prévue par le marché ;

Considérant toutefois qu'il résulte également de l'instruction et notamment du rapport de l'expert qu'au cours du délai de garantie contractuelle, le Port autonome du Havre a fait procéder, à plusieurs reprises, à des interventions sur l'installation de chauffage de la vedette sans en référer à la SA X CHANTIERS NAVALS, et ayant consisté notamment à procéder au remplacement du tuyautage d'alimentation en gazole et à supprimer un filtre sur cette alimentation ; que si le Port autonome du Havre soutient que ces modifications sont sans lien avec le déclenchement de l'incendie, il résulte des constatations de l'expert que ces interventions, inappropriées, ont participé au percement du corps de chauffe de la chaudière dont le Port autonome reconnaît lui-même le rôle dans la survenance de l'incendie ; que dans ces conditions, la société requérante est fondée à se prévaloir d'une faute du Port autonome du Havre de nature à atténuer son obligation de garantie ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en limitant cette obligation aux deux tiers des conséquences dommageables de l'incendie ayant endommagé la vedette ;

Considérant que compte tenu du montant, non contesté, de l'indemnité fixée par les premiers juges, soit la somme de 355 764, 60 euros, le montant de la condamnation de la SA X CHANTIERS NAVALS doit être ramené, en application du partage précité, à 237 176,40 euros ; qu'eu égard au montant de la somme due aux compagnies d'assurances, soit 220 298,48 euros, la somme que la SA X CHANTIERS NAVALS est condamnée à verser au Port autonome du Havre doit être ramenée à 16 877,92 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA X CHANTIERS NAVALS n'est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il l'a condamnée à supporter plus des deux tiers des conséquences dommageables du sinistre survenu le 9 mars 1996 ;

Sur les conclusions du Port autonome du Havre et des compagnies d'assurances :

En ce qui concerne la réparation du sinistre survenu le 17 janvier 1999 :

Considérant que le Port autonome du Havre demande, par la voie de l'appel incident à l'encontre de la SA X CHANTIERS NAVALS et, par la voie de l'appel provoqué à l'encontre de la société Z, la condamnation conjointe et solidaire de ces deux sociétés à lui verser la somme de 15 311,06 euros en réparation des conséquences dommageables de l'avarie ayant affecté la vedette le 17 janvier 1999 ; qu'il résulte de ce qui précède que l'appel principal de la SA X CHANTIERS NAVALS ne portait pas sur cette avarie mais uniquement sur l'incendie du 9 mars 1996 ; que les conclusions du Port autonome du Havre soulèvent par suite un litige distinct de l'appel principal ; que, dès lors, présentées après l'expiration du délai imparti pour faire appel, elles ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les frais d'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise (…). Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties » ; que compte tenu des responsabilités retenues par le présent arrêt, le Port autonome du Havre n'est pas fondé à demander que les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Rouen soient mis à la charge intégrale de la société X CHANTIERS NAVALS, ni qu'une part de ces frais soit mise à la charge de la société Z ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Port autonome du Havre une somme de 1 500 euros que la SA X CHANTIERS NAVALS demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en deuxième lieu, que les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA X CHANTIERS NAVALS, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que le Port autonome du Havre et les compagnies d'assurance demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, enfin, que pour le même motif, il y a lieu de rejeter les conclusions formées par la société des Moteurs Y à l'encontre de la SA X CHANTIERS NAVALS ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de cent trente cinq mille quatre cent soixante six euros douze centimes (135 466,12 euros) que la SA X CHANTIERS NAVALS a été condamnée à verser au Port autonome du Havre par l'article 1er du jugement n° 000111 en date du 14 juin 2004 du Tribunal administratif de Rouen est ramenée à la somme de seize mille huit cent soixante dix sept euros quatre vingt douze centimes (16 877,92 euros).

Article 2 : Le jugement n° 000111 en date du 14 juin 2004 du Tribunal administratif de Rouen est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le Port autonome du Havre est condamné à verser à la SA X CHANTIERS NAVALS la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA X CHANTIERS NAVALS, les conclusions du Port autonome du Havre et des compagnies d'assurance et les conclusions de la société des Moteurs Y sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA X CHANTIERS NAVALS, au Port autonome du Havre, à la compagnie Groupama Transports, à la compagnie La Réunion Européenne, à la compagnie Allianz Marine et Aviation, à la compagnie Continent IARD, à la compagnie Maritime Insurance Company Limited, à la Compagnie Mutuelle du Mans Assurances, à Division Maritime Aviation Transport, à la compagnie Générali France, à la compagnie Axa Global Risks, à la société Z et à la société des Moteurs Y.

10

N°04DA00674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 04DA00674
Date de la décision : 27/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : CABINET CHEVALIER et VIGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-06-27;04da00674 ?
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