La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2007 | FRANCE | N°06DA00698

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 08 février 2007, 06DA00698


Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2006 par télécopie et son original le 30 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Me DUQUESNOY ès-qualité de liquidateur de la SARL INVESTIME, dont le siège est 21 résidence Flandre à Croix (59170), par

Me Malle ; Me DUQUESNOY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201182 en date du 28 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 3 955 970 euros en réparation du préjudice cons

cutif à la vente de l'ensemble immobilier dénommé « Le Grand Magasin » à Lille ;...

Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2006 par télécopie et son original le 30 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Me DUQUESNOY ès-qualité de liquidateur de la SARL INVESTIME, dont le siège est 21 résidence Flandre à Croix (59170), par

Me Malle ; Me DUQUESNOY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201182 en date du 28 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 3 955 970 euros en réparation du préjudice consécutif à la vente de l'ensemble immobilier dénommé « Le Grand Magasin » à Lille ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 263 082,44 euros au titre des frais de diagnostics, des frais de vente et du montant de chèque de caution et de la mise en recouvrement de l'amende ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que sa demande d'indemnisation est justifiée par la différence de mesure constatée par le géomètre-expert après la vente, la désaffectation et l'état de délabrement de l'immeuble, résultant notamment de la présence de mérule, de pourritures molles et d'insectes xylophages, et l'insuffisance du diagnostic de recherche d'amiante diligenté le 28 juillet 1997 ; que les expertises et études ont créé un enrichissement sans cause au profit de l'Etat ; qu'il a également droit à l'indemnisation des droits d'enregistrement et de la caution acquittés sur le prix de vente de l'immeuble, de la pénalité qui lui a été infligée à hauteur du dixième de ce prix et des « frais de gestion » du projet de résidence hôtelière ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2006 par télécopie et son original le

31 octobre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'en signant le procès-verbal déclarant la

SARL INVESTIME adjudicataire du « Grand Magasin », son gérant a accepté l'adjudication aux conditions du cahier des charges, lequel précisait, en son article 13, que l'adjudicataire est censé bien connaître l'immeuble et qu'il le prendra dans l'état où il le trouvera au jour de l'adjudication, sans pouvoir prétendre à aucune garantie notamment pour vices cachés ou pour erreur de mesure et de consistance, sauf dans le cas où la différence excéderait un vingtième ; qu'aucune faute lourde ne peut être imputée à l'administration, à raison de l'erreur portant sur la mesure ou la consistance de l'immeuble, de la mérule, des pourritures molles et des insectes xylophages affectant certaines parties de l'immeuble, et sur le caractère incomplet de la recherche d'amiante ; que l'administration a dû commander de nouveaux diagnostics en matière de recherche d'amiante, de plomb ou de parasites ; que les sommes ont été exposées en raison de l'incapacité de la société à faire face d'emblée à ses engagements financiers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis, modifié notamment par le décret n° 97-855 du 2 septembre 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 à laquelle siégeaient Mme Chrisitane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain Stéphan, premier conseiller ;

- les observations de Me Malle,pour la société INVESTIME, représentée par

Me DUQUESNOY ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, lors d'une vente aux enchères publiques organisée par le service des domaines le 17 mai 2001, la SARL INVESTIME, qui exerçait l'activité de marchand de biens, s'est vu adjuger au prix de 26 500 000 francs (4 039 8989,96 euros) un ensemble immobilier dénommé « Le Grand Magasin », situé à Lille en secteur sauvegardé et affecté en dernier lieu aux services du rectorat, en vue d'y aménager une résidence hôtelière de luxe ; qu'en application de l'article L. 55 du code du domaine de l'Etat, alors applicable, à défaut de règlement du prix aux échéances fixées, elle a été déchue de son droit de propriété par un arrêté du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, du 14 septembre 2001, et un avis de mise en recouvrement d'un montant de

2 400 896,39 francs (366 014,30 euros) a été établi à son encontre le 24 octobre 2001 pour le paiement d'une amende égale au dixième du prix de la vente en réparation du préjudice subi par l'Etat, diminuée des sommes déjà versées par la SARL INVESTIME ;

