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04/04/2007 | FRANCE | N°05DA00413

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 avril 2007, 05DA00413


Vu le recours, enregistré le 18 avril 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 9701576 du 17 décembre 2004 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif de Rouen a réduit les bases de l'impôt sur le revenu assignée à M. Alain X au titre des années 1989 et 1990, à concurrence respectivement des sommes de 20 015 600 francs (3 051 358 euros) et de 8 614 320 francs (1 313 244 euros), et a prononcé la décharge des droits

et des pénalités correspondant à cette réduction ;

2°) de remettr...

Vu le recours, enregistré le 18 avril 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 9701576 du 17 décembre 2004 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif de Rouen a réduit les bases de l'impôt sur le revenu assignée à M. Alain X au titre des années 1989 et 1990, à concurrence respectivement des sommes de 20 015 600 francs (3 051 358 euros) et de 8 614 320 francs (1 313 244 euros), et a prononcé la décharge des droits et des pénalités correspondant à cette réduction ;

2°) de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de M. X ;

Il soutient que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la valeur de rachat par la société HDMI des actions détenues par M. X dans la société HDM, dès lors que ce rachat avait été effectué à un prix manifestement surévalué ; que le vérificateur a apporté la preuve de cette surévaluation en se fondant sur la combinaison de plusieurs méthodes d'évaluation et après avoir demandé l'avis de la direction nationale d'interventions domaniales ; que le tribunal administratif a écarté à tort la position de l'administration en commettant plusieurs erreurs d'analyse, notamment à propos de l'abattement de 20 % pour participation minoritaire appliqué par l'administration ; que la différence entre la valeur réelle des titres HDM et celle dont a bénéficié le contribuable est constitutif d'une libéralité octroyée délibérément par la société HDMI à son dirigeant ; que cet avantage occulte, au sens de l'article 111 c du code général des impôts, doit être considéré pour son bénéficiaire comme un revenu distribué imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sans avoir fiscal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2005, présenté pour M. Alain X, par le Cabinet G. J. Veyssade ; M. X conclut au rejet du recours et demande en outre à la Cour de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la notification de redressement du 15 novembre 1992 ne comporte aucune motivation en ce qui concerne l'intention de la société HDMI d'accorder une libéralité et ne fait aucune mention du prélèvement social de 1 % au titre de 1990 ; que, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'évaluation des titres non cotés doit être faite à partir des éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible que celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue ; que cette démarche doit conduire à utiliser la ou les méthodes d'évaluation les plus pertinentes et non, comme l'a fait l'administration, à multiplier les méthodes d'évaluation pour la plupart étrangères au secteur d'activité concerné ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur en estimant que l'estimation de l'administration devait être corrigée pour tenir compte de l'utilisation de multiples de capitalisation différents selon les méthodes mises en oeuvre, mais s'est borné à constater une évidence ; qu'en ce qui concerne l'abattement pour participation minoritaire, il convient de relever qu'une décote à ce titre ne doit être opérée que si le caractère minoritaire de la participation n'a pas déjà été pris en compte indirectement, comme cela a été le cas en l'espèce compte tenu des hypothèses très pénalisantes retenues par l'administration ; qu'en outre, lorsqu'une société entend obtenir la totalité du capital d'une autre société, les détenteurs de participations minoritaires disposent d'un pouvoir de négociation plus important qui, loin de conduire à l'application d'une décote, peut justifier une surcote ; que, de même, l'abattement pour absence de liquidité est, au cas particulier, totalement injustifié ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, le rendement espéré n'est pas un critère déterminant d'acquisition d'actions ; que la réalisation d'une plus-value ne pouvait être exclue compte tenu de l'évolution passée de la société ; qu'ainsi, l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale réelle des titres de la société HDM ; que, pas davantage, elle n'apporte la preuve de l'intention de la société HDMI de lui octroyer une libéralité et de son intention de la recevoir ; qu'en effet, une quelconque complaisance de la société HDMI à l'égard du vendeur compte tenu de sa position au sein du groupe Eurocom n'est pas envisageable en raison du poids des actionnaires étrangers, majoritaires en voix, dans ce groupe ; que les prix obtenus par les vendeurs sont le résultat de négociations normales, ceux qui ont obtenu les meilleurs prix étant ceux qui avaient la meilleure connaissance du marché et des données particulières à l'entreprise ; qu'il convient enfin de rappeler que l'enquête préliminaire diligentée par le parquet de Nanterre à la suite de la transmission du dossier par l'administration a abouti à un classement sans suite le 7 novembre 1996 ;

Vu l'ordonnance du 20 mars 2006, portant clôture de l'instruction au 20 avril 2006 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 avril 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui conclut aux mêmes fins que le recours par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les conclusions de l'administration sont limitées au rétablissement de l'impôt sur le revenu à l'exclusion du prélèvement social de 1 % au titre de 1990 ; que la notification de redressement, qui comportait les motifs de fait et de droit justifiant le redressement opéré et permettait au contribuable de faire valoir utilement ses observations, était suffisamment motivée ; que l'abattement de 20 % pour participation minoritaire est parfaitement justifié compte tenu du faible pourcentage de capital représenté par le paquet d'actions cédé par

M. X ; que, de même, un abattement pour absence de liquidité a été appliqué à bon droit ; qu'en minorant la valeur de vente des actions HDM à M. X et en valorisant à l'extrême leur rachat dans un délai très bref, la société HDMI a manifesté l'intention d'accorder une libéralité à son dirigeant ; qu'en outre, aucun argument, sinon l'espérance de plus-value pour M. X, ne justifiait les cessions d'actions, puis leur rachat ; que les différences de prix constatées entre les cessions effectuées par les dirigeants de la société HDM et celles concernant les cadres de l'entreprise s'expliquent par la qualité des vendeurs et marquent bien l'intention de libéralité à l'égard des dirigeants ;

