La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2007 | FRANCE | N°06DA00322

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 19 juin 2007, 06DA00322


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 février 2006 et confirmée par la production de l'original le 28 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT, dont le siège est avenue Jean Monnet, ZAC du Pont Loby à Dunkerque (59378 Cedex 01), représentée par Me Wiart, et Delezenne, mandataires judiciaires, par Me Soulier, avocat ; l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305210-0305981 du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté

ses demandes tendant, premièrement, à la décharge totale des cotisation...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 février 2006 et confirmée par la production de l'original le 28 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT, dont le siège est avenue Jean Monnet, ZAC du Pont Loby à Dunkerque (59378 Cedex 01), représentée par Me Wiart, et Delezenne, mandataires judiciaires, par Me Soulier, avocat ; l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305210-0305981 du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant, premièrement, à la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 1998 au 31 mars 1999 ainsi que les pénalités y afférentes et, deuxièmement, à la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 1998 au 31 mars 1999 ainsi que les pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'insuffisance de motivation de la notification de redressement est évidente ; que le Tribunal n'a rien répondu à ce sujet ; qu'il y a également insuffisance de motivation par l'absence d'indication explicite des motifs de droit fondant le redressement ; que la charge de la preuve de l'acte anormal de gestion pèse intégralement sur l'administration ; que l'administration a rejeté à tort deux factures de la SA Consultants Associés alors que les charges correspondant à ces factures ont été régulièrement comptabilisées et les factures correspondantes ont été produites à l'appui et présentées au service vérificateur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 août 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que la notification de redressement comporte bien l'ensemble des éléments évoqués dans la jurisprudence ; que les remarques relatives à la qualité de la comptabilité n'avaient qu'un caractère d'ordre général et que le Tribunal n'avait pas à se prononcer sur ce point ; que, s'agissant du bien-fondé des impositions, la requérante en cédant ses titres à un prix minoré s'est ainsi privée du profit qu'elle aurait raisonnablement pu espérer en retirer accomplissant par là même un acte anormal de gestion ; qu'au titre de l'exercice clos le 31 mars 1999, la société n'a pas comptabilisé la plus-value qu'elle aurait dû effectivement réaliser à l'occasion de la cession consentie à M. et Mme X ; que l'administration a apporté la preuve de l'anormalité du prix de cession des titres DSI à M. et Mme X qui peut être appréciée au regard des circonstances de fait constatées ; que ces circonstances témoignent de l'évidente insuffisance de valorisation du titre au moment de la cession ; que l'évaluation rectificative retenue constitue la seule valorisation de référence en ce qu'elle est dépourvue de toute subjectivité de la part de l'administration ; que, s'agissant des charges non justifiées, la preuve de la réalité des charges incombe au contribuable ; que les seuls libellés des factures ne permettent pas d'apprécier avec une précision suffisante la nature et la consistance des prétendues opérations de prospection commerciale facturées par la SA Consultants Associés et de s'assurer qu'elles relèvent de l'intérêt de l'exploitation ou d'une exploitation normale ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 31 mai 2007 et régularisé par la production de l'original le 1er juin 2007, présenté par l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- les observations de Me Soulier, pour l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. » ; qu'il ressort de ces dispositions qu'une notification de redressements est suffisamment motivée dès lors qu'elle indique l'impôt concerné, l'année, les bases et les motifs du redressement ;

Considérant qu'en indiquant dans la notification de redressement du 20 juin 2002 que l'écart entre le prix de cession par la société requérante des titres de la société DSI à M. et

Mme X pour une valeur unitaire de 100 francs et l'apport de ces mêmes titres à la holding HPC pour une valeur de 2 238 francs révélait l'anormalité du prix de vente des actions

aux époux X, l'administration fiscale a mis le contribuable à même de comprendre le sens du redressement et sa méthode d'évaluation de telle sorte qu'elle pouvait formuler toutes observations utiles, ce qu'elle a d'ailleurs fait par lettre en date du 19 juillet 2002 ; que, dès lors, la société requérante ne peut utilement soutenir que la notification de redressement serait insuffisamment motivée dès lors que le vérificateur se serait borné à évoquer une série de constatations sans préciser à quels exercices elles se rapportaient, que la méthode d'évaluation du redressement serait viciée ou que la notion d'acte anormal de gestion à laquelle il fait référence serait une construction jurisprudentielle ne suffisant pas à motiver en droit le redressement ; que les remarques d'ordre général relatives à la qualité de la comptabilité n'ayant eu aucune conséquence fiscale, ne permettent pas de considérer que la notification méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la cession de titres :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts rendu applicable en vertu de l'article 209 du même code : « 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à