Considérant que la SARL INVESTIME, estimant que les immeubles acquis présentaient des vices qui lui avaient été cachés, a adressé le 7 décembre 2001 au recteur de l'académie de Lille une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait subir à raison des frais supplémentaires qu'elle avait été contrainte d'exposer et du coût prévisible des travaux de réfection des lieux ; que le 25 mars 2002, la SARL INVESTIME a demandé au Tribunal administratif de Lille l'annulation de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 955 970,51 euros ; qu'à la suite de son placement en redressement puis en liquidation judiciaire, Me DUQUESNOY, en sa qualité de liquidateur, a conclu aux mêmes fins en sollicitant, au lieu de l'indemnisation du coût des travaux de réfection à prévoir, celle des « frais de gestion » de son projet de réhabilitation, exposés en pure perte ; que, par le jugement attaqué du

28 février 2006, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes ; que Me DUQUESNOY demande l'annulation de ce jugement et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de

1 263 082,44 euros au titre des frais de diagnostic, des frais de vente et du montant du chèque de caution et de la mise en recouvrement de l'amende ;

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

Considérant qu'en signant le procès-verbal déclarant la SARL INVESTIME adjudicataire du « Grand Magasin », son gérant a accepté l'adjudication aux conditions du cahier des charges, lequel précisait, en son article 13, que l'adjudicataire est censé bien connaître l'immeuble et qu'il le prendra dans l'état où il le trouvera au jour de l'adjudication, sans pouvoir prétendre à aucune garantie, notamment pour vices cachés ou pour erreur de mesure et de consistance, sauf dans le cas où la différence excéderait un vingtième ; que seule une faute lourde imputable à l'administration est de nature à faire obstacle à l'application de cette clause d'exonération de garantie ;

Considérant, en premier lieu, que la différence de superficie constatée par le géomètre-expert après la vente est inférieure au vingtième de celle mentionnée au cahier des charges ; qu'ainsi,

Me DUQUESNOY ne peut prétendre à aucune garantie pour erreur de mesure et de consistance ;

Considérant, en deuxième lieu, que, nonobstant l'absence de précision en ce qui concerne la mérule, les pourritures molles et les insectes xylophages dans le cahier des charges, la

SARL INVESTIME, professionnel de l'immobilier, avait pu se rendre compte lors des visites de la désaffectation et de l'état de délabrement de l'immeuble, et prendre connaissance du rapport de décembre 1993 qui mentionne des pourritures importantes ;

Considérant, en troisième lieu, que le cahier des charges préalable à la vente de l'ensemble immobilier litigieux comportait en annexe les conclusions d'un diagnostic de recherche d'amiante, diligenté le 28 juillet 1997 par le cabinet Préventec en application du décret du 7 février 1996, lesquelles attestaient de l'absence d'amiante dans les calorifugeages et flocages et ne préconisaient pas de mesure à prendre en matière de protection contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante ; que si, avant la vente, le décret du 12 septembre 1997 avait modifié le décret précité et imposé des recherches d'amiante plus approfondies, la SARL INVESTIME, professionnel de l'immobilier, était également en mesure de s'apercevoir, au moment de la vente de ce que l'étude avait été réalisée avant cette modification réglementaire et n'avait, par suite, qu'une portée limitée ;

Considérant qu'eu égard à la possibilité de consulter les pièces du dossier, et à la qualité de professionnel de l'immobilier de la SARL INVESTIME, aucune faute lourde ne peut être imputée à l'administration, à raison de l'erreur portant sur la mesure ou la consistance de l'immeuble et les vices cachés qui entacheraient la vente ;

Sur l'enrichissement sans cause de l'Etat :

Considérant qu'à supposer même que Me DUQUESNOY puisse rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement extra-contractuel de l'enrichissement sans cause, la SARL INVESTIME a diligenté des expertises dans le cadre de son projet de réhabilitation de l'immeuble, de sorte qu'elle ne s'est pas appauvrie sans cause quand bien même ce projet n'a pu aboutir ; qu'il n'est pas établi que l'administration en ait, elle-même, tiré profit à l'occasion de la revente de l'immeuble ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Me DUQUESNOY n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la SARL INVESTIME tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 3 955 970 euros en réparation du préjudice consécutif à la vente de l'ensemble immobilier dénommé « Le Grand Magasin » à Lille ; qu'il n'est pas davantage fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 263 082,44 euros au titre des frais de diagnostics, des frais de vente et du montant de chèque de caution et de la mise en recouvrement de l'amende ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Me DUQUESNOY ès-qualité de liquidateur de la

SARL INVESTIME est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me DUQUESNOY ès-qualité de liquidateur de la SARL INVESTIME et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, et au directeur des services fiscaux du Nord-Lille.

N°06DA00698 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA00698
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Alain Stéphan
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MALLE BERNE TITRAN RUOCCO D'HUMIERES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-02-08;06da00698 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award