Vu l'ordonnance du 27 avril 2006, reportant la clôture de l'instruction au 31 mai 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2006, présenté pour M. X qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que le redressement concernant la valeur de cession des actions HDM n'a été ni discuté, ni même évoqué avant sa notification, de sorte qu'a été méconnu le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de situation fiscale personnelle en vertu de la charte du contribuable vérifié ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et

M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;

- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Alain X, alors président du conseil d'administration des sociétés HDMI et HDM, filiales de la société Eurocom, a cédé à la société HDMI, au cours des années 1989 et 1990, pour un prix unitaire de 6 985 francs, les 8 800 actions qu'il détenait dans le capital de la société HDM et qu'il avait acquises en 1984, au prix unitaire de 262 francs, et en 1987, au prix unitaire de 752,95 francs, dans le cadre d'un plan d'actionnariat avec promesse de rachat ; qu'à l'occasion d'une vérification de la comptabilité de la société Eurocom, venant aux droits de la société HDMI, l'administration a estimé que le montant de ces transactions, soit au total 61 468 000 francs, était excessif dès lors que la valeur de chaque action ne pouvait, selon elle, excéder 1 201 francs pour 1989 et 2 146 francs pour 1990 ; qu'elle a, en conséquence, regardé l'écart entre la valeur estimée des actions cédées et leur prix de cession comme une libéralité consentie sans contrepartie par la société HDMI à son dirigeant et a soumis à l'impôt sur le revenu l'avantage ainsi octroyé au nom de M. X, au titre des années 1989 et 1990, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts ; qu'à la suite de la réclamation présentée par M. X, l'administration, après avoir recueilli l'avis du service de contrôle des valeurs mobilières (SCVM) de la direction nationale d'interventions domaniales, a admis que la valeur des titres devait être portée à 2 436 francs pour l'année 1989 et à 4 416 francs pour l'année 1990 ; qu'au cours de la procédure devant le tribunal administratif, elle a, en outre, admis une erreur dans la méthode d'évaluation, conduisant à porter la valeur du titre à 5 027,20 francs pour l'année 1990 ; que, par jugement du 17 décembre 2004, le Tribunal administratif de Rouen, estimant que l'administration n'apportait pas la preuve de l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des titres cédés, a déchargé M. X des droits et pénalités correspondant à une réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de 20 015 600 francs (3 051 358 euros) au titre de l'année 1989 et de 8 614 320 francs (1 313 244 euros) au titre de l'année 1990 ; que, dans cette mesure, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE relève appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c) les rémunérations et avantages occultes » ;

Considérant que la valeur vénale d'actions non cotées en bourse doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ;

Considérant que le ministre requérant soutient que les différentes méthodes d'évaluation mises en oeuvre et combinées par l'administration permettent de déterminer le prix des actions litigieuses avec une plus grande précision que par les approches retenues par les trois experts chargés d'évaluer à la demande de la société Eurocom le prix de ces titres au début des années 1989 et 1990 ; que, selon les rapports de ces experts, la valeur desdites actions pouvait être estimée entre 7 000 et

7 950 francs en 1989 et entre 9 378 et 10 000 francs en 1990 ; que l'administration, qui ne critique pas la pertinence des approches méthodologiques des experts privilégiant l'évaluation par la méthode du « price earning ratio » boursier et celle des flux de trésorerie, estime néanmoins nécessaire l'application à leurs évaluations de correctifs pour participation minoritaire et pour absence de liquidité des titres ; que, toutefois, elle ne justifie du bien-fondé ni d'une décote de minorité de 20 % appliquée à l'ensemble de ses estimations et non aux seules valorisations calculées à partir de transactions portant sur des blocs importants d'actions, ni d'un abattement de 33 % pour absence de liquidité, dès lors que dans le cadre du plan d'actionnariat proposé aux dirigeants du groupe HDM, ceux-ci bénéficiaient de la part de la société HDMI d'un engagement permanent de rachat, à une valeur de marché fixée à dire d'expert, de la totalité des actions qu'ils avaient acquises ; qu'il résulte en outre de l'instruction que l'administration a insuffisamment pris en compte dans ses évaluations les perspectives favorables du marché de la publicité jusqu'au début des années 1990 et le développement très rapide de la société HDM, devenue en 1989 le premier groupe français de conseil en communication après avoir multiplié par plus de treize son résultat net consolidé par rapport à 1985 ; que la circonstance que d'autres opérations de rachat d'actions au profit de cadres dirigeants de la société HDM ont été effectuées sur la base d'un prix par action inférieur à celui des cessions litigieuses ne suffit pas à démontrer la surévaluation du prix obtenu par M. X, les différences de prix constatés reflétant le pouvoir de négociation des vendeurs et leur niveau de connaissance du marché et des données particulières à l'entreprise ; que, dès lors, l'administration n'établit pas que lesdites cessions dissimuleraient un avantage accordé sans contrepartie par la société HDMI à M. X, constitutif de revenus distribués ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a accordé à M. X la décharge des impositions en litige ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. X d'une somme de 2 000 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Alain X.

Copie sera transmise au directeur chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

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N°05DA00413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05DA00413
Date de la décision : 04/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Stortz
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : CABINET G.J. VEYSSADE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-04-04;05da00413 ?
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