43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation.(…) » ; qu'il ressort de ces dispositions que les sommes correspondant à la réalisation d'un acte anormal de gestion doivent être réintégrées dans les résultats d'une société pour la détermination de son bénéfice imposable ;

Considérant que l'assemblée générale de l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT a, par une délibération en date du 8 juin 1998, accepté le principe d'une cession, au prix unitaire de 100 francs, de 1385 parts de la société DSI à M. X, qui était alors à la tête de ces deux sociétés, et de 1810 actions de la société DSI à son épouse, également actionnaire de ces deux sociétés ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que ces titres ont été revendus par M. et Mme X pour un montant unitaire de 2 238 francs à l'occasion de la constitution de la holding HPC le 28 mai 1999 ; que par une notification de redressement en date du

20 juin 2002, l'administration fiscale a informé l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT qu'elle considérait que la vente des titres de la société DSI était intervenue pour un montant inférieur à leur valeur réelle et correspondait à un acte anormal de gestion, contraire à l'intérêt de l'entreprise ; qu'en conséquence, elle a réintégré dans les résultats de la société la vente des titres pour un montant unitaire de 2 238 francs ; que la société requérante soutient que l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve qu'elle a réalisé un acte de gestion anormal, dès lors que la valeur unitaire de vente de 100 francs des titres de la société DSI le 9 juin 1998 correspond à une valeur intermédiaire se situant entre la valeur du franc symbolique de ces titres en mars 1997 et la valeur de cession à 2 238 francs l'unité le 28 mai 1999 ; qu'elle ajoute que le 31 mars 1998, date de clôture du bilan, la société DSI affichait, au demeurant, encore des capitaux propres négatifs pour un montant de 423 646 francs ;

Considérant qu'à partir du mois de septembre de l'année 1997, l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT a soutenu financièrement la société DSI tant en mettant à sa disposition du personnel qu'en réglant ses fournisseurs et en abandonnant une créance d'un montant de 300 000 francs correspondant à l'augmentation de son capital en septembre 1997 ; qu'il suit de là que la valeur négative des capitaux propres de la société DSI ne s'élevait qu'à

423 646 francs au 31 mars 1998, date de clôture du bilan, alors qu'elle s'élevait à

1 169 828 francs au 31 mars 1997 et que le résultat de l'exercice de la période comprise entre le 1er avril 1997 et le 31 mars 1998 faisait ressortir un bénéfice de 746 182 francs contre une perte de 437 962 francs pour la période précédente ; qu'en outre, à partir de 1998, l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT a valorisé le fonds de commerce de la société DSI par l'ouverture d'une vingtaine de nouveaux magasins à l'enseigne «Point Cadres» dont la société DSI était le fournisseur exclusif ; que cette politique commerciale a été à l'origine de la progression du bénéfice net de la société DSI à compter du mois d'avril 1998 ; qu'ainsi, en comparant le prix de la cession des titres en cause, arrêté le 9 juin 1998 par la décision de l'assemblée délibérante de l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT pour un montant unitaire de 100 francs avec l'opération ultérieure de revente réalisée quelques mois après par

M. et Mme X à la holding HPC en date du 28 mai 1999 pour un montant de 2 238 francs l'unité, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, à sa charge, de ce que les titres de la société DSI ont été vendus pour un prix très inférieur à leur valeur réelle ; que la circonstance que la société requérante n'a pas cherché à dissimuler la cession litigieuse est inopérante dès lors qu'elle n'était pas tenue à l'époque de procéder à son enregistrement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve de la réalité de l'acte anormal de gestion doit être écarté ;

En ce qui concerne les charges déduites :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de

main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ; (…) » ; qu'il ressort de ces dispositions que pour ouvrir droit à déduction, les charges doivent avoir été exposées dans l'intérêt de l'exploitation ou se rattacher à une gestion normale de l'entreprise, être effectives, se traduire par une diminution de l'actif net de l'entreprise, et se rattacher à l'exercice au cours duquel elle a été engagée ;

Considérant que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des charges comptabilisées au titre de l'exercice clos le 31 mars 1999 correspondant à des factures concernant des voyages à l'étranger émises par la société Consultants Associés les 20 mai et

23 novembre 1998, pour des montants respectifs de 6 760 francs et de 82 981 francs ; que la seule circonstance que la société produise des factures comptabilisées en charges ne suffit pas à justifier du caractère déductible de celles-ci ; qu'ainsi, à défaut pour l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT de fournir des documents précisant la mission confiée à cette société, le moyen tiré de ce que les charges déduites relèvent de son exploitation normale doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL ANTICYCLONE DEVELOPPEMENT, à Me Wiart, mandataire judiciaire, à Me Delezenne, mandataire judiciaire et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°06DA00322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 06DA00322
Date de la décision : 19/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS PIERRE SOULIER - ARNAUD NINIVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-19;06da00322 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award